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TGI EPINAL (2e sect. civ.), 2 décembre 2004

Nature : Décision
Titre : TGI EPINAL (2e sect. civ.), 2 décembre 2004
Pays : France
Juridiction : TGI Epinal. 2e sect. civ.
Demande : 03/02078
Décision : 439/04
Date : 2/12/2004
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 15/12/2003
Décision antérieure : CA NANCY (1e ch. civ.), 1er octobre 2007, TGI ÉPINAL (réf. civ.), 23 juillet 2003
Numéro de la décision : 439
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 363

TGI ÉPINAL (2e sect. civ.), 2 décembre 2004 : RG n° 03/02078 ; jugement n° 439/04

 

Extrait  : « Attendu que ce document constitué de l'offre du locateur d'ouvrage et de l'acceptation par le maître de l'ouvrage s'analyse en un contrat et ce d'autant qu'il portait expressément mention d'une « commande à prix ferme et définitif ». Attendu que si la Société PELLIN et Compagnie fait état d'une clause prévoyant que la commande ne serait définitivement conclue qu'après acceptation de sa part il apparaît toutefois que cette clause doit être considérée comme étant abusive dès lors qu'elle prévoit un engagement définitif du consommateur - ici le maître de l'ouvrage - alors que le professionnel, pourtant à l'initiative de l'offre, garde le pouvoir exorbitant de revenir sur cette offre, qu'une telle clause est contraire à l'article 1134 du Code Civil qui rappelle que le contrat doit être exécuté de bonne foi, que de surcroît elle apporte l'insécurité dans un domaine où la sécurité contractuelle s'impose ».                 

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE D’ÉPINAL

DEUXIÈME SECTION CIVILE

JUGEMENT DU 2 DÉCEMBRE 2004

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 03/02078. Jugement n° 439/04.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : PRÉSIDENT : Yves LESPERANCE, Vice-Président.

ASSESSEURS : Nathalie DELPEY-CORBAUX, Juge, Denis TAESCH, Juge.

GREFFIER : Aline REPLUMARD, Greffière en chef présente lors des débats, Virginie PLANCHETTE, Greffière présente lors du prononcé.

 

PARTIES :

DEMANDEUR :

Monsieur X.

Né le […] à [ville], de nationalité allemande, demeurant [adresse] représenté par la SCP KIHL, avocats au barreau d'ÉPINAL.

 

DÉFENDERESSE :

SARL PELLIN ET COMPAGNIE (SARL PELLIN & CIE),

dont le siège social est [adresse], immatriculée au RCS de METZ sous le numéro XX, prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié ès qualités audit siège ; représentée par la SCP HAEMMERLE-BEGEL-GUIDOT, avocats au barreau d'ÉPINAL (avocats postulants), Maître Claude BOURGAUX, avocat au barreau de NANCY (avocat plaidant) ;

 

Clôture prononcée le : 09 juin 2004. Débats tenus à l'audience du : 07 octobre 2004. Date de délibéré indiquée par le Président : 02 décembre 2004. Jugement prononcé à l'audience du 02 décembre 2004. [minute page 2]

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I. EXPOSÉ DU LITIGE :

Monsieur X. est propriétaire d'un manoir sis à Y. dont la toiture a été sinistrée par la tempête du 26 décembre 1999, la Compagnie AGF garantissant ce risque.

Selon exploit en date du 15 décembre 2003 Monsieur X. a fait assigner la SARL PELLIN et Compagnie devant le Tribunal de ce siège pour entendre :

- Vu les articles 1101 et 1147 du Code Civil,

- Déclarer les demandes de Monsieur X. recevables et bien fondées.

- Constater que la Société PELLIN et Compagnie est responsable du préjudice subi par Monsieur X. du fait de l'inexécution de ce contrat.

- Condamner en conséquence la Société PELLIN et Compagnie à verser à Monsieur X. une somme de 52.293,59 Euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

- Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

- Condamner la Société PELLIN et Compagnie au paiement au profit de Monsieur X. d'une somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de sa demande il expose que dans le cadre de l'indemnisation par la Compagnie d'Assurances les travaux devaient être terminés pour le 16 décembre 2002, que le 23 juillet 2002 il a contracté avec la défenderesse en spécifiant bien la date d'achèvement des travaux.

