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TI HAGUENAU, 7 mars 2007

Nature : Décision
Titre : TI HAGUENAU, 7 mars 2007
Pays : France
Juridiction : Haguenau (TI)
Demande : 11-06-000186
Date : 7/03/2007
Nature de la décision : Irrecevabilité
Mode de publication : Site Com. cl. abusives (CCA)
Date de la demande : 6/04/2006
Décision antérieure : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 31 mars 2008
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4046

TI HAGUENAU, 7 mars 2007 : RG n° 11-06-000186

Publication : Site CCA

 

Extrait : « Par ailleurs, il est constant en droit que tout dépassement du plafond de découvert prévu au contrat de crédit par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit (Civ. 1ère, 17 mars 1998, Sanchez, RTD com. oct. déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc). L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date, a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 en ce sens : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti ». Il s'agit là d'assurer une bonne information du consommateur et d'éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés. Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur de sacrifier aux exigences légales protectrices de [minute page 3] l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours. […]

En l'espèce, le contrat de crédit prévoit dans son article relatif aux modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit que la fraction disponible du découvert autorisé (découvert utile) à l'ouverture du compte peut évoluer, moyennant l'accord du prêteur, dans la limite du montant du découvert maximum autorisé soit en l'espèce 140.000 F. Cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 140.000 F., et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne prévoit pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité de l'acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour l'emprunteur de rétracter leur consentement. Une telle clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. En conséquence, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, cette clause doit être déclarée abusive et réputée non écrite. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

TRIBUNAL D’INSTANCE D’HAGUENAU

JUGEMENT DU 7 MARS 2007

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-06-000186.

 

DEMANDEUR :

SA C.

[adresse], représente(e) par Maître MURE Grégoire, avocat au barreau de STRASBOURG

 

DÉFENDEUR :

Monsieur X.

[adresse], non comparant

 

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : BRAUN Agnès

Greffier : WACK Astrid

DÉBATS : Audience publique du 31 janvier 2007

JUGEMENT : réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé le 7 mars 2007 par mise à disposition au greffe, par BRAUN Agnès, Président, assisté de WACK Astrid, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 1 - N.B. première page non paginée] EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 27 janvier 1994, la SA C. a consenti à Monsieur X. un contrat de crédit utilisable par fractions et assorti d'une carte de paiement d'un montant de 30.000 F., pouvant être porté à 140.000 F., au taux effectif variable.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, l'organisme de crédit a provoqué la déchéance du terme.

Le 6 avril 2006, Monsieur X. a formé opposition à l'encontre de l'ordonnance portant injonction de payer en date du 12 janvier 2006.

A l'audience du 27 septembre 2006, la SA C. sollicite la condamnation de Monsieur X. au paiement des sommes suivantes, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :

- 9.477,40 €, au titre du solde du crédit, avec les intérêts au taux conventionnel à compter du 25 août 2005,

- 480, €, au titre de la pénalité de 8 %,

- 500 €, en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

A cette date, Monsieur X. a comparu et sollicité des délais de paiement.

Par jugement avant-dire droit en date du 15 novembre 2006, le Tribunal a ordonné la réouverture des débats, afin d'obtenir la justification de la notification annuelle des conditions de renouvellement du crédit, et de recueillir les observations des parties sur les conséquences d'un éventuel manquement à l'article L. 311-9 du Code de la consommation et sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion prévue à l'article L. 331-37 du Code de la consommation.

A l'audience du 31 janvier 2007, la demanderesse a maintenu l'intégralité de ses prétentions. Elle a exposé que le montant maximum du découvert autorisé a été fixé à 140.000 F. dans l'offre préalable de crédit. Elle a ajouté que selon une jurisprudence de la Cour d'appel de Colmar, la clause de variation du capital était conforme aux dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation.

S'agissant du respect des dispositions de l'article L. 311-9 du Code de la consommation, elle a exposé qu'en l'état actuel de la jurisprudence de la Cour de cassation, les juges du fond n'avaient pas la possibilité de soulever d'office un tel moyen. Elle a ajouté que Monsieur X. reconnaissait expressément avoir reçu un exemplaire doté du bordereau de rétractation. Elle a indiqué qu'en toute hypothèse, la question de la régularité du contrat est frappée par la forclusion prévue à l'article L. 311-37 du Code de la consommation, dans sa version antérieure à la loi du 11 décembre 2001. Enfin, elle a fait valoir que l'information annuelle avait été régulièrement donnée, en produisant les extraits de compte mensuel adressés à l'emprunteur trois mois avant la date anniversaire du contrat.

Monsieur X. n'a pas comparu à l'audience de renvoi.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] MOTIFS DE LA DÉCISION :

Selon l'article 472 du nouveau Code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, il est néanmoins statué sur le fond, le Juge ne faisant droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

L'article 125 du nouveau Code de procédure civile fait obligation au juge de relever d'office les fins de non-recevoir lorsqu'elles revêtent un caractère d'ordre public.

