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T. COM. PARIS (2e ch.), 28 septembre 2004

Nature : Décision
Titre : T. COM. PARIS (2e ch.), 28 septembre 2004
Pays : France
Juridiction : TCom Paris. 2e ch.
Demande : 2003/072419
Date : 26/09/2004
Nature de la décision : Admission
Mode de publication : Lamyline
Date de la demande : 7/09/2003
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 CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 315

T. COM. PARIS (2e ch.), 28 septembre 2004 : RG n° 2003/072419

Publication : Lamyline

 

Extrait : « M. X., conteste la validité de la clause limitative de responsabilité figurant à l'article 7 des conditions générales de vente de CHRONOPOST au motif que cette clause serait abusive, réputée non écrite, en application des dispositions de la recommandation numéro 82-01 de la commission des clauses abusives. Le tribunal observe que M. X. ne saurait valablement invoquer en sa faveur les dispositions de cette recommandation relative à certaines clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs dans la mesure, où d'une part il reconnaît avoir eu clairement connaissance de cette clause, d'autre part il ne démontre nullement que sa limite non négligeable de 440 Euros caractériserait en l'espèce un abus de puissance économique ou un avantage excessif pour son cocontractant CHRONOPOST. Le tribunal dira donc que cette clause est valable, dès lors qu'elle a été connue et acceptée par M. X. et que sa limite ne peut être qualifiée en l'espèce de dérisoire puisqu'elle est supérieure à celle prévue au contrat type et que de surcroît Monsieur X. avait la possibilité d'assurer son colis, s'il l'estimait nécessaire, à hauteur d'un montant de 15.000 Euros. »

 

TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS

DEUXIÈME CHAMBRE

JUGEMENT DU 28 SEPTEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 2003/072419.

 

ENTRE :

Monsieur X.

[adresse], PARTIE DEMANDERESSE, assistée de Maître Laurent REBEYROL avocat et de Maître Aude BOURUET AUBERTOT, avocat, et comparant par Maître Nicole DELAY-PEUCH avocat

 

ET :

SA CHRONOPOST

[adresse], PARTIE DÉFENDERESSE, assistée de Maître Alain TINAYRE avocat, et comparant par Maître Marie-France DUFFOUR LUCET, avocat

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

OBJET DU LITIGE :

M. X. avait prévu, dans le cadre de la préparation de sa thèse de doctorat en droit, d'assister à une conférence à Philadelphie en juin 2000 ; à cet effet il adresse à l'ambassade des Etats-Unis à Paris sa demande de visa, son passeport et sa carte de séjour ainsi qu'une enveloppe retour de CHRONOPOST libellée à son adresse [rue X. ville A.], enveloppe confiée par l'ambassade à CHRONOPOST le 20 mai 2003. Le litige vient du fait que CHRONOPOST produit un document signé précisant que ce pli a été réceptionné le 22 mai à [ville A.], ville dans laquelle M. X. ne pouvait se trouver ce jour-là, selon de nombreux témoignages.

M. X. réclame diverse somme à CHRONOPOST qui conteste.

 

LA PROCÉDURE :

Par acte du 17 septembre 2003, M. X. assigne devant ce tribunal la société CHRONOPOST et lui demande de juger que la responsabilité contractuelle de cette dernière est engagée et au visa de l'article 1147 du Code civil […] la condamner à lui payer les sommes de 2.467 Euros au titre de son préjudice financier, 2.000 Euros au titre de son préjudice professionnel, 1.000 Euros au titre de son préjudice moral ; de juger que la clause limitative de responsabilité visée au contrat est abusive est réputée non écrite ; de condamner CHRONOPOST à lui payer la somme de 2.000 Euros au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Par conclusions du 16 mars 2004 et 22 juin 2004, la société CHRONOPOST demande au tribunal, au visa de ses conditions générales et des articles 1149 et suivants du Code civil, de déclarer M. X. irrecevable et à tout le moins mal fondé, de le débouter de l'ensemble de ses demandes, de constater que le préjudice allégué n'était pas prévisible lors de la conclusion du contrat, ni ne présente de caractère direct et immédiat au sens des articles 1149 et 1151 du Code civil ; subsidiairement, si le tribunal venait à accueillir la demande de réparation de M. X. et considérer le préjudice allégué prévisible et justifié en son principe et en son quantum, de juger que la clause limitative de responsabilité prévue au contrat n'est pas abusive et a vocation à s'appliquer ; condamner M. X. à lui payer 2.000 Euros au titre de l'article 700 du NCPC et aux dépens.

Par conclusions du 22 juin 2004 M. X. demande au tribunal de le juger bien fondé en sa demande, de juger que l'indemnité visée par la clause limitative de responsabilité est dérisoire au regard des préjudices subis ; que cette clause est abusive et réputée non écrite en application de la recommandation n° 82-01 de la commission des clauses abusives ; à titre subsidiaire de juger que CHRONOPOST a commis une faute lourde de nature à priver la clause limitative de responsabilité de tout effet ; en conséquence la condamner au visa des articles 1147 et 1150 du Code civil à réparer les préjudices tels que chiffrés dans son acte introductif d'instance.

