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CA ORLÉANS, 15 septembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA ORLÉANS, 15 septembre 2011
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA)
Demande : 11/00196
Date : 15/09/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 14/01/2011
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3326

CA ORLÉANS, 15 septembre 2011 : RG n° 11/00196 

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Attendu que l'Eurl Defeings Transports, seule, arguait aussi devant le juge commissaire du caractère abusif de la clause stipulant l'indemnité de résiliation contestée, or il entre également dans les attributions juge commissaire saisi de la vérification des créances d'apprécier le caractère prétendument abusif d'une clause ; Qu'il appartenait donc au juge commissaire de trancher la contestation, et non pas de surseoir à statuer »

2/ « Attendu que les intimés ne précisent pas dans leurs conclusions le fondement légal de leur moyen tiré du caractère abusif de la clause du contrat de location stipulant l'indemnité de résiliation litigieuse ; qu'ils produisent à l'appui de ce moyen des jurisprudences toutes rendues par application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, lequel n'est pas applicable aux relations professionnelles habituelles liant - comme en l'espèce, où les productions démontrent que l'appelante lui louait plusieurs véhicules- une entreprise de transport routier et un établissement spécialisé dans la location financière ;

qu'en tout état de cause, l'argumentation sur l'avantage excessif que cette clause procurerait au bailleur n'est pas de nature à justifier de tenir pour non écrite la stipulation d'une indemnité de résiliation dont le principe même n'est pas abusif, dès lors que le bailleur a lui-même financé - souvent en empruntant - l'achat du matériel, et que la résiliation anticipée de la convention le prive d'une exécution du contrat sur la poursuite de laquelle il tablait nécessairement pour faire face à ses propres charges, la question du caractère éventuellement excessif de l'indemnité stipulée s'appréciant quant à elle sur le fondement, distinct, de la faculté judiciaire de modérer une clause pénale ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL D’ORLÉANS

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11/00196. DÉCISION DE PREMIÈRE INSTANCE : Tribunal de Commerce de TOURS ordonnances en date du 21 juin 2010 et 4 janvier 2011

 

APPELANTE :

SA TRANSOLVER SERVICES

agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège [adresse], représentée par Maître Estelle GARNIER, avoué à la Cour,ayant pour avocat Maître René BUSTIER, du barreau de PARIS, D'UNE PART

 

INTIMÉES :

L'EURL DEFEINGS TRANSPORT

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP LAVAL LUEGER, avoués à la Cour, ayant pour avocats la SCP ENVERGURE AVOCATS, du barreau de TOURS

La Selarl de mandataire judiciaire VILLA FRANCIS, prise en la personne de Maître VILLA Francis pris en qualité de mandataire judiciaire au Redressement Judiciaire de l'EURL DEFEINGS TRANSPORT et de commissaire à l'exécution du plan de redressement de ladite EURL

représentée par la SCP LAVAL LUEGER, avoués à la Cour, D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 14 janvier 2011

ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 9 juin 2011

Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l'audience publique du 16 Juin 2011, à 9 heures, devant Monsieur Thierry MONGE, Conseiller Rapporteur, par application de l'article 786 du Code de Procédure Civile.

Lors du délibéré : Monsieur Alain RAFFEJEAUD, Président de Chambre, Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller qui en a rendu compte à la collégialité.

Greffier : Madame Sylvie CHEVREAU, lors des débats, Madame Evelyne PEIGNE, lors du prononcé,

Prononcé le 15 SEPTEMBRE 2011 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ :

La SA Transolver Services a consenti le 20 février 2008 un contrat de location portant sur un camion Iveco Eurotrakker à l'Eurl Defeings Transports, dont le redressement judiciaire a été ouvert le 17 mars 2009 et dont l'administrateur judiciaire a fait connaître qu'il ne poursuivait pas ce contrat. La société Transolver a déclaré auprès du mandataire judiciaire, à titre chirographaire, une créance de 170.640,80 euros au total, se décomposant en 5.414,79 euros au titre des loyers impayés au jour d'ouverture de la procédure collective, et 165.226,01 euros au titre des sommes à échoir postérieurement. Elle a repris possession du véhicule le 22 avril 2009.

La Selarl Francis VILLA, mandataire judiciaire, ayant contesté la créance déclarée au titre des sommes à échoir en soutenant qu'il s'agissait d'une clause pénale manifestement excessive devant être modérée, le juge commissaire, après avoir tenu audience le 22 mars 2010, a décidé par ordonnance du 21 juin 2010 de surseoir à statuer sur l'admission de cette créance et a invité les parties à saisir le juge compétent pour évaluer la créance, sous deux mois à peine de caducité de la déclaration de créance. Par une seconde ordonnance, prononcée le 4 janvier 2011, il a constaté l'absence de saisine de la juridiction compétente dans le délai qu'il avait imparti et a rejeté la créance.

