CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 31 mars 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 1388
CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 31 mars 2008 : RG n° 07/01704 ; arrêt n° 08/0332
Publication : Legifrance ; Juris-Data n° 363784 ; Lamyline
Extrait : « Attendu dans ces conditions que toute augmentation du montant initial du découvert autorisé supposait l'émission d'une nouvelle offre de prêt par le prêteur comme l'a dit le premier juge à juste titre ; Attendu que cette obligation s'imposait à ce dernier dès l'entrée en vigueur de la loi du 10 janvier 1978 codifiée aux articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ; Attendu en effet que dès l'origine, la mention du plafond de l'ouverture de crédit était exigé et les modèles types de contrat ne prévoyaient et ne prévoient toujours que la possibilité d'un plafond fixe sans modification possible ; Attendu certes que l'obligation d'émettre une offre préalable non seulement pour le contrat initial mais également pour toute augmentation du crédit consenti a été expressément imposée par la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 postérieure de 10 ans à l'offre préalable litigieuse ; Attendu toutefois que cette loi n'a fait que consacrer une jurisprudence préexistante constante en la matière ;
Attendu par ailleurs qu'aux termes de l'arrêt « Oceano Grupo Editorial et Salvat Editores » du 27 juin 2000, la CJCE a considéré qu'une protection effective du consommateur ne pouvait être atteinte que si le juge national se voyait reconnaître la faculté d'apprécier d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans une convention ; Attendu de plus que l'article L. 141-4 du Code de la consommation, créé par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 dispose que : « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application », ce qui recouvre la législation sur les clauses abusives comprises dans ledit code ; Attendu que cette disposition de procédure est d'application immédiate ; Attendu que c'est donc à juste titre que le premier juge a soulevé d'office la question du caractère éventuellement abusif de la clause du contrat de prêt aux termes de laquelle le prêteur se réservait le droit de modifier à la hausse ou à la baisse le montant du plafond autorisé ;
Attendu que l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 applicable en l'espèce puisque l'offre litigieuse a été émise le 27 janvier 1994, dispose que sont abusives et réputées non écrites les clauses insérées dans un contrat liant un professionnel à un non professionnel ou consommateur conférant à celui qui l'a imposée par un abus de sa puissance économique, un avantage excessif ; Attendu que la clause susvisée crée un avantage excessif au profit du prêteur en ce qu'il peut augmenter le montant du crédit en se dispensant d'émettre une nouvelle offre contenant les informations obligatoires imposées par la loi et en privant l'emprunteur de son droit de rétractation ; Attendu qu'insérée dans un contrat d'adhésion dont le contenu ne pouvait être discuté par l'emprunteur, elle était le résultat d'un abus de la puissance économique du prêteur dont le poids économique ne pouvait être contrebalancé par une personne physique ; Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a indiqué que cette clause devait être réputée non écrite ; Attendu qu'il s'ensuit que le plafond de l'autorisation de découvert dont s'agit a toujours été son montant initial de 30.000 Francs (4.573,47 €) ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A
ARRÊT DU 31 MARS 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A 07/01704. MINUTE N° 08/0332. Décision déférée à la Cour : Jugement rendu le 7 mars 2007 par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE HAGUENAU.
APPELANTE :
SA COFINOGA
ayant son siège social [adresse], Représentée par la SCP CALDEROLI-LOTZ DECOT - FAURE (avocats au barreau de STRASBOURG)
INTIMÉ :
Monsieur X.
demeurant [adresse], Non représenté
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 février 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. JOBERT, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Mme RASTEGAR, président de chambre, Mme MAZARIN-GEORGIN, conseiller, M. JOBERT, conseiller, qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. UTTARD
[minute page 2] ARRÊT : - Par défaut - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Mme F. RASTEGAR, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu le rapport.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
Selon offre acceptée le 27 janvier 1994, la SA COFINOGA a consenti un prêt selon la modalité d'un découvert en compte utilisable par fractions et assortie d'une obligation de remboursement par échéances périodiques en cas d'utilisation.
Le contrat prévoyait que « le montant maximum du découvert pouvant être autorisé est de 140.000 Francs. Ce montant est révisable par COFINOGA qui se réserve le droit de le modifier en hausse ou en baisse. Le montant du découvert autorisé à l'ouverture de votre compte est fixé à : 30.000 Francs ».
