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TGI BEZIERS, 23 octobre 2000

Nature : Décision
Titre : TGI BEZIERS, 23 octobre 2000
Pays : France
Juridiction : Bezier (TGI)
Demande : 97/02809
Date : 23/10/2000
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 10/11/1997
Décision antérieure : CA MONTPELLIER (1re ch. sect. D), 7 mai 2003
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 333

TGI BEZIERS, 23 octobre 2000 : RG n° 97/02809 ; jugement n° 712

(sur appel CA Montpellier (1re ch. D), 7 mai 2003 : RG n° 01/01038 ; arrêt n° 2082)

 

Extrait : « Or attendu que l'évaluation des dommages par un cabinet d'expertise, ne peut être assimilée à un acte nécessaire d'exploitation de l'entreprise agricole et qu'elle échappe à la compétence professionnelle de l'entrepreneur, qui se trouve dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur ; qu'il y a donc lieu de dire et juger que la prestation de service offerte par le Cabinet LECART à Monsieur X. n’avait pas un rapport direct avec son activité professionnelle ; qu'ainsi les contrats proposés, tant pour l'évaluation des dommages de l'entreprise, que l'évaluation des dommages du domicile personnel de Monsieur X. doivent être soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants sur le démarchage à domicile ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BÉZIERS

JUGEMENT DU 23 OCTOBRE 2000

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 97/02809. Jugement n° 712.

 

DEMANDEUR :

Monsieur X.

demeurant [adresse] - Représenté par la SCP F. SIMON (Avocats au barreau de BEZIERS)

 

DÉFENDEUR :

SA LECART HDS

[adresse], Représentée par la SCP J. COSTE - B. BORIES (Avocats au barreau de BEZIERS)

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Lors des débats en audience publique : Brigitte DEVILLE, Vice-Président ; Anne FONTAINE, Greffier

Magistrat ayant délibéré : Brigitte DEVILLE, Vice-Président, statuant à juge unique conformément aux dispositions des articles 801 et suivants du Nouveau C ode de Procédure Civile ;

DÉBATS : Vu l'ordonnance de clôture en date du 03 décembre 1998 ayant fixé l'audience de plaidoirie au 07 juin 1999 où l'affaire a été plaidée et mise en délibéré au 20 septembre 1999, prorogé au 23 octobre 2000 ;

[minute page 2] La SCP F. SIMON et la SCP J. COSTE - B. BORIES ont été entendus en leur plaidoirie ;

JUGEMENT : Prononcé en audience publique par Brigitte DEVILLE, Vice-Président, assistée de Marie-Ange GRENET, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

A la suite de la catastrophe naturelle du 27 janvier 1996, le Cabinet LECART, afin d'assister Monsieur X., Horticulteur, dans son indemnisation, lui a fait souscrire deux lettres de mission le 1er février 1996, l'une à titre personnel, concernant sa maison individuelle et l'autre concernant son entreprise professionnelle.

A la suite de l'expertise par le Cabinet A., expert de la compagnie d'assurances, le Cabinet LECART a réclamé à Monsieur X. ses honoraires, soit 13.144,25 Francs TTC, pour son domicile correspondant à 5 % de l'évaluation des pertes, augmentées de la TVA et la somme de 118.544,31 Francs TTC, calculée de la même façon pour l'entreprise horticole.

Le 23 juin 1997, le Cabinet LECART a obtenu de la part du Tribunal de Commerce de BEZIERS une ordonnance d'injonction de payer les dites sommes.

Monsieur X. a fait opposition à cette ordonnance et par jugement du 10 novembre 1997, le Tribunal de Commerce de BEZIERS s'est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance de la même ville.

Monsieur X. a déposé des conclusions le 20 mai 1998, tendant à la nullité des conventions sur le fondement des articles L. 121-21 à L. 121-29 du Code de la Consommation, concernant le démarchage à domicile.

Subsidiairement, Monsieur X. soutient que les conventions ne respectent pas l'article 1326 du Code Civil.

Encore plus subsidiairement, il constate que le Cabinet LECART ne justifie pas avoir rempli sa mission.

A titre infiniment subsidiaire, il estime qu'il n'est pas possible de rajouter la TVA aux deux factures.

Ainsi Monsieur X. réclame restitution de l'acompte de 20.000 Francs déjà versé et paiement de la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

[minute page 3] Le Cabinet LECART a conclu le 8 octobre 1998, en affirmant que les dispositions du Code de la Consommation relatives au démarchage à domicile ne concernent que les consommateurs, personnes privées et non les professionnels.

Or, l'un des contrats avait un rapport direct avec l'activité professionnelle de Monsieur X.

Par ailleurs, le Cabinet LECART soutient avoir parfaitement exécuté sa mission et avoir établi une facture avec la TVA, conformément au contrat.

Le Cabinet LECART réclame donc 131.688, 56 Francs, avec intérêts de droit à compter de la date de la mise en demeure et ce sous déduction de l'acompte de 20.000 Francs.

