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TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 6 janvier 2009

Nature : Décision
Titre : TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 6 janvier 2009
Pays : France
Juridiction : Saint-Pol sur Ternoise (TI)
Demande : 11-08-000203
Date : 6/01/2009
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 3/09/2008
Décision antérieure : CA DOUAI (8e ch. 1re sect.), 11 février 2010
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4150

TI SAINT-POL SUR TERNOISE, 6 janvier 2009 : RG n° 11-08-000203

(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 11 février 2010 : RG n° 09/00871)

 

Extraits : 1/ « Attendu que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ; et que l'article L. 141-4 du Code de la consommation permet désormais au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ».

2/ « Qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et entraîne nécessairement au profit du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de la dite clause ; que, dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire et de la loi ; qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ; que dans une telle hypothèse, il convient de faire application de la règle selon laquelle la clause aggravant la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type, constitue une irrégularité sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation (Civ. 1ère, 1er décembre [minute page 4] 1993, Bull. civ. I, n° 354), étant précisé que l'irrégularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation. ».

3/ « Qu'en conséquence, en prévoyant que l'emprunteur pourra, en cas de vol ou de destruction du véhicule financé par le contrat de crédit, se voir opposer la résiliation du contrat de crédit avec obligation de rembourser le capital restant dû correspondant au prix de vente, alors même, d'une part, qu'il continue d'honorer ses remboursements et qu'aucune infraction contractuelle ne peut lui être reprochée et, d'autre part, que le vol ou la destruction du bien peuvent résulter de la faute du vendeur et être de nature à engager la responsabilité de ce dernier ainsi qu'à entraîner, à sa charge, une obligation de garantir le remboursement du crédit, cette clause crée bien un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur. Attendu qu'outre qu'elle est abusive, cette clause aggrave bien la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type selon lesquelles la résiliation du contrat est encourue dans la seule hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ou d'une résolution du contrat principal ».

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-POL SUR TERNOISE

JUGEMENT DU 6 JANVIER 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 11-08-00020. Par mise à disposition au greffe du 6 janvier 2009.

Après débats à l'audience du 4 novembre 2008, a été rendu par Madame KASS-DANNO Stéphanie, Juge d'Instance, assistée de Madame LAKRAA Pascale, Greffier en Chef le jugement suivant ;

 

ENTRE :

DEMANDEUR :

Société GE MONEY BANK

ayant siège [adresse], représentée par Maître ROTELLINI, substituant Maître TRESCA Olivier, avocat du barreau de LILLE

 

ET :

DÉFENDEUR :

Madame X.

[adresse], NON COMPARANTE

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] EXPOSÉ DU LITIGE :

Selon offre préalable acceptée le 21 juillet 2006, la société GE MONEY BANK a consenti à Madame X. un crédit accessoire à une vente d'un montant en capital de 20.248 € remboursable en 60 mensualités de 417,39 € incluant les intérêts au taux nominal de 7,99 % l'an.

Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la déchéance du terme a été provoquée.

Par acte d'huissier en date du 3 septembre 2008, la société GE MONEY BANK a fait assigner Madame X. afin de solliciter, avec exécution provisoire, sa condamnation à :

- restituer le véhicule objet du contrat, de marque SAAB, type XX, n° de série YY à peine d'astreinte de 100 € par jour de retard à compter du jugement

- payer les sommes de :

* 15.944,63 € au titre du solde du contrat de prêt, avec intérêts au taux contractuel de 7,99 % à compter de la mise en demeure

* 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

* * *

Le tribunal a invité la société GE MONEY BANK à justifier de la régularité de l'offre préalable de crédit conformément aux articles 1315 du Code civil, L. 313-16, L. 311-1 et suivants, L. 311-8 à L. 311-13, R. 311-6 et R. 311-7 du Code de la consommation.

* * *

A l'audience de renvoi du 4 novembre 2008, la société GE MONEY BANK a sollicité, avec exécution provisoire, la condamnation de Madame X. à payer la somme de 13.627,60 € au titre du solde du contrat de prêt, avec intérêts au taux contractuel de […] à compter de la mise en demeure, outre les dépens.

Elle fait valoir que la clause relative à la résiliation du contrat de prêt n'est pas abusive ; et que la procédure a dû être diligentée du fait de la défaillance de Madame X.

Elle accepte que des délais de paiement soient consentis à cette dernière dans les termes du contrat de crédit, dans la mesure où les échéances impayées ont été régularisées jusqu'au mois de septembre 2008.

* * *

Madame X., qui a comparu à l'audience du 7 octobre 2008, ne s'est pas présentée à celle du 4 novembre 2008.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] EXPOSÉ DES MOTIFS :

Sur l'office du juge :

Attendu qu'en application de l'article L. 141-4 du Code de la consommation issu de la loi du 3 janvier 2008, le juge peut soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.

 

Sur la demande principale :

Quant aux irrégularités de l'offre :

Attendu qu'aux termes de l'article L 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui ne saisit pas l'emprunteur ou la caution d'une offre conforme aux dispositions d'ordre public des articles L 311-8 à L 311-13 du code de la consommation est déchu du droit aux intérêts.

