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CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 13 décembre 2011

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 13 décembre 2011
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 5 ch. 8
Demande : 10/21732
Date : 13/12/2011
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3520

CA PARIS (pôle 5 ch. 8), 13 décembre 2011 : RG n° 10/21732 

Publication : Jurica

 

Extrait : « C'est vainement enfin que la Sarl X. & Y. invoque les dispositions de l'article L. [132-1] du code de la consommation qui répute non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, alors que la Sarl X. & Y. ne conteste pas avoir loué ce photocopieur pour l'exercice de son activité professionnelle, comptabilisé les loyers en charge d'exploitation et pu déduire fiscalement le coût de cette location, de sorte que, même si elle n'avait pas de compétence particulière en matière de matériel de photocopie, elle n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions protectrices de ce texte. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 5 CHAMBRE 8

ARRÊT DU 13 DÉCEMBRE 2011

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10/21732. Décision déférée à la Cour : Jugement du 7 juillet 2010 - Tribunal de Commerce de PARIS - R.G. n° 2008/089345.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

prise en la personne de son représentant légal, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP FANET SERRA, avoués à la Cour, assistée de Maître Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL DE MARNE, PC 129

 

INTIMÉES :

SARL X. ET Y. - ARCHITECTURE ET URBANISME

prise en la personne de son gérant, ayant son siège [adresse], représentée par la SCP Michel GUIZARD, avoués à la Cour, assistée de Maître Bruno SAUTELET, avocat au barreau de PARIS, E1344

SARL BUREAUTIQUE EN DIRECT

prise en la personne de son gérant, ayant son siège [adresse], n'ayant pas constitué avoué

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 novembre 2011, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame DELBES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et Monsieur BOYER, Conseiller, chargés d'instruire l'affaire.

Un rapport a été présenté à l'audience conformément aux dispositions de l'article 785 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Evelyne DELBES, Conseillère faisant fonction de Présidente, Monsieur Joël BOYER, Conseiller, Monsieur Gérard PICQUE, Conseiller désigné en application de l'article R. 312-3 du Code de l'Organisation judiciaire ?

Greffier, lors des débats : Monsieur Daniel COULON

ARRÊT : - PAR DEFAUT - rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Evelyne DELBES, Conseillère, faisant fonction de Présidente, et par Madame HOUDIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Le 11 avril 2003, le cabinet d'architecture, Sarl X. & Y., a signé deux contrats :

- l'un, intitulé « contrat de vente », avec la Sarl La Bureautique en Direct, portant sur un photocopieur Aficio Color 12224C, moyennant le paiement de 21 trimestrialités de 1.195 euros HT chacune, une mention manuscrite portée sur l'acte faisant référence à la possibilité de garder ledit photocopieur pour un euro symbolique,

- l'autre, avec la société Location Automobiles Matériels (Locam dans la suite de la décision), se présentant comme un contrat de location avec option d'achat du même matériel (Aficio Color 12224C) moyennant un loyer de 1.429,22 euros TTC par trimestre, la levée de l'option d'achat (de 2 %) devant être notifiée au bailleur au moins trois mois avant l'expiration du contrat, ce dernier, à défaut de restitution du matériel, étant alors renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives d'un an.

Le photocopieur a été livré au cabinet d'architecture par la société Bureautique en Direct le 6 juin 2003, et un procès-verbal de livraison et conformité, signé par les deux parties, a été établi à l'intention du bailleur, la société Locam.

Par courrier du 14 août 2008, la Sarl X. & Y., qui avait réglé l'ensemble des échéances, a fait savoir à la société Locam qu'elle entendait conserver le photocopieur pour un euro symbolique, la société Locam lui ayant alors fait connaître que sa demande était regardée comme portant levée de l'option d'achat, et que cette dernière étant hors délai, les loyers demeuraient dus pour une année supplémentaire, soit jusqu'au 20 juillet 2009.

C'est dans ces circonstances que la Sarl X. & Y. a fait assigner, par actes en date du 1er décembre 2008, les sociétés Bureautique en Direct et Locam devant le tribunal de commerce de Paris, lequel, par jugement en date du 7 juillet 2010, a « dit que la Sarl X. & Y. ne devait rien à la SA Location Automobiles Matériels », a pris acte qu'elle renonçait à exercer l'option d'achat pour un euro, a ordonné la restitution du matériel à la Sarl Bureautique en Direct aux frais de cette dernière, a débouté les sociétés Bureautique en Direct et Locam de leurs demandes et les a condamnées à payer solidairement la somme de 3.000 euros à la demanderesse, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

La société Locam a interjeté appel de cette décision.

