TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 28 avril 2009
CERCLAB - DOCUMENT N° 4148
TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 28 avril 2009 : RG n° 11-08-000095
(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 9 septembre 2010 : RG n° 09/05550)
Extraits : 1/ « Attendu que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ; et que l'article L. 141-4 du Code de la consommation permet désormais au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ; qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et entraîne nécessairement au profit du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de ladite clause ; que, dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire et de la loi ; qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ».
2/ « En prévoyant que l'emprunteur pourra, en cas de vol ou de destruction du véhicule financé par le contrat de crédit, se voir opposer la résiliation du contrat de crédit avec obligation de rembourser le capital restant dû correspondant au prix de vente, alors même, d'une part, qu'il continue d'honorer ses remboursements et qu'aucune infraction contractuelle ne peut lui être reprochée et, d'autre part, que le vol ou la destruction du bien peuvent résulter de la faute du vendeur et être de nature à engager la responsabilité de ce dernier ainsi qu'à entraîner, à sa charge, une obligation de garantir le remboursement du crédit, cette clause crée bien un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur ».
TRIBUNAL D’INSTANCE SAINT-POL SUR TERNOISE
JUGEMENT DU 28 AVRIL 2009
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-08-000095. Par mise à disposition au greffe du 28 avril 2009 ; Délibéré au 7 avril 2009 et prorogé au 28 avril 2009 ;
Après débats à l'audience du 3 février 2009, a été rendu par Mme KASS-DANNO Stéphanie, Juge d'Instance, assistée de Mme LAKRAA Pascale, Greffier en Chef le jugement suivant ;
ENTRE :
DEMANDEUR :
SA DIAC
ayant siège [adresse], représentée par Maître SESBOUE substituant Maître CHROSCIK, avocat du barreau de ARRAS
ET :
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
demeurant [adresse], représenté par Maître DELCOURT substituant Maître SCAILLIEREZ Danièle, avocat du barreau de ARRAS
[minute page 2]
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 5 mai 2005, la société DIAC a consenti à Monsieur X. une ouverture de crédit accessoire à la vente d'un véhicule pour un montant de 15.174 €, remboursable en 48 échéances de 383,38 €, et ouvrant droit, pour la société de crédit, à la perception d'intérêts au taux nominal de 7,95 %.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la déchéance du terme a été provoquée.
Par acte d'huissier en date du 18 avril 2008, la société DIAC a fait assigner Monsieur X. afin d'obtenir, avec exécution provisoire, sa condamnation au paiement :
* de la somme de 5.558,54 € avec intérêts au taux contractuel de 8,80 % à compter du 13 mars 2008,
* des frais de justice exposés antérieurement à l'instance,
* de la somme de 1.000 € en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
outre les dépens.
* * *
Le tribunal a invité la société DIAC à formuler ses observations sur le moyen soulevé d'office tiré de l'irrégularité du contrat de crédit, en ce qu'il contient une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle type en prévoyant une clause abusive selon laquelle le vol ou la destruction du véhicule entraînent l'exigibilité immédiate du capital restant dû (L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 et L. 311-33 du code de la consommation).
Par décision en date du 6 janvier 2009, le tribunal a ordonné la réouverture des débats afin d'inviter la société DIAC à produire un tableau d'amortissement ainsi qu'un historique des paiements retraçant l'ensemble des paiements effectués depuis le 2 mai 2005.
* * *
A l'audience de renvoi, la société DIAC a maintenu ses demandes.
Elle soutient :
- que la clause relative à la résiliation du contrat n'est nullement abusive ; qu'en effet, le seul fait que la clause litigieuse diffère des prévisions du modèle-type ne peut suffire à rendre cette clause abusive ; et que dans la mesure où le gage du véhicule constitue un élément essentiel du contrat, la clause prévoyant la résiliation du contrat en cas de vol ou de destruction du véhicule ne crée aucun déséquilibre entre les parties ; qu'en outre, l'emprunteur a la faculté de souscrire une assurance perte financière qui a pour objet de couvrir l'emprunteur de la perte financière qu'il peut subir en cas de vol ou de destruction du véhicule financé ;
- [minute page 3] qu'en toute hypothèse, une clause abusive est seulement déclarée non écrite et ne peut entraîner la déchéance du droit aux intérêts.
* * *
Monsieur X. sollicite le report du paiement de la dette jusqu'à de la procédure de surendettement qu'il a mise en œuvre.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
I. Sur l'office du juge :
Attendu qu'en application de l'article L. 141-4 du Code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
II. Sur la demande principale :
1) Quant aux irrégularités de l'offre :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L. 311-8 à L. 311-13 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts.
Sur l'aggravation de la situation de l'emprunteur :
Attendu que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ;
et que l'article L. 141-4 du Code de la consommation permet désormais au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ;
qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et entraîne nécessairement au profit du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de ladite clause ;
que, dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire et de la loi ;
[minute page 4] qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ;
que dans une telle hypothèse, il convient de faire application de la règle selon laquelle la clause aggravant la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type, constitue une irrégularité sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation (Civ. 1ère, 1er décembre 1993, Bull. civ. I, n° 354), étant précisé que l'irrégularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation.
