TI SAINT-DENIS, 5 février 2008
CERCLAB - DOCUMENT N° 4220
TI SAINT-DENIS, 5 février 2008 : RG n° 11-07-000022 ; jugt n° 08/145
(sur appel CA Paris (pôle 4, ch. 9), 15 avril 2010 : RG n° 08/10692)
Extrait : « Attendu que l'article L. 132-1 du code de la consommation est applicable à toutes les relations impliquant un professionnel et un consommateur, quand bien même celui-ci serait une personne morale, dès lors que celle-ci est considérée comme non professionnelle au regard de l'objet du contrat ; Attendu en l'espèce que l'activité de l'association OBJECTIF EMPLOI concerne la réinsertion sociale et l'aide à la recherche d'emploi ; que l'installation et la maintenance d'un système d'identification et d'alarme ne saurait être considéré comme rentrant dans le champ de cette activité ; que l'association OBJECTIF EMPLOI peut donc bénéficier utilement du statut de consommateur dans le cadre du contrat litigieux ;
Attendu que la SA KBC LEASE FRANCE est cessionnaire du contrat de location conclu entre l'association OBJECTIF EMPLOI et la SAS EASYDENTIC ; que les obligations nées des contrats de location et de maintenance entretiennent un lien indivisible ; qu'en effet les conditions particulières sont communes aux deux contrats, les termes « loueur» et « prestataire » étant employés sans distinction ; qu'en outre les mensualités incluent à la fois les loyers et la maintenance du matériel ; que le bailleur reçoit dans ces conditions l'ensemble des prestations ; qu'il apparaît dès lors que les contrats sont indivisibles ; Attendu que les clauses inclues dans les articles 13 des conditions générales du contrat d'abonnement de maintenance et 6-2 des conditions générales du contrat de location doivent dès lors être considérées comme abusives et seront réputées non écrites ; que l'association OBJECTIF EMPLOI peut donc utilement opposer à la SA KBC LEASE FRANCE les exceptions tirées de l'inexécution des obligations contractuelles ».
TRIBUNAL D’INSTANCE DE SAINT-DENIS
JUGEMENT DU 5 FÉVRIER 2008
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11-07-000022. Jugement n° 08/145.
DEMANDEUR(S) :
SA KBC LEASE France
[adresse], représenté(e) par SCP LEVY-ROCHELEBEL & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON
DÉFENDEUR(S) :
Association OBJECTIF EMPLOI
[adresse], représenté(e) par Maître DEBRUYNE Caroline, avocat au barreau du Val de Marne
Société EASYDENTIC
[adresse], représenté(e) par Maître ROUBAUD Michel, avocat au barreau de Carpentras
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Mr DENIS Johan
Greffier : Mlle BOEUF Béatrice
DÉBATS : Audience publique du : 30 novembre 2007
DÉCISION : contradictoire, en premier ressort, prononcée publiquement le 5 février 2008 par M. DENIS Johan, Président, assistée de Mlle BOEUF Béatrice, Greffier.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 2] Par acte en date du 9 mars 2005, l'association OBJECTIF EMPLOI concluait un contrat de location de matériel d'identification biométrique avec la SAS EASYDENTIC, ledit matériel devant être loué auprès de la SA KBC LEASE FRANCE ;
Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 10 janvier 2006, la SA KBC LEASE FRANCE mettait en demeure l'association OBJECTIF EMPLOI de reprendre les règlements du loyer interrompus ;
Par exploit en date du 21 décembre 2006 la SA KBC LEASE FRANCE a fait assigner l'association OBJECTIF EMPLOI aux fins suivantes :
- voir condamner l'association OBJECTIF EMPLOI au paiement de la somme de 5.616,36 euros en principal ;
- voir condamner l'association OBJECTIF EMPLOI à restituer le matériel loué dans les deux mois du prononcé du jugement sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
- voir condamner l'association OBJECTIF EMPLOI au paiement de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- la présente décision étant assortie de l'exécution provisoire ;
A titre subsidiaire elle sollicite la restitution de la somme de 3.391,10 euros versés pour l'acquisition du matériel en cas de résolution du contrat ;
Elle expose que le contrat de location étant indépendant de la prestation ou la maintenance, le locataire ne saurait invoquer la défaillance du matériel pour s'affranchir du paiement des loyers ; elle précise que le matériel a été accepté sans réserves, le procès-verbal de réception ne mentionnant aucun élément ; elle conteste l'application des dispositions relatives aux clauses abusives dans la mesure où l'association OBJECTIF EMPLOI ne peut être assimilé à un consommateur ;
