CA GRENOBLE (1re ch civ..), 14 janvier 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4169
CA GRENOBLE (1re ch. civ.), 14 janvier 2013 : RG n° 11/01899
Publication : Juris-Data n° 2013-000494
Extrait : « Attendu tout d'abord, qu'à juste titre l'UFC 38 fait observer que la compétence matérielle des juridictions ne se divise pas ; Qu'il est par ailleurs constant, qu'une association constituée sous la forme prévue par la loi de 1901 est, quelles que soient les modalités de son fonctionnement et l'origine de ses ressources, une personne morale de droit privée et que le contrat passé par cette association avec une autre personne de droit privé, fût ce pour l'exécution d'un service public, est un contrat de droit privé ; Que les litiges relatifs à des contrats de droit privé ressortissent en principe à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Qu'il ressort en l'espèce des documents produits, que l'association privée des RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES qui n'est pas investie d'une mission de service public, même si elle satisfait à l'intérêt général et ne soutient pas être investie de prérogatives de puissance publique, propose des contrats de droit privé à des personnes privées, âgées dépendantes physiquement et/ou psychiquement, désireuses d'être accueillies dans ses locaux en séjour définitif ; Qu'il s'ensuit que le contrat litigieux relève des juridictions judiciaires et donc de la compétence du tribunal de grande instance de Grenoble, lequel peut en cas de nécessité et par application de l’article 49 du code de procédure civile, poser une question préjudicielle à la juridiction administrative ».
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 JANVIER 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/01899. Appel d'une ordonnance (R.G. n° 09/3438) rendue par le Tribunal de Grande Instance de GRENOBLE, en date du 30 mars 2011, suivant déclaration d'appel du 12 avril 2011.
APPELANTE :
UFC 38 - UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR DE L'ISÈRE
représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SELARL DAUPHIN & MIHAJLOVIC, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulant, plaidant par Maître BRASSEUR de la SCP CONSOM'ACTES, avocats au barreau de GRENOBLE,
INTIMÉE :
Association RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIERE POUR PERSONNES ÂGÉES - ARRBPA
représentée par son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège, représentée par la SCP GRIMAUD, en qualité d'avoués à la Cour jusqu'au 31 décembre 2011 puis en qualité d'avocats au barreau de GRENOBLE, postulants, plaidant par Maître RIEUSSEC, avocat au barreau de GRENOBLE
COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Véronique KLAJNBERG, Conseiller, faisant fonction de Président, Madame Dominique JACOB, Conseiller, Madame Annick ISOLA, Vice-Président placé,
Assistés lors des débats de Françoise DESLANDE, greffier,
DÉBATS : A l'audience publique du 3 décembre 2012, Madame KLAJNBERG a été entendue en son rapport. Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries. Puis l'affaire a été mise en délibéré pour l'arrêt être rendu à l'audience de ce jour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DU LITIGE :
Le 16 juillet 2009 l'association UFC QUE CHOISIR de l'Isère (UFC 38) a assigné l'association des RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES (ARRBPA) devant le tribunal de grande instance de Grenoble afin de voir juger que certaines clauses du contrat qu'elle propose à ses pensionnaires sont illicites ou abusives.
Le 28 septembre 2010, l'ARRBPA a saisi le juge de la mise en état d'un incident tendant à voir juger que le tribunal de grande instance de Grenoble était matériellement incompétent pour connaître des demandes de l'UFC 38, afférentes à trois des clauses visées par l'assignation et à inviter les parties à mieux se pourvoir devant le tribunal administratif de Grenoble, subsidiairement et au visa de l’article 49 du code de procédure civile de dire qu'il y a lieu de saisir le tribunal administratif de Grenoble d'une question préjudicielle.