 

LES MOYENS DES PARTIES :

M. X. fait valoir essentiellement :

- que le non respect de l'obligation de résultat (la livraison au destinataire) de CHRONOPOST est établi ;

- que la clause limitative de responsabilité visée au contrat est abusive conformément aux dispositions du code de la consommation et de la jurisprudence ; quelle est donc réputée non écrite ;

- démontre son préjudice matériel matérialisé [par] le coût de reconstitution de son passeport, de sa carte de séjour et par les dépenses engagées pour son voyage aux Etats-Unis et de son préjudice professionnel et moral, la perte des documents l’ayant obligé à renoncer à son voyage aux États-Unis et donc à valoriser sa thèse et à la possibilité de présenter ses travaux.

CHRONOPOST rétorque :

- que les parties sont liées par un contrat de transport dont les conditions générales sont opposables au destinataire et notamment la clause limitative de responsabilité prévues à l'article 7 qui énonce que la responsabilité de CHRONOPOST est engagée dans la limite de 440 Euros par colis, sur présentation de justificatifs ;

- que cette clause est licite en cas de perte, les articles L. 133-1 et suivants du code de commerce permettant au transporteur de limiter sa responsabilité, de même que les dispositions de la loi LOTI et notamment son article 8 § 2 qui renvoie éventuellement au contrat type qui prévoit les mêmes seuils d'indemnité à la charge du transporteur,

- que ces clauses sont valables dès lors qu'elles ont été connues et acceptées par le destinataire et qu'elles n'aboutissent pas à une indemnité dérisoire, ce qui est le cas en l'espèce ;

- que le code de la consommation ne prohibe les clauses de limitation de responsabilité que dans les contrats de vente et ne peut donc s'appliquer au contrat de transport objet du litige ;

- qu'en l'espèce il s'agit d'un « manquant » auquel s'applique la clause limitative de responsabilité ;

- qu'elle n'a pas commis de faute lourde.

M. X. rétorque que s'il est vraisemblable que la qualification à donner au contrat est celle de transport, les dispositions de la recommandation nº 82-01 de la commission des clauses abusives concernant les contrats proposés par les transporteurs terrestres et les commissionnaires de transport est parfaitement applicable au domaine du contrat de transport, cette commission recommandant que soient éliminées des contrats de transport les clauses ayant pour effet ou pour objet de fixer ou limiter à un chiffre trop bas l'indemnité due par le cocontractant professionnel en cas de perte, d'avarie ou de retard ; l'avarie n'étant pas contestée par CHRONOPOST l'indemnisation proposée est manifestement dérisoire au regard des préjudices évoqués ; le tribunal devra donc juger abusive et donc réputée non écrite la clause limitative de responsabilité du contrat de transport CHRONOPOST. Subsidiairement il ne pourra que constater l'existence d'une faute lourde de cette dernière qui ne s'est pas assurée de l'identité du destinataire, faute lourde qui de jurisprudence constante est de nature à priver la clause limitative de responsabilité de tout effet.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Sur la nature du contrat et la validité de la clause limitative de responsabilité :

Il ressort des documents versés aux débats et notamment des écritures de M. X. que la qualification de contrat de transport liant les parties n'est pas contestée (page 2 dernier alinéa de ses conclusions du 22 juin 2004), de même que CHRONOPOST admet que M. X. n'a pas reçu en personne le pli qui lui était destiné.

Le tribunal dira donc que les parties sont liées par un contrat de transport, que CHRONOPOST n'apportant pas la preuve qu'elle a livré en personne à M. X. le pli qui lui était destiné, la perte est intervenue pendant l'exécution du contrat de transport et que de ce fait la responsabilité du transporteur est engagée.

M. X., conteste la validité de la clause limitative de responsabilité figurant à l'article 7 des conditions générales de vente de CHRONOPOST au motif que cette clause serait abusive, réputée non écrite, en application des dispositions de la recommandation numéro 82-01 de la commission des clauses abusives.

Le tribunal observe que M. X. ne saurait valablement invoquer en sa faveur les dispositions de cette recommandation relative à certaines clauses insérées dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs dans la mesure, où d'une part il reconnaît avoir eu clairement connaissance de cette clause, d'autre part il ne démontre nullement que sa limite non négligeable de 440 Euros caractériserait en l'espèce un abus de puissance économique ou un avantage excessif pour son cocontractant CHRONOPOST. Le tribunal dira donc que cette clause est valable, dès lors qu'elle a été connue et acceptée par M. X. et que sa limite ne peut être qualifiée en l'espèce de dérisoire puisqu'elle est supérieure à celle prévue au contrat type et que de surcroît Monsieur X. avait la possibilité d'assurer son colis, s'il l'estimait nécessaire, à hauteur d'un montant de 15.000 Euros.

M. X. prétend que CHRONOPOST d'une part n'a pas respecté l'obligation essentielle du contrat, d'autre part a commis une faute lourde en sa qualité de professionnel du transport en remettant à un mauvais destinataire le pli qui aurait dû lui être remis et que de ce fait, la clause limitative de responsabilité lui serait, de jurisprudence constante, inopposable.