 

Sur l'aggravation de la situation de l'emprunteur :

Attendu que la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes fait obligation au juge de relever d'office les moyens tirés du caractère abusif d'une clause stipulée dans un contrat de crédit ;

et que l'article L. 141-4 du Code de la consommation permet désormais au juge de soulever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application ;

qu'une clause aggravant la situation de l'emprunteur par rapport au modèle-type prévu par les articles L. 311-13 et R. 311-6 du code de la consommation rompt l'équilibre contractuel voulu par le législateur et entraîne nécessairement au profit du prêteur professionnel un déséquilibre significatif révélant le caractère abusif de la dite clause ;

que, dès lors, il entre dans l'office du juge de relever le caractère abusif de cette clause nonobstant la jurisprudence de la Cour de cassation qui doit être écartée en raison de la primauté du droit communautaire et de la loi

qu'une fois le caractère abusif de la clause relevé d'office par le juge, celui-ci doit appliquer les sanctions prévues en droit interne et rien ne s'oppose à ce qu'une clause abusive, au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation, puisse en outre aggraver la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type ;

que dans une telle hypothèse, il convient de faire application de la règle selon laquelle la clause aggravant la situation de l'emprunteur au regard des prévisions du modèle-type, constitue une irrégularité sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts du prêteur, conformément à l'article L. 311-33 du Code de la consommation (Civ. 1ère, 1er décembre [minute page 4] 1993, Bull. civ. I, n° 354), étant précisé que l'irrégularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation.

Attendu que l'article 10 des conditions générales du contrat prévoit la possibilité pour le prêteur de résilier le contrat de crédit en cas de destruction ou de disparition du bien ;

que, pourtant, il convient de relever qu'en application de l'article L. 311-21 du Code de la consommation, en cas de difficulté relative à l'exécution du contrat principal, le contrat de crédit ne se trouve annulé ou résolu de plein droit que lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu se trouve lui-même judiciairement annulé ou résolu ; qu'en conséquence, la destruction ou le vol du véhicule ne sauraient entraîner la résiliation du contrat de crédit et l'exigibilité immédiate du capital restant dû, si le contrat de vente n'a pas été annulé ou résolu judiciairement ;

que, par ailleurs, il ressort de l'article L. 311-22 du Code de la consommation, si la résolution judiciaire ou l'annulation du contrat de principal survient du fait du vendeur celui-ci pourra, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l'emprunteur du remboursement du prêt ; que tel serait le cas si la destruction ou la disparition du bien financé résultent d'un vice caché ;

qu'en conséquence, en prévoyant que l'emprunteur pourra, en cas de vol ou de destruction du véhicule financé par le contrat de crédit, se voir opposer la résiliation du contrat de crédit avec obligation de rembourser le capital restant dû correspondant au prix de vente, alors même, d'une part, qu'il continue d'honorer ses remboursements et qu'aucune infraction contractuelle ne peut lui être reprochée et, d'autre part, que le vol ou la destruction du bien peuvent résulter de la faute du vendeur et être de nature à engager la responsabilité de ce dernier ainsi qu'à entraîner, à sa charge, une obligation de garantir le remboursement du crédit, cette clause crée bien un déséquilibre significatif au détriment de l'emprunteur ;

Attendu qu'outre qu'elle est abusive, cette clause aggrave bien la situation de l'emprunteur par rapport aux prévisions du modèle-type selon lesquelles la résiliation du contrat est encourue dans la seule hypothèse d'une défaillance de l'emprunteur dans les remboursements ou d'une résolution du contrat principal ;

et que dans la mesure où la régularité du contrat s'apprécie au jour de sa formation, la cause de la déchéance du terme par la société GE MONEY BANK est sans incidence sur l'appréciation de l'irrégularité entachant le contrat depuis sa formation et sur sa sanction ;

qu'en conséquence, la déchéance du droit aux intérêts est bien encourue de ce chef.

 

Quant au montant de la créance :

Attendu que conformément à l'article L. 311-33 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions [minute page 5] fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts et l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital restant dû, après déduction des intérêts réglés à tort ;

que cette limitation légale de la créance du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 du code de la consommation et l'article D 311-11 du code de la consommation.

Attendu qu'au vu des pièces produites par la société GE MONEY BANK, et notamment d'un décompte arrêté au 19 août 2008 ainsi que des conclusions développées à l'audience du 4 novembre 2008, sa créance se chiffre à la somme de 9.704.10 € se décomposant comme suit :

- capital emprunté : 20.248 €

- sous déduction des paiements effectués jusqu'au 11 septembre 2008 : 10.543,90 € ;

qu'en conséquence, Madame X. condamnée à payer, en deniers ou quittances, à la société GE MONEY BANK la somme de 9.704,10 € au titre du solde du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal, à compter du 28 mai 2008, date de la mise en demeure, conformément à l'article 1153 du Code civil.

 

Sur la demande de délais de paiement :

Attendu qu'en application de l'article 1244-1 du Code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Attendu qu'en l'espèce, la société GE MONEY BANK accepte que Madame X. bénéficie de délais de paiement avec des remboursements mensuels d'un montant de 418,79 € ;

qu'il convient donc d'autoriser Madame X. à se libérer de sa dette selon les termes du dispositif du présent jugement.

 

Sur les autres demandes :

Attendu qu'aucune circonstance particulière ne justifie que la présente décision soit assortie de l'exécution provisoire conformément à l'article 515 du Code de procédure civile ;

que conformément à l'article 696 du Code de procédure civile, Madame X. succombant à l'instance, elle sera condamnée aux dépens.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 6] PAR CES MOTIFS :

Le tribunal statuant par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

CONDAMNE Madame X. à payer, en deniers ou quittances, à la société anonyme GE MONEY BANK la somme de 9.704,10 € au titre du solde du contrat de crédit, avec intérêts au taux légal, à compter du 28 mai 2008 ;

AUTORISE Madame X. à se libérer de sa dette en 23 échéances de 418,79 €, la 24ème échéance correspondant au solde de la dette en principal et intérêts ;

DIT que les échéances devront être payées au plus tard le 10 de chaque mois à compter du premier mois suivant la signification de la présente décision

DIT qu'a défaut de paiement d'une échéance à son terme exact, le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;

REJETTE les autres demandes ;

DIT n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

Condamne Madame X. aux dépens.

Le Greffier                            Le Juge d’Instance