CA RENNES (2e ch. com.), 20 janvier 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 3291
CA RENNES (ch. com.), 20 janvier 2009 : RG n° 07/07013 ; arrêt n° 21
Publication : Legifrance
Extraits : 1/ « Pourtant, l’action du Ministre chargé de l’économie, exercée en application de l’article L. 442-6-III du Code de commerce et tendant à la cessation de pratiques restrictives de concurrence ainsi qu’à la constatation de la nullité de clauses ou de contrats illicites, à la répétition des sommes indûment versées en exécution de ces dispositions contractuelles annulées et au prononcé d’une amende civile, n’est pas une action de substitution mais confère à l’administration un droit d’action autonome ayant pour finalité d’assurer la protection du fonctionnement marché et du libre jeu de la concurrence. Cette action, engagée par le Ministre contre l’opérateur accusé de pratiques restrictives de concurrence afin d’obtenir la sanction de son comportement, n’est dès lors pas soumise au consentement ou à la présence à la cause du cocontractant, fut-il victime de ces pratiques.
La SCA-OUEST ne peut davantage soutenir que l’absence à la cause de la société fromagère de BELLEVUE l’aurait privée de son droit d’interroger les témoins à charge reconnu par l’article 6-3- d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme. La Cour admet en effet que l’action du Ministre de l’économie, en ce qu’elle tend à l’application à l’initiative des autorités publiques de mesures à caractère punitif afin de sanctionner un comportement susceptible de troubler l’ordre public économique, constitue une accusation de nature pénale au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont l’article 6-3-d est donc applicable à la cause, mais elle observe aussi que les dispositions du Code de procédure civile offraient à la SCA-OUEST la possibilité de prendre elle-même l’initiative de faire intervenir son cocontractant à l’instance si elle estimait qu’elle y avait intérêt afin de lui rendre le jugement commun, ou encore de provoquer son témoignage contradictoire en sollicitant une enquête civile, ce dont elle s’est abstenue, ou en produisant une attestation, droit dont elle a d’ailleurs usé en versant aux débats deux écrits de la société fromagère de BELLEVUE assimilables à des témoignages à décharge qui seront examinés ci-après. »
2/ « Pour autant, ce n’est pas parce que la rémunération convenue entre la centrale d’achat et le fournisseur n’opère pas de distinction entre les quatre prestations visées au contrat que l’avantage ne pourrait qu’être jugé globalement justifié et proportionné. »
3/ « Dès lors, le caractère manifestement disproportionné de la rémunération doit s’apprécier au regard de la valeur effective du service rendu et non des résultats obtenus. Or, le Ministre de l’économie, auquel incombe la charge de prouver l’existence des pratiques restrictives de concurrence invoquées, n’apporte aucun élément pouvant permettre à la Cour d’évaluer la nature et l’importance des prestations d’animation, de promotion et de publicité effectivement accomplies par la SCA-OUEST ou par les distributeur adhérant à la centrale d’achat afin de promouvoir les nouveaux produits faisant l’objet des contrats de coopération commerciale litigieux. La valeur du service rendu ne peut en effet se déduire du seul niveau des ventes du produit lancé, la médiocrité du chiffre d’affaires réalisé sur celui-ci au cours de la période d’exécution du contrat de coopération commerciale n’impliquant pas nécessairement que les prestations des distributeurs étaient elles-mêmes médiocres ou insuffisantes. »
4/ « Trois des quatre prestations que la SCA-OUEST s’était engagée à réaliser au profit de la société fromagère de BELLEVUE au titre des contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979 11 et 045980 étant fictives, le Ministre est parfaitement fondé à obtenir l’annulation des contrats en cause.
L’accomplissement de la seule prestation de diffusion de statistiques confère en effet à la rémunération perçue par l’appelante un caractère manifestement disproportionné au regard d’un service qu’elle n’a que très incomplètement rendu.
La décision des premiers juges sera donc à cet égard confirmée, sauf à préciser que la nullité de ces contrats est constatée et non prononcée.
Il en résulte que la rémunération indûment versée à la SCA-OUEST au titre des prestations fictives devra être restituée. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 20 JANVIER 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 07/07013. Arrêt n° 21.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, Madame Françoise COCCHIELLO, conseiller, Monsieur Joël CHRISTIEN, Conseiller, entendu en son rapport,
GREFFIER : Madame Béatrice FOURNIER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l’audience publique du 26 novembre 2008
ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Monsieur Yves LE GUILLANTON, Président, à l’audience publique du 20 Janvier 2009, date indiquée à l’issue des débats.
APPELANTE :
SA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE D’APPROVISIONNEMENT DE L’OUEST (SCAOUEST)
agissant poursuites et diligences de son Président du Conseil d’Administration pour ce domicilié audit siège [adresse], représentée par la SCP BAZILLE Jean-Jacques, avoués, assistée de Maître François REYE, avocat
INTIMÉE :
Madame LE MINISTRE D’ÉTAT - MINISTRE DE L’ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L’INDUSTRIE
représenté par Monsieur X., Directeur Régional de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, élisant domicile Cité administrative, [adresse]. [adresse], représentée par Monsieur Y., Inspecteur, suivant pouvoir
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
La société coopérative d’approvisionnement de l’ouest (SCA-OUEST), centrale d’achat des magasins hypermarchés exploités sous l’enseigne LECLERC, a conclu en 2001 et 2002 avec l’un de ses fournisseurs, la société fromagère de BELLEVUE, divers contrats de coopération commerciale.
