CA NANCY (2e ch. civ.), 8 septembre 2011
CERCLAB - DOCUMENT N° 3323
CA NANCY (2e ch. civ.), 8 septembre 2011 : RG n° 08/02920
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2011-032142
Extrait : « Attendu que s'il n'est pas nécessaire que le matériel ait un rapport avec l'objet social encore faut-il que la location du matériel soit intervenue dans un cadre professionnel ;
Attendu en l'espèce, que s'il est exact, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges dans leurs décisions des 19 février, 18 mars et 16 décembre 2008, que Mme X., architecte de profession, a apposé sur les contrats d'abonnement de télésurveillance et de vidéo surveillance ainsi que sur les contrats de location des matériels d'équipement qu'elle a souscrits auprès de la Sarl Artys-Arge le 19 juillet 2005 et le 15 septembre 2005, son cachet professionnel, de même qu'elle a porté l'indication manuscrite de son numéro Siret et mentionné sa qualité de « patronne », pour autant ces éléments ne suffisent pas à caractériser l'existence, qu'elle conteste formellement, d'un rapport direct entre l'objet du démarchage et l'activité exercée ;
Qu'il sera observé d'une part que si une partie, d'ailleurs réduite, de l'immeuble de Mme X. était dédié l'exercice de son activité professionnelle, il ressort du plan qu'elle produit aux débats, que les éléments de télésurveillance et de vidéo-surveillance (caméra, radar infrarouge, et centrale trasmetteuse) ont été exclusivement installés dans l'entrée principale de l'immeuble affectée à l'habitation privée, à l'exclusion de l'entrée indépendante des locaux professionnels, la superficie du bureau à protéger étant d'ailleurs bien moindre que celle du domicile privé ; qu'il sera observé que si les contrats litigieux contiennent une clause suivant laquelle « les locaux dont l'abonné demande la télésurveillance et la vidéo surveillance sont ceux désignés dans le tableau joint, à l'exclusion de tout autre », les documents annexés relatifs au site à surveiller ne portent aucune indication ; que les sociétés intimées, qui ne contestent pas sérieusement la localisation des matériels de surveillance telle que désignée sur le plan produit par l'appelante, n'apportent aucun élément de nature à établir que les équipements auraient été implantés dans la partie professionnelle de l'immeuble ;
Qu'il résulte par ailleurs de l'attestation de Mme M., expert comptable, que Mme X. n'a déduit aucun frais professionnel au titre de la location des systèmes de télésurveillance et vidéo surveillance, ces frais étant pris en charge à titre privé dans leur intégralité ; Que les intimées qui prétendent que Mme X. leur a remis un relevé d'identité bancaire de son compte professionnel n'en rapportent pas la preuve ;
Attendu enfin, que Mme X. qui a déposé plainte le 5 juillet 2005 entre les mains du procureur de la république d'Epinal en raison des agressions et harcèlement dont elle et les membres de sa famille étaient victimes de la part de ses voisins, justifie ainsi que les contrats souscrits avaient pour objet principal la surveillance et la protection de son domicile privé, étendus accessoirement aux locaux professionnels situés au même endroit ;
Qu'il s'induit de l'ensemble de ces éléments que les contrats souscrits n'ont pas de rapport direct avec l'activité d'architecte exercée par Mme X., laquelle est dès lors fondée à revendiquer l'application à son profit des dispositions protectrices du code de la consommation et notamment celles de l'article L. 121-23 qui impose, à peine de nullité, en cas de démarchage à domicile, la mention, dans les contrats de location de matériel et de prestation de service, la faculté de renonciation ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du même code ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NANCY
DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 8 SEPTEMBRE 2011
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/02920. Décisions déférées à la Cour : - jugement du Tribunal d'Instance de MIRECOURT, R.G. n° 11-07-000133, en date du 19 février 2008 par déclaration d'appel du 13 novembre 2008, - jugement du Tribunal d'Instance de Mirecourt, R.G. n° 11-06-000122, en date du 18 mars 2008 par déclaration d'appel du 13 novembre 2008, - jugement avant dire droit du Tribunal d'Instance de Mirecourt, R.G. n° 11-07-000102, en date du 15 avril 2008, - jugement du Tribunal d'Instance de Mirecourt, R.G. n° 11-07-000102, en date du 16 décembre 2008.
