T. COM. NANTERRE (6e ch.), 28 mars 2007
CERCLAB - DOCUMENT N° 4356
T. COM. NANTERRE (6e ch.), 28 mars 2007 : RG n° 2006F01964
Publication : Juris-Data n° 2007-363867
Extraits : 1/ « Mais attendu que l'article L. 442-6-I-1° dispose « […] », Que les règles qui proscrivent les pratiques discriminatoires non justifiées et édictent le principe de l'engagement de la responsabilité de leurs auteurs sont destinées à préserver l'équilibre des relations commerciales qui participent au bon fonctionnement du marché et contribuent à la protection générale d'un ordre économique lié à la liberté des prix et au libre jeu de la concurrence, que l'article L. 442-6 du Code de commerce peut donc être qualifié d'ordre public, Que le Code de commerce pose donc comme condition à la licéité des contrats de coopération commerciale, non seulement l'existence d'un réel service commercial, mais encore l'équilibre du contrat, que ce principe, illustré par l'intérêt commun du fournisseur et du distributeur à la réalisation de l'opération promotionnelle, a pour corollaire la proportionnalité de la rémunération à l'avantage que chaque partenaire retire de l'opération,
Attendu que le tableau de synthèse, reprenant la participation financière des fournisseurs comparée aux chiffres d'affaires réalisés, fait apparaître formellement que le GALEC a différencié à l'extrême les contreparties financières à la présence des produits dans le prospectus en ne demandant aucune participation à ces trois fournisseurs alors que leurs concurrents directs, pour C. C. et N. notamment, et les autres fournisseurs ont participé financièrement à l'opération, […]
Qu'en conséquence, le Tribunal dira : Que l'existence d'un avantage ou d'un désavantage dans la concurrence est patente dès lors que le caractère discriminatoire de la pratique est établi, sans qu'il soit besoin de procéder à un bilan économique à cet égard, qu'il est donc établi que le GALEC a pratiqué des conditions de vente de ses services discriminatoires à l'égard des trois fournisseurs concernés et que ces conditions discriminatoires ne sont pas justifiées par une différence correspondante de prestation, que cette discrimination, entre fournisseurs, est fautive au visa des dispositions de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce ».
2/ « Attendu que l'article L. 442-6-I-2° dispose « […] 2° - a) […]», […] Mais attendu que l'article L. 442-6-1-2° du Code de commerce pose comme condition â la licéité des contrats de coopération commerciale, non seulement l'existence d'un réel service commercial, mais encore l'équilibre du contrat, que ce principe, illustré par l'intérêt commun du fournisseur et du distributeur à la réalisation de l'opération promotionnelle, a pour corollaire la proportionnalité de la rémunération à l'avantage que chaque partenaire retire de l'opération, Que, selon ses écritures, le GALEC fait valoir qu'il importe, pour apprécier la notion de « valeur du service rendu », de prendre en considération l'évaluation des retombées médiatiques et donc la valeur des articles rédactionnels parus pendant une certaine durée, que cette valeur serait caractérisée par une multiplicité de facteurs présentant chacun une forte variabilité selon l'impact médiatique recherché, que le seul critère pertinent est la « valeur intrinsèque du service rendu » ou du « retour sur investissement attendu », Que si, une telle démonstration est séduisante, elle ne saurait dépasser le stade de l'hypothèse pour devenir une preuve tangible, qu'il appartenait alors au GALEC d'appréhender et de restituer de façon pertinente l'équivalence revendiquée, de chiffrer objectivement son existence et de l'opposer aux services du Ministre lors de l'enquête, que cette prétendue « valeur », ramenée aux circonstances de la cause, n'est pas établie par le GALEC et donc inopérante aux pratiques querellées,
Qu'ainsi le Tribunal dira : - Que l'opération promotionnelle nationale « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS » s'inscrit dans la définition de la coopération commerciale puisqu'elle procure des avantages pour le fournisseur d'une part et pour le distributeur d'autre part, qu'en réalisant cette opération promotionnelle, le GALEC a rendu à la fois des services aux fournisseurs et à l'enseigne elle-même, que dans ces conditions, la rémunération du service qui est mise à la charge des fournisseurs au moyen de contrats de services, devait tenir équitablement compte du partage des avantages retirés par les uns et par les autres et que le GALEC devait s'abstenir de toute discrimination non justifiée par des contreparties réelles, - Que le GALEC a vendu des services aux fournisseurs mentionnés en différenciant la rémunération demandée sans que ces différences puissent être justifiées par des différences correspondantes des services rendus aux fournisseurs, - Que de plus fort, le GALEC, en ne demandant aucune contrepartie financière à certains fournisseurs, pour le service rendu, s'est rendu coupable d'une pratique discriminatoire â l'égard des autres fournisseurs, - Que ta discrimination entre fournisseurs est caractérisée et fautive au visa de l'article L. 442-I-6 du Code de commerce, que les avantages définis et réellement tirés des contrats sont disproportionnés au regard de la valeur du service rendu par le GALEC auxdits fournisseurs, que l'infraction civile aux pratiques restrictives de concurrence est avérée, - Que le trouble à l'ordre public économique causé par ces actions fautives est avéré, - Que le GALEC, responsable de ce trouble à l'ordre public économique, a engagé sa responsabilité, - Qu'il sera fait droit à la demande d'amende civile justifiée, pour sanctionner cette attitude ».
TRIBUNAL DE COMMERCE DE NANTERRE
SIXIÈME CHAMBRE
JUGEMENT DU 28 MARS 2007
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 2006F01964.
DEMANDEUR :
LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE
[adresse], comparant par Mme X. et par M. Y.
DÉFENDEUR :
SA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC dit GALEC
[adresse], comparant par SOCIÉTÉ SEVELLEC CRESSON RUELLE [adresse] et par Maître PARLEANI [adresse],
LE TRIBUNAL AYANT LE 7 Février 2007 ORDONNÉ LA CLÔTURE DES DÉBATS POUR LE JUGEMENT ÊTRE PRONONCÉ LE 28 Mars 2007, ET CE JOUR, APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
LES FAITS
La SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS, DES CENTRES LECLERC (ci-après GALEC) a initié, en janvier 2003, dans le cadre de sa politique nationale d'enseigne une opération commerciale dénommée « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS ».