La société Transolver Services a relevé appel de ces deux ordonnances le 14 janvier 2011.

Faisant valoir que la première ordonnance lui avait été signifiée sans aucune indication d'un mode et délai de recours, et qu'il s'agissait au demeurant d'un sursis à statuer non susceptible d'appel immédiat, elle considère que son double recours est recevable. Elle soutient que le juge commissaire était compétent pour statuer, la question de l'inexécution défectueuse du contrat fondant sa décision ne se posant pas dès lors que cette inexécution résulte de la décision de l'administrateur et que la contestation relève de l'application pure et simple de la convention. Elle demande à la cour de prononcer l'admission intégrale de sa créance en soutenant qu'elle ne réclame pas la clause pénale de 10 % du prix d'achat du matériel stipulée au contrat, et que l'indemnité de résiliation qu'elle sollicite ne constitue pas une clause pénale, de sorte que l'article 1152, alinéa 2, du code civil ne trouve pas à s'appliquer.

L'Eurl Defeings Transports et la Selarl Francis VILLA concluent, séparément mais en termes identiques, à la confirmation des ordonnances entreprises et au rejet de la créance de 165.226,01 euros pour cause de caducité, ou subsidiairement au motif que la stipulation d'une indemnité de résiliation égale à la totalité des loyers à échoir sans déduction de la valeur de revente du véhicule constitue une clause abusive qui doit être annulée. Ils demandent subsidiairement à la cour de réduire la clause pénale à 1euro, ou à tout le moins à la somme de 7.928,16 euros correspondant à la différence entre le prix d'acquisition du camion, et d'autre part la somme des loyers déjà versés et de la valeur résiduelle du véhicule selon la cote « Argus ».

Il est référé pour le surplus aux dernières conclusions récapitulatives des parties, respectivement déposées et signifiées le 18 mars 2011 s'agissant de la société Transolver Services, et le 2 mai 2011 s'agissant de l'Eurl Defeings Transports et de la Selarl Francis VILLA.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance du 9 juin 2011, ainsi que les avoués des parties en ont été avisés.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE L'ARRÊT :

Attendu que l'ordonnance du 21 juin 2010 se bornait à surseoir à statuer, et a été notifiée aux parties sans indication d'une voie de recours ; que l'appel de cette décision, interjeté le 14 janvier 2011 par la société Transolver Services en même temps que de l'ordonnance du 4 janvier 2011 statuant sur la contestation, est recevable, aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel n'étant au demeurant articulé par les intimés ;

Attendu qu'il ressort des énonciations mêmes des deux ordonnances entreprises, et des productions, que le juge commissaire était saisi d'une contestation du quantum de l'indemnité de résiliation du contrat de location souscrit par la débitrice, dont celle-ci, et son mandataire, invoquaient le caractère manifestement excessif au sens de l'article 1152, alinéa 2 du code civil applicable aux clauses pénales, or le juge commissaire saisi de la vérification des créances, compétent pour déterminer l'existence, le montant ou la nature de la créance, l'est pour apprécier le moyen tiré du caractère prétendument excessif d'une clause pénale, et pour la réduire s'il y a lieu ;

Attendu que l'Eurl Defeings Transports, seule, arguait aussi devant le juge commissaire du caractère abusif de la clause stipulant l'indemnité de résiliation contestée, or il entre également dans les attributions juge commissaire saisi de la vérification des créances d'apprécier le caractère prétendument abusif d'une clause ;

Qu'il appartenait donc au juge commissaire de trancher la contestation, et non pas de surseoir à statuer ;

Qu'en outre, le juge commissaire ne tirait d'aucune disposition légale le pouvoir d'enfermer dans un délai la saisine d'une autre juridiction à peine de caducité de la déclaration de créance, régulièrement faite ;

Qu'il y a lieu dans ces conditions d'infirmer les deux ordonnances entreprises et de trancher les contestations ;

Attendu que les intimés ne précisent pas dans leurs conclusions le fondement légal de leur moyen tiré du caractère abusif de la clause du contrat de location stipulant l'indemnité de résiliation litigieuse ; qu'ils produisent à l'appui de ce moyen des jurisprudences toutes rendues par application de l'article L.132-1 du code de la consommation, lequel n'est pas applicable aux relations professionnelles habituelles liant - comme en l'espèce, où les productions démontrent que l'appelante lui louait plusieurs véhicules - une entreprise de transport routier et un établissement spécialisé dans la location financière ; qu'en tout état de cause, l'argumentation sur l'avantage excessif que cette clause procurerait au bailleur n'est pas de nature à justifier de tenir pour non écrite la stipulation d'une indemnité de résiliation dont le principe même n'est pas abusif, dès lors que le bailleur a lui-même financé - souvent en empruntant - l'achat du matériel, et que la résiliation anticipée de la convention le prive d'une exécution du contrat sur la poursuite de laquelle il tablait nécessairement pour faire face à ses propres charges, la question du caractère éventuellement excessif de l'indemnité stipulée s'appréciant quant à elle sur le fondement, distinct, de la faculté judiciaire de modérer une clause pénale ;