Attendu qu'en l'espèce, l'article 5.4 des conditions générales du contrat de crédit prévoit l'exigibilité immédiate du capital restant dû au jour du sinistre en cas de destruction ou de vol du véhicule financé ;
que, pourtant, il convient de relever qu'en application de l'article L. 311-21 du Code de la consommation, en cas de difficulté relative à l'exécution du contrat principal, le contrat de crédit ne se trouve annulé ou résolu de plein droit que lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu se trouve lui-même judiciairement annulé ou résolu ; qu'en conséquence, la destruction ou le vol du véhicule ne sauraient entraîner la résiliation du contrat de crédit et l'exigibilité immédiate du capital restant dû, si le contrat de vente n'a pas été annulé ou résolu judiciairement ;
que, certes, l'établissement de crédit dispose d'un droit de gage sur le véhicule financé ; que, toutefois, ce droit de gage est seulement destiné à garantir le paiement de la créance en cas de défaillance de l'emprunteur, notamment, en conférant au créancier gagiste un droit sur les indemnités dues à l'emprunteur en cas de sinistre subi par le véhicule ; qu'en aucun cas, ce droit de gage ne permet de considérer le vol ou la destruction du véhicule gagé comme un cas de défaillance de nature à entraîner la résiliation du contrat de crédit ;
que la souscription par l'emprunteur d'une assurance destinée à garantir la perte du véhicule n'autorise pas davantage la résiliation du contrat de crédit en cas de vol ou de destruction du bien ;
que, par ailleurs, il ressort de l'article L. 311-22 du Code de la consommation, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat principal survient du fait du vendeur celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt ; que tel serait le cas si la destruction ou la disparition du bien financé résultent d'un vice caché ;
qu'en conséquence, en prévoyant que l'emprunteur pourra, en cas de vol ou de destruction du véhicule financé par le contrat de crédit, se voir opposer la résiliation du contrat de crédit avec obligation de rembourser le capital restant dû correspondant au prix de vente, [minute page 5] alors même, d'une part, qu'il continue d'honorer ses remboursements et qu'aucune infraction contractuelle ne peut lui être reprochée et, d'autre part, que le vol ou la destruction du bien peuvent résulter de la faute du vendeur et être de nature à engager la responsabilité de ce dernier ainsi qu'à entraîner, à sa charge, une obligation de garantir le remboursement du crédit, cette clause crée bien un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur.
Attendu qu'outre qu'elle est abusive, cette clause aggrave bien la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type selon lesquelles la résiliation du contrat est encourue dans la seule hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ou d'une résolution du contrat principal ;
et que dans la mesure où la régularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation, la cause de la déchéance du terme par la société DIAC est sans incidence sur l'appréciation de l'irrégularité entachant le contrat depuis sa formation et sur sa sanction ;
qu'en conséquence, la déchéance du droit aux intérêts est bien encourue de ce chef.
2) Quant au montant de la créance :
Attendu que conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort ;
que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du code de la consommation et l'article D. 311-11 du code de la consommation.
Attendu qu'au vu du décompte arrêté au 26 janvier 2009, il apparaît que la créance de la société DIAC s'établit comme suit :
- Capital emprunté : 15.174 €
- Montant des primes d'assurance dues jusqu' à la dernière échéance payée le 30 juin 2006 : 138,06 € (soit 13 x 10,62 €)
- sous déduction des versements effectués : 5.289,25 €
- sous déduction du prix de vente du véhicule : 8.300 €
- TOTAL restant dû : 1.722,81 €
qu'en conséquence, Monsieur X. sera condamné à payer à la société DIAC la somme de 1.722.81 € au titre du solde du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2008.
[minute page 6]
III. Sur la demande de délais de paiement
Attendu qu'en application de l'article 1244-1 du Code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Attendu qu'en l'espèce, Monsieur X. ne produit aucun élément autorisant le tribunal à lui accorder des délais de paiement ;
que, toutefois, il convient de rappeler qu'en cas d'adoption d'un plan de surendettement ou de mesures recommandées, la dette devra être réglée conformément aux termes du plan de surendettement ou des mesures recommandées.
IV. Sur les autres demandes
Attendu qu'aucune circonstance particulière ne justifie que la présente décision soit assortie de l'exécution provisoire ;
que la demande de ce chef sera rejetée sur le fondement de l'article 515 du Code de procédure civile.
Attendu que conformément à l'article 969 du Code de procédure civile, dans la mesure où Monsieur X. succombe à l'instance, il sera condamné aux dépens ;
qu'en revanche aucune circonstance tirée de l'équité ou de la situation économique des parties ne justifie qu'il soit fait droit à la demande en paiement de la somme de 1.000 € formée par la société DIAC sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société anonyme DIAC, en deniers ou quittances valables, la somme de 1.722,81 € au titre du solde du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal à compter du 13 mars 2008
REJETTE les autres demandes des parties ;
DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;
RAPPELLE qu'en cas d'adoption d'un plan de surendettement ou de mesures recommandées, la dette devra être réglée conformément aux termes du plan de surendettement ou des mesures recommandées ;
[minute page 7] CONDAMNE Monsieur X. aux dépens.
Le Greffier Le Juge d'Instance
- 5708 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Intérêt pour agir
- 5724 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Régime - Conditions - Clause affectant l’issue du litige
- 5749 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets de l’action - Autres effets - Déchéance des intérêts
- 5987 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Lien de la clause avec le litige : crédit à la consommation
- 6130 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Durée du contrat - Résolution ou résiliation sans manquement - Résiliation par le professionnel
- 6623 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Crédit à la consommation - Régime général - Obligations de l’emprunteur - Déchéance et résiliation - Nature des manquements