A cette occasion, des contrats de coopération commerciales intitulés « Dynamique Commerciale et Promotionnelle Nationale 2003 - DCPN » ont été conclus avec de nombreux fournisseurs prévoyant, au choix des fournisseurs :
* la présence garantie d'un ou de plusieurs produits du fournisseur sur un ou plusieurs prospectus identifiés pour une ou plusieurs opérations nationales, souvent celle de janvier 2003, pour le service de « présence garantie » sur le prospectus national, le groupement GALEC émettait la facture,
* la définition d'une ou plusieurs opérations de bons d'achat visant plusieurs produits du fournisseur, pour ce service, fourni au niveau local, les centrales régionales du Mouvement E. LECLERC émettaient les factures,
Pour ces opérations dites de coopération commerciale, GALEC était rémunéré par les fournisseurs de manière forfaitaire pour la présence dans le catalogue et les sociétés coopératives régionales en proportion du chiffre d'affaires pour les bons d'achats.
[minute page 2] Cette opération promotionnelle s'est matérialisée par la conception d'un prospectus par le GALEC et sa diffusion auprès du public par l'ensemble des adhérents au groupement. Ce prospectus de 116 pages a été imprimé en 15.698.630 exemplaires et comprend plusieurs centaines d'articles. Son coût total est de € 1.869.837 HT facturé aux adhérents à concurrence du nombre de prospectus commandés.
La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF représentée par M. le Ministre de l'économie, des finances et de l'industrie - ci-après le Ministre), par l'intermédiaire de ses services déconcentrés des Hauts-de-Seine et de la Direction nationale des enquêtes de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a effectué une enquête auprès du GALEC et des fournisseurs concernés par cette opération promotionnelle du groupement (Procès-verbal du 10 mai 2004).
Le Ministre, au soutien de ses écritures, fait valoir que trois fournisseurs des membres du groupement coopératif E. LECLERC n'ont signé aucun contrat de DCPN relatifs à la présence de leurs produits dans le catalogue et n'ont pas été facturés pour la participation à l'insertion de leurs produits dans le document publicitaire.
Ces pratiques qui pourraient s'analyser en l'obtention de conditions discriminatoires, non justifiées par des contreparties réelles et, l'obtention d'avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu seraient fautives au visa des dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce.
Qu'en conséquence, le Ministre usant des prérogatives qui lui sont confiées par ledit article, demande au Tribunal de prononcer une amende civile de € 2.000.000 contre le GALEC, dûment mandaté par ses adhérents du groupement pour conclure des contrats de coopération commerciale et responsable de l'obtention de ces avantages.
LA PROCÉDURE
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier du 21 mars 2006 signifié à personne habilitée pour personne morale, M. LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE donne assignation à la SA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC et demande au Tribunal de :
- Dire et juger que GALEC a pratiqué des conditions de vente de ses services discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles,
- Dire et juger que GALEC a obtenu de la part de certains fournisseurs des avantages disproportionnés à l'égard de la valeur des services rendus,
- Dire et juger que ces pratiques sont fautives au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- Ordonner la cessation de ces pratiques fautives,
- Prononcer à l'encontre de GALEC une amende civile de deux millions d'euros,
- Condamner GALEC aux dépens.
[minute page 3] Par conclusions en défense n° 1, déposées à l'audience du 21 juin 2006, le GROUPEMENT D'ACHAT ÉDOUARD LECLERC dit GALEC demande au Tribunal :
Vu l'article 6 § 1 de la CESDH, l'article 1er du Premier Protocole qui y est annexé, ensemble l'article L. 442-6 du Code de commerce français, en ses points I et Ill,
- Constater que le Ministre de l'Économie et des Finances a, mettant en œuvre les prérogatives que lui octroie la loi française par l'article L. 442-6-III du Code de commerce,
1. Utilisé les droits de créances en réparation qui sont la propriété absolue de ceux qui peuvent éventuellement justifier avoir été victimes de fautes visées à l'article L. 442-6 du Code de commerce,
2. Exercé unilatéralement et autoritairement l'action en justice en responsabilité des éventuelles victimes, alors que seul le titulaire de ses droits subjectifs a la liberté essentielle et fondamentale de recourir à la justice ou de ne pas y recourir,
3. Pris pour ce faire une décision de nature administrative,
4. Sans informer les véritables titulaires des droits subjectifs utilisés, que ce soit leurs droits de propriété sur des créances éventuellement en réparation, et leur liberté de recourir au juge,
5. Sans même avoir reçu de mandat de ces titulaires,
6. Sans que ces titulaires aient pu choisir la contestation déférée au Tribunal concernant leurs droits subjectifs, et sans qu'ils aient pu choisir librement les arguments, les preuves, les moyens et les demandes,
7 Sans que cela puisse être objectivement justifié par un intérêt général et, sans, supposer qu'il puisse y avoir un intérêt général que l'on puisse invoquer, que la mesure nationale y soit proportionnée,
- Constatant que l'article 6 § 1 de la CESDH, et l'article 1 du Premier Protocole qui y est annexé, sont d'applicabilité directe en FRANCE, et qu'il est de l'office du juge de laisser inappliquée de sa propre autorité toute législation nationale contraire ou incompatible, comme de refuser de donner effet à des procédures ou actes de procédure contraires ou incompatibles avec ces dispositions,
Faisant alors application de l'article 122 du NCPC,
- Déclarer le Ministre irrecevable en son action, et dire en particulier qu'il a, en l'espèce, aucune qualité, ou aucune capacité à agir,
- Le condamner à 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- Le condamner aux dépens de la présente l'instance.
