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CA AGEN (1re ch. civ.), 25 mars 2008 - 07/00459

Nature : Décision
Titre : CA AGEN (1re ch. civ.), 25 mars 2008 - 07/00459
Pays : France
Juridiction : Agen (CA), 1re ch. civ.
Demande : 07/00459
Décision : 276/08
Date : 25/03/2008
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Lamyline
Décision antérieure : TI MARMANDE, 1er février 2007
Numéro de la décision : 276
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 3231

CA AGEN (1re ch. civ.), 25 mars 2008 : RG n° 07/00459 ; arrêt n° 276/08

Publication : Juridice-Legifrance

 

Extrait : « Au cas d’espèce, il apparaît que M. X. est exploitant agricole à titre personnel. Il a souscrit un contrat de location pour une durée de 48 mois ferme de matériel informatique lui permettant de se connecter sur le site Internet afin d’y effectuer de la publicité pour faire connaître son activité et vendre ses produits. C’est ainsi qu’a été créé un site « FERME DU Y. » - Produits Biologiques – Production – Transformation - Vente. Le nom et l’adresse de l’intimé figurent en marge du site ; Après une présentation du site et un argumentaire sur l’AGRICULTURE BIO, on trouve sous l’intitulé PRODUITS, un catalogue de produits et leurs tarifs (huile de Tournesol, huile colza, vinaigre de cidre, mélange pour volailles, veau par quartier, etc.) et enfin sur une dernière page CONTACT les éléments permettant de solliciter des renseignements par divers modes (mail, téléphone ou courrier) ;

Il est manifeste que M. X. entendait utiliser son site Internet à des fins professionnelles, les produits qu’il présentait étant destinés à la vente puisqu’on y trouve notamment des informations sur les quantités et les tarifs des produits vendus ; M. X., exploitant agricole, ne peut donc contester que le contrat a été souscrit par lui pour les besoins de son activité professionnelle et non pour un usage privé alors en effet que ce contrat était destiné à mettre en place un site Internet ayant pour objet d’améliorer la communication avec son exploitation agricole et par conséquent d’augmenter son chiffre d’affaires et sa marge bénéficiaire. Eu égard à cette vocation professionnelle et en l’absence de toute manifestation de volonté des parties de soumettre leur relation aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, le contrat litigieux n’est pas visé par la législation protectrice du dit code ».

 

COUR D’APPEL D’AGEN

CHAMBRE CIVILE

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 25 MARS 2008

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 07/00459. ARRÊT n° 276/08. Prononcé par mise à disposition au greffe conformément au second alinéa de l’article 450 et 453 du nouveau Code de procédure civile le vingt cinq mars deux mille huit, par René SALOMON, Premier Président, LA COUR D’APPEL D’AGEN, 1ère Chambre dans l’affaire,

 

ENTRE :

SA KBC LEASE FRANCE

prise en la personne de son représentant légal actuellement en fonctions domicilié en cette qualité au siège, Dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP TESTON-LLAMAS, avoués, assistée de Maître Annie ALAGY du Cabinet d’Avocats ALAGY-BRET, avocats, APPELANTE d’un jugement rendu par le Tribunal d’Instance de MARMANDE en date du 1er février 2007, D’une part,

 

ET :

Monsieur X.

Demeurant [adresse], représenté par la SCP A. L. PATUREAU & P. RIGAULT, avoués, assisté de Maître Marie-Hélène THIZY de la SELARL AVOCATS-SUD, avocats, INTIMÉ, D’autre part,

 

a rendu l’arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique, le 19 février 2008, devant René SALOMON, Premier Président (lequel a fait un rapport oral préalable), Chantal AUBER, Conseiller et Françoise MARTRES, Conseiller, assistés de Dominique SALEY, Greffier, et qu’il en ait été délibéré par les magistrats du siège ayant assisté aux débats, les parties ayant été avisées par le Président, à l’issue des débats, que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe à la date qu’il indique.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

