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TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 29 juin 1994

Nature : Décision
Titre : TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 29 juin 1994
Pays : France
Juridiction : TGI Paris. 1re ch. sect. 1
Demande : 10838/93
Date : 29/06/1994
Nature de la décision : Rejet
Date de la demande : 8/04/1993
Décision antérieure : CA PARIS (7e ch.), 3 avril 1996
Décision antérieure :
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 422

TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 29 juin 1994 : RG n° 10838/93

Publication : Bull. inf. C. cass. 1994, n° 994 ; Petites affiches 4 septembre 1995, note Karimi

 

Extrait  : « Attendu que si les contrats multirisque-habitation sont des contrats d'adhésion, il n’en demeure pas moins que leur souscription n'est pas obligatoire, et que le consommateur est libre de ne pas y adhérer si les garanties offertes lui paraissent insuffisantes ;  Attendu que l'assureur est en droit de déterminer exactement le risque qu'il garantit ;  Que son obligation de garantie a pour contrepartie le paiement par l'assuré de primes dont le montant est calculé en fonction de l'importance du risque assuré ; Attendu que l’appréciation par l'assureur du risque du vol commis à l’aide de fausses clés, par escalade eu introduction clandestine serait totalement faussée, si l'assuré, n’étant plus tenu de rapporter la preuve des conditions dans lesquels le vol s'est réalisé, pouvait prétendre en définitive au bénéfice d'une assurance vol tous risques, tout en réglant une prime très inférieure due au titre d'un contrat multirisque habitation ;  Qu'il apparaît ainsi qu'aucun avantage excessif n’est conféré aux sociétés défenderesses du fait des clauses critiquées par l'UFC qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 et dont la demande doit être rejetée ».

 

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

PREMIÈRE CHAMBRE - PREMIÈRE SECTION

JUGEMENT DU 29 JUIN 1994

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 10838/93. RP 62122. Assignation du 8 avril 1993.

 

DEMANDERESSE :

- L'UNION FEDERALE DES CONSOMMATEURS - UFC QUE CHOISIR,

dont le siège est à [adresse], agissent par sa présidente, Madame X., représentée par : Maître Luc BIHL, avocat - R 2130.

 

DÉFENDERESSES :

- LA PRÉSERVATRICE FONCIÉRE ASSURANCES - PFA SA

dont le siège est à [adresse] représentée par : Maître Gilbert COMOLET, avocat - F1 206.

[minute page 2]

- LES ASSURANCES MUTUELLES DE FRANCE – GROUPE AZUR,

dont le siège est à [adresse] représentée par : Maître Dominique CRESSEAUX, avocat R 75.

 

MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur LAUTRU, Premier Substitut.

COMPOSITION DU TRIBUNAL : Magistrats ayant délibéré : Madame COCHARD, Président, Madame DOMB, Vice-Président, Madame LEVON-GUERIN, Vice-Président.

GREFFIER : Madame BAYARD.

DÉBATS : à l'audience du 25 mai 1984, tenue publiquement.

JUGEMENT : prononcé en audience publique, contradictoire, susceptible d'appel.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] L’association de consommateurs agréée « UFC QUE CHOISIR », représentée par sa présidente Madame X., a. assigné la Société PFA Assurances  et l’Assurance Mutuelle de France - Groupe AZUR aux fins de faire déclarer abusives les clauses figurant dans leurs contrats d'assurance garantissant le vol et obligeant les consommateurs à faire la preuve que le vol a été commis par escalade", usage de fausses clés ou introduction clandestine.

- d’obtenir la condamnation des Compagnies GROUPE AZUR et PFA à supprimer ces clauses de leurs contrats sous astreinte de 1.000 francs par jour de retard par infraction constatée et à lui payer 30.000 francs en réparation du préjudice subi par les consommateurs et 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile.

L'UFC QUE CHOISIR, qui a précisé dans ses écritures fonder sa demande sur les dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978, soutient que les clauses figurant dans les contrats d’adhésion proposés par le Groupe AZUR et PFA aux consommateurs imposent è ceux-ci l'obligation de rapporter une preuve impossible, et qu'elles ont ainsi pour conséquence de priver d'effet l'obligation de garantie des assureurs.

La PRESERVATRICE FONCIERE PFA a conclu à l'irrecevabilité de la demande invoquant les dispositions de l'article 117 du Nouveau Code de Procédure Civile et le défaut de pouvoir de Madame X. pour représenter l'association « UFC QUE CHOISIR »

Au fond, les sociétés défenderesses ont conclu au rejet de la demande, faisant valoir, notamment, que les clauses incriminées étaient conformes aux dispositions de [minute page 4] l’article 1315 du Code Civil, qu’en majorité les vols commis par escalade, usage de fausses clés et introduction clandestine étaient indemnisés et que les conditions prévues par l’article 35 de la loi du 10 janvier 1978 pour caractériser une clause abusive, à savoir un abus de puissance économique du professionnel et un avantage excessif lui étant conféré, n’étaient pas réunies.

A titre subsidiaire, les défenderesses ont soutenu que la demande tendant à la modification des contrats en cours devait être rejetée, faute de fondement juridique.