Par conclusions en réplique et récapitulatives, déposées à l'audience du 27 septembre 2006, M. LE MINISTRE DE L'ÉCONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE confirme les demande de son acte introductif d'instance, y ajoutant,
- Dire et juger que son action est recevable et bien fondée,
Par conclusions en défense n° 2, déposées à l'audience du 8 novembre 2006, le GROUPEMENT D'ACHAT ÉDOUARD LECLERC dit GALEC demande au Tribunal :
[minute page 4] À titre principal
Vu l'article 6 § I de la CESDH, l'article 1er du Premier Protocole qui y est annexé, ensemble l'article L. 442-6 du Code de commerce français, en ses points I et III,
- Constatant que l'article 6 § 1 de la CESDH, et l'article 1 du Premier Protocole qui y est annexé, sont d'applicabilité directe en FRANCE, et qu'il est de l'office du juge de laisser inappliquée de sa propre autorité toute législation nationale contraire ou incompatible, comme de refuser de donner effet à des procédures ou actes de procédure contraires ou incompatibles avec ces dispositions,
- Constater alors que l'action intentée par le Ministre de l'Économie et des Finances dans la présente instance viole le principe du procès équitable que sont l'égalité des armes et le contradictoire,
Faisant alors application de l'article 122 du NCPC,
- Déclarer le Ministre irrecevable en son action, et dire en particulier qu'il n'a, en l'espèce, et en application des textes européens sus visés, aucune qualité, ou aucune capacité à agir,
A titre subsidiaire
- Le débouter de toutes ses demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause
- Le condamner à 2.000 € en application des dispositions de l'article 700 du NCPC,
- Le condamner aux dépens de la présente l'instance.
A son audience du 7 février 2007, le Juge rapporteur a, après avoir entendu les parties, clos les débats et mis le jugement en délibéré.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur l'exception d'irrecevabilité soulevée par le GALEC :
Le GALEC fait valoir :
- Que le Ministre de l'Économie et des Finances agit en l'occurrence en matière civile de manière secrète, violant à la fois l'article 6 § I de la CESDH et 1er du Premier Protocole qui y est annexé, sans respecter les principes d'objectivité, de nécessité et de proportionnalité,
- Que l'article L. 442-6-III du Code de commerce est silencieux quant à l'articulation des rôles entre le Ministre et les personnes dont celui-ci entend défendre les intérêts, que dans sa décision du 25 juillet 1989 (Droit Social, 1989, p. 629), le Conseil Constitutionnel a pris parti sur ce type de question et n'a validé ce type d'action en justice, confié par la loi à une autre personne que le titulaire des droits, que sous réserve de son interprétation constructive, que le Conseil Constitutionnel exige ainsi que la personne privée qui est titulaire des droits, puisse s'assurer à tout moment du contrôle de la mise en œuvre de ses droits en justice,
- Que ces garanties s'imposent d'autant plus lorsque l'institution investie de l'action, comme en l'espèce, revêt, par essence, un caractère partisan ou politique, qui peut la faire céder à la tentation d'instrumentaliser, à des fins qui lui sont propres, des intérêts privés,
- Que le Ministre ne démontre pas que son action est subordonnée au choix de la personne dota il entend mettre en œuvre les droits, que son action est irrecevable,
[minute page 5] Le Ministre oppose :
- Que le Ministre agit conformément aux règles de droit,
- Que la décision du Conseil Constitutionnel ne s'applique pas au cas de l'espèce,
Sur ce, le Tribunal
Attendu que l'action exercée dans la présente affaire est fondée sur les dispositions de l'article L. 442-6 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2001-420 du 15 mai 2001, qui dispose :
« I. - Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
1° - De pratiquer, à 'égard d'un partenaire économique, ou d'obvenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence,
2° - a) D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat, […]
II - « l'action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article »,
Que les dispositions dudit article [confèrent] explicitement au Ministre de l'économie le droit d'intenter une action en responsabilité civile contre l'auteur d'une pratique restrictive de concurrence,
Que l'action du Ministre à l'encontre de GALEC est une « action en réparation et non en annulation d'une convention à laquelle il n'est pas partie, que le pouvoir d'agir du Ministre dans l'exercice de sa mission de gardien de l'ordre public économique ne peut tendre qu'au rétablissement dudit ordre public économique par la seule cessation des pratiques illicites et ne lui donne pas la faculté de se substituer aux victimes des pratiques discriminatoires pour évaluer, à leur place, le préjudice causé par les agissements restrictifs de concurrence et en solliciter la réparation, que les dispositions légales applicables ne lui donnent pas davantage te pouvoir de solliciter la restitution des prix et valeurs des biens en cause, aux lieu et place des victimes » (Cass. com., 5 décembre 2000)
Que Le GALEC ne saurait donc soutenir que, à la fois l'article 6 §1 de la CESDH et 1er du Premier Protocole, seraient violés, que le Ministre agit conformément aux règles de droit en vigueur rappelées par les dispositions du Code de commerce,
Attendu aussi que la décision du Conseil Constitutionnel, invoquée par le GALEC, et qui concerne l'action de substitution reconnue aux syndicats de salariés en droit du travail, n'a pas [minute page 6] vocation à s'appliquer en l'espèce, qu'en effet, un syndicat de salariés est une personne de droit privé qui agit au titre d'intérêts particuliers et collectifs de droit privé alors que le Ministre de l'économie est une personne publique qui agit au titre de la puissance publique, dans le respect de l'intérêt général et pour la défense de l'ordre public économique,
Qu'en conséquence, le Tribunal :
Dira recevable l'action du Ministre dans la présente instance,
Dira que le Ministre a qualité à agir et
Déboutera le GALEC de ce chef de demande,
SUR LA DEMANDE PRINCIPALE :
Le Ministre expose
Le GALEC, centrale de référencement, regroupe 460 adhérents qui représentent 560 magasins. Il agit pour le compte de ses adhérents afin de négocier auprès des fournisseurs les conditions d'achats des magasins et les conditions accessoires relatives à la publicité, aux promotions et autres.