M. X. a souscrit le 17 novembre 2005 un contrat de location d’un matériel informatique pour une durée de 48 mois ferme moyennant le paiement de 48 mensualités de 125,58 €, matériel choisi auprès d’un fournisseur la société CORTIX ;

Le contrat identifiait trois bailleurs potentiels parmi lesquels la société KBC LEASE FRANCE ;

L’article premier des conditions générales du contrat stipulait que « le locataire reconnaît au fournisseur le droit de transférer la propriété des équipements et de céder les droits résultant du présent contrat au profit d’un cessionnaire et il accepte dès aujourd’hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l’accord du cessionnaire. Le locataire ne fait pas de la personne du cessionnaire une condition de son accord. Le locataire sera informé de la cession par tous moyens et notamment par le libellé de la facture unique de loyers ou de l’avis de prélèvement qui sera émis » ;

Le même jour M. X. a signé une autorisation de prélèvement sur laquelle le cadre réservé au nom et à l’adresse du créancier était laissé en blanc ;

Le matériel a été livré, installé et mis en service le 24 novembre 2005 ;

M. X. n’ayant pas réglé les mensualités, la société KBC LEASE FRANCE lui a adressé une mise en demeure puis l’a assignée devant le juge d’instance de MARMANDE pour voir constater la résiliation du contrat, le condamner au paiement d’une somme de 6.538,01 € TTC comprenant des loyers impayés, les intérêts de retard, les loyers à échoir et l’indemnité de résiliation outre les intérêts de droit à compter de l’acte introductif d’instance et les frais irrépétibles. Cette société demandait en outre la restitution du matériel objet de la location au besoin sous astreinte ;

Par jugement en date du 1er février 2007, le juge d’instance de MARMANDE a prononcé la nullité du contrat du 17 novembre 2005 et a débouté la société KBC LEASE FRANCE de l’ensemble de ses demandes en la condamnant au paiement d’une somme de 1.000 € sur le fondement de l’article 700 du nouveau Code procédure civile ;

Le premier juge a considéré que le locataire devait être assimilé à un consommateur qui devait bénéficier des dispositions protectrices des articles L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la consommation qui interdit toute contrepartie financière pendant le délai de réflexion de sept jours alors qu’au cas d’espèce M. X. avait signé simultanément le contrat de location et une autorisation de prélèvement bancaire, cette souscription le jour même de la signature du contrat principal constituant une contrepartie financière proscrite par les dispositions légales ;

 

La société KBC LEASE FRANCE a relevé appel de ce jugement dans des conditions de délais et de forme qui ne sont pas contestées ;

Au soutien de son appel, elle fait valoir que c’est à tort que le juge d’instance a cru devoir appliquer au cas d’espèce les dispositions du Code de la consommation ;

Elle indique que le débiteur a apposé sa signature sur le contrat de location de sorte qu’il a pris connaissance des clauses qui y figurent et qui l’engagent contractuellement. Au cas d’espèce l’objet du contrat était de permettre d’étendre l’activité professionnelle du contractant qui ne peut pas être considéré comme non professionnel de sorte que les dispositions du Code de la consommation ne lui sont pas applicables. Il est établi que le débiteur voulait utiliser son site Internet à des fins professionnelles pour effectuer de la publicité et faire connaître son activité et vendre des produits ;

En outre, il n’apporte pas la preuve que son consentement aurait été vicié lors de la souscription du contrat ;

Cette société demande la réformation du jugement, la Cour devant constater la résiliation du contrat de location aux torts de l’intimée qui sera condamnée à lui verser la somme de 6.538,01 € TTC outre les intérêts de droit à compter de l’acte introductif d’instance ainsi qu’une somme de 800 € en application de l’article 700 du Code procédure civile. En outre, la Cour condamnera M. X. à lui restituer le matériel objet de la location aux lieu et place qui seront fixées par elle dans les deux mois suivant le prononcé du jugement et ce, sous astreinte de 150 € par jour de retard le délai commençant à courir à compter de la date qui sera fixée pour la restitution ;