APPELANTE :
Madame X.
demeurant [adresse], représentée par la SCP V. Barbara, avoués à la Cour, assistée de Maître Louis G., avocat au barreau D'ÉPINAL
INTIMÉES :
SA KBC LEASE FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP M. B.-W. F.-S., avoués à la Cour
SARL ARGE (EXERCANT SOUS L'ENSEIGNE ARTYS GRAND EST)
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP L. W. M., avoués à la Cour
SAS PARFIP FRANCE
prise en la personne de ses représentants légaux pour ce domiciliés au siège social, sise [adresse], représentée par la SCP Alain C. & Lucile N., avoués à la Cour,
assistée de Maître Nathalie S.-J., avocat au barreau de l'AIN, substituée à l'audience par Maître Didier K., avocat au barreau d'ÉPINAL
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 16 Juin 2011, en audience publique devant la Cour composée de : Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre, qui a fait le rapport, Monsieur Christian MAGNIN, Conseiller, Monsieur Francis MARTIN, Conseiller, qui en ont délibéré ;
Greffier, lors des débats : Madame Caroline HUSSON ;
A l'issue des débats, le Président a annoncé que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 8 septembre 2011, en application du deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
ARRÊT : Contradictoire, rendu par mise à disposition publique au greffe le 8 septembre 2011, par Madame Caroline HUSSON, Greffier, conformément à l’article 450 alinéa 2 du Code de Procédure Civile ; signé par Madame Sylvette CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre et par Madame Caroline HUSSON, greffier ;
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par acte sous seing privé en date du 19 juillet 2005, Mme X. a souscrit auprès de la Sarl Artys-Arge un contrat d'abonnement de télésurveillance ainsi qu'un contrat de location de cet équipement, qu'elle a reçu le 25 septembre 2005, d'une durée de 60 mois moyennant un loyer mensuel de 50 euros hors taxes soit 59,80 euros TTC.
Le contrat de location a ensuite été cédé par la Sarl Artys-Arge à la société Parfip France.
Le 15 septembre 2005, Mme X. a conclu avec la Sarl Artys-Arge un contrat d'abonnement de vidéo surveillance ainsi qu'un contrat de location pour une durée de 60 mois de ce matériel qu'elle a reçu le 14 octobre 2005 moyennant un loyer mensuel de 37,63 euros hors taxes soit 45 euros TTC, outre les frais d'installation à hauteur de 230 euros.
Le contrat de location a ensuite été cédé par la société Artys-Arge à la société KBC Lease.
Par courrier du 31 janvier 2006, Mme X. a informé la société Artys Arge de son intention de résilier les contrats d'abonnement de télésurveillance et vidéo surveillance en raison de la vente de sa maison, puis l'a mise en demeure de procéder à cette résiliation par lettre recommandée du 12 juillet 2006, cessant de régler les loyers auprès des sociétés Parfip France et KBC Lease France.
* * *
Le 15 juin 2007, a été délivrée, à la requête de la Sas Parfip France et à l'encontre de Mme X. une ordonnance d'injonction de payer France portant sur la somme de 3.531,74 euros due au titre du contrat conclu entre les parties le 19 juillet 2005 portant sur la location du système de télésurveillance.
Le 12 juillet 2007, Mme X. a formé opposition à cette ordonnance.
Cette opposition a été enregistrée sous la référence RG n° 11-07-000133.
Par jugement en date du 19 février 2008, le tribunal d'instance de Mirecourt a :
- déclaré recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer,
- débouté Mme X. de sa demande tendant à la nullité du contrat du 19 juillet 2005 sur le fondement de l’article L. 121-33 du code de la consommation,
- constaté la résiliation du contrat de location conclu entre les parties en application de l'article 10-1 a) dudit contrat,
- condamné en conséquence Mme X. à restituer à ses frais au siège de la Sas Parfip France les équipements mis à sa disposition figurant au procès-verbal de réception de matériels du 25 juillet 2005,
- dit n'y avoir lieu au prononcé d'une astreinte à l'encontre de Mme X.,
- condamné Mme X. à payer à la Sas Parfip France la somme de 1.329,94 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du 8 février 2007 ainsi qu'une indemnité de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure,
- l'a condamnée aux dépens.