Et attendu à cet égard que contrairement à ce que soutient l'appelante, cette indemnité, égale aux loyers restant à échoir jusqu'au terme prévu du contrat de location, constitue bien une clause pénale ;

Attendu en effet que la majoration des charges financières pesant sur le débiteur, résultant de l'anticipation de l'exigibilité des loyers dès la date de la résiliation, a été stipulée à la fois comme un moyen de le contraindre à l'exécution et comme l'évaluation conventionnelle et forfaitaire du préjudice futur subi par le bailleur du fait de l'accroissement de ses frais et risques à cause de l'interruption des paiements prévus ;

Qu'il est sans incidence sur cette analyse que le contrat stipule que la résiliation anticipée de la location oblige le locataire à payer au bailleur, outre l'intégralité de ces loyers restant à échoir, une somme correspondant à 10 % hors taxes du prix d'origine du matériel majoré de la TVA, cette seconde indemnité ne retirant rien à la nature de clause pénale de celle avec laquelle elle vient se cumuler ; qu'il est pareillement sans incidence sur la nature de cette stipulation que la bailleresse n'ait pas réclamé la seconde indemnité ;

Qu'il est également indifférent à l'analyse de la stipulation litigieuse en une clause pénale que la résiliation ait en l'espèce procédé de la décision de l'administrateur judiciaire de l'entreprise de ne pas poursuivre l'exécution du contrat, d'autant que la clause énonce que l'indemnité est due au bailleur 'en cas de résiliation du contrat de location, quelle qu'en soit la cause’;

Attendu qu'en tant que constitutive d'une clause pénale, l'indemnité de résiliation est susceptible de réduction en cas d'excès ;

Or attendu qu'ainsi calculée, et au vu de l'économie du contrat, elle est manifestement excessive, dès lors qu'elle ne tient aucun compte de la reprise du matériel loué, qui permet au bailleur d'en disposer et, notamment, de relouer le véhicule à un autre cocontractant ou de le vendre ; qu'en l'espèce, où la résiliation est intervenue après quelques mois, l'intimée justifie (sa pièce n°3) qu'un professionnel offrait en février 2009 de racheter pour 96.000 euros HT le véhicule, alors coté 107.000 euros à l'Argus ;

Attendu qu'ainsi, la résiliation de la location procure en l'espèce au bailleur un avantage considérablement supérieur à son exécution pendant la durée convenue de soixante mois, à l'issue de laquelle il aurait certes pu récupérer son bien, mais pour une valeur et un usage diminués ;

Attendu que compte tenu des intérêts en présence, des loyers déjà encaissés pour 34.888 euros, de la valeur du véhicule acquis 170.788 euros et de sa date de reprise, et au vu du préjudice financier réellement subi par le bailleur, il y a lieu de réduire à 60.000 euros TTC le montant de l'indemnité de résiliation ;

Attendu que chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, il y a lieu de prévoir que chacune conservera la charge des dépens qu'elle aura exposés, sans indemnité de procédure ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

INFIRME les ordonnances rendues les 21 juin 2010 et 4 janvier 2011 par le juge commissaire au redressement judiciaire de l'Eurl Defeings Transports ;

et statuant à nouveau :

PRONONCE pour la somme réduite à 60.000 euros TTC (SOIXANTE MILLE EUROS), l'admission, à titre chirographaire, de la créance de la SA Transolver Services au passif de l'Eurl Defeings Transports au titre de l'indemnité de résiliation du contrat de location n°51583-XX.1 conclu le 20 février 2008 portant sur un véhicule Iveco Eurotrakker 340 immatriculé […].

DIT que mention de la présente décision sera portée sur l'état des créances du redressement judiciaire de l'Eurl Defeings Transports aux soins du greffier du tribunal de commerce de Tours.

LAISSE chaque partie conserver la charge des dépens par elle exposés et DIT qu'il n'y a pas lieu à allocation d'une indemnité de procédure.

Arrêt signé par Monsieur Alain RAFFEJEAUD, président et Madame Evelyne PEIGNE greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER,        LE PRÉSIDENT.