CA NÎMES (ch. com. 2 B), 7 mars 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4314
CA NÎMES (ch. com. 2 B), 7 mars 2013 : RG n° 11/03401
Publication : Jurica
Extrait : « Qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient la Société Avignonnaise des Eaux, dès lors que la convention interdit à l'abonné d'intervenir sur les canalisations posées par le seul distributeur d'eau en amont de son compteur d'eau, fut-ce dans son domaine privé, l'obligation contractuelle d'entretien de celles-ci et de leur renouvellement, incombait nécessairement au distributeur d'eau, seul habilité contractuellement et réglementairement vis à vis du domaine public, à y intervenir, même si le règlement susvisé est imprécis à cet égard ;
Que la convention est en effet silencieuse sur l'obligation d'entretien et de renouvellement des canalisations posées sur le domaine privé en amont du compteur d'eau ; mais que ce silence doit être rapproché de la clause relative à l'entretien et au renouvellement des canalisations posées dans les installations privées, en aval du compteur d'eau, clairement mises à la charge et sous la seule responsabilité de l'abonné, lequel était par contre également libre d'y intervenir, à ses frais, sous la seule réserve de ne pas entraîner de conséquences préjudiciables au reste de l'installation d'adduction d'eau et de respecter la législation en vigueur ;
Qu'en application de la convention des parties, la responsabilité contractuelle en cas de dommages causés par la défaillance du branchement ou de la canalisation, installés par le seul distributeur d'eau professionnel, sans aucune intervention de l'abonné sur le domaine privé de ce dernier, incombe donc à la SAE, sauf si elle rapporte la preuve d'une faute commise par la CRCAM Alpes Provence, ou d'un manquement de sa part à son obligation de garde et de surveillance de la canalisation, qui soit à l'origine de la défaillance du manchon en PVC ayant causé la fuite d'eau litigieuse le 28 février 2009 ;
Qu'une autre interprétation de cette clause, qui conférerait à l'abonné, non professionnel, la pleine et entière responsabilité des conséquences dommageables d'accidents survenus sur la partie du branchement situé au-delà du domaine public, excluant ainsi toute responsabilité du service des eaux, serait en effet directement contraire à la recommandation de la Commission des Clauses Abusives n° 85-01 du 19 novembre 1982 - B, 3°) concernant la distribution de l'eau, invoquée par la CRCAM ; […]
Que la clause figurant à l'article 4.4 du règlement n'est donc nullement abusive et n'a pas lieu, en conséquence d'être réputée non écrite, même si elle figure dans un contrat d'adhésion ;
Qu'en effet au regard des obligations contractuelles des parties dans cette convention, il serait illogique, au contraire, de confier au distributeur la garde et la surveillance des canalisations et compteur d'eau situés sur la propriété privée de l'abonné, où il n'a pas librement accès à tout moment ; qu'il n'est pas non plus anormal que l'abonné qui provoque un dommage sur l'installation d'adduction d'eau située dans sa propriété, par sa propre faute, en porte la responsabilité personnelle ;
Que d'autre part la clause, ainsi interprétée, ne crée pas un déséquilibre significatif dans les obligations des parties, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle laisse la responsabilité des dommages provoqués par la défaillance des canalisations situées dans le domaine privé au distributeur professionnel qui les y a installées et en a choisi les matériaux et qui doit les entretenir, hors les cas de défaut de garde et de surveillance par l'abonné, ou de faute de celui-ci, comme exposé ci-dessus ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE COMMERCIALE
CHAMBRE 2 B
ARRÊT DU 7 MARS 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 11/03401. TRIBUNAL DE COMMERCE D'AVIGNON, 10 juin 2011.