Pour rejeter la demande tendant à la nullité du contrat de location sur le fondement des dispositions protectrices du code de la consommation, le premier juge a relevé qu'il résulte des éléments du dossier que Mme X. a contracté en sa qualité professionnelle d'architecte et non à titre privé.
Le tribunal a par ailleurs réduit l'indemnité contractuelle de résiliation telle que prévue à l'article 10.1c du contrat égale aux loyers restant dus jusqu'à son terme, une telle indemnité constituant une clause pénale qui apparaît manifestement excessive.
Mme X. a relevé appel de ce jugement le 13 novembre 2008, enregistré sous le numéro 08/2920.
* * *
Par acte du 9 novembre 2006 enrôlé sous le numéro RG n° 11-06-000122, Mme X. a saisi le tribunal d'instance de Mirecourt aux fins de voir prononcer la nullité du contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire conclu le 15 juillet 2008 avec la société Artys-Age ainsi que la nullité du contrat d'abonnement de vidéo surveillance conclu avec la même société le 14 octobre 2005 pour violation des dispositions du code de la consommation, condamner la société Artys-Age à lui rembourser la somme de 552,30 euros avec intérêts légaux outre une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Sarl Artys-Age a conclu au rejet de la demande et demandé reconventionnellement au tribunal de dire et juger que la résiliation anticipée des contrats signés pour une durée de 60 mois est constitutive d'une faute contractuelle et condamner Mme X. à la restitution du matériel loué ainsi qu'au paiement de la somme de 5.749,20 euros à titre de dommages-intérêts et d'une indemnité en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 18 mars 2008, le tribunal, pour les mêmes motifs que ceux énoncés le 19 février 2008, a :
- débouté Mme X. de sa demande de nullité des contrats d'abonnement de télésurveillance et de vidéo surveillance conclus avec la société Arge,
- débouté Mme X. de sa demande tendant au remboursement des loyers versés,
- prononcé la résolution des contrats d'abonnement de télésurveillance et de vidéo surveillance souscrits les 25 juillet 2005 et 14 octobre 2005,
- condamné Mme X. à restituer à la Sarl Arge le matériel de télésurveillance et de vidéo surveillance mis à sa disposition,
- condamné Mme X. à payer à la Sarl Arge la somme de 314,40 euros à titre de dommages-intérêts ainsi qu'une indemnité de 500 euros du chef des frais irrépétibles,
- condamné Mme X. aux dépens.
Suivant déclaration reçue le 13 novembre 2008, Mme X. a relevé appel de ce jugement.
L'acte d'appel a été enregistré sous la référence 08/2921.
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Par acte du 25 juin 2007, enregistré sous la référence RG n° 11-07-000102, Mme X. a saisi le tribunal d'instance de Mirecourt aux fins de voir annuler les deux contrats de location de matériel de télésurveillance et vidéo surveillance conclus avec la Sarl Parfip France et la société KBC Lease et les condamner à lui restituer les sommes perçues.
La Sas Parfip France a conclu au rejet des demandes, à la résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers et à la condamnation de la demanderesse à restituer les équipements loués et à payer la somme de 3.531,74 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % à compter de la mise en demeure du 8 février 2007, outre une indemnité du chef des frais irrépétibles.
La société KBC Lease a conclu au rejet des demandes, à la résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers et à la condamnation de la demanderesse à restituer le matériel de vidéo surveillance mis à sa disposition et à lui payer la somme de 2.734,31 euros avec intérêts au taux légaux outre une indemnité du chef des frais irrépétibles.
