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CA PARIS (7e ch.), 3 avril 1996

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (7e ch.), 3 avril 1996
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), 7e ch.
Demande : 94/22836
Date : 3/04/1996
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Recueil Dalloz
Date de la demande : 23/08/1994
Décision antérieure : TGI PARIS (1re ch. 1re sect.), 29 juin 1994, CASS. CIV. 1re, 7 juillet 1998
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 1283

CA PARIS (7e ch.), 3 avril 1996 : RG n° 94/22836

(sur pourvoi Cass. civ. 1re, 7 juillet 1998 : pourvoi n° 96-17279)

Publication : D. 1996. inf. rap., p. 142 ; RJDA 10/96, n° 1271

 

Extrait : 1/ « Mais si le contrat d'assurance, particulièrement le contrat Multirisques habitation dont il s'agit, est un produit longuement élaboré par la compagnie en considération des risques qu'elle accepte de garantir et soumis au contrôle du ministère de l'économie et des finances pour être offert à une clientèle sans possibilité de modification au seul gré du souscripteur, il n'en est pas moins un contrat de droit privé, qui laisse à celui-ci toute latitude pour en négocier les modalités, les faire adapter à sa situation propre, puis pour donner son consentement aux prestations qui lui sont proposées et aux conditions tarifaires correspondant aux risques assurés ou pour les refuser et porter son choix sur d'autres formules d'assurance plus protectrices moyennant des primes d'un autre montant. »

2/ « Tel n'est pas le cas de l'article 7-1 des conditions générales de la police Multirisques Habitation Multichoix de la compagnie PFA, qui définit clairement la garantie Vol de base comme celle de la disparition, la destruction ou la détérioration des biens assurés résultant notamment d'un vol ou d'une tentative commis par effraction, escalade des locaux, introduction clandestine ou usage de fausses clefs. De même, l'article 49 de la convention spéciale du contrat AZUR Habitation Prestige étant sans ambiguïté en ce qu'il pose en principe la garantie du vol de mobilier commis par effraction extérieure des locaux le renfermant, qui se trouve établie par les constatations matérielles elles-mêmes, l'UFC Que Choisir est mal venue à tenir pour abusive l'extension du champ de la garantie, plus protectrice de l'assuré, dès lors qu'il est en mesure, en l'absence d'effraction, d'établir le vol par escalade, usage de fausses clefs ou introduction clandestine.

Ces clauses ne sont, non plus, abusives, ni équivoques en ce qu'elles rappellent qu'il appartient à l'assuré, conformément aux impératifs de l'article 1315 alinéa 1er du code civil, de faire la preuve de la survenance de l'événement garanti, voire des conditions requises par la police pour permettre la mise en jeu de la garantie-vol. Au surplus, cette preuve n'est nullement impossible puisque l'escalade, l'usage de fausses clefs et l'introduction clandestine peuvent être établis par l'enquête préliminaire, voire l'information judiciaire, le cas échéant l'expertise technique que justifie généralement la commission des vols aggravés au sens du code pénal que constituent ces événements garantis, par l'aveu du ou des auteurs, du complice ayant pu favoriser l'introduction du voleur, par la flagrance, par la configuration même des lieux, dont la pénétration n'est possible que par escalade ou usage de clefs, plus généralement par toutes les circonstances du vol, contexte, indices, traces, témoignages permettant de retenir des preuves, à tout le moins un faisceau de présomptions graves et concordantes. Dans ces conditions, la garantie du sinistre n'est en rien subordonnée à l'arbitraire de la compagnie d'assurance, mais dépend de la seule preuve qu'il incombe à l'assuré de rapporter conformément aux principes constants en la matière »

 

COUR D’APPEL DE PARIS

SEPTIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 3 AVRIL 1996

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 94/22836. Date de l’ordonnance de clôture : 20 février 1996. Sur appel d’un jugement du TGI de Paris (1re ch.), en date du 29 juin 1994.

