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TGI NANTES (1re ch.), 27 novembre 1996

Nature : Décision
Titre : TGI NANTES (1re ch.), 27 novembre 1996
Pays : France
Juridiction : TGI Nantes. 1re ch.
Demande : 6264/95
Date : 26/11/1996
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 27/11/1995
Décision antérieure : CA RENNES (7e ch. civ.), 25 mars 1998
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 386

TGI NANTES (1re ch.), 27 novembre 1996 : RG n° 6264/95

(sur appel CA Rennes (7e ch. civ.), 25 mars 1998 : RG n° 97/00054 ; arrêt n° 185)

 

Extrait : « Attendu que le délai de carence traditionnellement prévu dans les contrats d'assurances, notamment complémentaires, qui sont des contrats d'adhésion proposés par l'assureur professionnel aux particuliers n'est justifié que par la nécessité d'éviter l'absence d'aléa que présenterait la manifestation d'une pathologie au moment ou peu de temps après la conclusion du contrat et présumant de la mauvaise foi de l'adhérent ; Attendu qu'en conséquence un délai de carence d'une année paraît disproportionné et inutile procurant un avantage excessif à l'assureur ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE NANTES

PREMIÈRE CHAMBRE

JUGEMENT DU 27 NOVEMBRE 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 6264/95. Demande en paiement.

Composition du Tribunal lors du délibéré : Madame BLOCK, Vice-Président, Madame JOUANNE, Juge, Madame DOTTE-CHARVY, Juge,

GREFFIER : Y. EHONO

Débats à l'audience publique du 2 OCTOBRE 1996, devant Madame BLOCK, Vice-Président, siégeant en Juge rapporteur, sans opposition des avocats, qui a rendu compte au Tribunal dans son délibéré.

Prononcé du jugement fixé au 6 NOVEMBRE 1996 prolongé au 27 NOVEMBRE 1996

Jugement contradictoire rédigé par Madame DOTTE CHARVY, Juge, prononcé en audience publique par le Président.

[minute page 2]

ENTRE :

Madame X.

née Y. le [date] à [ville], de nationalité française, employée de commerce, demeurant [adresse], DEMANDERESSE au principal - DÉFENDERESSE reconventionnelle, comparant et plaidant par Maître LOMBARD, Avocat au Barreau de NANTES, D'UNE PART

ET :

1°/ Les Mutuelles du Mans Assurances

dont le siège social se situe à [adresse], pris en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège. DÉFENDERESSES au principal - DEMANDERESSES reconventionnelles comparant et plaidant par la SCP SALAUN RUFFAULT CARON EDAN TURMEL-BARBIN, Avocats au Barreau de NANTES.

2°/ La CRCAM de Loire-Atlantique

dont le siège social se situe à [adresse], pris en la personne de son représentant légal domicilié audit siège. DÉFENDERESSE comparant et plaidant par Maître ROBET, Avocat au Barreau de NANTES.

D'AUTRE PART

[minute page 3] Vu l'ordonnance de clôture du 3 septembre 1996 reportée au 2 octobre 1996 au jour de l'audience des plaidoiries avant l'ouverture des débats à la demande des parties,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par un acte sous seing privé du 8 janvier 1994, Mme Y. épouse X. a souscrit auprès du Crédit Agricole de Loire Atlantique un emprunt de 343.000 francs pour l'acquisition d'une maison d'habitation, remboursable en 240 mensualités à compter de janvier 1994.

Elle a également souscrit à l'assurance groupe auprès des Mutuelles du Mans Assurances garantissant les risques décès, invalidité absolue et définitive, invalidité permanente totale, et incapacité temporaire totale de travail.

Ayant été placée en arrêt de travail le 20 octobre 1994, Mme X. a demandé aux Mutuelles du Mans Assurances la prise en charge du risque.

Par un courrier recommandé du 24 mars 1995, le Crédit Agricole de Loire Atlantique a informé Mme X. du refus de l’assurance du fait du délai de carence.

Par actes des 27 et 28 novembre 1995, Mme X. a assigné les Mutuelles du Mans Assurances et le CRCAM de Loire Atlantique devant le Tribunal de Grande Instance de NANTES aux fins de voir condamner les Mutuelles du Mans Assurances à prendre en charge les échéances du prêt contracté auprès du Crédit Agricole jusqu'à la reprise des activités de Mme X., soit 42.891,03 francs de novembre 1994 à novembre 1995.

Mme X. réclame également la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive, outre la somme de 8.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle sollicite le bénéfice de l'exécution provisoire et demande que la décision soit opposable au Crédit Agricole.

[minute page 4]  Mme X. invoque la nullité de la clause prévoyant le délai de carence d'une année suivant la date d'effets des garanties, opposée par la Compagnie d'Assurances, au motif que cette clause introduit un déséquilibre notable dans les prestations fournies et dénature les garanties, en ce qu'elle aboutit à mettre à la charge du consommateur une obligation de payer pendant une année en l'absence de toute contrepartie de l'assureur.

Mme X. s'appuie sur l'article L. 132-1 du Code de la Consommation modifié et la recommandation n° 90/01 de la Commission des clauses abusives.

Les Mutuelles du Mans Assurances ont constitué avocat le 3 janvier 1996 et ont conclu le 19 mars 1996 au débouté des demandes de Mme X. en l'absence de preuve rapportée du caractère abusif de la clause prévoyant le délai de carence, et de la dénaturation des garanties concernées en considération notamment de la durée du prêt concerné.

L'assureur précise que la recommandation visée par la demanderesse ne fait état d'aucune durée spécifique.