Par jugement avant dire droit du 15 avril 2008, le tribunal a constaté qu'aux termes du jugement rendu le 19 février 2008, il avait déjà été statué sur les demandes formées par la société Parfip France et ordonné la réouverture des débats en invitant la société KBC Lease à s'expliquer sur ses demandes actuelles au regard des conséquences du second jugement rendu le 18 mars 2008 au profit de son distributeur, la société Artys Arge.
Par déclaration du 13 novembre 2008, enregistrée sous la référence 08/2922, Mme X. a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 30 mars 2009, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable cet appel.
Mme X. a déféré cette ordonnance à la Cour, laquelle, sous la référence 09/982 et par arrêt du 5 novembre 2009, l'a infirmée en toutes ses dispositions, déclaré recevable l'appel formé par Mme X. et condamné la Sa KBC Lease aux dépens de l'instance sur incident et sur déféré.
Par jugement du 16 décembre 2008, le tribunal a :
- déclaré irrecevables les demandes de Mme X. contre la société Parfip France qui se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 février 2008,
- débouté Mme X. de ses demandes de nullité du contrat conclu avec la société KBC Lease France qu'elle a souscrit non en qualité de consommateur mais en sa qualité d'architecte pour son activité professionnelle ce qui exclut l'application des dispositions des articles L. 121-1 et suivants du code de la consommation,
- prononcé la résolution du contrat de location souscrit par Mme X. auprès de la Sa KBC Lease le 15 septembre 2005 pour non-paiement des loyers,
- débouté la société LKC Lease de sa demande de restitution du bien loué, Mme X. ayant déjà été condamnée à restituer ce matériel à la société Artys Arge,
- condamné Mme X. à payer à la Sa KBC Lease la somme de 766,91 euros avec intérêts légaux à compter du 25 juin 2007 outre une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens de l'instance.
Suivant déclaration reçue le 5 mars 2009, enregistrée sous la référence 09/708, Mme X. a relevé appel de ce jugement.
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Par ordonnance du 2 mars 2010, le conseiller de la mise en état a ordonné la jonction de quatre procédures pendantes devant la Cour, sous les numéros 08/2920, 08/2921, 08/2922 devenu 09/982 par suite du déféré, et 09/708, sur appels des jugements rendus par le tribunal d'instance de Mirecourt respectivement les 19 février 2008, 18 mars 2008, 15 avril 2008 et 16 décembre 2008, ces procédures concernant :
- pour la première, le contrat de location du matériel de télésurveillance souscrit par Mme X. auprès de la société Artys-Arge, cédé par la suite à la Sas Parfip,
- pour la deuxième, les contrats d'abonnement de télésurveillance et de vidéo surveillance conclus entre Mme X. et la société Artys-Arge,
- pour les troisième et quatrième, les contrats de location du matériel de télésurveillance et de vidéo surveillance cédés par la société Artys-Arge respectivement à la Sas Parfip et à la Sa KBC Lease ;
Aux termes de ses dernières écritures du 28 avril 2011, Mme X. demande à la cour :
- d'infirmer les décisions rendues par le tribunal d'instance de Mirecourt les 19 février 2008, 18 mars 2008, 15 avril 2008 et 16 décembre 2008,
- de constater que les contrats de location et d'installation de matériel de télésurveillance et vidéo surveillance sont sans rapport direct avec son activité professionnelle, alors qu'elle est architecte et qu'il s'agit de deux spécialités techniques différentes,
- de dire et juger qu'elle est bien fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 121-22-4° du code de la consommation relatives au démarchage à domicile,
- en conséquence, prononcer la nullité des contrats dont s'agit au regard de l'absence dans ces contrats, de la faculté de renonciation prévue à peine de nullité par les articles L. 121-24 du code de la consommation,
- ordonner la restitution des matériels dont s'agit,
- débouter les sociétés Parfip France et KBC Lease France de l'ensemble de leurs demandes et prétentions,
- subsidiairement, dire et juger qu'elle est bien fondée à se prévaloir des dispositions de l’article L. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives et dire et juger que les indemnités de résiliation prévues aux contrats dont s'agit, qui sont sources d'un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties à son détriment, sont abusives et les déclarer non écrites,
- condamner la société KBC Lease à lui verser 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Parfip France à lui payer la somme de 1.000 euros sur le même fondement,
- les condamner aux dépens d'instance et d'appel.