APPELANTE :
CAISSE RÉGIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE MUTUEL ALPES PROVENCE
Rep/assistant : la SCP MARION GUIZARD PATRICIA SERVAIS, Postulant (avocats au barreau de NÎMES), Rep/assistant : la SCP NORDJURIS, Plaidant (avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE)
INTIMÉES :
SCA AVIGNONNAISE DES EAUX
Au capital social de XX euros, immatriculée au RCS D'AVIGNON sous le N° 334 YY, Poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège social, Rep/assistant : la SCP DE ANGELIS-DEPOERS-SEMIDEI-VUILLQUEZ-HABART- MELKI, Plaidant (avocats au barreau de MARSEILLE) - Rep/assistant : la SCP POMIES-RICHAUD VAJOU DISSOUTE REPRÉSENTÉE PAR SES CO LIQUIDATEURS MAÎTRE G. POMIES RICHAUD ET MAÎTRE E.VAJOU, Postulant (avocats au barreau de NIMES)
CAISSE D'ASSURANCES MUTUELLES DU CRÉDIT AGRICOLE DITE « CAMCA »
Prise en la personne de ses représentants légaux en exercice domiciliés en cette qualité au siège social, Rep/assistant : la SCP MARION GUIZARD PATRICIA SERVAIS, Postulant (avocats au barreau de NÎMES), Rep/assistant : la SCP NORDJURIS, Plaidant (avocats au barreau d'AIX EN PROVENCE)
Ordonnance de clôture du 19 décembre 2012
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, Monsieur Bruno BERTRAND, Conseiller, M. Jean-Noël GAGNAUX, Conseiller
GREFFIER : Madame Patricia SIOURILAS, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision
DÉBATS : à l'audience publique du 19 décembre 2012, où l'affaire a été mise en délibéré au 21 Février 2013, prorogé au 7 mars 2013, Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel ;
ARRÊT : Arrêt contradictoire, prononcé et signé par M. Jean-Gabriel FILHOUSE, Président, publiquement, le 7 mars 2013, par mise à disposition au greffe de la Cour.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Vu l'assignation délivrée le 26 mai 2009 à la Société en Commandite par Actions Avignonnaise des Eaux (SAE), devant le tribunal de commerce d'Avignon, par la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence (CRCAM) et la société d'assurances mutuelles du Crédit Agricole (CAMCA) qui sollicitaient notamment :
1°/ pour la CRCAM, sa condamnation à lui payer une somme de 197.447,31 euros ;
2°/ pour la CAMCA :
- sa condamnation, en qualité de responsable contractuelle d'un dégât des eaux survenu le 29 février 2008 dans l'agence du Crédit Agricole d'[adresse], à lui payer la somme de 146.746,45 euros en réparation des mesures conservatoires prises, de l'indemnisation du matériel et du bâtiment,
- sa condamnation à lui payer la somme de 10.166,00 euros au titre des honoraires d'expertise du cabinet T. au titre de la garantie multirisques bureaux et celle de 28.376,42 euros au titre de la police globale de banque, pour l'expertise des coffres,
3°/ pour les deux, sa condamnation à leur payer, à chacune, la somme de 5.000,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
- l'exécution provisoire du jugement ;
Vu la décision contradictoire en date du 10 juin 2011, de cette juridiction qui a, notamment :
- jugé irrecevables les prétentions de la CRCAM Alpes Provence et de la CAMCA à l'encontre de la Société Avignonnaise des Eaux, au motif que l'action en responsabilité contractuelle engagée n'était pas bien fondée,
- condamné solidairement la CRCAM Alpes Provence et la CAMCA à payer à la SAE la somme de 1.500,00 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
Vu l'appel de cette décision interjeté le 21 juillet 2011 par la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence ;
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la cour le 26 novembre 2012 et signifiées à leur adversaire le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, dans lesquelles la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence et la CAMCA sollicitent notamment :
- l'infirmation du jugement déféré,
- la condamnation de la Société Avignonnaise des Eaux à payer à la CRCAM Alpes Provence la somme de 165.753,46 euros en réparation des préjudices subis notamment du fait de l'indemnisation des clients pour le contenu de leurs coffres, dans le dégât des eaux, avec intérêts de retard au taux légal depuis l'assignation du 26 mai 2009,
- la condamnation de la Société Avignonnaise des Eaux à payer à la CAMCA, assureur du Crédit Agricole, la somme de 174.230,30 euros à titre d'indemnisation du dommage matériel pris en charge, en ce compris de celle de 28.376,42 euros au titre des frais d'expertise du cabinet T., avec intérêts de retard au taux légal depuis le 26 mai 2009,