Arguant de la fictivité de certaines des prestations prévues par ces contrats ou de la disproportion manifeste de l’avantage consenti par le fournisseur au regard des services rendus par les distributeurs, le Ministre de l’économie a, sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce, fait assigner la SCA-OUEST devant le Tribunal de Grande Instance à compétence commerciale de GUINGAMP à l’effet d’obtenir l’annulation desdits contrats ainsi que la répétition des sommes versées par la société fromagère de BELLEVUE et la condamnation de la centrale d’achat au paiement d’une amende civile de 200.000 €.
Par jugement du 21 mars 2006 confirmé sur contredit par arrêt de la Cour d’Appel de RENNES du 12 décembre 2006, le Tribunal de GUINGAMP s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce de SAINT-NAZAIRE, lequel a, par jugement du 24 octobre 2007 assorti de l’exécution provisoire :
- écarté diverses exceptions d’irrecevabilité de l’action du Ministre de l’économie et de nullité de la procédure,
- dit que les contrats de coopération commerciale litigieux portaient sur des prestations fictives ou procuraient à la SCA-OUEST un avantage manifestement disproportionné au service rendu,
- prononcé la nullité des contrats en cause,
- ordonné la répétition des sommes indûment versées par la société fromagère de BELLEVUE,
- condamné la SCA-OUEST à une amende civile de 200.000 €.
La SCA-OUEST a relevé appel de cette décision en demandant à la Cour :
- d’annuler l’assignation pour défaut de pouvoir du représentant du Ministre,
- d’annuler le procès-verbal des agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de la Loire-Atlantique faute pour eux d’avoir énoncé clairement l’objet de leurs investigations,
- de déclarer l’action en annulation des contrats et en restitution des sommes versées en exécution de ceux-ci irrecevables pour divers motifs de droit interne ou conventionnel liés à l’absence à la cause de l’une des parties au contrat,
- sur le fond, de débouter le Ministre de ses demandes faute de preuve de la fictivité des prestations prévues aux contrats litigieux ou de la disproportion manifeste des engagements respectifs des parties,
- de condamner le Ministre de l’économie au paiement d’une indemnité de 10.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
Le Ministre de l’économie, dispensé de représentation par avoué en application de l’article R. 442-1 du Code de commerce, conclut quant à lui à la confirmation du jugement attaqué.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la SCA-OUEST le 11 septembre 2008, et pour le Ministre de l’économie le 18 mai 2008.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Sur la régularité de la procédure :
Le Ministre chargé de l’économie tient de l’article L. 442-6 du Code de commerce la qualité d’agir devant la juridiction commerciale compétente contre l’auteur de pratiques concurrentielles restrictives mais il peut, en application du Décret du 12 mars 1987, déléguer sa signature en vue de la signature des actes relatifs à la mise en œuvre de ces poursuites.
En l’espèce, l’assignation a été délivrée le 16 décembre 2004 à la requête du Ministre de l’économie représenté par Monsieur Z., directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Côtes-d’Armor, lequel avait reçu, par arrêté ministériel du 27 mai 2004, délégation de signature de Monsieur A. qui a toutefois démissionné de ses fonctions de Ministre de l’économie, des finances et de l’industrie le 29 novembre 2004.
La SCA-OUEST fait donc pertinemment valoir que Monsieur Z. n’avait plus pouvoir de représenter le Ministre au jour où l’acte introductif d’instance a été délivré, dès lors que la délégation administrative de signature ne produit plus d’effet postérieurement à la cessation de fonctions du délégant.
Cependant, il résulte de la combinaison des articles 117 et 121 du Code de procédure civile que le défaut de pouvoir de celui assurant la représentation d’une partie au procès constitue une irrégularité de fond susceptible d’être couverte si sa cause a disparu au jour où le juge statue.
Or, en déléguant à son tour sa signature à Monsieur Z. par arrêté du 28 janvier 2005, Monsieur B., successeur de Monsieur A. dans les fonctions de Ministre en charge de l’économie, a nécessairement couvert l’irrégularité entachant l’assignation, de telle sorte que la cause de la nullité invoquée avait disparu lorsque le Tribunal de Commerce a rendu son jugement du 24 octobre 2007.
L’appelante ajoute aux dispositions de l’article 121 précitées une condition qu’elles ne contiennent pas en prétendant que la régularisation ne serait susceptible d’opérer que lorsque l’acte irrégulier est de nature conservatoire, alors qu’au jour où la nouvelle délégation de signature a couvert la nullité tirée du défaut de pouvoir du représentant du Ministre rien ne faisait encore obstacle à la régularisation de la procédure.
La SCA-OUEST n’est pas davantage fondée à réclamer l’annulation des procès-verbaux de déclaration et de prise de copie de documents dressés par les agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 19 mars 2004 au motif d’une prétendue violation du principe de loyauté de l’enquête.
Il résulte en effet des termes des procès-verbaux litigieux que les enquêteurs ont justifié de leur qualité auprès de la personne déclarant représenter la société en lui indiquant l’objet de leur enquête et en spécifiant que celle-ci était « relative au respect des dispositions du titre IV du livre IV du Code de commerce ».