Elle expose que contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les contrats qu'elle a souscrits n'ont pas de rapport direct avec son activité d'architecte, nonobstant l'apposition de son cachet professionnel et la mention de son numéro Siret ; qu'il résulte au contraire de l'attestation de sa société d'expertise comptable qu'elle n'a inclus aucun frais de télésurveillance et vidéo-surveillance au titre de son bilan clos le 31 décembre 2005, ces frais étant pris en charge intégralement à titre privé ; qu'il ressort par ailleurs des pièces qu'elle produit que la caméra, le radar et la centrale transmetteuse étaient installés exclusivement dans l'entrée de son domicile privé, lequel représentait 90 % de la surface à protéger ; qu'elle justifie enfin, de son intention de préserver et protéger son domicile privé des agressions dont elle était victime de la part de ses voisins par la plainte qu'elle a déposée à leur encontre en juillet 2005 ; que la menace qu'ils représentaient pour sa sécurité et celle des membres de sa famille l'a d'ailleurs amenée à vendre son bien immobilier.
Mme X. a prétendu par ailleurs que la clause prévoyant en cas de résiliation anticipée du contrat par le loueur le versement des loyers à échoir, majorés de 10 %, est une clause abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation dans la mesure où elle crée un déséquilibre significatif au détriment du non-professionnel ; qu'enfin, il y a lieu de rejeter la demande de la société tendant au paiement de 60 échéances par application de l’article 1147 du code civil alors qu'elle a scrupuleusement respecté ses engagements en réglant les mensualités jusqu'à la vente de son immeuble.
La Sa KBC Lease a conclu au rejet de l'appel principal et formé un appel incident, sollicitant la condamnation de Mme X. au paiement de la somme de 2.734,41 euros au titre de l'indemnité de résiliation contractuelle, assortie des intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure, ainsi que sa condamnation aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle a répliqué que les dispositions du code de la consommation dont se prévaut l'appelante ne sont pas applicables au contrat de location litigieux, conclu par Mme X. en sa qualité d'architecte et pour les besoins de son activité ainsi qu'il résulte des indications qu'elle y a portées, mentionnant sa qualité de « patronne » et y apposant son cachet professionnel et son numéro de Siret, ces mêmes précisions figurant sur le procès-verbal de réception du matériel ; que contrairement à ce que soutient Mme X., il importe peu que le contrat litigieux ait un lien direct avec l'activité du cocontractant ; qu'il ressort par ailleurs des éléments du dossier que le contrat a été conclu au [...] qui constitue le lieu de l'exercice de l'activité professionnelle, que Mme X. a remis un relevé d'identité bancaire concernant son compte professionnel et que les locaux équipés par les systèmes de surveillance étaient tant privés qu'affectés à l'activité d'architecte ; qu'enfin, une confusion est entretenue par Mme X. qui a indiqué dans la plainte déposée contre ses voisins qu'elle exerce son activité professionnelle à son domicile.
La Sarl KBC Lease a fait valoir par ailleurs que conformément à la jurisprudence constante, la clause prévoyant une indemnité de résiliation anticipée du contrat ne peut s'analyser comme une clause pénale ayant pour objet de faire assurer par l'une des parties l'exécution de son obligation, susceptible de révision par application de l’article 1152 du code civil mais constitue une faculté de dédit permettant aux parties contractantes de se soustraire à cette exécution, excluant le pouvoir du juge de supprimer ou réduire l'indemnité convenue ; qu'en tout état de cause, l'indemnité contractuelle, qui correspond aux loyers dus jusqu'au terme du contrat, n'est pas manifestement excessive.
