TI HUNINGUE, 14 décembre 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 3545
TI HUNINGUE, 14 décembre 2007 : RG n° 11-07-000248 ; jugt n° 2007/368
(sur appel CA Colmar (3e ch. civ. sect. A), 23 novembre 2009 : RG n° 08/03910 ; arrêt n° 09/1258)
Extraits : 1/ « L'article L. 311-17 du code de la consommation dispose que l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit le premier impayé non régularisé, la conclusion d'un plan de surendettement ayant pour effet d'interrompre ce délai qui court à nouveau à compter du premier impayé non régularisé. Conformément à l'article 125 du nouveau code de procédure civile, le juge est tenu de soulever ce moyen d'office en ce qu'il constitue une fin de non recevoir. »
2/ « Le juge peut donc parfaitement invoquer d'office l'application des règles du crédit à la consommation.
En tout état de cause, dans ses avis n° 04-02 et n° 04-03, la commission des clauses abusives a considéré que les clauses d'un contrat de prêt prévoyant l'augmentation du crédit dans la limite du montant maximum du découvert autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit étaient abusives. Or, un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 27 juin 2000 a reconnu au juge national le pouvoir de relever d'office le caractère abusif d'une clause. […]
Il résulte de la comparaison entre les clauses sanctionnées par la commission des clauses abusives et la clause litigieuse en l'espèce que dans les deux cas il était prévu dès l'origine que le montant du découvert initialement choisi pouvait être augmenté dans la limite d'un maximum autorisé à la demande expresse de l'emprunteur. Il en résulte également que dans les deux cas, le prêteur pouvait refuser l'augmentation du découvert initialement choisi dans des cas souvent identiques. Les avis de la commission des clauses abusives conservent ainsi toute leur pertinence et s'appliquent au contrat litigieux.
La clause relative à l'augmentation du crédit accorde au prêteur la possibilité de refuser l'augmentation de découvert sollicitée par l'emprunteur sans que celui-ci, à défaut d'émission d'une offre préalable de crédit, bénéficie d'une faculté de rétractation. Il en résulte, au moment de l'augmentation du crédit consenti, un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties, le prêteur ayant la possibilité de la refuser et l'emprunteur n'ayant pas la possibilité de se rétracter.
La clause relative à l'augmentation du crédit doit donc être déclarée abusive. En conséquence, elle est non écrite et il convient d'appliquer la législation applicable à l'augmentation du crédit consenti dans le cadre d'une ouverture de compte. »
TRIBUNAL D’INSTANCE D’HUNINGUE
JUGEMENT DU 14 DÉCEMBRE 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. N° 11-07-000248. Jugement n° 2007/368.
Le 14 décembre 2007 a été prononcé publiquement par mise à disposition au greffe du Tribunal d'Instance, le jugement suivant, signé par A. FLESCH, Président, et V. CLOEZ, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le dit magistrat ; Après débats à l'audience du 23 novembre 2007, sous la Présidence de A. FLESCH, Juge d'Instance, assistée de V. CLOEZ, Greffier ;
ENTRE :
DEMANDEUR(S) :
Société DIAC SA
[adresse], représenté(e) par Maîtres BURNER & FAUROUX, avocat du barreau de MULHOUSE
ET :
DÉFENDEUR(S) :
Monsieur X.
[adresse], non comparant
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 20 septembre 2002, la société DIAC a consenti à Monsieur X. un crédit utilisable par fractions, le montant des échéances et le taux du crédit variant en fonction des sommes réellement empruntées. La fraction disponible initiale du crédit était de 3.000 €. Le montant maximum du crédit autorisé était de 6.000 €.
Par déclaration écrite au greffe enregistrée le 23 octobre 2007, la société DIAC a saisi le Tribunal d'Instance de Huningue d'une demande dirigée contre Monsieur X.
La société DIAC demandait au juge :
* de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 6.868,83 € avec intérêts au taux de 16,89 % à compter du 13 juin 2007 et avec intérêts au taux légal pour le surplus,
* de condamner Monsieur X. aux dépens,
* de condamner Monsieur X. à lui payer la somme de 700 € au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
* d'ordonner l'exécution provisoire.
La société DIAC a repris ses demandes à l'audience du 23 novembre 2007.
Elle a fait valoir que la forclusion n'était pas encourue dans la mesure où le montant maximum du découvert autorisé n'a été dépassé qu'en juin 2006.
Elle a ajouté que la déchéance du droit aux intérêts n'était pas encourue dans la mesure où la clause prévoyant la possibilité d'augmenter le montant du crédit initialement consenti dans la limite du découvert maximum autorisé n'était pas abusive.