S'agissant de la possibilité pour le juge de relever d'office l'existence de clauses abusives au sens des dispositions de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, issu de la transposition de la directive n° 93/13 du 5 avril 1993, la Cour de justice des communautés européennes a estimé qu'une « protection effective du consommateur ne peut être atteinte que si le juge national se voit reconnaître la faculté d'apprécier d'office une telle clause » (27 juin 2000, Océano Groupo).

Aux termes de l'article L. 311-37 du Code de la consommation, l'action en paiement née d'un contrat de crédit à la consommation doit être engagée dans le délai de deux ans qui suit l'événement qui lui a donné naissance à peine de forclusion.

Le point de départ du délai à l'expiration duquel ne peut plus s'exercer une action se situe nécessairement à la date d'exigibilité de l'obligation qui leur a donné naissance.

Dans le cas d'une ouverture de crédit reconstituable et assortie d'une obligation de remboursement à échéances convenues, le délai biennal court à compter de la première échéance impayée non régularisée (Assemblée Plénière de la Cour de Cassation, 6 juin 2003).

Ainsi, le dépassement du plafond maximal fixé sur l'offre manifeste la défaillance de l'emprunteur, et fait courir le délai de forclusion (Civ. 1ère, 7 décembre 2004, n° 03-19.862, Bouchardon Belloeil, JCP 2005, IV, 1152).

Par ailleurs, il est constant en droit que tout dépassement du plafond de découvert prévu au contrat de crédit par fractions doit donner lieu à la souscription d'une nouvelle offre préalable de crédit (Civ. 1ère, 17 mars 1998, Sanchez, RTD com. oct. déc. 1998, p. 907 obs. B. Bouloc).

L'article 4 de la loi du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur, applicable aux contrats en cours à cette date, a d'ailleurs consacré la position de la Cour de cassation en modifiant la fin du premier alinéa de l'art. L. 311-9 en ce sens : « l'offre préalable est obligatoire pour le contrat initial et pour toute augmentation de crédit consenti ». Il s'agit là d'assurer une bonne information du consommateur et d'éviter que des offres souscrites pour de faibles montants ne soient par la suite utilisées pour emprunter des montants beaucoup plus élevés.

Aussi une clause prévoyant une augmentation du montant maximum du découvert autorisé fixé dans la convention initiale des parties sans que ne soit conclu un nouveau contrat de prêt a pour effet de créer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur emprunteur, en exonérant le prêteur de sacrifier aux exigences légales protectrices de [minute page 3] l'emprunteur et en privant du même coup celui-ci de cette protection. C'est ainsi par exemple que l'emprunteur se voit déchu de la possibilité de rétracter son acceptation dans le délai de 7 jours.

La Commission des clauses abusives a condamné de telles clauses en précisant qu'elles « laissent penser que le préteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter et que l'emprunteur ne dispose pas, à cette occasion, de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur » (Avis 04-02 et 04-03).

La Cour de cassation a au demeurant rendu un avis dans le même sens le 10 juillet 2006 en considérant que « l'article L. 132-1 du Code de la consommation répute comme non écrite comme abusive la clause, telle qu'interprétée par le Juge, prévoyant l'augmentation du montant du crédit initial sans acceptation par l'emprunteur d'une nouvelle offre de crédit ».

En l'espèce, le contrat de crédit prévoit dans son article relatif aux modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit que la fraction disponible du découvert autorisé (découvert utile) à l'ouverture du compte peut évoluer, moyennant l'accord du prêteur, dans la limite du montant du découvert maximum autorisé soit en l'espèce 140.000 F.

Cette clause, si elle autorise les parties à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 140.000 F., et si elle soumet l'exercice de cette faculté aux conditions qu'elle énonce, qui excluent la possibilité d'une augmentation tacite du montant du découvert, ne prévoit pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité de l'acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour l'emprunteur de rétracter leur consentement

Une telle clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.

En conséquence, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, cette clause doit être déclarée abusive et réputée non écrite.

Dès lors, le montant de l'ouverture de crédit correspond au « découvert utile » souscrit lors de l'acceptation de l'offre préalable soit en l'espèce 30.000 F.

Au regard de l'historique produit par la SA C., le plafond contractuel de 30.000 F. a été dépassé dès le mois de janvier 1998, sans qu'aucune nouvelle offre préalable n'ait été soumise au consentement de Monsieur X. et sans qu'aucune régularisation ne soit intervenue. Ce dépassement de l'ouverture de crédit souscrite constitue le point de départ du délai de forclusion.

Or l'ordonnance d'injonction de payer a été rendue le 12 janvier 2006, soit après l'expiration du délai biennal de forclusion.

[minute page 4] En conséquence, l'action en paiement de la SA C., engagée plus de deux ans après le premier incident de paiement non régularisé est forclose. Ses demandes seront déclarées irrecevables, et elle sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que l'action en paiement introduite par la SA C. à l'encontre  de Monsieur X. est forclose ;

DÉCLARE irrecevables les demandes de la SA C. ;

CONDAMNE la SA C. aux dépens.

Le Greffier                             Le Juge

Signé : A. WACK                  Signé : A. BRAUN