La Sa Parfip France a conclu comme suit :
- confirmer le jugement rendu le 18 décembre 2008 en ce qu'il a constaté l'irrecevabilité des demandes de Mme X. au regard de l'autorité de la chose juge attachée au jugement du 18 février 2008,
- vu l’article 1134 du code civil et la loi 95-96 du 1er février 1995, confirmer le jugement rendu le 19 février 2008 en ce qu'il a constaté que Mme X. avait contracté en qualité de professionnelle et prononcer la résiliation du contrat de location pour défaut de paiement des loyers,
- réformer pour le surplus et statuant à nouveau,
- débouter Mme X. de ses demandes,
- la condamner au paiement de la somme de 3.531,74 euros avec intérêts au taux contractuel de 1,5 % par mois à compter de la mise en demeure du 8 février 2007,
- la condamner à restituer les équipements loués au siège de la société Parfip à ses frais exclusifs, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
- à titre subsidiaire, vu l’article 1147 du code civil,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 3.588 euros à titre d'indemnité d'utilisation des matériels, avec intérêts au taux légal à compter du 27 juillet 2005, date de mise à disposition du matériel,
- en tout état de cause, condamner Mme X. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Parfip France, analysant différentes décisions de jurisprudence intervenues sur ce point, a développé le moyen suivant lequel le matériel litigieux ayant été loué par Mme X. dans le cadre de son activité et en rapport avec cette activité, elle ne peut se prévaloir des dispositions légales sur le démarchage à domicile ou des dispositions protectrices du droit de la consommation concernant les clauses abusives, soutenant au demeurant que la clause relative à l'indemnité de résiliation anticipée du contrat ne revêt aucun caractère abusif dans la mesure où elle ne crée pas au détriment du locataire un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, une telle clause, librement acceptée par l'appelante, étant indispensable à l'économie générale du contrat au regard du mode de financement du matériel et de le céder à un tiers en cas de résiliation anticipée.
Elle a prétendu que conformément aux termes de l’article 1134 du code civil, elle est fondée, ayant pleinement satisfait à ses obligations, à solliciter l'application des conditions générales du contrat concernant la résiliation par le bailleur en cas de non-paiement des loyers, la restitution du matériel et le paiement par la locataire d'une indemnité de résiliation, étant observé qu'une telle clause ne s'analyse pas en une clause pénale, au demeurant nullement excessive, mais en une faculté de dédit qui ne peut être réduite ou supprimée.
Enfin, et à titre subsidiaire, la société Parfip a prétendu qu'à supposer invalide le contrat de location qu'elle a financé, Mme X. devra être condamnée à lui payer la somme de 3.588 euros correspondant à 60 échéances, à titre d'utilisation des matériels qu'elle s'est abstenue de restituer, et ce, sur le fondement de l’article 1147 du code civil.
La Sarl Arge exerçant sous l'enseigne Artys Grand Est a conclu comme suit, pour les mêmes motifs que ceux développés par les sociétés KBC Lease et Parfip France :
- dire et juger Mme X. qui a contracté en sa qualité d'architecte, irrecevable à se prévaloir de la qualité de consommateur,
- confirmer le jugement entrepris sur ce point,
- y ajoutant, dire que la résiliation anticipée des contrats signés pour une durée déterminée de 60 mois constitue une faute contractuelle,
- condamner Mme X. à lui payer la somme de 5.749,20 euros à titre de dommages-intérêts,
- dire que le matériel litigieux lui sera restitué au besoin sous astreinte,
- condamner Mme X. aux dépens et au paiement d'une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
Vu les dernières écritures déposées le 28 avril 2011 par Mme X., le 13 avril 2011 par la société KBC Lease, le 27 mai 2011 par la Sas Parfip France et le 18 mai 2011 par la Sarl Arge exerçant sous l'enseigne Artys Grand Est, auxquelles la cour se réfère expressément pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens ;