L'emprunteur ayant été défaillant dans le remboursement des échéances, la banque a fait jouer la clause de déchéance du terme insérée dans la convention et l'a fait citer, après une procédure préalable en injonction de payer, en paiement devant le tribunal d'instance de HAGUENAU qui, par jugement du 7 mars 2007, a dit cette demande était forclose.
Le premier juge a considéré que la clause d'un contrat de crédit prévoyant une augmentation du découvert initialement autorisé était abusive en ce qu'elle privait l'emprunteur d'une nouvelle offre et par conséquent de la possibilité de se rétracter. Il a ajouté que le plafond était demeuré celui initialement fixé à 30.000 Francs et ce montant ayant été dépassé dès le mois de janvier 1998, ce qui constituait le point de départ du délai de forclusion de deux ans, ce délai était acquis dans la mesure où l'ordonnance d'injonction de payer avait été rendue le 12 janvier 2006.
Par déclaration reçue le 13 avril 2007 au greffe de la cour, la SA COFINOGA a interjeté appel de ce jugement.
Selon des écritures récapitulatives reçues le 8 juin 2007 au greffe de la cour, l'appelante conclut à l'infirmation du jugement entrepris.
Elle demande à la cour de condamner l'intimé à lui payer la somme de 10.076 € augmentée des intérêts au taux de 13,38 % l'an sur la somme de 9.677,40 € à compter du 24 octobre 2005 jusqu'au paiement et des intérêts au taux légal pour le surplus à compter du 14 septembre 2005, celle de 750 € sur le fondement de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens de la [minute page 3] procédure.
A l'appui de son recours, elle fait valoir en substance que :
- la clause du contrat prévoyant la possibilité d'une augmentation du plafond du découvert n'est pas abusive, cette augmentation devant être sollicitée par l'emprunteur,
- avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, l'offre préalable n'était obligatoire que pour le contrat initial si bien qu'elle n'était pas tenue d'émettre une nouvelle offre de prêt en cas de relèvement du plafond du crédit,
- il n'y a pas eu défaillance de l'emprunteur dans la mesure où le plafond de 140.000 Francs n'a jamais été dépassé par l'emprunteur.
L'intimé a été assigné devant la cour par l'appelante selon exploit d'huissier signifié le 16 mai 2007. Les modalités de la signification sont celles de l'article 659 du Code de procédure civile, l'intimé n'a pas constitué avocat et n'a donc pas conclu.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu que l'intimé ayant été assigné devant la cour selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, il convient de statuer par défaut ;
Attendu que l'offre de prêt du 27 janvier 1994 dispose que « le montant du découvert pouvant être autorisé est de 140.000 Francs »;
Attendu que l'emploi de l'expression « pouvant être » signifie que l'emprunteur n'est pas autorisé à utiliser un découvert de 140.000 Francs mais seulement que cette autorisation est susceptible d'atteindre ce montant si bon semble au prêteur ;
Attendu que l'offre acceptée le 27 janvier 1994 par Monsieur X. portait uniquement sur un plafond de 30.000 Francs que le prêteur se réservait le droit de modifier à la hausse ou à la baisse dans cette limite de 140.000 Francs qui était, à l'époque, le montant maximal des crédits à la consommation régis par les articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ;
Attendu dans ces conditions que toute augmentation du montant initial du [minute page 4] découvert autorisé supposait l'émission d'une nouvelle offre de prêt par le prêteur comme l'a dit le premier juge à juste titre ;
Attendu que cette obligation s'imposait à ce dernier dès l'entrée en vigueur de la loi du 10 janvier 1978 codifiée aux articles L. 311-1 et suivants du code de la consommation ;
Attendu en effet que dès l'origine, la mention du plafond de l'ouverture de crédit était exigé et les modèles types de contrat ne prévoyaient et ne prévoient toujours que la possibilité d'un plafond fixe sans modification possible ;
Attendu certes que l'obligation d'émettre une offre préalable non seulement pour le contrat initial mais également pour toute augmentation du crédit consenti a été expressément imposée par la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 postérieure de 10 ans à l'offre préalable litigieuse ;
Attendu toutefois que cette loi n'a fait que consacrer une jurisprudence préexistante constante en la matière ;