Au début de chaque année, le GALEC procède au référencement des fournisseurs nationaux du groupement. Parmi les contrats conclus figurent les contrats dits de « politique nationale d'enseigne » (PNE) et les contrats dits de « dynamique commerciale et promotionnelle nationale » (DCPN).
L'opération promotionnelle du 15 au 25 janvier 2003
Cette opération promotionnelle, organisée par le GALEC et intitulée « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS », supporté par un prospectus national de 116 pages, comprend plusieurs centaines d'articles provenant de plusieurs centaines de fournisseurs. Pour l'enquête, les services de la DGCCRF ont retenu quarante-trois produits de dix huit fournisseurs. Chaque produit intenté dans le prospectus est le support d'un coupon de réduction « Ticket E. LECLERC ». Ainsi, pendant la durée de l'opération, lors de l'achat de produits supports de Tickets, le consommateur reçoit des bons de réduction de la valeur annoncée dans le prospectus qui peuvent venir en déduction des achats de n'importe quel article effectués dans le même magasin pendant la quinzaine qui suit l'opération.
Financement et contribution à l'opération promotionnelle
Les frais avancés par le GALEC
Les opérations nationales sont conçues par le pôle commercial du GALEC qui avance, pour ses adhérents, les dépenses nécessaires. L'opération commerciale se déroule en deux temps d'une part, la conception, l'édition et la diffusion du prospectus (contrats de coopération commerciale passés avec les fournisseurs, objet de la présente procédure) et, d'autre part, une campagne de communication par voie d'affichage, de radio et de presse.
Les participations financières des fournisseurs
Ces participations financières font l'objet de contrats de dynamique commerciale et promotionnelle nationale (DCPN) négocié avec ses fournisseurs qui portent sur :
- la présence des produits dans le prospectus, chaque contrat de DCPN, définit le service et la rémunération et facturation, la facturation est émise par le GALEC
- les coupons de réduction « Ticket E. LECLERC », chaque contrat de DCPN, définit le service et la rémunération et facturation, la facturation est émise par les Centrales,
[minute page 7]
Les sommes facturées aux principaux fournisseurs (18)
Les fournisseurs, signataires de contrats DCPN pour la « présence produit » dans le catalogue et pour les « Ticket E. LECLERC », ont payé un montant de factures de € 4.792.045,24 € soit au total 3.374.033 € pour le prospectus, et 1.018.012,24 € pour les bons d'achat. Le Ministre relève, sur le tableau versé aux débats, que trois fournisseurs n'ont pas contribué à la conception du prospectus alors qu'ils ont réalisé un chiffre d'affaires lié à cette opération. Il s'agit de :
C. - présence produit dans le catalogue 0 €
- tickets E. LECLERC XX €
- chiffre d'affaires réalisé 759.786,15 €
K. - présence produit dans le catalogue 0 €
- tickets E. LECLERC XX €
- chiffre d'affaires réalisé -708,490 €
N. - présence produit dans le catalogue 0 €
- tickets E. LECLERC non précisé
- chiffre d'affaires réalisé - 423.215 €
Qu'ainsi 15 fournisseurs ont contribué à plus de 97 % du coût de fabrication du catalogue,
La participation des fournisseurs est reversée aux adhérents du groupement,
Sur la présence des produits dans le prospectus
Après avoir facturé et perçu les rémunérations des fournisseurs en contrepartie de la présence de leurs produits dans le catalogue, le GALEC reverse les sommes aux centrales régionales, à charge pour celles-ci de les répartir aux magasins,
Sur les coupons de réduction (tickets E. LECLERC).
Bien que les contrats de coopération commerciale soient conclus entre le GALEC ce sont les sociétés centrales d'achat régionales du groupement qui facturent tes fournisseurs, après encaissement chaque magasin reçoit de la société centrale d'approvisionnement régionale à laquelle il est adhérent la quote-part qui lui revient, cette quote-part, par fournisseur et par article, est égale au produit du nombre d'unités vendues pendant l'opération par le montant unitaire que le fournisseur s'est engagé à payer,
Le Ministre fait ainsi valoir que,
Pour un fournisseur, l'insertion de son produit dans une opération promotionnelle nationale de l'enseigne LECLERC, et donc dans le prospectus correspondant, lui procure des chances d'augmenter les ventes de ce produit pendant la période considérée.