 

En défense, M. X. fait valoir qu’il n’existe aucun lien contractuel entre lui-même et cette société KBC LEASE FRANCE alors, que subsidiairement, il n’a jamais été valablement informé de la cession par l’envoi d’une facture unique de loyers de sorte que la cession de créances qui serait intervenue entre la société CORTIX et la société KBC LEASE France lui est inopposable ;

Encore plus subsidiairement, il persiste à soutenir que les dispositions du Code de la consommation sont applicables au cas d’espèce alors en effet qu’il est exploitant agricole et que la réalisation d’un site Internet n’a aucun rapport direct avec cette activité d’agriculteur de sorte qu’il doit être considéré comme un consommateur ou un non professionnel ;

À titre encore plus subsidiaire il conteste le montant de la clause pénale insérée au contrat au regard de la jurisprudence applicable en la matière ;

Il sollicite le paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Sur la qualité à agir de la société KBC LEASE France :

Le premier juge a fait une exacte appréciation des clauses contractuelles et en particulier de l’article 1er des conditions générales qui prévoit expressément que « le locataire reconnaît au fournisseur le droit de transférer la propriété des équipements et de céder les droits résultant du contrat au profit d’un cessionnaire et il accepte dès aujourd’hui ce transfert sous la seule condition suspensive de l’accord du cessionnaire. Le locataire ne fait pas de la personne du cessionnaire une condition de son accord et il sera informé de la cession par tout moyen et notamment par le libellé de la facture unique de loyers ou de l’avis de prélèvement qui sera émis ». Il est également indiqué que « Les sociétés susceptibles de devenir cessionnaires du présent contrat de location sont notamment et sans que cette énumération soit limitative les suivantes : la société LOCAM et la société KBC LEASE FRANCE ».

Comme le fait remarquer justement la société KBC LEASE France, ces stipulations contractuelles sont dérogatoires aux dispositions de l’article 1690 du Code civil dont les dispositions ne sont pas impératives. M. X. ne peut donc prétendre ignorer la qualité de bailleresse de la société KBC LEASE FRANCE alors au surplus qu’il a été informé de la cession par la réception d’une facture de loyer qui reprenait les date et montant des loyers prélevés sur son compte bancaire. C’est ce que le premier juge a fort justement relevé en considérant que la cession du contrat de location lui était régulièrement opposable et M. X., en vertu des dispositions contractuelles s’était engagé à ne pas faire de la personne du cessionnaire une condition de son accord.

 

Sur l’application des dispositions du Code de la consommation :

Le premier juge a estimé qu’il n’était pas fait état dans le contrat de l’objet auquel le locataire voulait affecter le matériel informatique pris en location de sorte qu’il n’était pas possible au cessionnaire de soutenir que le contrat qui visait la mise en place d’un site Internet, avait un but professionnel consistant en la surveillance de l’augmentation du chiffre d’affaires de l’entreprise dans la mesure où de son côté le locataire affirmait que l’intérêt recherché était strictement d’ordre privé. Il en a déduit que le locataire devait être considéré comme un consommateur auquel s’appliquaient les dispositions des articles L. 121-25 et L. 121-26 du Code de la consommation qui interdit toute contrepartie financière pendant le délai de réflexion de sept jours.

Or, il n’était pas contesté en l’espèce que M. X. avait signé simultanément le contrat de location et une autorisation de prélèvement bancaire ;

Au cas d’espèce, il apparaît que M. X. est exploitant agricole à titre personnel. Il a souscrit un contrat de location pour une durée de 48 mois ferme de matériel informatique lui permettant de se connecter sur le site Internet afin d’y effectuer de la publicité pour faire connaître son activité et vendre ses produits.

