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CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 24 septembre 2009

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 24 septembre 2009
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 12e ch.
Demande : 08/05366
Date : 24/09/2009
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : T. COM. NANTERRE (6e ch.), 28 mars 2007
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CERCLAB - DOCUMENT N° 3293

CA VERSAILLES (12e ch. sect. 2), 24 septembre 2009 : RG n° 08/05366 

Publication : Jurica ; Legifrance

 

Extraits : 1/ « Attendu que l'action du ministre de l'économie que prévoit ce texte est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, indépendante de celle des victimes personnelles des pratiques que prohibe l'article L. 442-6 du code de commerce, au consentement, à la présence desquelles elle n'est pas soumise ; que lorsque, comme en l'espèce, l'action du ministre tend seulement à la constatation du caractère fautif des pratiques contraires au bon fonctionnement du marché et de la concurrence, à la cessation de celles-ci et au prononcé d'une amende civile, elle n'est pas non plus subordonnée à l'information de ces victimes ;  Attendu que tel étant le cas en l'espèce, l'action du ministre ne saurait être déclarée irrecevable en considération des droits des victimes personnelles des pratiques dénoncées, et notamment de leur droit à un procès équitable ».

2/ « Attendu que l'économie de l'opération pouvait justifier le fait que certains produits emblématiques, que leurs fournisseurs acceptent ou non de payer pour participer à l'opération, figurassent dans le catalogue, eu égard au fait que les magasins à enseigne E. LECLERC, pour que l'opération soit crédible pour les consommateurs, se devaient de les y faire figurer ; que dans ces conditions il ne saurait être fait reproche au GALEC d'avoir fait figurer des produits des marques COCA-COLA, KRONENBOURG et NESTLÉ, toutes marques de notoriété nationale sans que les fournisseurs concernés aient payé quelque somme que ce soit pour bénéficier de l'opération ; qu'en effet, cet avantage qui était ainsi consenti aux fournisseurs concernés avait pour contrepartie le fait que la présence de ces produits bénéficiait aux magasins à l'enseigne E. LECLERC - et par voie de conséquence au GALEC -en assurant à l'opération la crédibilité nécessaire au succès de l'opération ; Attendu dans ces conditions que la cour écartera la demande du ministre tendant à ce que les faits dont il a saisi la cour soient déclarés fautifs au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I, 1° du code de commerce, en sa rédaction applicable à l'espèce ».

3/ « Attendu, sur le deuxième grief, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce en sa rédaction applicable à l'espèce que lorsque, comme en l'espèce, un distributeur organise une opération commerciale d'intérêt commun, il ne doit pas exister une disproportion manifeste entre la participation financière à l'opération du fournisseur et celle du distributeur rapportées à l'intérêt que doivent respectivement en tirer le fournisseur et le distributeur ;

Attendu qu'en l'espèce, le ministre rapporte la preuve de ce que les fournisseurs ont contribué, pour quinze d'entre eux, à hauteur de 97,52 % du coût du catalogue, assurant aux magasins à l'enseigne E. LECLERC la quasi gratuité de celui-ci ; que si cet élément constitue une présomption forte de violation des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° précité, la preuve n'en est cependant pas rapportée ; qu'en effet d'une part, comme précédemment relevé, aucun élément n'est produit sur le coût total de l'opération, frais de communication inclus, et sur la ou les personnes sur qui ont pesé ces frais - qui, aux dires mêmes du ministre n'ont pas pesé sur les fournisseurs - ; que d'autre part, aucun élément n'est apporté sur la proportion entre la marge bénéficiaire moyenne des fournisseurs, d'une part et celle du distributeur, d'autre part, proportion qui aurait seule permis d'évaluer l'intérêt que les premiers et le second pouvaient tirer de l'opération et, partant, d'avoir les termes de comparaison permettant de déterminer si les dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce avaient été respectées ; Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter le ministre de l'économie de ses demandes ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

DOUZIÈME CHAMBRE SECTION 2

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2009

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 08/05366. Code nac : 39A2D. Contradictoire. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 mars 2007 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (6e ch.) : R.G. n° 2006F01964.

LE VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE NEUF,  La cour d'appel de VERSAILLES, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

Société GALEC SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC

ayant son siège [adresse], agissant poursuites et diligences de son Président domicilié en cette qualité audit siège, représentée par Maître Jean-Michel TREYNET, avoué - N° du dossier 18296, Rep / assistant : Maître Laurent PARLEANI, avocat au barreau de PARIS (L. 36)

 

INTIMÉ :

M. le Ministre de l'Économie, l'Industrie et de l'Emploi

(références SB / 2007-2860) demeurant [adresse], représenté par Monsieur A., Directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des Yvelines, élisant domicile, Direction Départementale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, [adresse]. Rep / assistant : Mme B. munie d'un pouvoir, en ses observations.

Composition de la cour : L'affaire a été débattue à l'audience publique du 18 juin 2009, Monsieur Albert MARON, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de : Monsieur Albert MARON, Président, (rédacteur), Monsieur Denis COUPIN, conseiller, Madame Marion BRYLINSKI, conseiller, qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Marie-Thérèse GENISSEL

Ministère Public : en présence de Monsieur Claude PERNOLLET, avocat général

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS LECLERC (le GALEC) est la centrale de référencement du groupement des magasins qui portent l'enseigne E. LECLERC.