Ces énonciations, qui valent jusqu’à preuve contraire, n’ont pas été efficacement contestées. Au demeurant, à ce stade de la procédure où aucune accusation n’avait encore été portée et où les agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes débutaient leurs investigations sans pouvoir entrer dans les détails d’une incrimination qu’ils n’étaient alors pas eux-mêmes en mesure de déterminer, le visa de l’ensemble des dispositions du Code de commerce relatives à la transparence et aux pratiques restrictives de concurrence ou prohibées prévenait suffisamment la personne entendue que ses déclarations et la remise des documents réclamés s’inscrivaient dans une enquête relative à des pratiques restrictives de concurrence, satisfaisant ainsi au principe de loyauté dans la recherche de la preuve.
Les premiers juges ont par conséquent écarté à bon droit les exceptions de nullité invoquées par la SCA-OUEST.
Sur la recevabilité de l’action :
La SCA-OUEST fait valoir que, lorsque le Ministre de l’économie agit en justice sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce, il se substitue à l’opérateur économique réputé trop faible pour prendre l’initiative d’une action, de sorte qu’agissant au nom et pour le compte de celui-ci, il doit en obtenir l’accord ou à tout le moins l’attraire à la procédure à l’effet de permettre au juge de constater que l’action n’a pas été engagée contre sa volonté.
Pourtant, l’action du Ministre chargé de l’économie, exercée en application de l’article L. 442-6-III du Code de commerce et tendant à la cessation de pratiques restrictives de concurrence ainsi qu’à la constatation de la nullité de clauses ou de contrats illicites, à la répétition des sommes indûment versées en exécution de ces dispositions contractuelles annulées et au prononcé d’une amende civile, n’est pas une action de substitution mais confère à l’administration un droit d’action autonome ayant pour finalité d’assurer la protection du fonctionnement marché et du libre jeu de la concurrence.
Cette action, engagée par le Ministre contre l’opérateur accusé de pratiques restrictives de concurrence afin d’obtenir la sanction de son comportement, n’est dès lors pas soumise au consentement ou à la présence à la cause du cocontractant, fut-il victime de ces pratiques.
La SCA-OUEST ne peut davantage soutenir que l’absence à la cause de la société fromagère de BELLEVUE l’aurait privée de son droit d’interroger les témoins à charge reconnu par l’article 6-3- d de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme.
La Cour admet en effet que l’action du Ministre de l’économie, en ce qu’elle tend à l’application à l’initiative des autorités publiques de mesures à caractère punitif afin de sanctionner un comportement susceptible de troubler l’ordre public économique, constitue une accusation de nature pénale au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme dont l’article 6-3-d est donc applicable à la cause, mais elle observe aussi que les dispositions du Code de procédure civile offraient à la SCA-OUEST la possibilité de prendre elle-même l’initiative de faire intervenir son cocontractant à l’instance si elle estimait qu’elle y avait intérêt afin de lui rendre le jugement commun, ou encore de provoquer son témoignage contradictoire en sollicitant une enquête civile, ce dont elle s’est abstenue, ou en produisant une attestation, droit dont elle a d’ailleurs usé en versant aux débats deux écrits de la société fromagère de BELLEVUE assimilables à des témoignages à décharge qui seront examinés ci-après.
D’autre part, en faisant plaider que le Ministre aurait violé le droit de son fournisseur à un procès équitable en s’abstenant d’appeler celui-ci à la cause, la SCA-OUEST méconnaît les dispositions de l’article 31 du Code de procédure civile dont pourtant elle se prévaut, faute de justifier d’une qualité pour revendiquer un droit au nom et pour le compte de la société fromagère de BELLEVUE.
En effet, si cette dernière justifie avoir un intérêt à la rétractation de la décision rendue à la demande du Ministre de l’économie ou remplir d’autres conditions d’ouverture de ce recours, il lui appartiendra de porter elle-même sa contestation en justice en formant tierce opposition.
Enfin, le moyen de la SCA-OUEST selon lequel l’absence à la cause du fournisseur rendrait impossible l’évaluation des sommes à restituer ne constitue nullement une fin de non-recevoir mais relève au contraire de la discussion sur la valeur des preuves produites par le Ministre et, partant, de l’examen au fond du litige auquel la Cour va à présent procéder.
Sur l’existence de pratiques restrictives de concurrence :
Il résulte de l’article L. 442-6- I- 2°- a devenu L. 442-6- I- 1° du Code de commerce qu’engage la responsabilité de son auteur et s’oblige à réparer le préjudice en découlant, le fait, pour un opérateur économique, d’obtenir de son partenaire commercial un avantage ne correspondant à aucun service commercial effectif ou correspondant à un avantage manifestement disproportionné au regard du service rendu.
La SCA-OUEST déduit à tort des termes du texte précité que la responsabilité du distributeur ne serait encourue que dans la seule hypothèse où le consentement de son partenaire commercial aurait été forcé à l’effet d’obtenir de lui un avantage indu ou disproportionné, alors que la Loi ne subordonne nullement son application à la démonstration du vice du consentement de la victime ou à l’existence de pression exercé à son encontre, mais a seulement pour finalité de sanctionner des pratiques restrictives de concurrence qui, profitant du principe de la liberté contractuelle, faussent le fonctionnement du marché en raison de la situation de dépendance économique de l’un des partenaires commerciaux à l’égard de l’autre.