 

PARTIES EN CAUSE :

1°/ Union Fédérale des consommateurs Que Choisir

[adresse], Représentée par Maître BODIN CASALIS, avoué, Assistée de Maître BIHL, avocat, APPELANTE

2°/ Société PRÉSERVATRICE FONCIÈRE Assurances PFA

[adresse], Représentée par Maîtres GIBOU PIGNOT GRAPOTTE BENETREAU, avoués associés, Assistée de Maître COMOLET MANDIN, avocat, INTIMÉE

3°/ Société les Assurances Mutuelles de France GROUPE AZUR

[adresse], Représentée par Maîtres DAUTHY et NABOUDET avoués associés, Assistée de Maître CRESSEAUX, INTIMÉE

[minute page 2]

COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré : PRÉSIDENT : Monsieur Jean-Yves MARTIN - CONSEILLERS : Madame Claudie ALDIGE et Monsieur Michel GASTEBOIS.

GREFFIER : Dominique BONHOMME-AUCLERE

DÉBATS : A l'audience publique du 28 février 1996

ARRÊT contradictoire, prononcé publiquement par M. Jean-Yves MARTIN, président, qui a signé la minute avec D. BONHOMME-AUCLERE, greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Suivant déclaration du 23 août 1994, l'Union Fédérale des consommateurs Que Choisir a interjeté appel d'un jugement contradictoire rendu le 29 juin par la 1ère chambre, 1ère section, du tribunal de grande instance de Paris qui a :

- dit recevable sa demande ;

- rejeté cette demande comme infondée ;

- [minute page 3] condamné l'association UFC Que Choisir à payer 10.000 Francs respectivement à la Préservatrice Foncière PFA et à la société AMF Groupe AZUR, sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- l’a condamnée aux dépens.

Les faits de la cause, les prétentions et moyens des parties sont exposés dans le jugement déféré, auquel la Cour se réfère expressément.

Il doit seulement être rappelé que par assignation délivrée le 8 avril 1993, l'UFC Que Choisir, représentée par sa présidente Mme X., a saisi le tribunal, qui a rendu la décision critiquée.

Dans ses écritures d'appel, elle demande à la Cour de :

- juger son recours recevable et bien fondé ;

- réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et statuant à nouveau,

- juger abusives les clauses contenues dans les contrats des compagnies PFA et Groupe AZUR, obligeant le consommateur à rapporter la preuve, en cas de vol :

* de l'escalade des locaux,

* de l'usage de fausses clefs,

* d'une pénétration clandestine ;

- ordonner la suppression de ces clauses sous astreinte de 1.000 Francs par infraction constatée trois mois après la signification de la décision ;

- condamner solidairement PFA et Groupe AZUR à lui payer la somme de 30.000 Francs à titre de réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs ;

- [minute page 4] condamner solidairement PFA et Groupe AZUR à envoyer une lettre à tous les consommateurs contractants, les informant de la suppression des clauses précitées, et ce sous astreinte de 1.000 Francs par jour de retard trois mois à compter de la signification de la décision ;

- condamner solidairement PFA et le Groupe AZUR à lui payer la somme de 8.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens de première instance et d'appel :

La société la Préservatrice Foncière Assurances PFA prie la Cour de :

- débouter l'UFC de son appel ;

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

- condamner l'UFC à lui payer la somme de 50.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel.

La société Assurances Mutuelles de France AMF Groupe AZUR conclut pour voir :

- dire aussi peu recevable que fondé l'appel formé par l'UFC ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris et dire mal fondée l'UFC en toutes ses demandes et l'en débouter ;

- condamner l'UFC en tous les dépens de première instance et d'appel.

[minute page 5] L'ordonnance de clôture a été rendue le 20 février 1996.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DISCUSSION :

Cet arrêt sera contradictoire.

L'appel et les demandes additionnelles sont réguliers et recevables en la forme.

 

Au fond :

L'Union Fédérale des consommateurs Que Choisir fait valoir que les clauses de garantie du vol avec effraction, escalade, usage de fausses clés et introduction clandestine répondant aux critères posés à l'article 35 de la loi du 10 janvier 1978 - article L. 132-1 du code de la consommation et à la directive communautaire du 5 avril 1993 transposée en droit interne par la loi du 1er février 1995 définissant le caractère abusif en ce que l'assuré n'est pas en mesure de modifier les termes de la garantie définis par l'assureur s'agissant d'un contrat d'adhésion et en ce que ces clauses permettent à l'assureur de décider seul de sa garantie en l'absence de tout élément objectif puisque les preuves imposées à l'assuré sont impossibles à rapporter.