Par exploit en date du 23 avril 2007, l'association OBJECTIF EMPLOI a assigné la SAS EASYDENTIC en garantie ; elle demande au Tribunal de :
- prononcer la résolution des contrats de location et de maintenance aux torts exclusifs de la SA KBC LEASE FRANCE et de la SAS EASYDENTIC ;
- débouter la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC de l'ensemble de leurs demandes ;
- condamner tout succombant à lui verser 2.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les dépens ;
A titre subsidiaire, elle demande que la SAS EASYDENTIC garantisse toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
Elle expose que le dispositif installé n'a jamais fonctionné et qu'elle en a informé la SAS EASYDENTIC sans que celle-ci ne se manifeste pour assurer la maintenance ou retirer le matériel ; elle fait valoir que la chose n'était en conséquence par conforme à celle convenue [minute page 3] entre les parties lors de la conclusion du contrat ; elle estime que l'obligation de délivrance du matériel en état de fonctionnement appartenait tant à la SAS EASYDENTIC qu'à la SAS EASYDENTIC et que les clauses contraires doivent être déclarées abusives, le contrat n'ayant aucun lien avec l'activité professionnelle de l'association qui doit dès lors être considéré comme consommateur ; elle précise que la SAS EASYDENTIC n'a pas satisfait à ses obligations de conseil et de délivrance et n'a pas assuré la maintenance du matériel, ces carences justifiant qu'elle garantisse une éventuelle condamnation ; elle indique enfin être disposée à la restitution du matériel ;
La SAS EASYDENTIC sollicite le débouté de l'association OBJECTIF EMPLOI de l'intégralité de ses demandes ; à titre reconventionnel, elle demande la condamnation de l'association OBJECTIF EMPLOI à l'exécution du contrat ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive outre 1.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, la décision étant assortie de l'exécution provisoire ;
Elle fait valoir qu'elle a respecté ses obligations contractuelles de délivrance du matériel objet du contrat et que la preuve d'un dysfonctionnement n'est pas rapportée par l'association OBJECTIF EMPLOI ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la jonction des instances :
Attendu que compte tenu de la connexité des litiges il y a lieu à ordonner la jonction des deux procédures ;
Sur l'obligation de délivrance :
Attendu que si le contrat d'origine conclu le 9 mars 2005 désigne l'installation d'un dispositif biométrique de type ET 101, mention qui figure également sur le procès-verbal de réception signé par l'association OBJECTIF EMPLOI en date du 22 mars 2005 ; que le ET101 était par ailleurs destiné à être transféré à l'occasion du déménagement de l'association qui avait été anticipé dans le contrat ; qu'il ressort de l'analyse des pièces du dossier que l'installation a été effectuée au [adresse] alors que le contrat mentionnait que celle-ci devait être réalisée au [adresse], entraînant une nouvelle intervention modificative ; que le procès-verbal d'intervention de la SAS EASYDENTIC mentionne l'installation d'un dispositif de type ET 800 ; que la preuve de la réinstallation postérieure d'un système ET 101 n'est pas rapportée ;
Attendu qu'à l'occasion de cette modification l'association OBJECTIF EMPLOI a par ailleurs notifié au prestataire des réserves relatives au matériel installé par courrier en date du 17 juin 2005, indiquant notamment son caractère incompatible avec l'alarme en place ;
Attendu que le matériel fourni n'est en conséquence pas conforme aux dispositions contractuelles ; que l'obligation de délivrance n'a dès lors pas été respectée, avant toute prestation relative à la maintenance éventuelle du matériel ;
[minute page 4]
Sur le caractère indivisible des contrats de location et de prestation :
Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1, b) du Code de la consommation, doit être considérée comme abusive et donc non-écrite une clause contractuelle ayant pour effet d'exclure ou de limiter les droits du consommateur en cas de non-exécution totale ou partielle ou d'exécution défectueuse par le professionnel d'une de ses obligations contractuelles ; que l'article 1719 du Code civil dispose que le bailleur est tenu de délivrer la chose louée ;
Attendu que l'article L. 132-1 du code de la consommation est applicable à toutes les relations impliquant un professionnel et un consommateur, quand bien même celui-ci serait une personne morale, dès lors que celle-ci est considérée comme non professionnelle au regard de l'objet du contrat ;