Par dernières conclusions signifiées le 18 octobre 2011, elle demande à la cour de réformer le jugement entrepris, de condamner la Sarl X. & Y. à lui payer la somme de 6.296,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2008, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de condamner la Sarl X. & Y. à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières écritures signifiées le 8 novembre 2011, la Sarl X. & Y. demande à la cour de confirmer le jugement déféré, de condamner la société Locam à lui payer une somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts et, subsidiairement, de condamner la société Bureautique en Direct à la garantir de toute condamnation qui pourrait être mise à sa charge, et de condamner la société Locam à lui payer la somme de 4.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

La société Locam fait valoir pour l'essentiel qu'aucune ambiguïté n'affectait la nature ou les clauses du contrat de location avec option d'achat conclu par la Sarl X. & Y., qui est seul au demeurant à avoir été exécuté, cette dernière n'ayant jamais réglé aucune somme à la société Bureautique en Direct, de sorte que la mention manuscrite qui avait été portée sur le contrat signé avec la société Bureautique en Direct (« possibilité de garder le 1224 à la fin pour un euro symbolique ») ne saurait lui être opposée. Elle ajoute que l'intimée ne saurait soutenir que les deux contrats par elle signés, de vente avec la société Bureautique en Direct et de location avec option d'achat avec elle-même, constitueraient un ensemble indivisible, ces deux contrats étant par nature incompatibles entre eux, et aucun ne faisant référence à l'autre. Elle conteste enfin l'application à l'espèce des dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives, s'agissant de la clause de tacite reconduction du contrat de location, un cabinet d'architecture constitué sous forme de Sarl ne pouvant invoquer les dispositions protectrices de ce texte qui n'a vocation à s'appliquer qu'au bénéfice des non-professionnels ou des consommateurs, et la clause litigieuse, qui figure dans tous les contrats de location à durée déterminée, étant exempte de tout déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.

La Sarl X. & Y. soutient à titre principal que le contrat signé avec la société Bureautique en Direct était un contrat de location avec option d'achat en dépit de son intitulé 'contrat de vente’qui procédait d'une erreur grossière et que les deux contrats, conclus l'un avec la société Bureautique en Direct, l'autre avec la société Locam, constituaient un ensemble indivisible, proposé par le seul représentant de la société Bureautique en Direct et se rapportant à un même matériel, moyennant un même financement de 21 échéances trimestrielles. Elle se prévaut, dans de telles conditions, de la clause convenue entre les parties d'un rachat possible du matériel pour un euro symbolique, laquelle, par son caractère spécial déroge nécessairement aux conditions générales du contrat Locam. Elle invoque, subsidiairement, les dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation en faisant valoir que l'usage de la photocopieuse en litige n'entrant pas dans le cadre de son activité professionnelle de cabinet d'architecte, elle doit être regardée comme un non-professionnel au sens de ce texte. Elle sollicite enfin la garantie de la société Bureautique en Direct qui a été sa seule interlocutrice, a présenté deux contrats à sa signature, et l'a assurée, par l'apposition d'une mention manuscrite particulière sur le contrat qui la liait à elle d'un rachat du matériel pour un euro symbolique.

 

Il est constant que deux contrats ont été signés le même jour pour un même matériel, en l'espèce un photocopieur, l'un conclu avec la société Bureautique en Direct, dénommé « contrat de vente », faisant référence à un paiement en 21 échéances trimestrielles, et comportant en bas de page un contrat de maintenance du photocopieur à livrer, d'une durée de cinq ans, l'autre, conclu avec la société Locam, étant un contrat de location d'une durée déterminée, la société Locam étant parfaitement identifiée comme étant « le loueur » ou « le bailleur », la Sarl X. & Y., « le locataire », et la société Bureautique en Direct « le fournisseur ». Ce dernier contrat prévoyait le paiement de 21 loyers trimestriels d'un montant de 1.429,22 euros TTT avec une option d'achat en fin de contrat de 2 %. A l'expiration de la location, et à défaut de restitution du matériel, ce contrat était renouvelable par tacite reconduction.

Si l'intimé fait justement valoir que la dénomination « contrat de vente » de la convention signée avec la société Bureautique en Direct ne pouvait procéder, comme cette dernière l'a reconnu en première instance, que d'une erreur grossière, elle ne saurait pour autant en inférer que les deux contrats en cause constituaient un ensemble contractuel indivisible dans la mesure où la nature de contrat de location conclu avec la société Locam était manifeste et explicite, comme cela ressortait des mentions qu'il comportait et des clauses générales qui le gouvernaient, peu important que ce contrat lui ait été proposé par la société Bureautique en Direct, fournisseur qui a livré le matériel dont il a facturé le prix à la société Locam qui en devenue aussitôt seul propriétaire. Il sera relevé au demeurant que l'acte signé avec la société Bureautique en Direct, dans la rubrique « Financement » qualifiait de « Location » et non de « Crédit-bail » l'opération en cause.