- subsidiairement qu'un partage de responsabilité soit prononcé, en fonction des fautes respectives des parties,
- la condamnation de la SCA Avignonnaise des Eaux au paiement de la somme de 7.000,00 euros à la CRCAM Alpes Provence ainsi qu'à la CAMCA pour les frais de procédure prévus par l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, comprenant les frais d'expertise ;
Vu les dernières conclusions déposées au greffe de la cour le 14 décembre 2011 et signifiées à ses adversaires le même jour, auxquelles est joint un bordereau récapitulatif des pièces communiquées, dans lesquelles la SCA Avignonnaise des Eaux demande notamment la confirmation de la décision entreprise et la condamnation « in solidum » de la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence et de la CAMCA à lui payer une somme de 5.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel ;
Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 19 décembre 2012 ;
Vu les écritures des parties auxquelles il y a lieu de se référer pour une plus ample relation des faits, de la procédure et des moyens de celles-ci ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE :
SUR LA PROCÉDURE :
Attendu que la recevabilité de l'appel principal n'est ni contestée ni contestable au vu des pièces produites ; qu'il en est de même pour l'appel incident ;
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :
Attendu que c'est à tort que le tribunal de commerce d'Avignon dans son jugement déféré a déclaré irrecevables les demandes de la CRCAM Alpes Provence et de la CAMCA tendant à voir condamner la SAE à leur payer des dommages et intérêts en réparation de divers préjudices subis à la suite du dégât des eaux survenu le 28 février 2009 dans l'agence du Crédit Agricole d'[...], fondées sur la responsabilité contractuelle de leur fournisseur d'eau ; qu'en effet aucune exception ni fin de non-recevoir n'a été soulevée par les parties ou relevée d'office par le tribunal à l'égard de ces prétentions, qui étaient donc recevables, peu important à cet égard qu'elles soient jugées bien ou mal fondées par la suite ;
Que le jugement doit donc être infirmé de ce chef ;
Sur l'origine du sinistre du 28 février 2009 et la responsabilité encourue :
Attendu que les parties s'accordent, comme en première instance, à reconnaître que l'inondation des locaux de l'agence bancaire de la [...] survenue le 28 février 2009, a été provoquée par la rupture d'un manchon en PVC placé en amont du compteur d'eau de l'abonnée, la CRCAM Alpes Provence ;
Que la banque, et son assureur qui a indemnisé en partie les conséquences du sinistre, la CAMCA, considèrent que du fait de l'origine de la fuite d'eau, elle ne relève pas de son installation privée d'adduction d'eau mais de celle du fournisseur d'eau et engage donc sa responsabilité contractuelle, conformément aux dispositions de l'article 4.1. du règlement du service de l'eau de la ville d'Avignon, en date du 6 mars 2002 ;
Que la Société Avignonnaise des Eaux, concessionnaire du service public d'adduction d'eau à Avignon, soutient au contraire que le manchon défectueux étant installé sur une partie du bâtiment appartenant à la CRCAM et non sur le domaine public, relève du domaine privé et donc se trouvait placé sous sa garde et sa responsabilité, conformément aux dispositions de l'article 4.4 du règlement du service de l'eau ;
Que les parties s'accordent à reconnaître également que le règlement du service de l'eau adopté le 6 mars 2002 par la communauté d'agglomération du Grand Avignon, régit leurs obligations contractuelles réciproques en matière d'adduction d'eau et fait donc partie de leur convention ;
Qu'il résulte de ce règlement que l'installation privée d'adduction d'eau de l'abonné est définie à l'article 4.1. de ce règlement comme commençant à partir du joint de sortie du compteur d'eau, alors que le domaine privé, sur lequel se trouve une partie de la canalisation provenant du domaine public, est constitué par la partie du bâtiment appartenant ou louée par l'abonné ;
Qu'en l'espèce il est constant entre les parties que le manchon de PVC apportant l'eau à l'agence du Crédit Agricole qui a connu une fuite le 28 février 2009 était situé en amont du compteur d'eau, donc ne relevait de l'installation privée de l'abonné, mais sur son domaine privé, différent du domaine public ;
Que l'article 4.4 du règlement est ainsi libellé :
« Le distributeur d'eau prend à sa charge les frais d'entretien, de réparations et les dommages pouvant résulter de l'existence de la partie du branchement située domaine public.