Attendu qu'il convient en premier lieu de confirmer le jugement rendu le 16 décembre 2008 en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande formée par acte introductif d'instance du 25 juin 2007 par Mme X. contre la Sa Parfip, tendant à voir annuler le contrat de location de matériel de télésurveillance conclu avec ladite société, cette demande se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement rendu le 19 février 2008 qui a statué sur une précédente demande ayant le même objet et la même cause et opposant les mêmes parties ;
Sur la nullité des contrats litigieux au regard des dispositions du code de la consommation :
Attendu, suivant l’article L. 121-22 alinéa 2 du code de la consommation, que ne sont pas visées par la réglementation résultant des articles L. 121-21 et suivants, relative au démarchage à domicile, « ... les ventes, locations ou locations ventes de biens ou les prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, ou de toute autre profession » ;
Attendu que s'il n'est pas nécessaire que le matériel ait un rapport avec l'objet social encore faut-il que la location du matériel soit intervenue dans un cadre professionnel ;
Attendu en l'espèce, que s'il est exact, ainsi que l'ont justement relevé les premiers juges dans leurs décisions des 19 février, 18 mars et 16 décembre 2008, que Mme X., architecte de profession, a apposé sur les contrats d'abonnement de télésurveillance et de vidéo surveillance ainsi que sur les contrats de location des matériels d'équipement qu'elle a souscrits auprès de la Sarl Artys-Arge le 19 juillet 2005 et le 15 septembre 2005, son cachet professionnel, de même qu'elle a porté l'indication manuscrite de son numéro Siret et mentionné sa qualité de « patronne », pour autant ces éléments ne suffisent pas à caractériser l'existence, qu'elle conteste formellement, d'un rapport direct entre l'objet du démarchage et l'activité exercée ;
Qu'il sera observé d'une part que si une partie, d'ailleurs réduite, de l'immeuble de Mme X. était dédié l'exercice de son activité professionnelle, il ressort du plan qu'elle produit aux débats, que les éléments de télésurveillance et de vidéo-surveillance (caméra, radar infrarouge, et centrale trasmetteuse) ont été exclusivement installés dans l'entrée principale de l'immeuble affectée à l'habitation privée, à l'exclusion de l'entrée indépendante des locaux professionnels, la superficie du bureau à protéger étant d'ailleurs bien moindre que celle du domicile privé ; qu'il sera observé que si les contrats litigieux contiennent une clause suivant laquelle « les locaux dont l'abonné demande la télésurveillance et la vidéo surveillance sont ceux désignés dans le tableau joint, à l'exclusion de tout autre », les documents annexés relatifs au site à surveiller ne portent aucune indication ; que les sociétés intimées, qui ne contestent pas sérieusement la localisation des matériels de surveillance telle que désignée sur le plan produit par l'appelante, n'apportent aucun élément de nature à établir que les équipements auraient été implantés dans la partie professionnelle de l'immeuble ;
Qu'il résulte par ailleurs de l'attestation de Mme M., expert comptable, que Mme X. n'a déduit aucun frais professionnel au titre de la location des systèmes de télésurveillance et vidéo surveillance, ces frais étant pris en charge à titre privé dans leur intégralité ;
Que les intimées qui prétendent que Mme X. leur a remis un relevé d'identité bancaire de son compte professionnel n'en rapportent pas la preuve ;
Attendu enfin, que Mme X. qui a déposé plainte le 5 juillet 2005 entre les mains du procureur de la république d'Epinal en raison des agressions et harcèlement dont elle et les membres de sa famille étaient victimes de la part de ses voisins, justifie ainsi que les contrats souscrits avaient pour objet principal la surveillance et la protection de son domicile privé, étendus accessoirement aux locaux professionnels situés au même endroit ;
Qu'il s'induit de l'ensemble de ces éléments que les contrats souscrits n'ont pas de rapport direct avec l'activité d'architecte exercée par Mme X., laquelle est dès lors fondée à revendiquer l'application à son profit des dispositions protectrices du code de la consommation et notamment celles de l'article L. 121-23 qui impose, à peine de nullité, en cas de démarchage à domicile, la mention, dans les contrats de location de matériel et de prestation de service, la faculté de renonciation ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26 du même code ;
