TGI MONTAUBAN, 30 juillet 1991
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 379
TGI MONTAUBAN, 30 juillet 1991 : RG n° 1990/1440 ; jugement n° 599
TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTAUBAN
JUGEMENT DU 30 JUILLET 1991
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 1990/1440. Jugement n° 599.
A l'audience du TRENTE JUILLET MIL NEUF CENT QUATRE VINGT ONZE, du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE MONTAUBAN, tenue au Palais de Justice de ladite ville, en matière civile, il a été publiquement donné lecture par Monsieur DAROLLE, Président du jugement rendu dans la cause :
ENTRE :
L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS (UFC QUE CHOISIR)
Association de consommateurs agréée, dont le siège est [adresse], agissant par son Président, même adresse ; DEMANDERESSE, ayant Maître POUGET, pour Avocat Postulant à MONTAUBAN et Martre Luc BIHL, pour Avocat Plaidant à PARIS, d'une part.
ET :
La SARL SAEM exerçant sous l'enseigne « CONFORAMA MONTAUBAN »
[adresse] ; DEFENDERESSE, ayant la SCP PUJOL - GROS, pour Avocats Postulants à MONTAUBAN, et la SCP BOUSCATEL - MONFERRAN - BOUIX - DUBY, pour Avocats Plaidants à TOULOUSE, d'autre part.
La cause inscrite au rôle sous le numéro 1440 de 1990, plaidée à l'audience du 18 juin 1991, où siégeaient Monsieur DAROLLE, Président, Madame HUMBERT, Vice-Président et Madame GARIN, JUGE, qui en ont délibéré, assistés de Madame CHAUFFAILLE, GREFFIER.
OUÏ Madame HUMBERT, en son rapport.
OUÏ Martre POUGET et Maître BIHL, Avocats en leurs conclusions pour l'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS.
OUÏ Martre PUJOL et Martre MONFERRAN, Avocats en leurs conclusions pour la SARL SAEM « CONFORAMA MONTAUBAN ».
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par assignation du 24 septembre 1990, L'Union Fédérale des Consommateurs agissant en vertu de la loi du 5 janvier 1988 expose :
- que les conditions générales de la Société SAEM sont imprimées au verso d'une liasse et que cette présentation ne permet pas au consommateur d'en prendre connaissance avant de signer la commande alors qu'il serait aisé, soit de faire apposer la signature au verso, soit d'attirer son attention par une mention figurant au recto.
- que cette présentation constitue une clause abusive.
- que les clauses suivantes sont illégales et/ou abusives :
« Sauf lorsqu'il est mentionné un délai impératif, les délais ne sont qu'indicatifs. Ils ne peuvent donner lieu à annulation que 30 jours après une mise en demeure... Remboursement des sommes versées majorées d'une indemnité forfaitaire de 20 francs » ;
« Le client devra adresser sa réclamation dans un délai maximum de 48 heures » ;
* Demande au Tribunal de juger illégales et abusives les clauses précitées,
- de condamner la Société SAEM à :
1°) modifier la présentation des conditions Générales de manière à attirer l'attention des consommateurs sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à dater de l'expiration d'un délai d'un mois suivant le jugement à intervenir.
2°) supprimer les clauses visées dans l'assignation sous la même astreinte de 1.000 Francs.
3°) à lui payer les sommes de 20.000 Francs en réparation du préjudice causé aux intérêts collectifs des consommateurs et de 6.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La SARL SAEM fait valoir :
- quant aux conditions générales de vente : que l'alternative proposée par l'UFC est respectée puisque figure au recto du document, la mention en caractères gras « Voir conditions de vente au verso ».
- quant aux délais de livraison :
° que le contrat réglemente expressément et de façon précise, les conditions de résiliation (délai - formalités à accomplir).
° que cette clause est une garantie pour le consommateur.
° qu'au surplus cette clause ne s'applique pas en cas de délai impératif.
- [minute page 3] quant au délai de 48 heures :
° que cette disposition ne fait que consacrer une attitude normale du consommateur qui lorsqu'il reçoit une livraison, la vérifie très rapidement,
° qu'elle permet d'éviter tout litige ultérieur en permettant d'établir avec certitude le lien de causalité entré la livraison défectueuse et l'avarie constatée,
° qu'au demeurant, si une défectuosité apparaissait au delà du délai de 48 heures, la garantie contractuellement prévue jouerait.
* Conclut au débouté des demandes présentées et au paiement de la somme de 5.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
L'Union Fédérale des Consommateurs réplique que le caractère illégal ou abusif d'une clause insérée dans le contrat doit être apprécié, non seulement en fonction de la loi du 12 janvier 1978, mais aussi des règles relatives au contrat de vente,
- que le procédé utilisé pour la présentation des conditions générales de vente ne constitue pas une clause abusive mais une pratique abusive dès lors :
° que le consommateur ne peut pas donner son consentement en toute connaissance de cause.
° que la Commission des clauses abusives a par recommandation du 26 novembre 1980 condamné cette pratique.