Que trois fournisseurs, sur les 18, n'ont signé aucun contrat de DCPN relatifs à la présence de leurs produits dans le catalogue et n'ont pas été facturés pour la participation à l'insertion de leurs produits, Qu'il est donc établi que le GALEC a pratiqué des conditions discriminatoires, à l'égard des trois fournisseurs concernés et que ces conditions discriminatoires ne peuvent pas être justifiées par une différence correspondante de prestation, ce qui est contraire à l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce, qu'en faisant supporter la quasi totalité du coût du catalogue (plus de 97 %) à quinze fournisseurs alors que plusieurs centaines sont [minute page 8] concernés, le GALEC a obtenu de la part de ces fournisseurs des avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur des services rendus et ce contraire à l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce,
Le GALEC oppose
Qu'il l'occasion de l'opération commerciale « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS », des contrats de coopération commerciale « Dynamique commerciale et Promotionnelle nationale 2003 » semblables furent conclus avec de nombreux fournisseurs, comme cela était possible en 2003, pour les opérations dites de coopération commerciale, le GALEC était rémunéré par les fournisseurs de manière forfaitaire poux la présence sur le catalogue, et les sociétés coopératives régionales en proportion du chiffre d'affaires pour les bons d'achat (contrats versés aux débats)
Que, si la Plupart de ces contrats conclus entre le GALEC et des fournisseurs se rapportaient l'opération qui devait se dérouler du 15 au 25 janvier 2003, ce n'était pas le cas de toutes les opérations, que pour H., les opérations concernant certains produits des gammes L. C., S., S. ou M. devaient être plus tardives, et donc distinctes de celle querellée par le Ministre de l'Économie et des Finances, qu'il en est de même pour L. F. avec D. B. S. et L. C., pour B. avec N. B., et pour K. avec C. N.,
Que, si la plupart des contrats conclus prévoyaient la réalisation de deux opérations promotionnelles concomitantes - présence sur le prospectus et bons d'achat - certains fournisseurs n'en ont choisi qu'une, souvent selon les produits, que H. n'a retenu que les bons d'achat pour M., et il en fut de même d'U. B. pour L. I. T. thé vert, et pour T. 1,5 litre, avec P. - Eaux, bières, jus de fruits pour P. Max et S. U., de C. C. poux C. C. light, F. orange et citron frappé, et M., de K. pour K., […] packs de 6 et packs de 15, et de M. pour M., Qu'en revanche, d'autres fournisseurs ne retinrent que la présence sur le prospectus, comme K. pour Café O., N. et C. N., et M. lait, ou comme M. pour M.,
Que, comme il est habituel, les opérations de bons d'achat faisaient l'objet de remontées consolidées d'informations vers les fournisseurs, à partir de chaque centrale régionale, que les conventions conclues contenaient une clause selon laquelle « le fournisseur reconnaît que ces actions spécifiques dont il se rend acquéreur ont un impact réel en termes de performance commerciale et de valorisation de son image et de ses produits »,
Que les fournisseurs qui ont signé les contrats produits par le Ministre de l'Économie et des Finances ont payé les factures visées dans l'assignation, soit au total 3.774.033 € pour le prospectus, et 1.018.012,24 € pour les bons d'achat,
Que pour cette opération commerciale « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS », le Ministre estime qu'elle caractériserait une violation de l'ordre public économique », engageant la « responsabilité » civile du GALEC envers des fournisseurs qui auraient contribué à 97,52 % aux coûts de fabrication du catalogue, bien que ceux-ci, ne formulent aucune demande, que les arguments du Ministre au soutien de sa démonstration (article L. 442-6-I du Code de commerce) sont, pour les trois fournisseurs mentionnés, dépourvus de pertinence économique et juridique et les moyens avancés au soutient de ses prétentions (article L. 442-6-I-2° du Code de commerce) ne sont qu'un glissement sémantique à partir des termes dudit article, la où la loi parle de « valeur » le Ministre emploi le terme a « coût »,
[minute page 9]
Sur ce, le Tribunal
Vu, le tableau reprenant la participation financière des fournisseurs (total coopération) comparée aux chiffres d'affaires (coopération) réalisés,
[tableau récapitulatif non reproduit]
Sur la prétendue pratique, à l'égard des fournisseurs considérés des modalités de vente discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles au renard de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce
Attendu que le Ministre fait valoir
Que trois fournisseurs n'ont signé aucun contrat de DCPN relatifs à ta présence de leurs produits dans le catalogue et n'ont pas été facturés pour la participation à l'insertion de leurs produits, qu'il s'agit de C. C. ENTREPRISE, de BRASSERIES K. et de N. FRANCE,
[minute page 10] C. C. : deux produits sont présents en page 112, le C. LIGHT, dont l'insertion représente 2/9ème de la page et le F., dont l'insertion représente 1/9ème de la page, que le premier produit bénéficie d'un emplacement d'une surface double de celle des autres produits de marque et s'en distingue notamment par des caractères plus gros et un fond coloré, que cette insertion est manifestement destinée à mettre le produit LIGHT sans sucre de C. C. en avant par rapport au même produit sans sucre du concurrent P. FRANCE, que P. FRANCE s'est vu facturer 53.571 € le passage de son produit,
K. : trois produits figurent en page III du catalogue, le pack de 12 bouteilles a […] de 25 cl, qui occupe les 2/3 de la page, le pack de 6 bouteilles de 33 cl en bas de page et enfin, le pack de 30 bouteilles de 25 cl K., que cette triple insertion qui occupe les 8/9ème de la page et dont le caractère avantageux pour le pack de 12 bouteilles est manifeste, n'a pas été facturée à la société K.,
N. : les deux produits K. et N. figurent en page 105 dans la même case (1/9ème page) alors que son concurrent dans le domaine de la confiserie de poche, M., a dû rétribuer le GALEC de 200.000 € en contrepartie de l'insertion dans la même page des barres M. et des cacahuètes M. dans une surface identique de 1/9ème de page,
Qu'ainsi, le GALEC a différencié à l'extrême les contreparties financières à la présence des produits dans le prospectus en ne demandant aucune participation à ces trois fournisseurs alors que leurs concurrents directs (pour C. C. et N.) et les autres fournisseurs ont participé financièrement, que sur le plan qualitatif, les contreparties offertes à C. C. et à K. sans rémunération sont bien supérieures à celles offertes à leurs concurrents, pratiquant de ce fait, une discrimination « à rebours » la société M. a dû payer une somme très élevée (200.000 €) alors qu'une prestation similaire a été gratuite pour N., qu'il est établi que le GALEC a pratiqué des conditions discriminatoires à l'égard des trois fournisseurs concernés et que ces conditions discriminatoires ne peuvent pas être justifiées par une différence correspondante de prestation, ce qui est contraire à l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce,
Que GALEC oppose
Que l'analyse du Ministre est erronée ou insuffisante pour chacun des trois fournisseurs prétendument avantagés par rapport à leurs concurrents
C. C. : Que le Ministre relève que le produit C. LIGHT est présenté à la page 112 du catalogue, que ce produit bénéficie d'un emplacement d'une surface double de celle réservée au même produit sans sucre du concurrent P. FRANCE, que C. C. n'a pas payé pour l'insertion de son produit alors que la société P. FRANCE se serait vue facturer par le GALEC 53.571 € pour la présence de son produit LIGHT MAX P., qu'il y aurait discrimination entre les deux entreprises, l'une bénéficiant de la gratuité (C. C.), l'autre obligée de payer (P. FRANCE),
[minute page 11] Que contrairement à ce que soutient le Ministre P. FRANCE n'a pas payé pour l'insertion du produit LIGHT MAX P., que la facture de 53.571.00 € est relative à l'insertion d'un autre produit de la société P. FRANCE, le jus pressé T. dont la publicité apparaît à la page 88 du catalogue, que ni la C. C. ni P. FRANCE n'ont été facturées pour l'insertion de leurs produits light, qu'il s'agit d'un choix du GALEC qui n'a pas facturé dans ce catalogue l'insertion des sodas et des bières, K.