L’appelante n’est pas davantage fondée à soutenir, pour échapper à sa responsabilité, que certaines des prestations litigieuses n’entreraient pas dans la compréhension des contrats de coopération commerciale tels que définis par l’article L. 441-7 du Code de commerce, alors que les contrats conclus avec la société fromagère de BELLEVUE en 2001 et 2002 sont antérieurs à l’entrée en vigueur des dispositions précitées issues de la Loi du 2 août 2005 et modifiées par la Loi du 3 janvier 2008.
Et en toute hypothèse, les services autres que ceux destinés à favoriser la commercialisation des produits vendus prévus par les contrats de coopération commerciale tels que définis par l’article L. 441-7 ne sont nullement exonérés de l’interdiction des pratiques restrictives de concurrence définies par l’article L. 442-6 dès lors qu’ils sont fictifs ou qu’ils ont donné lieu en contrepartie à des avantages disproportionnés.
Par divers contrats dits de « dynamique commerciale et promotionnelle régionale », la SCA-OUEST s’est engagée envers la société fromagère de BELLEVUE à favoriser l’augmentation des parts de marché ainsi que la promotion ou la valorisation des produits et de l’image du fournisseur auprès des consommateurs par des actions spécifiques développées dans le cadre régional définies dans les 9 conventions objets du litige de la manière suivante : pour les contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979 et 045980 : diffusion statistiques, test de merchandising et consommation, analyse d’assortiments, information sur le suivi des dates limites de vente ;
Pour les contrats n° 036273 et 036287 : amélioration des performances logistiques ;
Pour les contrats 036272 et 045982 : lancement à l’échelon régional de nouveaux produits du fournisseur.
La réalité de la prestation de diffusion statistique n’est pas discutée, mais le Ministre de l’économie soutient en revanche qu’aucun service n’a été rendu au titre du test de merchandising, de l’analyse d’assortiments et de l’information sur le suivi des dates limites de vente, que le service d’amélioration des performances logistiques est déjà rémunéré par une remise logistique portée sur les factures du fournisseur et que la rémunération de la prestation de lancement à l’échelon régional de nouveaux produits du fournisseur a constitué un avantage manifestement disproportionné au regard du service rendu.
Il sera liminairement observé que l’accomplissement effectif de la prestation de diffusion de statistiques ne saurait à elle-seule justifier l’avantage consenti par la société fromagère de BELLEVUE au titre des contrats no 036274, 036275, 036283, 045979 et 045980 si les autres services que la SCA-OUEST s’était engagée à fournir n’ont été rendus.
C’est en effet par une juste appréciation de chacune des prestations visées aux contrats litigieux que le Ministre de l’économie a été amené à considérer que la prestation de diffusion de statistiques avait été rendue et qu’il n’y avait donc pas lieu d’en faire le grief à la SCA-OUEST.
Pour autant, ce n’est pas parce que la rémunération convenue entre la centrale d’achat et le fournisseur n’opère pas de distinction entre les quatre prestations visées au contrat que l’avantage ne pourrait qu’être jugé globalement justifié et proportionné.
Les contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979 et 045980 créaient en effet à l’égard de la SCA-OUEST une obligation complexe caractérisée par l’engagement d’accomplir au bénéfice de la société fromagère de BELLEVUE quatre services distincts, de sorte que, pour l’application de l’article L. 442-6 du Code de commerce, il appartient à la Cour de vérifier distinctement si chacun de ces services a été rendu ou si celui ou ceux qui ont effectivement été rendus ne conféraient pas au distributeur un avantage disproportionné.
Par ailleurs, la SCA-OUEST produit deux attestations de satisfaction émanant de son fournisseur qui certifie que les factures émises à juste titre sur les années 2001 et 2002 sont en parfaite concordance avec (leurs) accords commerciaux, ce dont elle déduit que le témoignage du fournisseur attesterait de la réalité des services rendus et priverait à elles seules l’action du Ministre de l’économie de toute pertinence.
Cependant, si la société fromagère de BELLEVUE affirme qu’elle n’a pas réglé à la SCA-OUEST une rémunération supérieure à celle, assise sur le chiffre d’affaires, prévue aux contrats, il ne saurait se déduire des termes de son attestation la moindre appréciation sur la réalisation effective des services que le distributeur s’était engagé à lui fournir.
1. Test de merchandising
Les contrats et les factures y afférentes ne comportent sur la nature et le contenu de cette prestation aucune autre précision que celle résultant de sa dénomination générique ci-avant reproduite.
La SCA-OUEST expose que ce service consisterait à permettre à la société fromagère de BELLEVUE de tester la présentation de ses fromages dans les linéaires afin de déterminer le type de présentation le plus pertinent et de proposer aux distributeurs des plans de mise en linéaires aptes à accroître les ventes de ses produits.
Or, le directeur commercial de la société fromagère de BELLEVUE, entendu par les agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 1er août 2003, avait de son côté indiqué que des études de marketing comportant notamment des tableaux qui permettent d’optimiser en magasin la présentation des linéaires en fonction des attentes des consommateurs et donc de faire progresser le chiffre d’affaires du rayon étaient réalisées’au niveau de (son) entreprise et conduisaient ainsi à développer à l’égard des distributeurs des préconisations de présentation d’un certain nombre de références par type de produits, par région et par taille de magasin, lesquels devaient, avant une éventuelle extension du concept porteur en termes de chiffre d’affaires pour le rayon fromage, être testées dans trois ou quatre hypermarchés adhérents de la centrale d’achat SCA-OUEST.