En revanche, les frais de déplacement ou de modification du branchement effectués à la demande du propriétaire ou de la copropriété sont à sa charge. Il en est de même pour les frais résultant d'une faute de sa part.
Le propriétaire ou la copropriété est chargé de la garde et de la surveillance de la partie du branchement située en domaine privé (compteur compris). En conséquence, le distributeur d'eau n'est pas responsable des dommages, notamment aux tiers, résultant d'un sinistre survenant en domaine privé lié à un défaut de garde ou de surveillance. » ;
Que par ailleurs l'article 4.2. du règlement précise que « les travaux d'installation sont réalisés par le distributeur d'eau et sous sa responsabilité,...les travaux ne comprennent pas le percement et le rebouchage du mur de façade, ni toutes les autres démolitions, transformations et réfections à effectuer pour permettre la mise en place du branchement. Le propriétaire doit faire procéder à l'exécution de ces travaux, et cela à ses frais, risques et périls. » ;
Qu'il s'en évince, ainsi que des autres stipulations contractuelles visées ci-après, que dans les rapports entre les parties :
- c'est le distributeur d'eau qui a, seul, la responsabilité des travaux d'installation de la canalisation d'eau et donc qui choisit la qualité de celle-ci et son positionnement, y compris dans le domaine privé jusqu'au compteur d'eau, qu'il installe également entièrement, et il est seul habilité à mettre en œuvre le branchement en manœuvrant les robinets de prise d'eau sur la conduite de distribution publique (article 4.2.),
- la garde et la surveillance du réseau situé dans le domaine public relève du distributeur d'eau, ainsi que l'entretien de celui-ci, les réparations et la responsabilité des dommages en provenant (article 4.4. alinéa 1),
- la garde et la surveillance du réseau situé dans le domaine privé, compteur compris, relève de l'abonné, qui répond donc des dommages provoqués par un manquement de sa part à cet égard, ainsi que de ceux provoqués par sa propre faute (article 4.4. alinéa 2),
- l'entretien et le remplacement du compteur d'eau, situé dans le domaine privé, incombe au distributeur d'eau (article 5.4) sauf si, en cas de dommages au compteur, l'abonné n'a pas respecté les consignes de protection de celui-ci transmises par le distributeur,
- l'entretien, le renouvellement et la mise en conformité des installations privées (en aval du compteur) n'incombent pas au distributeur d'eau et il n'est pas responsable des dommages causés par leur existence, leur fonctionnement, leur défaut d'entretien, de renouvellement ou de mise en conformité ;
Qu'en application de l’article 1156 du code civil on doit rechercher dans les conventions quelle a été la commune intention des parties, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes, d'une part ; que d'autre part, conformément aux dispositions de l’article 1161 du code civil, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune d'elle le sens qui résulte de l'acte entier ;
Qu'en l'espèce il apparaît que ce règlement fait une distinction entre :
- la garde et la surveillance du réseau et du compteur situés dans le domaine privé, qui relèvent de l'abonné, lequel doit aussi s'abstenir de commettre une faute entraînant un dommage sur le branchement d'eau ou en manquant à ses obligations de garde et de surveillance, de laisser un tiers provoquer un dommage, notamment,
- l'entretien et le renouvellement du réseau et du compteur situés dans le domaine privé, qui relèvent, de fait, exclusivement du distributeur d'eau, l'abonné ne pouvant intervenir ni dans le choix des matériels, ni dans celui de leur installation, ni les modifier lui-même et même pas interrompre l'adduction d'eau provenant du robinet du domaine public ; que l'abonné peut seulement solliciter le déplacement ou la modification de ce branchement, à ses frais, auprès du distributeur d'eau, seul chargé de sa réalisation (article 4.4. alinéa 2) ; que c'est d'ailleurs ce qu'a fait après le sinistre le Crédit Agricole, en faisant déplacer par la société Véolia, successeur de la SAE dans la distribution de l'eau à Avignon, son compteur, à ses frais mais sans pouvoir le faire elle-même ;