K. : Qu'il est fait grief au GALEC de n'avoir pas facturé à K. la triple insertion qui figure à la page 111 du catalogue,
Que le seul fait de ne pas avoir facturé serait, selon le Ministre, constitutif de discrimination sans qu'il soit besoin de rechercher le sort qui a été réservé à l'insertion des produits concurrents, que pour établir une discrimination il faut comparer des situations semblables entre opérateurs concurrents clairement identifiés pour mettre en évidence les différences concrètes de traitement entre eux, ce que ne fait pas le Ministre, que le Ministre allègue d'une différence de traitement coupable dont il ne recherche même pas la réalité, que cela suffit â anéantir le grief en fait, que le GALEC précisera qu'aucun fabricant de bières n'a été facturé pour les insertions parues dans le catalogue litigieux et que la prétendue discrimination qualitative à rebours » dont aurait bénéficié la société K. n'est pas d'avantage établie, le Ministre ne désignant ni les concurrents prétendument lésés, ni les insertions visées,
N. France : Que le Ministre expose que deux produits fabriqués par la société N. K. et N. figurent en page 105 du catalogue dans une même case (1/9ème de page) et prétend que N. n'a pas été facturé pour cette insertion, que la société M. a dû rétribuer le GALEC de 200.000,00 € en contrepartie de l'insertion dans la même page des barres M. et des cacahuètes M. pour une surface qui serait identique (1/9ème de page),
Que N. FRANCE a payé au GALEC la somme de 170.480 € pour l'insertion de ses deux produits selon les modalités convenues entre eux par contrat du 24 janvier 2003 (V. pièce n° 1, contrat du 24 janvier 2003 et pièce n° 2 la facture correspondante), que de plus sur le plan « qualitatif » les insertions des produits concurrents ne sont pas de taille identique (1/9ème de page) les produits de la société M. (M. et M.) occupent deux cases, soit le double de l'espace occupé par les produits N.,
Que le Ministre échoue à établir en fait la discrimination alléguée et prive sa demande fondée sur l'application de l'article L. 442-6-I-1° du Code de commerce,
Mais attendu que l'article L. 442-6-I-1° dispose « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers
1° De pratiquer à I 'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence »,
Que les règles qui proscrivent les pratiques discriminatoires non justifiées et édictent le principe de l'engagement de la responsabilité de leurs auteurs sont destinées à préserver l'équilibre des relations commerciales qui participent au bon fonctionnement du marché et contribuent à la protection générale [minute page 12] d'un ordre économique lié à la liberté des prix et au libre jeu de la concurrence, que l'article L. 442-6 du Code de commerce peut donc être qualifié d'ordre public,
Que le Code de commerce pose donc comme condition à la licéité des contrats de coopération commerciale, non seulement l'existence d'un réel service commercial, mais encore l'équilibre du contrat, que ce principe, illustré par l'intérêt commun du fournisseur et du distributeur à la réalisation de l'opération promotionnelle, a pour corollaire la proportionnalité de la rémunération à l'avantage que chaque partenaire retire de l'opération,
Attendu que le tableau de synthèse, reprenant la participation financière des fournisseurs comparée aux chiffres d'affaires réalisés, fait apparaître formellement que le GALEC a différencié à l'extrême les contreparties financières à la présence des produits dans le prospectus en ne demandant aucune participation à ces trois fournisseurs alors que leurs concurrents directs, pour C. C. et N. notamment, et les autres fournisseurs ont participé financièrement à l'opération,
Qu'il sera relevé par le Tribunal que GALEC soutient que la facture N. de 170.480 € ht a été émise le 31 décembre 2003 pour un paiement au 30 janvier 2004, que pourtant, le contrat DOW et la facture dont s'agit n'ont pas été remis à l'enquêteur de la DGCCRF et ne sont pas repris sur la liste des pièces Miment listées sur le procès-verbal établi le 10 mai 2004 que la facture de 170.480 € ht, versée aux débats, n'est pas acquittée,
Qu'il est de jurisprudence constance que, « le fait pour un producteur de consentir à un partenaire économique des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles crée pour ce partenaire un avantage dans la concurrence, sans qu'il y ait lieu pour l'Administration ou pour l'opérateur, qui n'a pas bénéficié de ces mêmes avantages, de démontrer l'existence du préjudice que ces pratiques illicites ont causé » (Cass. com 6 avril 1999),
Qu'en conséquence, le Tribunal dira
Que l'existence d'un avantage ou d'un désavantage dans la concurrence est patente dès lors que le caractère discriminatoire de la pratique est établi, sans qu'il soit besoin de procéder à un bilan économique à cet égard, qu'il est donc établi que le GALEC a pratiqué des conditions de vente de ses services discriminatoires à l'égard des trois fournisseurs concernés et que ces conditions discriminatoires ne sont pas justifiées par une différence correspondante de prestation, que cette discrimination, entre fournisseurs, est fautive au visa des dispositions de l'article L. 442-6-I-1° du code de commerce,
Sur la valeur des services rendus au regard de l'article L. 442-6-1-2° du Code de commerce :
Attendu que l'article L. 442-6-I-2° dispose « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait par tout producteur, commerçant industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (…)
2° - a) D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat »,
[minute page 13] Attendu que le Ministre fait valoir que le prospectus est principalement destiné à accroître les ventes des magasins de l'enseigne, que corrélativement, le prospectus a un effet sur les ventes des fournisseurs, que c'est donc en termes de chiffre d'affaires qu'il convient d'apprécier la valeur de l'avantage retiré par chacun des partenaires,
Que les volumes de ventes en magasins et les volumes d'approvisionnements de ceux-ci auprès des fournisseurs sont liés par nature dans le cadre d'une opération promotionnelle, qu'il est économiquement équitable de considérer que chacun des partenaires doit participer au financement de l'opération, que dans ces conditions et dans le cadre fixé par le Code de commerce de la proportionnalité de la rémunération à l'avantage retiré, qu'il convient de partager également entre les deux partenaires la charge de la rémunération du service,
Que dans le cas de l'espèce, l'opération promotionnelle a généré pour certains fournisseurs des chiffres d'affaires bien inférieurs à la moitié de leurs participations, que le tableau de synthèse fait apparaître notamment que la société L. F. a vendu aux magasins pour 125.500,68 € de marchandise et a versé 332.676,80 € de participation, soit plus de deux fois et demi le chiffre d'affaires,
Que parmi les dix-huit fournisseurs relevés, neuf ont versé une somme qui représente plus de 50 % du chiffre d'affaires généré par l'opération, que ces neuf fournisseurs sont P. & G., C. P., H., L. F., U. B., D., G. P., S. L. et K. F., qu'il est donc manifeste que le GALEC a demandé à ces fournisseurs des participations financières disproportionnées au regard de la valeur du service rendu.