Il ressort donc de ces explications que l’objectif de cette coopération commerciale est de faire supporter par le fournisseur l’élaboration d’un concept d’optimisation de la présentation du rayon fromage du distributeur pour en faire progresser le chiffre d’affaires, directement et globalement au bénéfice du distributeur, les fournisseurs alimentant le rayon, dont la société fromagère de BELLEVUE fait partie, n’en tirant qu’un bénéfice secondaire et partiel.
Le Ministre de l’économie fait par conséquent valoir avec raison qu’il ne s’agit pas là d’un service rendu par le distributeur à son fournisseur mais au contraire d’un service que le fournisseur se propose de rendre au distributeur, la circonstance que la SCA-OUEST offrait de mettre en œuvre ce concept à titre d’essai ne justifiant tout au plus que la gratuité du service mais non sa rémunération par le cocontractant qui fournit la prestation contractuelle.
D’autre part, le responsable commercial de la centrale d’achat entendu par les agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes le 19 mars 2004, affirmait que la prestation de sa société consistait à « permettre au fournisseur de tester ses produits lors de la mise en place ou de promotions quelconques dans (ses) magasins ».
Cette description du service révèle que, à la supposer réelle, la prestation offerte par le distributeur correspond à une tâche incombant à celui-ci (mise en place des produits vendus de façon habituelle dans le magasin) ou encore à des services rémunérés par ailleurs au titre d’autres contrats de coopération commerciale, la mise en place des produits nouvellement commercialisés étant déjà rémunérée au titre de la prestation de lancement de nouveaux produits et les promotions faisant l’objet de contrats spécifiques (réalisation de têtes de gondoles et d’actions promotionnelles ou de présentation du produit sur prospectus).
Enfin, le directeur commercial de la société fromagère de BELLEVUE a achevé sa déclaration du 1er août 2003 en précisant qu’il n’y avait « pas de résultats concrets à ce jour par rapport au test de concept que nous souhaitons promouvoir et si possible faire accepter aux distributeurs ».
Cet absence de résultats ne permet évidemment pas à lui seul d’établir que le service dont l’exécution incombait à la SCA-OUEST n’a pas été rendu, mais, ajouté à l’ensemble des éléments de preuve précédemment évoqués, il contribue à démontrer la fictivité de la prestation de « test merchandising et consommation » que l’appelante s’était engagée à réaliser au titre des contrats no 036274, 036275, 036283, 045979 et 045980 et pour laquelle elle a reçu rémunération.
1. Analyse d’assortiments
Cette prestation n’ayant pas davantage été définie dans les documents contractuels, la SCA-OUEST expose qu’il s’agissait selon elle de déterminer la gamme de produits du fournisseur susceptible d’être la plus pertinente d’un point de vue commercial, l’intérêt de ce dernier étant de pouvoir élaborer un assortiment de ses produits particulièrement adapté à la demande locale, à la taille du magasin et à la période de l’année en cause.
Mais le directeur commercial de la société fromagère de BELLEVUE a déclaré le août 2003 qu’il s’agissait « de la même prestation que les tests merchandising et consommation », précisant néanmoins que sa société développait surtout « un assortiment d’été et un assortiment d’hiver » du fait de la présence de produits à saisonnalité marquée comme la tartiflette ou la raclette.
Il s’en déduit donc que, comme pour la prestation de test de merchandising, l’objectif d’optimisation de la présentation du rayon fromage du distributeur pour en faire progresser le chiffre d’affaires ne constitue nullement un service rendu par le distributeur à son fournisseur, mais bien une prestation que le fournisseur, qui a lui-même développé une analyse du caractère saisonnier de sa propre gamme et en a tiré les conséquences relativement à l’élaboration des assortiments qu’il propose, offrait au distributeur.
Le responsable commercial de la SCA-OUEST a quant à lui déclaré le 19 mars 2004 que sa société dispose d’un service marketing-merchandising dont l’un des rôles est de définir en fonction des données du marché la structure d’assortiment idéal sur un secteur donné et sur une surface de magasin donnée et (que) cela permet au fournisseur d’obtenir ces informations pour ce qui est de ses produits.
Or, le Ministre de l’économie fait à juste titre observer que cette définition du contenu de la prestation d’analyse d’assortiments est comparable à celle donnée par la société fromagère de BELLEVUE pour le test merchandising et consommation, à ceci près que le directeur commercial du fournisseur a affirmé que c’était sa propre société qui avait développé une préconisation par type de fromages, par région et par taille de magasin d’un certain nombre de références.
Au demeurant, si des analyses d’assortiment, conformes au contenu défini par le responsable commercial de la SCA-OUEST avaient été faites et communiquées au fournisseur, le responsable commerciale de cette dernière en aurait nécessairement fait état, étant lui-même de par ses fonctions impliqué dans le processus d’élaboration des préconisations d’assortiments de gammes que sa société réalise pour son propre compte.
Il s’en évince que, si la centrale d’achat réalise de son côté des études d’assortiments pour le compte de ses adhérents, elle accomplit ainsi une prestation incombant aux distributeurs dans leur intérêt exclusif, mais elle ne rend aucun service réel au fournisseur qui dispose de sa propre étude.
Il est donc établi que la prestation d’analyse d’assortiments, que l’appelante s’était engagée à réaliser pour son fournisseur et contre rémunération au titre des contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979 et 045980, est fictive.