Qu'il s'ensuit que contrairement à ce que soutient la Société Avignonnaise des Eaux, dès lors que la convention interdit à l'abonné d'intervenir sur les canalisations posées par le seul distributeur d'eau en amont de son compteur d'eau, fut-ce dans son domaine privé, l'obligation contractuelle d'entretien de celles-ci et de leur renouvellement, incombait nécessairement au distributeur d'eau, seul habilité contractuellement et réglementairement vis à vis du domaine public, à y intervenir, même si le règlement susvisé est imprécis à cet égard ;
Que la convention est en effet silencieuse sur l'obligation d'entretien et de renouvellement des canalisations posées sur le domaine privé en amont du compteur d'eau ; mais que ce silence doit être rapproché de la clause relative à l'entretien et au renouvellement des canalisations posées dans les installations privées, en aval du compteur d'eau, clairement mises à la charge et sous la seule responsabilité de l'abonné, lequel était par contre également libre d'y intervenir, à ses frais, sous la seule réserve de ne pas entraîner de conséquences préjudiciables au reste de l'installation d'adduction d'eau et de respecter la législation en vigueur ;
Qu'en application de la convention des parties, la responsabilité contractuelle en cas de dommages causés par la défaillance du branchement ou de la canalisation, installés par le seul distributeur d'eau professionnel, sans aucune intervention de l'abonné sur le domaine privé de ce dernier, incombe donc à la SAE, sauf si elle rapporte la preuve d'une faute commise par la CRCAM Alpes Provence, ou d'un manquement de sa part à son obligation de garde et de surveillance de la canalisation, qui soit à l'origine de la défaillance du manchon en PVC ayant causé la fuite d'eau litigieuse le 28 février 2009 ;
Qu'une autre interprétation de cette clause, qui conférerait à l'abonné, non professionnel, la pleine et entière responsabilité des conséquences dommageables d'accidents survenus sur la partie du branchement situé au-delà du domaine public, excluant ainsi toute responsabilité du service des eaux, serait en effet directement contraire à la recommandation de la Commission des Clauses Abusives n° 85-01 du 19 novembre 1982 - B, 3°) concernant la distribution de l'eau, invoquée par la CRCAM ;
Attendu que contrairement à ce que soutient la CRCAM Alpes Provence, cette clause n'est pas une clause limitative de responsabilité mais, ainsi interprétée, une clause répartissant les responsabilités éventuelles encourues entre le propriétaire ou locataire, chargé de la garde et de la surveillance des installations d'adduction d'eau se trouvant dans la propriété placée sous sa garde et le distributeur d'eau, installateur des canalisations et du compteur sur le domaine privé, responsable des dommages en cas de défaillance de ces installations, sauf lorsqu'elle provient d'un manquement de l'abonné à ses obligations de garde et de surveillance, ou en cas de faute qui lui soit imputable, à l'origine du dommage ;
Que l'obligation de surveillance du réseau installé sur le domaine privé ne doit pas être confondue avec l'obligation de son entretien, laquelle demeure à la charge du distributeur qui l'a installé ; que c'est donc à tort que la CRCAM Alpes Provence soutient que l'obligation de surveillance ne peut lui incomber, faute des compétences techniques requises, alors que l'étendue d'une telle obligation se limite, en un tel cas, à s'assurer de l'absence de risque de détérioration par quiconque des canalisations et compteur, de l'absence de détérioration de leur protection contre les éléments climatiques de nature à les abîmer, et de la vérification de l'absence de fuite d'eau, devant alors être signalée au distributeur, professionnel chargé d'intervenir et seul à même de le faire contractuellement ;
Que l'obligation d'entretien qui consiste notamment à nettoyer les canalisations ou les changer en raison de leur vétusté, de leur toxicité alimentaire ou en cas de fuite, incombe en effet au distributeur ; qu'en l'espèce celui-ci ne justifie ni même ne soutient, au demeurant, avoir facturé à l'abonné le coût de l'installation initiale d'adduction d'eau sur son domaine privé ni n'a facturé le remplacement des canalisations posées sur son domaine privé mais seulement le déplacement du compteur, selon la convention des parties ;