Le demandeur précise que malgré une mise en demeure la Société PELLIN et Compagnie, se fondant sur une clause du contrat, a refusé d'exécuter les travaux.

Monsieur X. fait valoir qu'une telle argumentation est injustifiée dès lors que le contrat est conclu, que l'offre de la société ayant été acceptée par lui, il n'y a pas de place pour une nouvelle acceptation de l'offrant, qu'en réalité il s'agit d'une clause abusive réputée non écrite.

S'agissant de son préjudice Monsieur X. précise qu'il n'a pas pu percevoir le complément d'indemnité de la Compagnie d'Assurances puisque les travaux n'ont pas été réalisés dans les délais, que par ailleurs compte tenu de cette situation de nouveaux désordres sont apparus.

 

[minute page 3] Selon écritures récapitulatives régulièrement signifiées la Société PELLIN et Compagnie rappelle qu'au vu des conditions générales figurant sur le devis elle était en droit de ne pas accepter ce dernier et de refuser le chantier.

Elle ajoute que sa décision était fondée dans la mesure où le métré donné par le demandeur ne correspondait pas à la réalité, qu'il y a eu dol de la part de ce dernier qui connaissait parfaitement la surface de la toiture a refaire soit 680,53 m².

La défenderesse fait valoir qu'en tout état de cause son agent technico-commercial ayant établi le devis n'avait pas qualité pour l'engager.

A titre reconventionnel la Société PELLIN et Compagnie sollicite la condamnation de Monsieur X. au paiement de la somme de 1.500 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

 

Selon conclusions récapitulatives Monsieur X., après avoir rappelé les faits et la procédure, rappelle que l'existence d'un contrat entre les parties ne fait aucun doute dès lors que les conditions requises existent, que la clause invoquée est manifestement abusive.

Il précise par ailleurs que s'agissant de la superficie de la toiture, c'est l'entreprise qui a donné les mesures servant de base au devis, qu'au surplus il n'était pas le destinataire du rapport amiable du Cabinet Z., qu'enfin son agent commercial avait qualité pour engager la Société PELLIN et Compagnie. [minute page 4]

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

II. MOTIFS DE LA DÉCISION :

A. Sur l'existence du contrat et sa validité :

1. Sur l'existence du contrat :

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Monsieur X. a fait appel à la Société PELLIN et Compagnie pour refaire le toit de son immeuble que le 23 juillet 2002, après la visite de trois salariés de la défenderesse, le maître de l'ouvrage a donné son accord à l'offre présentée par la Société PELLIN et Compagnie, que pour ce faire il a apposé sur le document intitulé devis sa signature précédée de la mention « bon pour commande ».

Qu'il était également indiqué par lui que les travaux devaient impérativement débuter début octobre 2002, que ce bon de commande comportait également un coupon détachable pour exercer le droit de rétractation.

Attendu que ce document constitué de l'offre du locateur d'ouvrage et de l'acceptation par le maître de l'ouvrage s'analyse en un contrat et ce d'autant qu'il portait expressément mention d'une « commande à prix ferme et définitif ».

Attendu que si la Société PELLIN et Compagnie fait état d'une clause prévoyant que la commande ne serait définitivement conclue qu'après acceptation de sa part il apparaît toutefois que cette clause doit être considérée comme étant abusive dès lors qu'elle prévoit un engagement définitif du consommateur - ici le maître de l'ouvrage - alors que le professionnel, pourtant à l'initiative de l'offre, garde le pouvoir exorbitant de revenir sur cette offre, qu'une telle clause est contraire à l'article 1134 du Code Civil qui rappelle que le contrat doit être exécuté de bonne foi, que de surcroît elle apporte l'insécurité dans un domaine où la sécurité contractuelle s'impose.

[minute page 5] Attendu encore que le bon de commande signé par Monsieur X. l'a été également par Monsieur W. agent technico-commercial de la Société PELLIN et Compagnie, que si cette dernière précise que son salarié n'avait pas pouvoir de le représenter, il convient toutefois de préciser que le contrat liant Monsieur W. à la Société PELLIN et Compagnie stipule en son article 4-1 que :

« Monsieur W. aura pour mission de prendre au nom et pour le compte de la société les ordres de la clientèle ».