Il regroupe 460 adhérents qui représentent 560 magasins. De par ses statuts il agit pour le compte de ses adhérents qui l'ont mandaté pour négocier auprès des fournisseurs les conditions d'achats des magasins et des conditions accessoires relatives notamment à la publicité et aux promotions.

Au début de chaque année, le GALEC procède au référencement des fournisseurs nationaux du groupement. Parmi les contrats conclus avec les fournisseurs à cette occasion, figurent les contrats dits de politique nationale d'enseigne (PNE) et les contrats dits de dynamique commerciale et promotionnelle nationale (DCPN).

La SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENT D'ACHATS DES CENTRES LECLERC (ci-après GALEC), a initié, en janvier 2003, dans le cadre de la politique nationale d'enseigne (PNE), du mouvement E. LECLERC, une opération commerciale dénommée « INUTILE DE RECHERCHER DES PRIX PLUS BAS ».

A cette occasion, des contrats de coopération commerciales intitulés « Dynamique Commerciale et Promotionnelle Nationale 2002- DCPN » ont été conclus avec de nombreux fournisseurs prévoyant aux choix de ceux-ci :

- La présence garantie d'un ou de plusieurs de leurs produits sur un ou plusieurs prospectus identifiés pour une ou plusieurs opérations nationales, souvent celle de janvier 2003 ; pour le service de « présence garantie » sur le prospectus national, le groupement GALEC émettait la facture ;

- la définition d'une ou plusieurs opérations de bons d'achat visant plusieurs produits du fournisseur ; pour ce service, fourni au niveau local, les centrales régionales du Mouvement E. LECLERC émettaient les factures.

Le catalogue-prospectus édité à l'occasion de l'opération promotionnelle « dynamique commerciale et promotionnelle nationale 2003 » réunissait des produits provenant de plusieurs centaines de fournisseurs.

Chaque produit présenté dans le prospectus (à l'exception de quelques produits frais et de l'édition) était le support d'un coupon de réduction « ticket E. LECLERC ».

Lors de l'achat de produits supports de tickets, le consommateur recevait des bons de réduction de la valeur annoncée dans le prospectus. Les bons acquis pendant la durée de l'opération pouvaient ensuite venir en déduction des achats de n'importe quel article (sauf livres et carburant) effectués dans le même magasin du 27 janvier au 8 février, c'est-à-dire pendant la quinzaine qui suivait l'opération.

Les consommateurs détenteurs d'une carte E. LECLERC pouvaient conserver leurs coupons jusqu'à la fin de l'année et bénéficiaient en outre d'un avantage supplémentaire de 25 % de la valeur faciale des tickets.

Pour ces opérations dites de coopération commerciale, GALEC était rémunéré par les fournisseurs de manière forfaitaire pour la présence dans le catalogue et les sociétés coopératives régionales en proportion du chiffre d'affaires pour les bons d'achats.

Cette opération promotionnelle s'est matérialisée par la conception d'un prospectus par le GALEC et sa diffusion auprès du public par l'ensemble des adhérents au groupement. Ce prospectus de 116 pages a été imprimé en 15.698.630 exemplaires et comprend plusieurs centaines d'articles. Son coût total est de 3.869.837 euros HT facturé aux adhérents à concurrence du nombre de prospectus commandés.

La Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF, représentée par Monsieur le Ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie-ci-après le ministre), par l'intermédiaire de ses services déconcentrés des HAUTS DE SEINE et de la Direction nationale des enquêtes de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, a effectué une enquête auprès du GALEC et des fournisseurs concernés par cette opération promotionnelle du groupement (procès-verbal du 10 mai 2004).

Estimant que trois fournisseurs des membres du groupement coopératif E. LECLERC qui n'avaient signé aucun contrat de DCPN relatifs à la présence de leurs produits dans le catalogue figuraient cependant dans celui-ci et n'avaient pas été facturés pour la participation à l'insertion de leurs produits dans ce document, ce qui pouvait s'analyser en l'obtention de conditions discriminatoires, non justifiées par des contreparties réelles et l'obtention d'avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur du service rendu, ce qui était en conséquence fautif au visa des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce, le ministre usant des prérogatives qui lui sont confiées par ledit article, a par acte d'huissier du 21 mars 2006 assigné la SA SOCIÉTÉ COOPÉRATIVE GROUPEMENTS D'ACHATS DES CENTRES LECLERC pour qu'il soit jugé que GALEC avait pratiqué des conditions de vente de ses services discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles et obtenu de la part de certains fournisseurs des avantages disproportionnés à l'égard de la valeur des services rendus, pratiques fautives au sens de l'article L. 442-6 du code de commerce et qu'en conséquence soit ordonné la cessation de ces pratiques et prononcé à l'encontre de GALEC une amende civile de deux millions d'euros.