Que la clause figurant à l'article 4.4 du règlement n'est donc nullement abusive et n'a pas lieu, en conséquence d'être réputée non écrite, même si elle figure dans un contrat d'adhésion ;
Qu'en effet au regard des obligations contractuelles des parties dans cette convention, il serait illogique, au contraire, de confier au distributeur la garde et la surveillance des canalisations et compteur d'eau situés sur la propriété privée de l'abonné, où il n'a pas librement accès à tout moment ; qu'il n'est pas non plus anormal que l'abonné qui provoque un dommage sur l'installation d'adduction d'eau située dans sa propriété, par sa propre faute, en porte la responsabilité personnelle ;
Que d'autre part la clause, ainsi interprétée, ne crée pas un déséquilibre significatif dans les obligations des parties, au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation, en ce qu'elle laisse la responsabilité des dommages provoqués par la défaillance des canalisations situées dans le domaine privé au distributeur professionnel qui les y a installées et en a choisi les matériaux et qui doit les entretenir, hors les cas de défaut de garde et de surveillance par l'abonné, ou de faute de celui-ci, comme exposé ci-dessus ;
Que la CRCAM invoque à l'appui de ses prétentions à cet égard un communiqué de presse de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, en date du 25 août 2009, dans lequel cette administration déclare avoir constaté parmi 141 collectivités territoriales contrôlées, l'existence de clauses abusives dans les règlements du service des eaux et avoir adressé des rappels aux collectivités concernées par cette anomalie ; que cependant il n'est pas justifié, ni même allégué, que le règlement du service des eaux d'Avignon ait été concerné par un rappel de la DGCCRF ;
Qu'il convient donc de rejeter la demande de la CRCAM tendant à voir déclarer cette clause (article 4-4) du règlement du service des eaux non écrite comme abusive ou pour absence de cause contractuelle, également alléguée à tort par l'abonné ;
Attendu que la défaillance d'un manchon installé dans le réseau de canalisations par la SAE, professionnel de la distribution des eaux à Avignon, n'est pas contestée comme étant à l'origine des fuites ayant causé les dommages subis par l'agence bancaire du Crédit Agricole le 28 février 2009, dont l'indemnisation est recherchée dans la présente instance ;
Que c'est par une interprétation erronée de la charge de la preuve résultant de la convention des parties que la SAE soutient qu'il appartiendrait à l'abonné, la CRCAM, de rapporter la preuve qu'elle n'a pas commis de faute de surveillance ni manqué à son obligation de garde de cette canalisation ; qu'en effet la clause litigieuse du règlement ne pose aucune présomption de manquement à l'obligation de garde ou de surveillance, ni à la commission d'une faute par l'abonné, en cas de survenance d'un sinistre provenant de cette partie des installations ;
Qu'ensuite, d'une part, il ne peut être requis d'une partie de rapporter la preuve d'un fait négatif ; que d'autre part enfin, il résulte des termes de la clause 4.4 du règlement du service des eaux que, sauf manquement par l'abonné à son obligation contractuelle de garde et de surveillance, ou faute qui lui serait imputable, la responsabilité des conséquences dommageables provoquées par un incident survenant sur les canalisations situées sur le domaine privé mais en amont de la sortie du compteur d'eau, relèvent toujours de la responsabilité du distributeur, qui les a installées et qui a l'obligation de les entretenir et renouveler ;