Enfin et surtout, la Sarl X. & Y. n'a réglé les loyers qu'à la seule société Locam, n'ayant, au cours de l'exécution du contrat de location conclu avec cette dernière, entretenu aucun rapport financier avec la société Bureautique en Direct, de sorte qu'elle ne saurait opposer à la première une mention figurant sur le document signé avec la seconde, auquel la société Locam n'était pas partie, et qui ne la mentionne pas même.

Il en résulte que le contrat de location conclu avec la société Locam était parfaitement autonome et que l'exercice de l'option d'achat à l'expiration du contrat et la tacite reconduction à défaut de restitution du matériel étaient régies par les seules conditions générales qui s'attachaient à ce contrat.

C'est vainement enfin que la Sarl X. & Y. invoque les dispositions de l'article L. 136-1 du code de la consommation [N.B. conforme à la minute Jurica ; lire 132-1] qui répute non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer au détriment du non-professionnel ou du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, alors que la Sarl X. & Y. ne conteste pas avoir loué ce photocopieur pour l'exercice de son activité professionnelle, comptabilisé les loyers en charge d'exploitation et pu déduire fiscalement le coût de cette location, de sorte que, même si elle n'avait pas de compétence particulière en matière de matériel de photocopie, elle n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions protectrices de ce texte.

La Sarl X. & Y. ayant omis d'exercer l'option d'achat dans les délais prévus par l'article 3 des conditions générales (au moins trois mois avant l'expiration du contrat), c'est à juste titre que la société Locam, faisant application des dispositions de cet article, a considéré que le contrat avait été tacitement reconduit et réclame le paiement des sommes suivantes :

- dernier loyer 2008 : 1.429,22 euros,

- clause pénale : 142,92 euros,

- intérêts de retard : 8,22 euros,

- trois loyers trimestriels du 20 janvier 2009 au 20 juillet 2009 : 4.287,66 euros,

- clause pénale : 428,77 euros,

soit la somme de 6.296,79 euros.

La Sarl X. & Y. invoque enfin la faute de la société Bureautique en Direct pour rechercher sa garantie.

Il n'est pas douteux qu'en ayant apposé sur le contrat qu'elle a fait signer à la Sarl une mention manuscrite, claire et non équivoque, ainsi rédigée « possibilité de garder le 1224 à la fin pour un euro symbolique », la société Bureautique en Direct - qui était la seule interlocutrice de l'intimée et à laquelle cette dernière a au demeurant restitué le matériel dont la société Locam ne réclame plus la restitution en cause d'appel - a induit la locataire en erreur, non seulement en lui laissant espérer une option d'achat moyennant un euro mais surtout accroire que le contrat de location prendrait nécessairement fin de la sorte, excluant ainsi toute possibilité de renouvellement par tacite reconduction, contrairement à ce que prévoyait le contrat conclu avec la société Locam.

Cette mention à la fois imprudente et erronée a incontestablement fait perdre à la Sarl X. & Y. une chance d'exécuter le contrat passé avec la société Locam dans des conditions plus favorables pour elle, en lui permettant de mieux s'assurer des délais dans lesquels l'option d'achat prévue par le contrat Locam devait être levée, afin d'éviter la reconduction tacite d'un contrat, dont elle pouvait croire de bonne foi, ainsi instruite par la société Bureautique Direct, qu'il venait à son terme et prévoyait l'acquisition du matériel pour un euro.

Le préjudice ayant résulté de cette perte de chance pour la locataire -à laquelle il appartenait cependant de lire les conditions générales explicites du contrat Locam ou, le cas échéant, d'interroger la société Bureautique en Direct, avec laquelle elle était demeurée en lien durant cinq ans au titre de la maintenance, sur les incohérences des deux actes- sera évalué à la moitié de la somme due, dont le paiement sera garantie à titre de dommages et intérêts par cette dernière.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 au profit de quiconque.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Condamne la Sarl X. & Y. à payer à la société Locam la somme de 6.296,79 euros avec intérêts au taux légal à compter du 13 novembre 2008,

Ordonne la capitalisation des intérêts à compter du 26 octobre 2009, date de sa première demande en justice,

Condamne la société Bureautique en Direct à garantir la Sarl X. & Y. du paiement de la moitié de ces sommes,

Dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de quiconque et déboute les parties de ce chef,

Condamne la Sarl X. & Y. aux dépens et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER         LA PRÉSIDENTE

M.C. HOUDIN         E. DELBES