1. Information sur le suivi des dates limites de vente
Les conventions conclues entre la centrale d’achat et le fournisseur ainsi que les factures y relatives ne comportent aucune définition de la nature et du contenu de cette prestation. À cet égard, le directeur commercial de la société fromagère de BELLEVUE définit de cette prestation comme « la fourniture de tableaux par notre société qui présentent la durée correspondant à la date limite d’utilisation optimale pour les différents produits que nous fournissons et, d’autre part, une garantie de délais que nous assurons à l’entrepôt de ce client par rapport à la date limite d’utilisation optimale ».
Ainsi, telle que définie par le fournisseur, cette prestation s’analyse en une informations sur la durée de vie des produits qu’il communique à le SCA-OUEST doublée d’une garantie de délai de stockage en entrepôt calculée en fonction de la date limite de vente, de sorte qu’il ne s’agit donc pas d’un service rendu par le distributeur mais de l’inverse.
Le responsable commercial de la SCA-OUEST caractérise quant à lui ce service comme un système d’alerte relatif à la durée de vie des produits restant à courir informant les fournisseurs de l’approche des dates limites de vente afin de leur permettre de prendre toutes mesures idoines de destruction, de reprise ou d’animation promotionnelle.
Pourtant, le Ministre fait pertinemment valoir sans être utilement contredit que, la fourniture à la centrale d’achat ayant eu pour effet de transférer sur l’acquéreur la gestion des dates limites de vente des produits livrés, les mesures éventuelles à prendre pour prévenir la péremption du produit ou le retirer de la vente relèvent de la responsabilité du distributeur et non du fournisseur.
Pour pallier les incohérences des déclarations de son directeur commercial, la SCA-OUEST soutient devant la Cour que la société fromagère de BELLEVUE, qui ne pouvait avoir par elle-même connaissance des volumes de marchandises présents en magasin et de leur situation en terme de dates limites de vente, avait le plus grand intérêt à recueillir ces renseignements afin d’élaborer des évaluations des volumes de marchandises détruites en raison du dépassement de la date limite de vente et ainsi d’anticiper sur les volumes sur lesquels pourraient porter les reconductions de commandes et, partant, sur les conditions d’approvisionnement de la centrale d’achat.
Ce faisant, l’appelante opère une confusion entre les informations relatives aux produits en stock dans les magasins des distributeurs et celles se trouvant en stock dans son entrepôt, le service de suivi de la date limite de vente ne concernant que le stock de produits détenu par la centrale d’achat, lieu de leur livraison.
Or, l’information relative aux volumes de marchandises en stock dans l’entrepôt de la centrale d’achat et détruites en raison du dépassement de la date limite de vente ne permet nullement au fournisseur de déterminer si les difficultés d’ajustement de commandes de son client sont imputables à une gestion défectueuse de la politique d’achat de la centrale, des stocks détenus par cette dernière, ou encore d’un manque d’anticipation des distributeurs adhérant à la centrale.
De même, le fournisseur n’a pas la faculté d’utiliser pertinemment des informations relatives à l’approche de la date limite de vente pour organiser préventivement des opérations de promotion sur ses produits afin d’en stimuler la revente au consommateur final, alors qu’il résulte des pièces produites que les promotions décidées conjointement par la SCA-OUEST et la société fromagère de BELLEVUE en vertu de leurs contrats de coopération commerciale ne concernent que des actions promotionnelles programmées à l’avance et sont sans rapport avec l’atteinte des dates limites de consommation dont la gestion ne relève que de la seule responsabilité du distributeur.
La possibilité d’anticipation par le fournisseur des approvisionnements à l’entrepôt grâce aux informations sur les dates limites de vente n’est pas davantage pertinente puisque la gestion des commandes et des livraisons relève là encore de la seule responsabilité de la centrale d’achat qui profite déjà de l’engagement du fournisseur de livrer ses produits avec une garantie de délai par rapport à la date limite d’utilisation optimale des produits.
Enfin, il ressort de l’une des attestations établie par la société fromagère de BELLEVUE le 5 décembre 2005 à la demande de la SCA-OUEST que la centrale d’achat mettait à disposition de son fournisseur « un état des ventes de (ses) produits en magasin permettant de contrôler les dates limites de vente et de chiffrer les volumes pouvant être vendus aux consommateurs, le distributeur ayant défini une règle de retrait en linéaire 6 jours avant la date limite de consommation ».
Mais il ressort des autres pièces produites que l’état des ventes évoqué dans cette attestation ne résulte que de l’exécution de la prestation distincte de diffusion de statistiques définie par le responsable commercial de la société fromagère de BELLEVUE comme la communication (mensuelle) par SCA-OUEST des résultats des ventes de nos produits par les magasins E. LECLERC dépendant de cette centrale afin de vérifier le cas échéant que les engagements commerciaux pris par les magasins sont respectés.
Or, l’examen de ces états dont divers exemplaires ont été versés aux débats ne permettent en aucun cas d’obtenir une information sur le suivi des dates limites de vente des produits en magasin.
Il est donc établi que le service d’information sur le suivi des dates limites de vente des produits livrés prévu dans les contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979 et 045980 est fictif.
Amélioration des performances logistiques
Les contrats n° 036273 et 036287 portant sur cette prestation et les factures délivrées en application de ceux-ci ne comportent aucune précision relative à la nature et au contenu du service que la SCA-OUEST s’était engagée à accomplir.