Que contrairement à ce que soutient la SAE, le contrat d'entretien courant souscrit par l'abonné avec la société MGC, relevé par l'expert judiciaire M. L., ne concernait que le petit entretien des canalisations intérieures et non le branchement d'adduction des eaux publiques ; que ceci ne relève pas d'une négligence de la CRCAM mais résulte du fait que l'entretien des canalisations en amont du compteur d'eau incombaient contractuellement au distributeur d'eau ; que la SAE entretient dans ses conclusions une confusion permanente entre obligation de surveillance, incombant à l'abonné, et obligation d'entretien des canalisations sur le domaine privé en amont du compteur d'eau, qui n'incombait nullement à l'abonné en vertu du règlement susvisé et qui requiert une compétence professionnelle et une liberté d'accès au réseau public que n'avait pas l'abonné en l'espèce ;
Qu'en un tel cas il appartient donc au distributeur qui entend contester sa responsabilité contractuelle, de rapporter la preuve d'un ou plusieurs manquements commis par l'abonné à son obligation de garde ou de surveillance de l'installation, ou d'une faute commise par lui, à l'origine du dommage et non d'en évoquer seulement la possibilité sans autres allégations ni preuves ;
Attendu que l'expert judiciaire M. L., commis par ordonnance de référé en date du 28 mars 2008, a certes constaté que le manchon défaillant ne pouvait plus lui être présenté, ayant été évacué avec les gravats par le plombier qui a fait la réparation de la fuite d'eau en urgence, mais il disposait toutefois d'une description de celui-ci dans un constat d'huissier dressé le lendemain de l'incident, le 29 février 2008, ainsi que de photographies en couleur prises ce même jour par l'expert amiable T., mandaté par le Crédit Agricole ;
Qu'au vu de ces éléments et de ses propres constatations sur les lieux, il a été à même d'émettre l'avis suivant, quant à l'origine du sinistre :
« le manchon a donc été mis en place postérieurement à l'installation d'origine, à la suite d'une modification de celle-ci dans le but de rattraper l'écartement entre l'arrivée d'EP et les pièces en aval....le tube PVC s'est sectionné au niveau de la bride, celle-ci s'affaissant sur le sol avec l'arrivée d'EP, ce qui laisse supposer un défaut d'alignement, cause du cisaillement du PVC, cause à laquelle a pu s'ajouter un coup de bélier ou tout autre phénomène. » (Page 4 du rapport déposé le 10 mars 2009), puis en page 6 « rien ne permet, toutefois de penser que le sinistre aurait pu être prévenu par l'examen visuel du branchement » ;
Qu'il s'ensuit que l'expert n'a relevé aucune faute, aucun manquement de l'abonné à son obligation de garde et de surveillance des canalisations et du compteur d'eau situés sur son domaine privé, même s'il ne peut affirmer avec certitude que la cause de la rupture du manchon, installé par le distributeur d'eau à une date inconnue, provient d'un mauvais alignement de celui-ci par ce professionnel, qu'il retient cependant comme une cause possible ;
Que dès lors la Société Avignonnaise des Eaux doit être déclarée contractuellement responsable des conséquences dommageables de la rupture accidentelle du manchon installé par ses services sur ses canalisations d'adduction d'eau en amont du compteur de l'abonné et de l'inondation de l'agence bancaire qui en a résulté ;
Sur les préjudices indemnisables :
Attendu qu'à titre subsidiaire la SAE sollicite que soit retenue l'évaluation de l'expert judiciaire des dommages subis par la CRCAM, et son assureur partiellement subrogé la CAMCA, à hauteur de la somme totale de 339.983,16 euros ;
Qu'en effet l'expert judiciaire, après les dires des parties et en fonction de l'actualisation du préjudice du fait de l'ouverture tardive de certains coffres, a évalué le préjudice à la somme de 339.983,16 euros (page 14 de son rapport) :
Que ces dommages correspondent, selon l'expert judiciaire :
- au dommage matériel subi par la CRCAM, propriétaire de l'agence bancaire, à hauteur de la somme de 146.746,45 euros (comprenant outre la réfection des biens endommagés, le pompage du fuel dans la cuve inondée et les frais du constat d'huissier du 29 février 2009, utilisé par l'expert judiciaire dans son rapport,