Attendu en l'espèce que l'activité de l'association OBJECTIF EMPLOI concerne la réinsertion sociale et l'aide à la recherche d'emploi ; que l'installation et la maintenance d'un système d'identification et d'alarme ne saurait être considéré comme rentrant dans le champ de cette activité ; que l'association OBJECTIF EMPLOI peut donc bénéficier utilement du statut de consommateur dans le cadre du contrat litigieux ;
Attendu que la SA KBC LEASE FRANCE est cessionnaire du contrat de location conclu entre l'association OBJECTIF EMPLOI et la SAS EASYDENTIC ; que les obligations nées des contrats de location et de maintenance entretiennent un lien indivisible ; qu'en effet les conditions particulières sont communes aux deux contrats, les termes « loueur» et « prestataire » étant employés sans distinction ; qu'en outre les mensualités incluent à la fois les loyers et la maintenance du matériel ; que le bailleur reçoit dans ces conditions l'ensemble des prestations ; qu'il apparaît dès lors que les contrats sont indivisibles ;
Attendu que les clauses inclues dans les articles 13 des conditions générales du contrat d'abonnement de maintenance et 6-2 des conditions générales du contrat de location doivent dès lors être considérées comme abusives et seront réputées non écrites ; que l'association OBJECTIF EMPLOI peut donc utilement opposer à la SA KBC LEASE FRANCE les exceptions tirées de l'inexécution des obligations contractuelles ;
Sur la résolution du contrat :
Attendu qu'aux termes de l'article 1184 du Code civil, la résolution du contrat peut être ordonnée lorsque l'une des parties ne respecte pas son engagement ; qu'en l'espèce l'obligation de délivrance de la chose n'a pas été respectée par la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC, le matériel livré n'étant pas conforme à celui mentionné dans le contrat de location ; qu'en conséquence il convient d'en prononcer la résolution ; que le matériel devra dès lors être restitué à la SA KBC LEASE FRANCE qui en a fait l'acquisition ;
Attendu que le contrat de location est en revanche distinct de celui d'acquisition du matériel par la SA KBC LEASE FRANCE ; que la résolution du premier n'entraîne donc pas celle du second ; que la demande de remboursement de la somme de 3.391,10 euros sera dès lors rejetée, la demanderesse se voyant restituer le matériel litigieux ;
[minute page 5]
Sur les autres demandes :
Attendu que la SAS EASYDENTIC ne justifie pas d'un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts ; qu'elle sera déboutée de sa demande ;
Attendu qu'il apparaît inéquitable de laisser à la charge de l'association OBJECTIF EMPLOI le montant des frais irrépétibles ; qu'il y a lieu de condamner la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC au paiement solidaire de la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Attendu que la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC succombent à la procédure et seront condamnées aux dépens conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Le Président statuant publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,
Ordonne la jonction des procédures n° 1107-22 et 1107-453 ;
Ordonne la résolution des contrats de location et de maintenance conclu le 9 mars 2005 par l'association OBJECTIF EMPLOI, la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC ;
Ordonne la restitution du matériel loué à la SA KBC LEASE FRANCE dans les deux mois suivant le prononcé du jugement ;
Déboute la SA KBC LEASE FRANCE de sa demande de restitution de la somme de 3.391,10 euros ;
Condamne la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC à payer solidairement à l'association OBJECTIF EMPLOI 800 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;
Condamne la SA KBC LEASE FRANCE et la SAS EASYDENTIC aux dépens, chacune des deux parties étant tenues pour moitié ;
Le Greffier Le Président
- 5860 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection implicite
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel
- 6980 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Surveillance – Télésurveillance – Contrat couplé à la fourniture des matériels
- 7287 - Code civil et Droit commun - Sanction indirecte des déséquilibres significatifs – Indivisibilité dans les locations financières - Droit antérieur aux arrêts de Chambre mixte