Les Mutuelles du Mans Assurances réclament reconventionnellement la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La CRCAM de Loire Atlantique a constitué avocat le 16 janvier 1996 et a conclu le 4 septembre 1996. Elle observe qu'aucune demande n'est dirigée contre elle et que Mme X. pouvait se contenter de lui signifier le cas échéant le jugement à intervenir. Aussi elle sollicite la condamnation de la demanderesse à lui verser la somme de 3.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre sa mise hors de cause.

Par des écritures signifiées le 11 septembre 1996, Mme X. maintient son argumentation et rappelle que le contrat d'assurance est un contrat d'adhésion, qu'elle n'avait aucune possibilité d'en discuter les clauses et que le délai de carence critiqué s'ajoute au délai de 121 jours prévu par l'article VI ce qui porte à 16 mois le délai total avant la prise en charge des garanties. Elle demande au tribunal de prononcer l'éradication de la clause critiquée et l'application des autres clauses du contrat.

Par des conclusions du 20 septembre 1996, les Mutuelles du Mans ont repris leurs écritures initiales.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 5] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Attendu que le 8 janvier 1994, Mme X. a souscrit auprès de la CRCAM de Loire Atlantique un emprunt de 343.000 francs ; que le même jour elle a adhéré à une assurance groupe pour pallier les divers aléas susceptibles d'affecter sa solvabilité, l'assureur en l'espèce les Mutuelles du Mans devant alors se substituer à l'emprunteuse pour payer les échéances du prêt ;

Attendu qu'il est constant que Mme X. a été placée en arrêt de travail le 20 octobre 1994, puis en affection de longue durée ;

Attendu qu'après déclaration dudit sinistre, l'assureur a refusé à Mme X. sa garantie en lui opposant le dernier alinéa de l'article IV de l'extrait du contrat d'assurance collective intitulé « Délai de carence » qui précise « sont exclues de garanties les invalidités absolues et définitives, les incapacités temporaires totales, invalidités permanentes totales dues à une maladie et survenant dans l'année qui suit la date d'effet des garanties (...) » ;

Attendu que le délai de carence traditionnellement prévu dans les contrats d'assurances, notamment complémentaires, qui sont des contrats d'adhésion proposés par l'assureur professionnel aux particuliers n'est justifié que par la nécessité d'éviter l'absence d'aléa que présenterait la manifestation d'une pathologie au moment ou peu de temps après la conclusion du contrat et présumant de la mauvaise foi de l'adhérent ;

Attendu qu'en conséquence un délai de carence d'une année paraît disproportionné et inutile procurant un avantage excessif à l'assureur ;

Attendu qu'il résulte des pièces versées aux débats que Mme X. a payé les primes d'assurance dès la première échéance ;

Attendu que la clause intitulée « délai de carence » a en l'espèce pour conséquence de faire payer à l'assuré des primes d'assurance. durant une année sans aucune contrepartie et sans nécessité qu'en créant au détriment de l'assuré un déséquilibre spécifique entre les droits et obligations des parties au contrat, et un avantage excessif à l'assureur, ladite clause est abusive et doit être déclarée comme telle non écrite;

[minute page 6] Attendu que le contrat en cause reste applicable en toutes ses dispositions autre que celle jugée abusive, comme le souligne Mme X. elle-même dans ses conclusions du il septembre 1996 ;

Attendu que l'article VI de l'extrait du contrat d'assurance, rappelé par Mme X. dans les dites conclusions, précise que l'assureur versera au bénéficiaire une indemnité égale au montant des sommes dues à la CRCAM de Loire Atlantique sur le prêt garanti à compter du 121ème jour d'incapacité temporaire totale ou d'invalidité permanente totale ;

Attendu qu'il est constant que Mme X. a été placée en arrêt de travail le 20 octobre 1994 ; qu'en conséquence et en application du contrat, le délai de carence d'une année étant déclaré non écrit, les Mutuelles du Mans seront condamnées à prendre en charge les échéances du prêt en cause à compter du 121ème jour après le 20 octobre 1994, le contrat d'assurance trouvant son application pour le surplus ;

Attendu que Mme X. ne démontre pas en quoi la résistance des Mutuelles du Mans est abusive, s'agissant de l'appréciation d'une clause d'un contrat signé par les deux parties ;

Attendu qu'aux termes de l'extrait d'assurance groupe qu'elle a souscrite, la CRCAM est bénéficiaire des indemnités versées par les Mutuelles du Mans ; que Mme X. l'a à juste titre appelée à la cause ; qu'en conséquence la CRCAM sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile dirigée contre Mme X. ;

Attendu que les Mutuelles du Mans, succombant à la procédure seront tenues aux dépens, devront indemniser Mme X. de ses frais irrépétibles à hauteur de 5.000 francs et seront déboutées de leur demande sur ce chef;

Attendu que l'exécution provisoire est justifiée compte tenu de la nature de l'affaire ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en premier ressort,

[minute page 7] Déclare non écrite comme étant abusive la clause « délai de carence », dernier alinéa de l'article IV de « l'extrait du contrat d'assurance collective souscrit pas la CRCAM de Loire Atlantique », applicable au contrat d'assurance collective signé par Mme X. le 8 janvier 1994, les autres dispositions restant applicables ;

Condamne en conséquence la SA MUTUELLES DU MANS ASSURANCES à prendre en charge les échéances du prêt contracté par Mme X. à compter du 121ème jour après le 20 octobre 1994 ;

Ordonne l'exécution provisoire ;

Condamne les MUTUELLES DU MANS à verser à Madame X. la somme de CINQ MILLE FRANCS (5.000 Francs) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Dit que la présente décision sera opposable à la CRCAM de Loire Atlantique ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne les MUTUELLES DU MANS aux dépens et accorde à Maître LOMBARD le bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.