Le Société A.M. GROUPE AZUR et la Société PFA ont demandé respectivement la condamnation de l’UFC QUE CHOISIR à leur payer 60.000 francs et 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR LA RECEVABILITÉ DE LA DEMANDE :

Attendu qu'il résulte des statuts de l'Association demanderesse, que son fonctionnement est assuré par son assemblée générale qui se réunit une fois par an, par un conseil d'administration qui gère l'Association et élit en son sein un conseil exécutif composé d'un président, de deux vice-présidents, d'un trésorier, d'un secrétaire ;

Que le seul président, auquel il est fait mention dans les statuts est le président du bureau ; qu'il en résulte que celui-ci a nécessairement qualité pour représenter [minute page 5] l’association dont il est l’émanation ;

Attendu que la qualité de Présidente du bureau de Madame X. est établie par la production des statuts de l’UFC votés lors de l’Assemblée générale extraordinaire du 13 juin 1992, qu’il est ainsi justifié de son pouvoir de représenter l’Association demanderesse.

 

SUR LE BIEN FONDÉ DE LA DEMANDE :

Attendu que l'UFC, qui ne conteste pas que les clauses incriminées mettent à la charge de l'assuré de rapporter la preuve que le vol a eu lieu dans les conditions de la garantie sont conformes aux dispositions de l'article 1315 du Code Civil, maintient que la preuve exigée étant impossible à rapporter, ces clauses sont abusives, et se prévaut de la recommandation émise le 20 septembre 1985 par la commission des clauses abusives qui a préconisé l'élimination des contrats d'assurance multirisque-habitation des clauses ayant pour effet d'exiger de l’assuré qui se prévaut de la garantie contre le vol non seulement la preuve de celui-ci, mai aussi, à défaut d'effraction, celle de l’escalade, de l'usage de fausses clés, de l'introduction clandestine ou de toute autre circonstances ;

Attendu qu'il n'a pas été soutenu par 1'UFC que cette recommandation qui tendait à une modification très importante des règles régissent le droit des assurances en déchargeant l'assuré de toute preuve, ait été rendue publique par application de l’article 38 de la loi du 10 janvier 1978, qu'il n'est pas contestable en revanche qu'il n'en a pas été tenu compte par le Directeur des Assurances, organisme dépendant du Ministère [minute page 6] de l'Economie et des finances, chargé de vérifier que les contrats d’assurance proposés au public soient conformes à la réglementation et ne contiennent pas des dispositions contraires à l’intérêt des assurés ;

Attendu qu'il convient de rappeler que la preuve des conditions dans lesquelles s'est réalisé un vol est la preuve d'un fait pouvant être rapportée par tous moyens tels que indices, présomptions, témoignages ; que la Cour de cassation a estimé notamment que la preuve de l'introduction clandestine pouvait se déduire du vol lui-même ;

Qu'il ne peut être soutenu dans ces conditions que la preuve mise à le charge de l'assuré est une preuve impossible ; qu'il est d'ailleurs justifié par l'Étude versée aux débats par le Groupe AZUR concernant les sinistres vols déclarés pour les années 1990, 1991, 1992, que sur 127 dossiers enregistrés pour vols commis par escalade, usage de fausses clés ou introduction clandestine, 98 avaient donné lieu à indemnisation ;

Attendu qu'il ne saurait être contesté d'une part que la preuve mise à la charge des assurés en cas de vols réalisés sans effraction est difficile à rapporter et d'autre part que les assurés ne peuvent pas discuter les clauses des contrats d'adhésion multirisque-habitations ; qu'il y a lieu de rechercher, dans ces conditions, si les clauses incriminées susceptibles de priver le consommateur du bénéfice de la garantie sont abusives aux termes de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 pour avoir été imposées par les assureurs du fait de leur puissance économique et ayant pour effet de leur conférer un avantage excessif ;

Attendu que le contrat [minute page 7] d’assurance est un contrat aléatoire qui implique l'appréciation du risque garanti par chaque partie ;

Attendu que si les contrats multirisque-habitation sont des contrats d'adhésion, il n’en demeure pas moins que leur souscription n'est pas obligatoire, et que le consommateur est libre de ne pas y adhérer si les garanties offertes lui paraissent insuffisantes ;

Attendu que l'assureur est en droit de déterminer exactement le risque qu'il garantit ;

Que son obligation de garantie a pour contrepartie le paiement par l'assuré de primes dont le montant est calculé en fonction de l'importance du risque assuré ;

Attendu que l’appréciation par l'assureur du risque du vol commis à l’aide de fausses clés, par escalade eu introduction clandestine serait totalement faussée, si l'assuré, n’étant plus tenu de rapporter la preuve des conditions dans lesquels le vol s'est réalisé, pouvait prétendre en définitive au bénéfice d'une assurance vol tous risques, tout en réglant une prime très inférieure due au titre d'un contrat multirisque habitation ;

Qu'il apparaît ainsi qu'aucun avantage excessif n’est conféré aux sociétés défenderesses du fait des clauses critiquées par l'UFC qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 et dont la demande doit être rejetée ;

Attendu qu'il y a lieu de condamner l'association UFC à payer 10.000 francs respectivement à la SA PFA Assurances, et à la Compagnie A.M. GROUPE AZUR, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 8] PAR CES MOTIFS :

LE TRIBUNAL,

Dit recevable la demande de l'Association « UFC QUE CHOISIR » représentée par Madame X. ;

Rejette cette demande comme infondée ;

Condamne l'Association « UFC QUE CHOISIR » à payer DIX MILLE francs (10.000) respectivement à la PRÉSERVATRICE FONCIÈRE - PFA - et à la Société A.M. GROUPE AZUR, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

La condamne aux dépens, qui seront recouvrés directement par Maître Gilbert COMOLET et Maître Dominique CRESSEAUX, par application de l'article du 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Fait et jugé à PARIS, le 29 juin 1994.