Par ordonnance juridictionnelle du 30 mars 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Grenoble a notamment ;
« - dit que les demandes de L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR de l'Isère concernant le contrat de séjour dans les articles ;
* 1-2 relatif au tarif gîte et couvert, dit hébergement et qui traite des tarifs applicables en cas d'inoccupation de la chambre (point 4 et 5 de l'assignation page 6),
* 2-1 relatif au tarif hébergement en cas d'absence (point 8 de l'assignation pages 7 et 8),
et concernant le règlement de fonctionnement en son article 5-3 qui traite du prix de la pension en cas d'absence (point 20 de l'assignation page 13), relèvent de la compétence exclusive de la juridiction administrative,
en conséquence, déclaré le tribunal de grande instance de Grenoble incompétent pour statuer sur les demandes de l'UFC 38 relatives à ces clauses,
renvoyé L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR de l'Isère à mieux se pourvoir concernant les demandes relatives à ces clauses,
condamné L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR de l'Isère à payer à l'association des RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES la somme de 1.200 euros d'indemnité de procédure,
- condamné L'UNION FÉDÉRALE DES CONSOMMATEURS QUE CHOISIR de l'Isère aux dépens de l'incident. »
L'UFC 38 a relevé appel de cette décision.
Aux termes de conclusions déposées et signifiées le 7 juillet 2011, elle demande à la cour par voie d'infirmation de ;
« - Dire son appel recevable.
- Dire que seules les juridictions judiciaires étant compétentes pour apprécier les clauses contractuelles d'un contrat de droit privé entre personnes privées, le tribunal administratif n'est pas compétent et réformer en conséquence l'ordonnance juridictionnelle incriminée.
- Dire consécutivement que le tribunal de grande instance a plénitude de compétences pour apprécier des clauses contractuelles proposées par l'association VSA (sic) au consommateur (sous réserve éventuelle de questions préjudicielles, s'il était nécessaire au contrôle de légalité d'un acte administratif).
- Condamner VSA (sic) aux dépens et à lui verser 1.200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. »
Au soutien de son recours elle fait valoir en substance que ;
- la loi française permet l'application des dispositions du code de la consommation aux dispositions de nature réglementaire,
- la gestion d'une maison de retraite n'est pas un service public,
- c'est le fond du litige, soit en l'espèce l'appréciation d'un contrat de droit privé, qui détermine la compétence,
- tout ce qui concerne les contrats de droit privé ressortit de la compétence du juge judiciaire,
- le contrat passé par une personne morale de droit privé avec une autre personne de droit privé est un contrat de droit privé,
- la nature privée du gestionnaire d'un service public administratif emporte la compétence des juridictions civiles,
- les tribunaux judiciaires sont compétents pour interpréter les actes réglementaires,
- si la fixation des prix n'est pas libre mais réglementaire en partie, c'est sans incidence puisque cette fixation des prix n'est pas en litige,
- le litige porte en fait soit sur l'obligation du consommateur de payer le prix (réglementé ou pas) en cas d'absence de celui-ci, soit sur l'information détaillée quant au coût de chaque prestation contenue dans le forfait hébergement,
- les tarifs journaliers afférents aux prestations relatives à l'hébergement, fixé par le président du conseil général sont opposables aux seuls bénéficiaires de l'aide sociale et pas aux autres résidents,
- aux termes de l'article L. 342-3 du code de l'action sociale et des familles le prix de chaque prestation sauf les soins et la dépendance, est librement fixé,
- la compétence matérielle des juridictions ne se divise pas.
Par conclusions déposées et signifiées le 13 juin 2012 l'ARRBPA sollicite la confirmation de l'ordonnance et demande à la cour de condamner l'UFC 38 à lui payer 2.500 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Elle conclut pour l'essentiel que l'association ARRBPA qui gère l'EPHAD BEVIERE assure une mission de service public administratif (sociale) au regard de l'intérêt général de son activité, des conditions de la création de cette activité, de son fonctionnement, et des contrôles et autorisations administratifs dont elle fait l'objet de la part des collectivités territoriales ayant entendu lui confier cette mission.