Que l'article 6-6 quant à lui rappelle que Monsieur W. est responsable des informations transmises à la société au niveau des commandes prises.

Que de ces éléments il ressort que contrairement à ce qui est soutenu, Monsieur W. avait manifestement le pouvoir d'engager la société défenderesse.

Qu'en conséquence et au vu de l'ensemble il apparaît que l'existence d'un contrat entre Monsieur X. et la Société PELLIN et Compagnie ne peut être sérieusement contestée.

 

2. La validité du contrat :

Attendu que la Société PELLIN et Compagnie soutient qu'il y a eu dol du maître de l'ouvrage qui a donné une fausse indication sur la surface de la toiture à refaire.

Attendu toutefois qu'au cas d'espèce les relations contractuelles mettent en présence un maître d'ouvrage profane et un professionnel du Bâtiment.

Qu'il convient de relever que la Société PELLIN et Compagnie a envoyé trois personnes sur le site, qu'en leur qualité, et en particulier Monsieur W., il leur appartenait de prendre les mesures exactes de l'ouvrage à réaliser sans s'arrêter au chiffre que pouvait donner un maître d'ouvrage peu habitué à cet exercice et ce d'autant qu'il ne lui était pas possible d'avoir accès au toit, qu'en tout état de cause rien dans le dossier ne permet de dire que c'est Monsieur X. qui a indiqué le chiffre de 450 m².

[minute page 6] Attendu encore qu'à ce stade de la discussion et sous réserve de ce qui est dit ci-dessus il convient de préciser que si une expertise amiable du Cabinet Z. en date du 3 janvier 2000 faisait état d'une surface de 680 m², ce document était libellé au nom de Monsieur A. l'ancien propriétaire de l'immeuble et non à celui de Monsieur X., que de même la Société PELLIN et Compagnie ne justifie pas que le demandeur avait eu connaissance de ce document le jour de la signature de l'acte.

Que de l'ensemble de ces documents il ressort que la notion de dol prévue par l'article 1109 du Code Civil ne peut être appliquée au cas présent.

 

B. Sur le préjudice :

Attendu que la Société PELLIN et Compagnie - contractuellement obligée envers Monsieur X. - n'a pas respecté ses obligations et ce malgré deux mises en demeure, qu'en agissant ainsi et alors que le bon de commande insistait sur l'urgence des travaux elle a causé un préjudice au maître de l'ouvrage qui justifie qu'il n'a pu percevoir de la Compagnie AGF le complément d'indemnité "valeur à neuf" d'un montant de 22.388,96 Euros, qu'il y a donc lieu de la condamner à réparer ce préjudice.

Attendu encore que durant l'hiver 2002/2003 l'immeuble de Monsieur X. - en l'absence de travaux - a subi de nouveaux dommages, que toutefois dès le mois de décembre 2002 Monsieur X. avait obtenu l'autorisation du Juge des Référés de faire exécuter les travaux litigieux, qu'en tout état de cause il lui appartenait de prendre toutes dispositions utiles pour protéger son bien détérioré par la tempête de 1999 c'est à dire trois ans plus tôt.

Attendu qu'il est justifié que Monsieur X. a dû faire appel à un autre entrepreneur pour réaliser les travaux, qu'il en est résulté un surcoût de 19.803 Euros du fait que ces travaux ont dû être réalisés dans l'urgence, que la défenderesse sera condamnée au paiement de cette somme.

Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la seule charge de Monsieur X. l'intégralité des frais irrépétibles engagés dans la présente procédure, que la Société PELLIN et Compagnie sera condamnée à lui payer la somme de 1.500,00 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Attendu enfin que l'ancienneté de la créance et sa nature justifient l'exécution provisoire du présent jugement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 7] PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort,

Condamne la Société PELLIN & Compagnie à payer à Monsieur X. la somme de quarante deux mille cent quatre-vingt onze Euros et quatre-vingt seize centimes (42.191,96 Euros) avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement, ainsi que la somme de mille cinq cents Euros (1.500 Euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement.

Condamne la Société PELLIN et Compagnie aux dépens.