Le tribunal observe que le courrier confié à CHRONOPOST n'est jamais arrivé à son destinataire ce qui constitue un « manquant » qui doit être traité conformément au contrat de transport et que dans ce domaine la société CHRONOPOST n'assume aucune spécificité particulière qui la différencierait des autres voituriers qui pourrait justifier une dérogation au droit commun dans lequel les clauses limitatives de responsabilité sont licites (Cette clause est expressément prévue à l'article 15 du contrat type « messagerie » applicable à ce type de contrat).

La faute lourde ne pourrait en l'espèce être caractérisée que si le Tribunal considérait qu'elle pourrait résulter du fait que CHRONOPOST n'ait pas pris les mesures destinées à s'assurer de la vérification et de l'exactitude de l'identité du bon destinataire du pli. Le tribunal observe qu'en pratique la traçabilité de l'opération est suivie par code barre jusqu'à l'adresse de livraison qui doit être identifiée et que le contrat CHRONOPOST ne prévoit pas l'obligation de vérifier l'identité destinataire, en l'espèce celle de la personne qui s'est présentée comme étant le destinataire sous le nom d’[même prénom que le demandeur] à l'adresse indiquée en apposant sa signature numérique sur le bordereau litigieux, lequel n'est pas versé au débat en sorte que l'on ne peut savoir avec certitude si l'adresse mentionnée sur le bordereau est exacte. Il résulte de cet ensemble de constatations que le mode opératoire adopté par CHRONOPOST pour acheminer les colis qui lui sont confiés n'est pas critiquable, que les éléments d'une faute lourde ne sont pas réunis et que la clause limitative de responsabilité de CHRONOPOST est valable.

 

Sur le préjudice :

Il n'est pas contesté que M. X., absent d'Angoulême le jour où le pli a été livré, n'a pas reçu les documents qu'il contenait et que de ce fait, il doit être dédommagé de cette perte intervenue pendant l'opération de transport dans la mesure où cette perte était prévisible du moment de la conclusion du contrat.

 

Sur le préjudice financier :

M. X. évalue ce préjudice à 2.467 Euros soit :

- 700 Euros : billet d'avion aller-retour de Roissy Charles-de-Gaulle à Philadelphie et billet de train aller-retour Angoulême Roissy Charles-de-Gaulle : cette demande sera rejetée, ce type de préjudice n'étant pas prévisible au moment de la conclusion du contrat et de surcroît M. X. n'apportant aucune preuve qu'il n'ait pu obtenir le remboursement des billets en question.

- 867 Euros : annulation des frais d'hébergement aux Etats-Unis : cette somme représente le coût de la pension pendant six jours qui n'a manifestement pas pu être effectuée ; cette demande sera rejetée pour les mêmes motifs que ci-dessus.

- 200 Euros : frais de visa pour les Etats-Unis et divers : le tribunal retiendra la somme de 100 Euros montant du mandat adressé à M. X. à l'ambassade des Etats-Unis pour l'obtention de son visa.

- 400 Euros : frais de renouvellement de passeport et de carte de séjour : ces frais ne sont pas justifiés ; ils découlent directement de la perte des objets confiés lors de la conclusion du contrat ; le tribunal dira que ce préjudice était prévisible et le fixera forfaitairement à 150 Euros.

 

Sur le préjudice professionnel :

M. X. évalue ce préjudice à 2.000 Euros pour avoir perdu une chance de se présenter à une conférence internationale aux Etats-Unis. Le tribunal écartera cette demande d'indemnisation qui n'était pas prévisible au moment de la formation du contrat et qui de surcroît n'est pas démontrée.

 

Sur le préjudice moral :

M. X. évalue ce préjudice à 1.000 Euros ; le tribunal écartera cette demande pour les mêmes motifs que précédemment.

Le Tribunal, en conséquence de ce qui précède, évaluera le préjudice subi par M. X. à la somme de 250 Euros, montant des frais qu'il a dû exposer indûment en raison de la perte des objets confiés à CHRONOPOST. Il condamnera CHRONOPOST à lui payer cette somme à titre de dommages et intérêts et déboutera M. X. du surplus de ses demandes.

 

Sur l'article 700 du NCPC :

Le tribunal estimera équitable de condamner CHRONOPOST qui succombe partiellement à payer 750 Euros du chef de cette demande, et déboutera M. X. pour le surplus.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort,

Dit Monsieur X. partiellement fondé en ses demandes,

En conséquence condamne la SA CHRONOPOST à lui payer la somme de 250 euros à titre de dommages et intérêts,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Condamne la SA CHRONOPOST à payer à Monsieur X. la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Condamne la SA CHRONOPOST aux dépens dont ceux à recouvrer par le Greffe liquidés à la somme de : 74,82 EUROS TTC (dont TVA. 11,95 EUROS).

Messieurs MAURIAC, CHATIN, VIEILLEVIGNE et AUBERGER, Juges,

Monsieur ECK, Président de Chambre.