Elle soutient que les trois clauses litigieuses constituent des clauses obligatoires tant pour l'association que pour ses résidents au regard du règlement départemental de l'Isère d'aide sociale en faveur des personnes âgées et handicapées, adopté le 13 septembre 2002 et modifié par délibérations du 10 juin 2005, 13 octobre 2005 et 16 décembre 2006 et de l’arrêté numéro 2008-984 du conseil général de l'Isère, relatif aux tarifs hébergement et dépendance de l'EPHAD BEVIERE en date du 23 janvier 2008, ainsi que de l'arrêté du préfet de l'Isère en date du 18 juillet 2008, relatif au budget de l'EPHAD BEVIERE et enfin de la convention tripartite pour l'accueil des personnages âgées dépendantes au sein de la maison de retraite BEVIERE, conclue entre l'association l'ARRBPA, le conseil général et l'État le 21 janvier 2003, renouvelée en 2007.
Elle souligne que l'appréciation de la légalité de ces clauses et de leur caractère équilibré ou déséquilibré au regard des griefs formulés par l'appelante nécessitent de porter une appréciation sur la légalité de règlements ou actes administratifs dont elles procèdent, ainsi qu'une appréciation sur les exigences de service public que les dispositions réglementaires précitées sont censées défendre.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS ET DÉCISION :
Sur l'exception d'incompétence :
Attendu tout d'abord, qu'à juste titre l'UFC 38 fait observer que la compétence matérielle des juridictions ne se divise pas ;
Qu'il est par ailleurs constant, qu'une association constituée sous la forme prévue par la loi de 1901 est, quelles que soient les modalités de son fonctionnement et l'origine de ses ressources, une personne morale de droit privée et que le contrat passé par cette association avec une autre personne de droit privé, fût ce pour l'exécution d'un service public, est un contrat de droit privé ;
Que les litiges relatifs à des contrats de droit privé ressortissent en principe à la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire ;
Qu'il ressort en l'espèce des documents produits, que l'association privée des RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES qui n'est pas investie d'une mission de service public, même si elle satisfait à l'intérêt général et ne soutient pas être investie de prérogatives de puissance publique, propose des contrats de droit privé à des personnes privées, âgées dépendantes physiquement et/ou psychiquement, désireuses d'être accueillies dans ses locaux en séjour définitif ;
Qu'il s'ensuit que le contrat litigieux relève des juridictions judiciaires et donc de la compétence du tribunal de grande instance de Grenoble, lequel peut en cas de nécessité et par application de l’article 49 du code de procédure civile, poser une question préjudicielle à la juridiction administrative ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Attendu que par application de l’article 954 du code de procédure civile applicable aux appels formés à compter du 1er janvier 2011, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ;
Qu'en l'espèce l'appel de l'UFC 38 date du 12 avril 2011 et l'association VIVRE SON AGE (VSA) n'étant pas partie au litige, la demande formulée à son encontre au titre de l’article 700 du code de procédure civile s'avère irrecevable ;
Attendu par ailleurs, qu'aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens à moins que le juge par décision motivée n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ;
Qu'il s'ensuit que l'association RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES qui succombe en ses demandes, sera condamnée aux dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Infirme l'ordonnance déférée.
Et statuant à nouveau
Rejette l'exception d'incompétence soulevée par l'association RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES
Déclare l'UFC 38 irrecevable en sa demande d'indemnité pour frais irrépétibles formée à l'encontre de l'association VSA.
Condamne l'association RÉSIDENCES REYNIES ET BEVIÈRE POUR PERSONNES ÂGÉES aux dépens des procédures de première instance et d'appel avec application de l'article 699 au profit de la SELARL DAUPHIN MIHAJLOVIC qui en a demandé le bénéfice.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame KLAJNBERG, Président, et par Madame DESLANDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier Le Président
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