Selon le directeur commercial de la société fromagère de BELLEVUE, cette prestation emportait obligation de la part du fournisseur « de communiquer des recommandations en terme de merchandising par rapport à (sa) connaissance de (son) secteur et de (ses) produits afin d’informer les distributeurs de la progression ou au contraire de la régression de la diffusion de ces produits ».
Ce service ainsi défini est donc rendu par le fournisseur à la centrale d’achat et non l’inverse.
À cet égard, l’appelante prétend que ce responsable de la société fromagère de BELLEVUE se serait mépris sur le sens de la question des agents de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, mais il sera pourtant observé que Monsieur C. a relu et néanmoins persisté dans ses déclarations avant de les signer, non sans avoir au préalable précisé que, selon lui, la dénomination du service n’est pas très adaptée.
Le responsable commercial de la SCA-OUEST a quant à lui déclaré que ce service revêtait le double aspect de permettre au fournisseur « de proposer des références de produits complémentaires à la structure d’assortiment permanente » et de constituer un stock additionnel dans l’entrepôt de la centrale d’achat plutôt que dans ses propres locaux.
Le Ministre de l’économie observe à juste titre la définition que les deux responsables commerciaux donnent de cette prestation est contradictoire et, à cet égard, le fait que deux partenaires commerciaux ne décrivent pas de manière identique la nature et le contenu de la prestation sur laquelle le contrat est censé porter constitue un indice de fictivité du service rendu par le distributeur au fournisseur.
En outre, la possibilité pour le fournisseur de proposer des produits au-delà de la structure d’assortiment permanente de sa gamme ne saurait être considérée comme un service spécifique justifiant une rémunération particulière du distributeur, alors que les produits nouveaux font par ailleurs l’objet de conventions spéciales de lancement de nouveaux produits donnant également lieu à rémunération de la SCA-OUEST.
D’autre part, le stockage des produits livrés dans les entrepôts de la centrale d’achat relève de l’activité ordinaire de cette dernière.
Il s’agit certes d’un service rendu au fournisseur permettant à celui-ci de se dispenser d’assurer la livraison terminale des distributeurs, ce que confirment au demeurant les termes de l’attestation établie par la société fromagère de BELLEVUE le 5 décembre 2005, mais ce service, qui n’est pas détachable de l’opération de vente, est déjà rémunéré par le fournisseur, lequel consent en application de ses conditions générales de vente une remise, dénommée « fonction entrepôt », de 5 % du prix prévu au tarif déduite de la facture de vente en contrepartie des commandes, livraisons et facturations globalisées sur entrepôts.
Ainsi, le service d’amélioration des performances logistiques prévu dans les contrats n° 036273 et 036287 n’a pas été rendu puisqu’il correspond à une prestation prévue et rémunérée par ailleurs.
1. Lancement de nouveaux produits
Les contrats n° 036272 et 045982 portant sur cette prestation fixent le montant de la rémunération à « 1 % du chiffre d’affaires » sans plus de précision et ne comportent pas davantage de précisions relatives à la nature et au contenu du service que la SCA-OUEST s’était engagée à accomplir, les factures délivrées en application de ceux-ci mentionnant toutefois le montant du chiffre d’affaires servant d’assiette au calcul de la rémunération.
À cet égard, selon l’analyse exempte de critique du Ministre de l’économie, cette rémunération a été facturée sur le chiffre d’affaires effectivement atteint au cours de la période considérée sur l’ensemble des produits de la gamme ou des gammes définies au contrat.
Le Ministre ne prétend pas que ce service, qui consistait selon les directeurs commerciaux des deux sociétés contractantes à réaliser diverses actions commerciales d’animations, de promotions et de publicité afin de promouvoir la diffusion de nouveaux produits, n’a pas été rendu, mais il soutient que l’avantage obtenu par la SCA-OUEST était manifestement disproportionné au regard du service rendu dès lors que :
Pour le contrat n° 036272, la rémunération perçue par la centrale atteignait 49,9 % du chiffre d’affaires réalisé sur le produit lancé pendant l’année d’exécution du contrat,
Pour le contrat n° 045982, les sommes versées par société fromagère de BELLEVUE sont plus de trois fois supérieures au montant des achats du produit lancé pendant cette même année.
Cependant, l’enquête de la direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes n’a pas été suffisamment approfondie pour établir que la rémunération de la prestation aurait dû être calculée sur le chiffre d’affaire réalisé sur le produit lancé et non sur l’ensemble de la gamme, alors que la facturation faisant explicitement l’assiette de calcul de la rémunération et que la société fromagère de BELLEVUE a attesté que les factures émises étaient « en parfaite concordance avec (leurs) accords commerciaux ».
Dès lors, le caractère manifestement disproportionné de la rémunération doit s’apprécier au regard de la valeur effective du service rendu et non des résultats obtenus.
Or, le Ministre de l’économie, auquel incombe la charge de prouver l’existence des pratiques restrictives de concurrence invoquées, n’apporte aucun élément pouvant permettre à la Cour d’évaluer la nature et l’importance des prestations d’animation, de promotion et de publicité effectivement accomplies par la SCA-OUEST ou par les distributeur adhérant à la centrale d’achat afin de promouvoir les nouveaux produits faisant l’objet des contrats de coopération commerciale litigieux.