Il souhaite que le jugement à intervenir soit assorti du bénéfice de l'exécution provisoire et demande 50.000 Francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 décembre 1998.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Attendu que Monsieur X. soulève la nullité des conventions signées avec le Cabinet LECART en application des articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation ;

Que l'article L. 121-21 de ce Code dispose qu'est soumis aux dispositions sur le démarchage à domicile quiconque pratique, au domicile d'une personne physique, à sa résidence ou à son lieu de travail le démarchage, afin de lui proposer notamment la fourniture de service ; que le Cabinet LECART a ainsi proposé à Monsieur X. une fourniture de service, soit l'évaluation de ses dommages et l'assistance à l'expertise consécutive au sinistre ;

Attendu que l'article L. 121-22 du Code de la Consommation précise que ne sont pas soumises aux dispositions sur le démarchage à domicile, notamment les prestations de service, lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale, ou de toute autre profession ; que Monsieur X. est horticulteur et que l'un des contrats a été signé pour l'évaluation des dommages de son entreprise horticole ;

Attendu qu'il importe de déterminer si le contrat de fourniture de service a un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le co-contractant, Monsieur X. ;

Or attendu que l'évaluation des dommages par un cabinet d'expertise, ne peut être assimilée à un acte nécessaire d'exploitation de l'entreprise agricole et qu'elle échappe à la compétence professionnelle de l'entrepreneur, qui se trouve dans le même état d'ignorance [minute page 4] que n’importe quel autre consommateur ; qu'il y a donc lieu de dire et juger que la prestation de service offerte par le Cabinet LECART à Monsieur X. n’avait pas un rapport direct avec son activité professionnelle ; qu'ainsi les contrats proposés, tant pour l'évaluation des dommages de l'entreprise, que l'évaluation des dommages du domicile personnel de Monsieur X. doivent être soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants sur le démarchage à domicile ;

Or attendu que l'article L. 121-23 du même Code dispose que ces opérations doivent faire l'objet d'un contrat, dont un exemplaire doit être remis au client, au moment de la conclusion et comporter, à peine de nullité, notamment la faculté de renonciation dans les 7 jours, ainsi que les conditions d'exercice de cette faculté et de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23 à L. 121-26 du Code de la Consommation ;

Or attendu que le contrat relatif à l'évaluation des dommages causés à l'entreprise horticole ne mentionne pas ces énonciations et qu'il convient donc de prononcer sa nullité, ainsi que la nullité de tous les actes subséquents ;

Attendu que Monsieur X. ne soulève pas le défaut de respect des dispositions relatives au démarchage à domicile, concernant le contrat relatif à l'évaluation des dommages subis par le domicile personnel ; qu'au contraire, il précise que ces dispositions ont été respectées ;

Attendu qu'il soulève le défaut de respect des dispositions de l'article 1326 du Code Civil ; que cependant, cet article ne peut s'appliquer à ce contrat prévoyant des obligations à la charge de chacune des parties et revêtant ainsi un caractère synallagmatique ;

Attendu que Monsieur X. fait également référence à l'article 1325 du Code Civil imposant l'établissement d'originaux, remis à chacune des parties ; qu'en effet cet article exige un double original et non une copie de l'original unique ; qu'en l'espèce, le contrat signé par Monsieur X. précise qu'il lui a été laissé copie de l'engagement et ainsi pas d'un original ; que l'inobservation des formes pré vues à l'article 1325 du Code Civil a seulement pour effet de priver l'acte de sa force probante ; que cependant, Monsieur X. ne conteste pas l'existence de l'écrit, mais seulement les diligences accomplies par le Cabinet LECART et ainsi la réclamation de ses honoraires ;

Attendu cependant que le Cabinet LECART produit aux débats la justification de sa présence aux opérations d'expertise concernant l'évaluation des dommages affectant le domicile personnel de Monsieur X. ; qu'il justifie également avoir établi un état estimatif préparatoire à l'évaluation des dommages affectant l'habitation pour une somme de 309.050 Francs ;

Attendu que le contrat relatif au domicile ne prévoyait pas la facturation en sus de la TVA et qu'il convient donc de condamner Monsieur X. à payer au Cabinet LECART uniquement la somme hors taxe de 10.899,04 Francs ;

Attendu qu'il n'est pas contesté qu'un acompte de 20.000 Francs a déjà été réglé par Monsieur X., et après compensation, celui-ci se verra restituer la somme de 9.100,96 Francs, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

[minute page 5] Attendu que la demande de dommages et intérêts infondée du Cabinet LECART doit être rejetée ;

Attendu que l'équité commande l'application en faveur de Monsieur X. de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et l'allocation à ce titre de la somme de 8 000 Francs.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Vu l'ordonnance de clôture du 3 décembre 1998,

Vu les articles L. 121-21 et suivants du Code de la Consommation,

Vu les articles 1134, 1325 et 1326 du Code Civil,

Dit et juge que le contrat signé entre le Cabinet LECART et Monsieur X. le 1er février 1996, et relatif à l'évaluation des dommages subis par l'entreprise horticole, est nul et de nul effet,

Rejette en conséquence les demandes du Cabinet LECART concernant le dit contrat,

Fixe les honoraires du Cabinet LECART, concernant le contrat signé par Monsieur X. le 1er février 1996 et relatif à l'évaluation des dommages subis par son domicile personnel, à la somme de 10.899,04 Francs,

Constate que Monsieur X. a déjà versé au Cabinet LECART un acompte de 20.000 Francs,

En conséquence, condamne le Cabinet LECART à restituer à Monsieur X., après compensation, la somme de 9.100,96 Francs, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

Rejette la demande de dommages et intérêts du Cabinet LECART,

Condamne le Cabinet LECART à payer à X. la somme de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que les dépens.

LE GREFFIER                        LE PRÉSIDENT