Mais si le contrat d'assurance, particulièrement le contrat Multirisques habitation dont il s'agit, est un produit longuement élaboré par la compagnie en considération des risques qu'elle accepte de garantir et soumis au contrôle du ministère de l'économie et des finances pour être offert à une clientèle sans possibilité de modification au seul gré du souscripteur, il n'en est pas moins un contrat de droit privé, qui laisse à celui-ci toute latitude pour en négocier les modalités, les faire adapter à sa situation propre, puis pour donner son consentement aux prestations qui lui sont proposées et aux conditions tarifaires correspondant aux risques assurés ou pour les refuser et porter son choix sur d'autres formules d'assurance plus protectrices moyennant des primes d'un autre montant.

[minute page 5] C'est donc l'ensemble du contrat, au cas où le souscripteur y adhère, qui est susceptible de tomber sous le coup de l'interdiction d'abus de puissance économique de la part de l'assureur s'il génère un déséquilibre entre les droits et obligations des parties découlant du contrat et non l'une de ses clauses, qui ne pourrait être annulée que si elle était rédigée de manière à induire l'assuré en erreur sur la nature et l'étendue de sa garantie.

Tel n'est pas le cas de l'article 7-1 des conditions générales de la police Multirisques Habitation Multichoix de la compagnie PFA, qui définit clairement la garantie Vol de base comme celle de la disparition, la destruction ou la détérioration des biens assurés résultant notamment d'un vol ou d'une tentative commis par effraction, escalade des locaux, introduction clandestine ou usage de fausses clefs.

De même, l'article 49 de la convention spéciale du contrat AZUR Habitation Prestige étant sans ambiguïté en ce qu'il pose en principe la garantie du vol de mobilier commis par effraction extérieure des locaux le renfermant, qui se trouve établie par les constatations matérielles elles-mêmes, l'UFC Que Choisir est mal venue à tenir pour abusive l'extension du champ de la garantie, plus protectrice de l'assuré, dès lors qu'il est en mesure, en l'absence d'effraction, d'établir le vol par escalade, usage de fausses clefs ou introduction clandestine.

Ces clauses ne sont, non plus, abusives, ni équivoques en ce qu'elles rappellent qu'il appartient à l'assuré, conformément aux impératifs de l'article 1315 alinéa 1er du code civil, de faire la preuve de la survenance de l'événement garanti, voire des conditions requises par la police pour permettre la mise en jeu de la garantie-vol.

Au surplus, cette preuve n'est nullement impossible puisque l'escalade, l'usage de fausses clefs et l'introduction clandestine peuvent être établis par l'enquête préliminaire, voire l'information judiciaire, le cas échéant l'expertise technique que justifie généralement la commission des vols aggravés au sens du code pénal que constituent ces événements garantis, par l'aveu du ou des auteurs, du complice ayant pu favoriser l'introduction du voleur, par la flagrance, par la configuration même des [minute page 7] lieux, dont la pénétration n'est possible que par escalade ou usage de clefs, plus généralement par toutes les circonstances du vol, contexte, indices, traces, témoignages permettant de retenir des preuves, à tout le moins un faisceau de présomptions graves et concordantes.

Dans ces conditions, la garantie du sinistre n'est en rien subordonnée à l'arbitraire de la compagnie d'assurance, mais dépend de la seule preuve qu'il incombe à l'assuré de rapporter conformément aux principes constants en la matière.

C'est, donc, à juste titre que les premiers juges, estimant « qu'aucun avantage excessif n'est conféré aux sociétés défenderesses du fait des clauses critiquées », ont débouté l'UFC Que Choisir de ses demandes.

Leur décision sera confirmée en toutes ses dispositions.

 

Sur les frais non taxables et les dépens :

L'UFC Que Choisir, qui succombe en son appel et qui en supportera les dépens, doit être condamnée à verser à chacune des compagnies PFA et AMF Groupe AZUR la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et déboutée de sa demande aux mêmes fins.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

et ceux non contraires à cet arrêt, qui ont déterminé les premiers juges ;

La Cour

statuant publiquement, contradictoirement, en matière civile ;

[minute page 8] Reçoit l'appel et les demandes additionnelles ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 juin 1994 ;

Y ajoutant, condamne l'Union Fédérale des consommateurs Que Choisir à verser la somme de 8.000 Francs à chacune des sociétés La Préservatrice Foncière Assurances et Assurances Mutuelles de France Groupe AZUR sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

La déboute de sa demande aux mêmes fins ;

La condamne aux dépens d'appel ;

Admet les avoués des compagnies PFA et AMF Groupe AZUR au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.