Que, selon les pièces produites par le GALEC au Ministre, le coût du catalogue s'est élevé à 3.869.837,00 €, que ce montant comprend le coût complet de l'élaboration à la livraison dans chaque magasin, que les quinze fournisseurs qui ont payé la présence de leurs produits dans le catalogue ont versé au GALEC une somme totale de 3.774.033,00 € ; qu'ils ont donc contribué à hauteur de 97,52 % du coût du catalogue, qu'ils ont assuré, au groupement E. LECLERC, la quasi-gratuité de ce catalogue,
Que l'avantage, partagé entre distributeurs et fournisseurs, dans l'opération, étant donné le nombre total de fournisseurs dont les produits sont présents dans le catalogue, dépasse largement les quinze fournisseurs relevés, qu'il est ainsi démonté que la charge qui pèse sur ces derniers est manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu, qu'en l'occurrence, le service, tel qu'il a été facturé aux fournisseurs, a permis aux adhérents membres du groupement de réaliser sinon un bénéfice prouvé, au moins une économie substantielle, en se dispensant d'engager les budgets correspondant à la conception et à la diffusion du prospectus, qu'en d'autres termes, le GALEC a fait financer par les quinze fournisseurs susmentionnés un service que l'enseigne se rendait pour partie à elle-même, ce qui prouve la disproportion entre le prix facture à ces quinze fournisseurs et le service qui leur a été rendu au sens de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
Le GALEC objecte,
Que, pour justifier l'application de ce texte, le Ministre opère un glissement sémantique partir des termes de l'article L. 442-6-1-2° du Code de commerce, que là où la loi parle de « valeur » le Ministre emploie le terme de « coût », que là où la loi devrait conduire à parler de la « valeur » d'une insertion dans un catalogue, le Ministre parle de chiffre d'affaires effectif réalisé après parution du catalogue,
[minute page 14] Que les catalogues sont des médias non substituables aux autres, qu'ils constituent un marché particulier, que le Ministre ignore la spécificité du catalogue, que les catalogues sont évalués a posteriori par des analyses d'impact propres au média, par des sociétés spécialisées, que les catalogues de la grande distribution constituent un marché (grille d'analyse du Conseil de la concurrence - décision 96-D-44 du 18 juin 1996 (Carat) ou 99-D-95 du 22 décembre 1999 (TF1),
Que l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce retient uniquement le critère de la « valeur », qu'en économie de marché, la valeur d'un bien s'estime par son prix sur le marché et non à son coût de production ou de fabrication, que la valeur d'une insertion publicitaire se détermine à partir des choix publicitaires des annonceurs ce qui fait que cette valeur est impossible â apprécier hors la présence de ces annonceurs,
Que le coût de fabrication d'un catalogue ne peut être un critère pertinent, que lorsqu'un annonceur achète un encart publicitaire, il n'acquiert pas physiquement une partie du catalogue papier, il achète un service publicitaire et médiatique pour communiquer avec une clientèle « cible », en espérant avoir un impact sur elle, qu'en l'espèce, le Ministre réduit artificiellement le coût du catalogue litigieux au seul prix de revient de l'impression et de l'acheminement interne, qu'il ignore ainsi les coûts de conception, de distribution dans 16 millions de boîtes aux lettres, le coût des accompagnements média (radio, PQR,), le coût de la mobilisation du réseau d'un grand distributeur et le coût des études d'impact postérieures et ce, sans égard à la réalité économique,
Qu'en termes publicitaires, la valeur d'une insertion publicitaire est une valeur de marché, qui tient compte de la stratégie de l'annonceur et des intérêts du support et le prix de marché s'établit a priori au point d'équilibre entre les intérêts du vendeur et ceux de l'acheteur, que les résultats se mesurent essentiellement en termes d'impact médiatique et non de ventes effectives, que les choix publicitaires peuvent répondre à des objectifs extraordinairement différents, qu'il y a des agences qui effectuent ce genre de mesures, que ce fut le cas pour le GALEC et pour le catalogue « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS », que le GALEC a répercuté sans frais les résultats aux annonceurs, que le Conseil de la Concurrence rappelle, que « les niveaux tarifaires des différents médias sont hétérogènes, et que chaque média présente des qualités propres de nature à le rendre imparfaitement substituable à un autre », que la jurisprudence versée aux débats, admet sans difficulté que la valeur d'une insertion publicitaire est fonction d'un service dont l'impact sur une cible est escompté et le cas échéant mesuré, que le Ministre réduit artificiellement le coût du catalogue litigieux au seul prix de revient de l'impression et de l'acheminement interne, que le coût de fabrication d'un catalogue ne peut être un critère pertinent,
Mais attendu que l'article L. 442-6-1-2° du Code de commerce pose comme condition â la licéité des contrats de coopération commerciale, non seulement l'existence d'un réel service commercial, mais encore l'équilibre du contrat, que ce principe, illustré par l'intérêt commun du fournisseur et du distributeur à la réalisation de l'opération promotionnelle, a pour corollaire la proportionnalité de la rémunération à l'avantage que chaque partenaire retire de l'opération,
Que, selon ses écritures, le GALEC fait valoir qu'il importe, pour apprécier la notion de « valeur du service rendu », de prendre en considération l'évaluation des retombées médiatiques et donc la valeur des articles rédactionnels parus pendant une certaine durée, que cette valeur serait caractérisée par une multiplicité de facteurs présentant chacun une forte variabilité selon l'impact médiatique recherché, que le seul critère pertinent est la « valeur intrinsèque du service rendu » ou du « retour sur investissement attendu »,