La valeur du service rendu ne peut en effet se déduire du seul niveau des ventes du produit lancé, la médiocrité du chiffre d’affaires réalisé sur celui-ci au cours de la période d’exécution du contrat de coopération commerciale n’impliquant pas nécessairement que les prestations des distributeurs étaient elles-mêmes médiocres ou insuffisantes.
Aucune autre preuve convaincante ne venant corroborer ce simple indice tiré de l’absence ou de l’insuffisance des résultats obtenus, la Cour considère, contrairement à l’opinion des premiers juges, que le Ministre de l’économie n’a pas démontré l’existence d’une disproportion manifeste entre la prestation de lancement de produit nouveau accomplie en exécution des contrats n° 036272 et 045982 par la SCA-OUEST et la rémunération obtenue en contrepartie.
Sur la sanction des pratiques restrictives de concurrence :
Il résulte de l’article L. 442-6- III du Code de commerce que le Ministre de l’économie agissant en responsabilité contre l’auteur de pratiques restrictives de concurrence peut demander la cessation de ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou des contrats illicites, solliciter la répétition de l’indu et peut aussi réclamer le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder 2.000.000 €.
Trois des quatre prestations que la SCA-OUEST s’était engagée à réaliser au profit de la société fromagère de BELLEVUE au titre des contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979 11 et 045980 étant fictives, le Ministre est parfaitement fondé à obtenir l’annulation des contrats en cause.
L’accomplissement de la seule prestation de diffusion de statistiques confère en effet à la rémunération perçue par l’appelante un caractère manifestement disproportionné au regard d’un service qu’elle n’a que très incomplètement rendu.
La décision des premiers juges sera donc à cet égard confirmée, sauf à préciser que la nullité de ces contrats est constatée et non prononcée.
Il en résulte que la rémunération indûment versée à la SCA-OUEST au titre des prestations fictives devra être restituée.
À cet égard, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des éléments de la cause en retenant que la prestation de diffusion de statistiques effectivement accomplie n’avait pour contrepartie que le quart de la rémunération versée par la société fromagère de BELLEVUE et qu’en conséquence la SCA-OUEST devait être condamnée à la répétition des trois-quart de sa rémunération, soit :
- 30.575,73 € au titre du contrat n° 036274,
- 8.820,69 € au titre du contrat n° 036275,
- 28.525,69 € au titre du contrat n° 036283,
- 62.290,36 € au titre du contrat n° 045979,
- 11.896,56 € au titre du contrat n° 045980.
Par ailleurs, le service que la SCA-OUEST s’était engagée à réaliser au profit de la société fromagère de BELLEVUE au titre des contrats n° 036273 et 036287 n’ayant pas davantage été rendu, le Ministre est tout aussi fondé à obtenir l’annulation de ces contrats et la répétition de la somme versée au titre du contrat n° 036273.
Ces chefs de la décision des premiers juges seront donc également confirmés, sauf à préciser que la nullité des contrats illicites est constatée et non prononcée. Constatant que les premiers juges ont, dans le dispositif de la décision déférée, omis de statuer sur la répétition de la rémunération perçue au titre du contrat n° 036287, la Cour le complétera en ordonnant la restitution de la somme de 2.919,26 €.
En revanche, dès lors qu’il n’a pas été suffisamment démontré que l’avantage obtenu en contrepartie de la prestation de lancement de produits nouveaux était manifestement disproportionnée au regard du service rendu, les demandes du Ministre de l’économie en annulation des contrats n° 036272 et 045982 et en répétition des sommes versées à ce titre par la SCA-OUEST seront rejetées.
Le jugement attaqué sera en conséquence réformé en ce sens.
Les pratiques restrictives de concurrence de la SCA-OUEST ont, par leur ampleur, notablement et durablement troublé l’ordre public économique, en sorte que le Ministre de l’économie, qui en est le gardien, est fondé à réclamer le prononcé d’une amende civile substantielle à l’encontre de leur auteur.
La Cour, portant toutefois sur son montant une appréciation différente de celle des premiers juges, ramènera l’amende à 80.000 €.
Enfin, le présent arrêt étant rendu en dernier ressort, la demande d’exécution provisoire est vide de sens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 24 octobre 2007 par le Tribunal de Commerce de SAINT-NAZAIRE en ce qu’il a :
- dit que la rémunération de la prestation de lancement de produits nouveaux définie aux contrats n° 036272 et 045982 a constitué un avantage manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu par la SCA-OUEST, prononcé la nullité de ces deux contrats,
- ordonné la répétition des sommes de 4.712, 47 € et 9.544, 14 € versées en exécution de ces deux contrats,
- fixé le montant de l’amende civile à 200.000 € ;
Déboute le Ministre de l’économie de ses demandes d’annulation des contrats n° 036272 et 045982 et de répétition des sommes versées à ce titre ;
Condamne la SCA-OUEST au paiement d’une amende civile de 80.000 € ;
Confirme le jugement attaqué en ses autres dispositions, sauf à préciser que la nullité des contrats n° 036274, 036275, 036283, 045979, 045980, 036273 et 036287 a été constatée et non prononcée ;
Le complétant, ordonne la répétition de la somme de 2.919,26 € perçue par la SCA-OUEST au titre du contrat n° 036287 ;
Condamne la SCA-OUEST aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de toutes autres demandes contraires ou plus amples.
- 6162 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Convention européenne des Droits de l’Homme
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6175 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Charge de la preuve
- 6202 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Distribution - Services de coopération commerciale
- 6246 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Consentement
- 6247 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Mise en cause