C’est ainsi qu’a été créé un site « FERME DU Y. » - Produits Biologiques – Production – Transformation - Vente. Le nom et l’adresse de l’intimé figurent en marge du site ;

Après une présentation du site et un argumentaire sur l’AGRICULTURE BIO, on trouve sous l’intitulé PRODUITS, un catalogue de produits et leurs tarifs (huile de Tournesol, huile colza, vinaigre de cidre, mélange pour volailles, veau par quartier, etc.) et enfin sur une dernière page CONTACT les éléments permettant de solliciter des renseignements par divers modes (mail, téléphone ou courrier) ;

Il est manifeste que M. X. entendait utiliser son site Internet à des fins professionnelles, les produits qu’il présentait étant destinés à la vente puisqu’on y trouve notamment des informations sur les quantités et les tarifs des produits vendus ;

M. X., exploitant agricole, ne peut donc contester que le contrat a été souscrit par lui pour les besoins de son activité professionnelle et non pour un usage privé alors en effet que ce contrat était destiné à mettre en place un site Internet ayant pour objet d’améliorer la communication avec son exploitation agricole et par conséquent d’augmenter son chiffre d’affaires et sa marge bénéficiaire. Eu égard à cette vocation professionnelle et en l’absence de toute manifestation de volonté des parties de soumettre leur relation aux dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile, le contrat litigieux n’est pas visé par la législation protectrice du dit code ;

Il en résulte que l’ensemble des clauses visées dans le contrat doit recevoir application.

 

Les conséquences :

M. X. a accepté et signé ce contrat en pleine connaissance de cause et ne peut aujourd’hui contester la clause de résiliation contractuelle insérée dans ce contrat ;

La société KBC LEASE France ne fait que solliciter la stricte application du contrat de location lequel a été conclu pour une durée déterminée de 48 mois irrévocables. Aux termes de ce contrat, dès lors que le débiteur n’a pas respecté ses engagements, la résiliation anticipée du contrat est prononcée à ses torts et entraîne la condamnation du débiteur à verser les intérêts de retard, le montant des loyers restant à échoir et l’indemnité de résiliation. M. X. a accepté et signé cet engagement lequel constitue la réparation du préjudice subi par la société KBC LEASE France laquelle a procédé à l’achat des matériels auprès du fournisseur. Il ne peut être contesté qu’elle subit un manque à gagner du fait notamment que le débiteur est en possession du matériel loué, sa demande devant s’analyser comme une faculté de dédit et non comme une clause pénale ;

Il en résulte en conséquence que la société KBC LEASE France est en droit de solliciter la condamnation de M. X. au paiement des sommes qu’elle réclame avec les intérêts de droit à compter de l’acte introductif d’instance outre la restitution du matériel objet de la location dans les conditions visées au dispositif ;

Il serait inéquitable de laisser à la charge de cette société les frais irrépétibles non compris dans les dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme la décision déférée en ce qu’elle a jugé que la société KBC LEASE FRANCE avait qualité à agir, la cession du contrat de location étant opposable au locataire ;

Infirme pour le surplus ;

Constate la résiliation du contrat de location aux torts de M. X. ;

Condamne M. X. à payer à la société KBC LEASE FRANCE la somme de 6.358,01 € TTC avec les intérêts de droit à compter de l’acte introductif d’instance outre la somme de 500 € en application de l’article 700 du Code procédure civile ;

Condamne M. X. à restituer à la société KBC LEASE FRANCE le matériel objet de la location aux lieu et place qui seront fixés par cette société, dans les deux mois suivant le prononcé de l’arrêt et ce sous astreinte de 100 € par jour de retard, le délai commençant à courir à compter de la date fixée pour la restitution ;

Condamne M. X. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP TESTON-LLAMAS, avoués, aux offres de droit.

Le présent arrêt a été signé par René SALOMON, Premier Président, et par Dominique SALEY, Greffier.

Le Greffier,                  Le Premier Président,