- au dommage économique constitué par les réparations requises et l'indemnisation de la clientèle titulaire de coffres dans la partie inondée de l'agence bancaire, pour la somme de 193.277,31 euros (dont 85.310,92 euros remboursés aux clients, 34.690,00 euros de frais de réparation des bijoux endommagés par M. V., 4.754,00 euros de frais de séchage de documents, 583,00 euros de frais de séchage de billets, 544,00 euros de frais de conditionnement des pièces, 4.859,00 euros au titre de diverses autres réparations requises, 2.126,00 euros pour le changement de la serrure de la porte forte et 369,00 euros pour l'effraction de coffres, outre les frais de l'expertise amiable T. pour 25.360,13 euros et 2.130,00 euros de frais d'expertise par M. V., 8.819,00 euros correspondant à l'indemnisation de 6 coffres ouverts en cours d'expertise et 23.691,60 euros au titre de 4 autres coffres ouverts après le dépôt du pré-rapport de l'expert et des frais d'assistance complémentaire de l'expert amiable T.) ;
Que, comme le soutiennent la CRCAM et la CAMCA l'expert judiciaire a commis une erreur d'addition, les deux postes de préjudice qu'il retient conduisant à un total de 340.023,76 euros et non de 339.983,16 euros ;
Qu'il convient donc de faire droit dans la limite des demandes présentées respectivement par la CRCAM Alpes Provence par son assureur subrogé dans ses droits après indemnisation en application de l’article L. 121-12 du code des assurances, la CAMCA, et de condamner la SAE à leur payer, respectivement, les sommes de 174.230,30 euros et de 165.753,46 euros, soit un total réclamé de 339.983,76 euros, avec intérêts de retard au taux légal depuis l'assignation du 26 mai 2009 ;
Qu'ainsi les prétentions de la CRCAM Alpes Provence et de la CAMCA n'excèdent pas de façon manifestement injustifiée le montant retenu par l'expert judiciaire, ni même de beaucoup celui accepté à titre subsidiaire par la SAE, puisqu'il est seulement sollicité une somme supérieure de 0,60 euros (339.983,76 euros au lieu de 339.983,16 euros), contrairement à ce que conclut l'intimée ;
SUR LES FRAIS DE PROCÉDURE ET LES DÉPENS :
Attendu qu'il y a lieu d'allouer à la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence et à la CAMCA la somme de 2.500,00 euros à chacune sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, que devra leur payer la SCA Avignonnaise des Eaux, condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire de M. L., commis en référé, qui ont contribué à la solution de ce litige ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable en l'espèce de laisser à la charge de la SCA Avignonnaise des Eaux les frais de procédure qui ne sont pas compris dans les dépens ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Statuant, publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu les articles 6 et 9 du code de procédure civile,
Vu les articles 1134, 1147, 1156, 1161 et 1315 du code civil,
Vu l’article L. 132-1 du code de la consommation,
Vu l’article L. 121-12 du code des assurances,
Vu le rapport d'expertise de M. Bernard L., commise en référé, déposé le 10 mars 2009,
Reçoit les appels en la forme,
Infirme le jugement du tribunal de commerce d'Avignon prononcé le 10 juin 2011 ;
Et statuant à nouveau :
Déclare la Société Avignonnaise des Eaux contractuellement responsable du sinistre survenu le 28 février 2009 dans l'agence bancaire du Crédit Agricole d'[...], à la suite de la rupture d'un manchon de canalisation situé en amont du compteur d'eau ;
La condamne à en réparer les conséquences dommageables en payant :
- à la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence la somme de 174.230,30 euros, avec intérêts de retard au taux légal depuis le 26 mai 2009,
- à la Caisse d'Assurances Mutuelles du Crédit Agricole, subrogée, la somme de 165.753,46 euros, avec intérêts de retard au taux légal depuis le 26 mai 2009 ;
Condamne la SCA Avignonnaise des Eaux aux dépens de première instance et d'appel et à payer à la Caisse Régionale Crédit Agricole Mutuel Alpes Provence ainsi qu'à la CAMCA la somme de 2.500,00 euros à chacune, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette toutes autres demandes des parties ;
Autorise la SCP GUIZARD-SERVAIS, avocat, à recouvrer directement les dépens conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Ainsi prononcé et jugé à NÎMES le 7 mars 2013.
Arrêt signé par M. FILHOUSE, Président et par Madame SIOURILAS, Greffier.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
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