[minute page 15] Que si, une telle démonstration est séduisante, elle ne saurait dépasser le stade de l'hypothèse pour devenir une preuve tangible, qu'il appartenait alors au GALEC d'appréhender et de restituer de façon pertinente l'équivalence revendiquée, de chiffrer objectivement son existence et de l'opposer aux services du Ministre lors de l'enquête, que cette prétendue « valeur », ramenée aux circonstances de la cause, n'est pas établie par le GALEC et donc inopérante aux pratiques querellées,
Qu'ainsi le Tribunal dira
- Que l'opération promotionnelle nationale « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS » s'inscrit dans la définition de la coopération commerciale puisqu'elle procure des avantages pour le fournisseur d'une part et pour le distributeur d'autre part, qu'en réalisant cette opération promotionnelle, le GALEC a rendu à la fois des services aux fournisseurs et à l'enseigne elle-même, que dans ces conditions, la rémunération du service qui est mise à la charge des fournisseurs au moyen de contrats de services, devait tenir équitablement compte du partage des avantages retirés par les uns et par les autres et que le GALEC devait s'abstenir de toute discrimination non justifiée par des contreparties réelles,
- Que le GALEC a vendu des services aux fournisseurs mentionnés en différenciant la rémunération demandée sans que ces différences puissent être justifiées par des différences correspondantes des services rendus aux fournisseurs,
- Que de plus fort, le GALEC, en ne demandant aucune contrepartie financière à certains fournisseurs, pour le service rendu, s'est rendu coupable d'une pratique discriminatoire â l'égard des autres fournisseurs,
- Que ta discrimination entre fournisseurs est caractérisée et fautive au visa de l'article L. 442-I-6 du Code de commerce, que les avantages définis et réellement tirés des contrats sont disproportionnés au regard de la valeur du service rendu par le GALEC auxdits fournisseurs, que l'infraction civile aux pratiques restrictives de concurrence est avérée,
- Que le trouble à l'ordre public économique causé par ces actions fautives est avéré,
- Que le GALEC, responsable de ce trouble à l'ordre public économique, a engagé sa responsabilité,
- Qu'il sera fait droit à la demande d'amende civile justifiée, pour sanctionner cette attitude
Sur son quantum
Attendu que l'article L. 442-6-III dispose « Lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d'ordonner la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrais illicites, demander la répétition de l'indu a le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros »,
Que l'impartialité de l'enquête approfondie menée par le Ministre ne peut être remise en cause, les services de la DGCCRF ayant analysés et relatés les données du litige,
Que, usant des prérogatives que lui confère le Code de commerce, le Ministre demande au Tribunal de prononcer une amende civile de 2.000.000 d'euros,
Qu'en conséquence, le Tribunal
- Dira qu'il résulte des pièces soumises aux débats, des éléments du dossier et des observations rapportées au cours de l'audience qu'il convient de réduire la demande du Ministre à de plus justes proportions, que les circonstances de la cause justifient qu'une amende civile de 200.000 € soit prononcée et,
- [minute page 16] Condamnera le GALEC à payer au TRÉSOR PUBLIC la somme de 200.000 € sanctionnant l'indemnisation intégrale et appropriée des pratiques fautives relevées d son encontre, déboutant pour le surplus des demandes,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Le Tribunal statuant publiquement, en premier ressort, par jugement CONTRADICTOIRE,
- Dit recevable l'action du Ministre des Finances dans la présente instance,
- Dit que le Ministre des finances a qualité à agir,
- Dit que la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC - GALEC a pratiqué des conditions de vente de ses services discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles,
- Dit que la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC - GALEC a obtenu de la part de certains fournisseurs des avantages disproportionnés à l'égard de la valeur des services rendus,
- Dit que ces pratiques sont fautives au visa de l'article L. 442-6 du Code de commerce,
- Prononce à l'encontre de la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC - GALEC une amende civile,
- Condamne la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC - GALEC à payer au TRÉSOR PUBLIC la somme de 200.000 €, déboutant pour le surplus des demandes,
- Rejette comme inopérantes ou injustifiées toutes demandes, fins et conclusions contraires ou plus amples des parties et les en déboute,
- Condamne la SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC - GALEC aux dépens.
Liquide les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 67,41 €uros, dont TVA 11,05 €uros.
Délibéré pat M. ZOUDE, M. ROYER et M. BENETEAU
Prononcé à l'audience publique de la 6ème Chambre du Tribunal de Commerce de NANTERRE, le 28 mars 2007 composée en conformité avec l'article 452 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La minute du jugement est signée par M. ZOUDE, Président du délibéré et Valérie MOUSSAOUI, Greffier
M. ROYER, Juge Rapporteur.
- 6162 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Conformité aux droits européens - Convention européenne des Droits de l’Homme
- 6165 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Nature de l’action du Ministre
- 6202 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Distribution - Services de coopération commerciale
- 6246 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Consentement
- 6247 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Régime de l’action - Recevabilité - Rôle des victimes - Mise en cause
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