Régulièrement convoqué par lettre recommandée dont l'accusé de réception a été signé, Monsieur X. n'a pas comparu, ni personne pour le représenter.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Selon l'article 472 du nouveau code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière recevable et bien fondée.
SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE EN PAIEMENT :
L'article L. 311-17 du code de la consommation dispose que l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit le premier impayé non régularisé, la conclusion d'un plan de surendettement ayant pour effet d'interrompre ce délai qui court à nouveau à compter du premier impayé non régularisé.
[minute page 3] Conformément à l'article 125 du nouveau code de procédure civile, le juge est tenu de soulever ce moyen d'office en ce qu'il constitue une fin de non recevoir.
Il résulte de l'historique du compte que les deux premières échéances impayées sont celles des mois d'août et octobre 2005 mais qu’elles ont été régularisées par les paiements faits d'octobre 2005 à mars 2006. Il n'existe donc aucun impayé non régularisé datant de plus de deux ans avant l'introduction de la demande en paiement.
Le montant maximum de crédit n'a été dépassé qu'en juin 2006, soit moins de deux ans avant l'introduction de l'instance.
L'action en paiement de la société DIAC n'est pas forclose.
SUR LE DROIT AUX INTÉRÊTS :
Aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital lorsque :
- pour les ouvertures de crédit : il n'a pas été satisfait à l'article L. 311-9 du code de la consommation qui dispose que l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation du crédit consenti.
La législation du crédit à la consommation dérive du droit communautaire, les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation transposant en droit interne les dispositions de la directive n° 87/102 du 22 décembre 1986 relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de crédit à la consommation.
Dans son exposé des motifs, la directive souligne que les disparités de réglementation sont susceptibles « d'entraîner des distorsions de concurrence entre les prêteurs dans le marché commun », « influent sur la libre circulation des biens et services susceptibles d'être affectés d'un crédit et ont ainsi un impact direct sur le fonctionnement du marché commun ».
Il en résulte que la législation sur le crédit à la consommation n'a pas pour seul objectif la défense du consommateur, auquel cas elle relèverait de l'ordre public de protection, mais qu'elle a aussi pour objectif d'assurer le bon fonctionnement du marché du crédit : à ce titre la législation sur le crédit à la consommation relève tout autant de l'ordre public de protection que de l'ordre public de direction.
Le juge peut donc parfaitement invoquer d'office l'application des règles du crédit à la consommation.
En tout état de cause, dans ses avis n° 04-02 et n° 04-03, la commission des clauses abusives a considéré que les clauses d'un contrat de prêt prévoyant l'augmentation du crédit dans la limite [minute page 4] du montant maximum du découvert autorisé sans souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit étaient abusives.
Or, un arrêt de la Cour de Justice des Communautés Européennes du 27 juin 2000 a reconnu au juge national le pouvoir de relever d'office le caractère abusif d'une clause.
Il convient de préciser qu'une des clauses déclarées abusives dans l'avis n° 04-02 était libellé en ces termes : « Le prêteur autorise l'emprunteur à tirer sur le compte désigné ci-dessus dans la limite de montant du découvert maximum autorisé. (…) Montant maximum pouvant être autorisé : 30.000 francs. Le montant du découvert de base autorisé à l'ouverture du compte est de 4.000 francs. Il pourra être augmenté moyennant l'accord du prêteur par fractions successives, dans la limite du découvert maximum autorisé. ».
Par ailleurs, la clause déclarée abusive dans l'avis n° 04-03 était libellée en ces termes : « Montant maximum du découvert utilisé : celui indiqué à l'article D. 311-1 du Code de la Consommation, soit à ce jour 140.000 francs. Crédit disponible que vous avez choisi à l'ouverture : voir ci-dessus. A l'issue d'un délai de quatre mois suivant la date d'ouverture de votre crédit, le montant disponible pourra être augmenté jusqu'au montant maximum du découvert autorisé, par fractions successives ou en une seule fois, aux conditions suivantes :
* que vous (en) fassiez la demande expresse,
* qu'aucun incident de paiement n'ait été enregistré sur votre compte ou sur un autre crédit que (le prêteur) aurait pu vous consentir,
* que votre situation familiale, financière et professionnelle n'ait été modifiée dans un sens défavorable au remboursement du crédit,
* que vos possibilités de remboursement soient suffisantes selon les normes de la profession,
* que vous n'ayez commis aucune violation des dispositions du présent contrat ».