° que la clause réglementant le délai de livraison est abusive, car contraire à l'article 2 du Décret du 24 mars 1978 qui interdit toute clause ayant pour effet de supprimer ou de réduire le droit à réparation du consommateur en cas de manquement du professionnel.
° que le délai maximum de réclamation du 48 heures imposé place le consommateur dans l'impossibilité matérielle d'agir.
La requérante par conclusions signifiées le 14 juin 1991, sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture afin de lui permettre de faire état du jugement rendu dans une espèce similaire par le Tribunal de Grande Instance de Paris, le 16 avril 1991.
MOTIFS (justification de la décision) N.B. : cette mention ne figure pas dans l’original.
SUR QUOI LE TRIBUNAL
La demande présentée par l'UFC, association de consommateurs, régulièrement agréée, est recevable en application de l'article 6 de la loi n° 88-14 du 5 janvier 1988.
[minute page 4] Aux termes de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978, peut être considérée comme abusive la clause insérée dans un contrat conclu entre professionnels et non professionnels conférant au premier « un avantage excessif », et dont l'objet fait partie de l'énumération du dit article.
SUR LA PRÉSENTATION DU CONTRAT
Le contrat litigieux se présente sous la forme d'une liasse cartonnée dont la 1ère page remplie par le vendeur comporte au verso les conditions générales de vente.
Le recto est seul signé par l'acheteur, cependant une mention lisible indique « voir conditions de vente au verso » et répond à la demande de la requérante figurant dans son assignation qui souhaitait, soit que le consommateur signe le verso, soit que son attention soit attirée par une mention figurant au recto.
L'UFC sera débouté de ce chef de demande dès lors qu'il n'est démontré que le consommateur signe le contrat sans avoir pris connaissance des conditions générales de vente.
- Sur la clause limitant le droit à réparation de l'acheteur.
Le chapitre III des conditions de vente régit les conditions de la livraison et réglemente dans son article 3-1 les conditions d'annulation (délai - formalités à accomplir).
Cet article dispose dans son dernier alinéa, qu'au cas d'annulation « le magasin remboursera aux clients toutes les sommes perçues majorées d'une indemnité forfaitaire de 20 F pour frais de courrier ».
Cette clause confère au vendeur un avantage excessif, en réduisant le droit à réparation du non professionnel en cas de manquement du professionnel à son obligation de délivrance ; elle est contraire aux dispositions de l'article 2 du Décret du 24 mars 1978 pris en application de la loi du 10 janvier 1978.
Cette clause doit être réputée non écrite.
- Sur le délai de réclamation.
Aux termes de l'article 3-3 du chapitre III intitulé Livraison « le client doit faire les réserves immédiatement aux livreurs sur le bon de livraison et adresser sa réclamation... en cas d'avarie ou de litige dans un délai maximum de 48 heures ».
Ce délai trop bref ne permet pas à l'acquéreur de faire valoir ses droits dans un délai raisonnable et contribue à la confusion du consommateur non averti, dès lors que le contrat ne rappelle pas, contrairement aux exigences de l'article 4 du Décret du 24 mars 1978, [minute page 5] l'obligation pour le vendeur de garantir l'acheteur contre toutes les conséquences des défauts ou vices cachés de la chose.
Cette clause confère, elle aussi, au vendeur un avantage excessif tant par la brièveté du délai, que par le risque qu'elle implique de le voir échapper à toute garantie légale par le consommateur qui, n'ayant pas agi dans le délai prévu, se croira démuni de tout recours ; elle sera réputée non écrite.
La Société défenderesse sera condamnée à supprimer ces clauses, sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La société SAEM sera condamnée à payer à l’UFC la somme de 10.000 Francs, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé par de telles clauses aux intérêts collectifs des consommateurs.
Il est inéquitable de laisser à la charge de la requérante les frais par elle engagés et non compris dans les dépens à hauteur de 4.000 Francs.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile et en premier ressort.
- Déclare abusives et réputées non écrites
° la clause limitant le droit à réparation de l'acheteur.
° la clause limitant à 48 heures le délai de réclamation de l'acheteur.
- Ordonne la suppression des dites clauses sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard à dater de l'expiration d'un délai de 3 mois à compter de la signification du présent jugement.
- Condamne la Société SAEM « CONFORAMA MONTAUBAN » à payer à l’UFC les sommes de
° 10.000 Francs à titre de dommages et intérêts,
° 4.000 Francs en application de l’article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
- [minute page 6] Déboute les parties de leurs autres chefs de demande.
- Met les dépens à la charge de la Société SAEM « CONFORAMA MONTAUBAN ».
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)
- 6469 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (1) - Formation du contrat - Règles générales
- 6474 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (6) - Obligations du vendeur - Obligation de délivrance
- 6476 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (8) - Obligations du vendeur - Garantie des vices cachés
- 6477 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Vente en général (9) - Obligations du vendeur - Clauses exonératoire et limitatives de responsabilité