Attendu par ailleurs qu'aux termes de l'arrêt « Oceano Grupo Editorial et Salvat Editores » du 27 juin 2000, la CJCE a considéré qu'une protection effective du consommateur ne pouvait être atteinte que si le juge national se voyait reconnaître la faculté d'apprécier d'office le caractère abusif d'une clause insérée dans une convention ;
Attendu de plus que l'article L. 141-4 du Code de la consommation, créé par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 dispose que : « le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du présent code dans les litiges nés de son application », ce qui recouvre la législation sur les clauses abusives comprises dans ledit code ;
Attendu que cette disposition de procédure est d'application immédiate ;
Attendu que c'est donc à juste titre que le premier juge a soulevé d'office la question du caractère éventuellement abusif de la clause du contrat de prêt aux termes de laquelle le prêteur se réservait le droit de modifier à la hausse ou à la baisse le montant du plafond autorisé ;
Attendu que l’article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à la loi du 1er février 1995 applicable en l'espèce puisque l'offre litigieuse a été émise le 27 janvier 1994, dispose que sont abusives et réputées non écrites les clauses insérées dans un contrat liant un professionnel à un non professionnel ou [minute page 5] consommateur conférant à celui qui l'a imposée par un abus de sa puissance économique, un avantage excessif ;
Attendu que la clause susvisée crée un avantage excessif au profit du prêteur en ce qu'il peut augmenter le montant du crédit en se dispensant d'émettre une nouvelle offre contenant les informations obligatoires imposées par la loi et en privant l'emprunteur de son droit de rétractation ;
Attendu qu'insérée dans un contrat d'adhésion dont le contenu ne pouvait être discuté par l'emprunteur, elle était le résultat d'un abus de la puissance économique du prêteur dont le poids économique ne pouvait être contrebalancé par une personne physique ;
Attendu que c'est à bon droit que le premier juge a indiqué que cette clause devait être réputée non écrite ;
Attendu qu'il s'ensuit que le plafond de l'autorisation de découvert dont s'agit a toujours été son montant initial de 30.000 Francs (4.573,47 €) ;
Attendu, s'agissant d'un prêt constitué par un découvert utilisable par fraction et assortie d'une obligation de remboursement par échéances périodiques, que le point de départ du délai de forclusion biennal de l'article L. 311-37 du code de la consommation est soit la date de la première échéance impayée et non régularisée, soit la date du dépassement du plafond autorisé qui doit être assimilé à une échéance impayée ;
Attendu en l'espèce qu'il ressort des pièces versées au débat que le plafond contractuel a été dépassé au mois de janvier 1998 ;
Attendu que l'ordonnance d'injonction de payer du tribunal d'instance de HAGUENAU en date du 12 janvier 2006 enjoignant à l'emprunteur de rembourser les montants dus au prêteur a été signifiée à ce dernier le 30 janvier 2006, alors que le délai biennal de forclusion insusceptible de suspension et d'interruption était largement écoulé ;
Attendu en conséquence que le jugement qui a déclaré la demande de la SA COFINOGA irrecevable pour écoulement du délai de forclusion de deux ans de l'article L. 311-37 du code de la consommation, doit être confirmé en toutes ses dispositions ;
Attendu que l'appelante, partie perdante, supportera les dépens d'appel ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 6] PAR CES MOTIFS :
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
DIT que la SA COFINOGA supportera les dépens d'appel.
Le greffier, Le président,
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5745 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Conséquences sur l’issue du litige - Effet rétroactif - Point de départ d’une forclusion - Illustrations
- 5803 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (2) - Cass. civ. 1re, 14 mai 1991 - Application directe de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 : illustrations
- 5811 - Code de la consommation - Clauses abusives - Application dans le temps - Clauses abusives - Principes : loi en vigueur à la conclusion du contrat
- 6631 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 2 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Obligation de faire une offre
- 6633 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 4 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Clauses abusives
- 6635 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Crédits spécifiques - Crédit renouvelable - 6 - Clause de dispense d’offre (augmentation du crédit) - Notion d’augmentation du crédit