Or en l'espèce les clauses relatives à l'augmentation de la fraction disponible initiale sont les suivantes : « Fraction disponible du découvert : la fraction disponible peut évoluer sur demande spécifique de votre part dans la limite du montant maximum du découvert autorisé fixé au recto sauf si, depuis l'ouverture du crédit ou la dernière augmentation de la fraction disponible du découvert, vous vous trouvez (…) dans les cas suivants :
- en cas de non utilisation de la présente offre depuis plus d'un an,
- dans le cas ou les renseignements que vous avez fournis au prêteur pour l'obtention du prêt s'avéreraient inexacts,
- en cas de dépassement du montant maximum du découvert autorisé,
- dans le cas où l'emprunteur (...) est frappé d'une mesure bancaire ou judiciaire d'interdiction d'émettre des chèques et/ou fait l'objet d'une inscription au fichier FICP tenu par la Banque de France,
- en cas de défaut de règlement total et à bonne date de toute somme due par l'emprunteur au prêteur.
Pour utiliser la fraction disponible de son découvert autorisé, le titulaire du compte pourra utiliser, après accord de la DIA C, les moyens télématiques mis à sa disposition ou une demande téléphonique ou écrite signée adressée à DIAC en indiquant le montant du financement désiré. »
[minute page 5] Il résulte de la comparaison entre les clauses sanctionnées par la commission des clauses abusives et la clause litigieuse en l'espèce que dans les deux cas il était prévu dès l'origine que le montant du découvert initialement choisi pouvait être augmenté dans la limite d'un maximum autorisé à la demande expresse de l'emprunteur.
Il en résulte également que dans les deux cas, le prêteur pouvait refuser l'augmentation du découvert initialement choisi dans des cas souvent identiques.
Les avis de la commission des clauses abusives conservent ainsi toute leur pertinence et s'appliquent au contrat litigieux.
La clause relative à l'augmentation du crédit accorde au prêteur la possibilité de refuser l'augmentation de découvert sollicitée par l'emprunteur sans que celui-ci, à défaut d'émission d'une offre préalable de crédit, bénéficie d'une faculté de rétractation.
Il en résulte, au moment de l'augmentation du crédit consenti, un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties, le prêteur ayant la possibilité de la refuser et l'emprunteur n'ayant pas la possibilité de se rétracter.
La clause relative à l'augmentation du crédit doit donc être déclarée abusive.
En conséquence, elle est non écrite et il convient d'appliquer la législation applicable à l'augmentation du crédit consenti dans le cadre d'une ouverture de compte.
Or, l'article L. 311-9 qui prévoit la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit lors de toute augmentation du crédit est applicable au dépassement de la fraction disponible dans la limite du découvert maximum autorisé.
Un arrêt récent de la Cour de Cassation a en outre cassé un arrêt de Cour d'Appel qui avait considéré que la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit n'était pas nécessaire dans la mesure où le montant total des sommes perçues étaient inférieures au montant maximum du crédit autorisé (Civ. 1ère, 27 juin 2006).
En l'espèce, la fraction initialement choisie a été dépassée une première fois en août 2003, sans qu'une nouvelle offre préalable de crédit ait été faite. En février 2005, il a à nouveau été fait une utilisation du crédit alors que la fraction initiale était déjà dépassée, sans qu'une nouvelle offre préalable de crédit ait été faite.
La déchéance du droit aux intérêts est donc encourue.
SUR LE MONTANT DE LA CRÉANCE :
Conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le débiteur n'est ainsi tenu qu'au seul remboursement du capital, les sommes perçues au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux légal à compter du jour de leur versement, devant être restituées ou imputées sur le capital restant dû.
[minute page 6] La créance de la société DIAC s'établit donc comme suit :
* capital emprunté (montant total des achats) : 7.115 €,
* sous déduction des versements (montant total des versements moins montant total des impayés) : 5.460,68 €,
* total : 1.654,32 €,
Cette somme portera intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement, conformément à l'article 1153 du code civil.
SUR LES DÉPENS, LES FRAIS IRREPETIBLES ET L'EXÉCUTION PROVISOIRE :
Conformément aux dispositions de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile, il y a lieu de condamner Monsieur X. aux entiers dépens.
Conformément à l'article 700 du nouveau code de procédure civile, compte tenu de l'équité et de la situation économique de Monsieur X., il n'y a pas lieu de condamner Monsieur X. au paiement des frais irrépétibles exposés par la société DIAC.
L'exécution provisoire est nécessaire et compatible avec la nature du litige et il convient de l'ordonner.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LE TRIBUNAL, statuant publiquement par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société DIAC la somme de 1.654,32 € (mille six cent cinquante quatre euros et trente deux centimes) avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
DÉBOUTE la société DIAC du surplus de sa demande,
DIT n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, CONDAMNE Monsieur X. aux dépens,
ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement.
Le Greffier Le juge
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- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
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