Or attendu que tant les contrats de location des matériels de télésurveillance et vidéo surveillance que les contrats d'abonnements de télésurveillance et vidéo surveillance souscrits par Mme X., dont il n'est pas discuté qu'ils ont été conclus à la suite d'un démarchage à son domicile, ne comportent aucune mention relative à l'exercice de la faculté de renonciation ni ne reproduisent le texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation ; qu'ils ne comportent pas davantage le formulaire détachable destiné à faciliter l'exercice de la renonciation, prévu à l'article L. 121-24 ;
Qu'il convient en conséquence de déclarer nuls et de nul effet lesdits contrats ; que les jugements entrepris seront infirmés sur ce point ;
Attendu que la nullité, qui emporte l'effacement rétroactif des contrats, ayant pour effet de replacer les parties dans la situation dans laquelle elles se trouvaient avant l'exécution, il échet d'ordonner la restitution des matériels litigieux ; que la nullité des conventions étant du fait des sociétés intimées, la restitution se fera à leurs frais ;
Attendu qu'il est constant enfin, que Mme X. qui a informé par courrier du 31 janvier 2006 la société Artys Arge qu'elle tenait à sa disposition au lieu où ils ont été installés, les équipements de télésurveillance et de vidéo-surveillance, objets des contrats dont l'annulation est prononcée, s'est acquittée du paiement des loyers et redevances jusqu'au mois de janvier 2006 ; qu'étant rappelé en outre que seule la partie de bonne foi au contrat annulé peut demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu'elle subit, les sociétés Artys et Parfip ne sont pas fondées à réclamer, sur le fondement de l’article 1147 du code civil, la condamnation de Mme X. à leur payer respectivement les sommes de 5.749,20 euros et 3.588 euros au titre de l'usage qu'elle a pu avoir des matériels litigieux postérieurement au mois de janvier 2006 ;
Qu'il échet en définitive, de débouter les sociétés KBC Lease, Parfip France et Artys de l'ensemble de leurs demandes et de les condamner in solidum aux dépens ;
Que l'équité commande que soit allouée à Mme X. une indemnité de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au Greffe conformément à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Reçoit Mme X. en son appel contre les jugements rendus par le tribunal d'instance de Mirecourt les 19 février 2008, 18 mars 2008, 15 avril 2008 et 16 décembre 2008 ;
Infirme ces jugements à l'exception de la disposition du jugement du 16 décembre 2008 ayant déclaré irrecevable la demande formée le 25 juin 2007 par Mme X. contre la Sa Parfip France comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée attachée au jugement du 19 février 2008 qui sera confirmée ;
Statuant à nouveau,
Déclare nuls et de nul effet pour inobservation des dispositions impératives du code de la consommation relatives au démarchage à domicile :
- le contrat d'abonnement de télésurveillance souscrit le 19 juillet 2005 par Mme X. auprès de la Sarl Artys-Arge,
- le contrat de location de matériel de télésurveillance souscrit le 19 juillet 2005 par Mme X. auprès de la Sarl Artys-Arge, laquelle l'a cédé à la société Parfip France,
- le contrat d'abonnement de vidéo surveillance souscrit le 15 septembre 2005 par Mme X. auprès de la Sarl Artys-Arge,
- le contrat de location du matériel de vidéo surveillance souscrit par Mme X. le 15 septembre 2005 auprès de la société Artys-Arge, laquelle l'a cédé à la société KBC Lease.
Ordonne la restitution du matériel de télésurveillance à la Sarl Parfip France et la restitution du matériel de vidéo surveillance à la Sa KBC Lease, aux frais de ces sociétés ;
Déboute la Sa Parfip France, la Sa KBC Lease et la Sarl Arge exerçant sous l'enseigne Artys Grand Est de l'ensemble de leurs demandes ;
Condamne in solidum les sociétés Parfip France et KBC Lease à payer à Mme X. une indemnité de MILLE EUROS (1.000 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la Sa Parfip France, la Sa KBC Lease et la Sarl Arge exerçant sous l'enseigne Artys Grand Est in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel et autorise la Scp V. à faire application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Madame CLAUDE-MIZRAHI, Président de chambre à la Cour d'Appel de NANCY, et par Madame HUSSON, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
Minute en douze pages
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