Par le jugement déféré, en date du 28 mars 2007, le tribunal de grande instance de NANTERRE a dit recevable l'action du ministre, a dit que le GALEC avait pratiqué des conditions de vente de ses services non justifiées par des contreparties réelles et obtenu de la part de certains fournisseurs des avantages disproportionnés à l'égard des services rendus, pratiques fautives au regard des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et a condamné le GALEC à une amende civile de 20.000 €.

 

Le GALEC a interjeté appel de cette décision.

Au soutien de son recours, il fait valoir notamment, dans des conclusions du 4 mai 2009 auxquelles il est renvoyé pour l'exposé complet des moyens développés, en premier lieu que le ministre est irrecevable en son action.

En effet, l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que « toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (...) par un tribunal indépendant et impartial (...) qui décidera (...) des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ». Cela implique notamment que si chacun a le droit de faire entendre sa cause par un tribunal, il a également le droit de ne pas le faire. L'exercice d'un droit ou d'une liberté comporte celui de ne pas y recourir.

Or en l'espèce, le ministre - autorité politique - entend faire juger les droits et obligations de caractère civil de certains fournisseurs en interférant dans l'exécution de contrats qui les lient, mettant ainsi en œuvre, sans les en avoir informés et malgré eux, leurs droits et obligations à caractère civil.

La notion d'« action autonome » qu'a, à cet égard, cru pouvoir mettre en avant la Cour de cassation dans son arrêt du 8 juillet 2008, s'avère à cet égard une illusion.

Elle nie en effet la réalité, la difficulté et crée des difficultés dont on perçoit mal la solution.

En premier lieu, l'action du ministre ne saurait être qualifiée d'action autonome puisque, comme précédemment indiqué, elle n'est que l'action des fournisseurs. Elle présente au contraire toutes les caractéristiques d'une action de substitution.

Même si, ce qui est contestable, l'action du ministre avait pour objet d'assurer la protection du marché et de la concurrence, il n'en demeurerait pas moins que, pour arriver à cette fin, le ministre n'en mettrait pas moins en œuvre les droits privés d'autrui. La logique du texte et celle de l'action du ministre reposent sur le rétablissement de l'ordre économique par le rétablissement dans leurs droits contractuels des victimes supposées.

Dès lors, à supposer même que, pour parvenir aux fins attribuées à son action le ministre puisse utiliser les droits contractuels de personnes privées, il ne saurait le faire à leur insu.

Une telle « action autonome » se doublerait en outre d'une difficulté procédurale. Si, une fois que l'action autonome a conduit à un jugement, quels seront les droits des personnes privées si elles veulent, elles aussi, faire valoir les leurs par rapports aux principes gouvernant l'autorité de la chose jugée ? La difficulté est insurmontable.

S'agissant de la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence que serait censée opérer l'« action autonome » du ministre, rien ne permet d'établir que l'atteinte à des intérêts privés les affecte. Une enquête devrait être confiée au Conseil de la concurrence...

Une cour d'appel ne saurait juger de la pertinence de la mise en œuvre d'une action dont l'objet serait « la protection du fonctionnement du marché et de la concurrence » sans se livrer à une analyse concurrentielle, ce qu'elle ne saurait faire, sauf à limiter l'analyse concurrentielle au simple désavantage subi par un opérateur vis à vis de ses concurrents. Si tel est le cas, l'action est bien, et seulement, une action de substitution.

Dans ces conditions, le GALEC maintient sa position selon laquelle l'action du ministre sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce est bien irrecevable.

Il en est de même de sa demande d'amende civile. En effet, l'économie juridique de l'article L. 442-6 du code de commerce repose sur la construction selon laquelle l'atteinte aux droits contractuels d'opérateurs privés caractérise le trouble à l'ordre public, d'où l'action du ministre, et selon laquelle le rétablissement des droits des opérateurs privés entraînera la disparition du trouble.

Cette dépendance entre l'ordre public et les droits privés retentit sur l'amende civile.

A partir du moment où le ministre est irrecevable à faire juger la prétendue violation des droits contractuels de personnes privées, le substrat de l'amende civile fait défaut.

Le GALEC souligne qu'en toute hypothèse, la Cour européenne des droits de l'homme est saisie.

Dans un second temps, le GALEC fait valoir que l'action du ministre serait-elle même recevable qu'elle ne serait point fondée.

Le grief du ministre repose en effet sur le grief selon lequel certains fournisseurs - en ayant payé pour voir leurs produits insérés dans le catalogue - auraient été discriminés par rapport à ceux qui les ont vu insérer gratuitement.

Le raisonnement sur lequel repose ce grief est erroné. Cela ne peut, en effet, caractériser aucune discrimination.

Un fournisseur peut en effet ne pas souhaiter souscrire un contrat de coopération commerciale. Dans son cas, soit son produit ne figurera pas sur le catalogue, soit il y figurera parce que le distributeur estime ne pas pouvoir s'en passer dans le cadre de son opération publicitaire et promotionnelle.

A l'opposé, un fournisseur qui choisit de souscrire aura l'assurance de la présence de son produit au catalogue, aux conditions qu'il aura négociées.

Un tel mode de fonctionnement des insertions dans le catalogue n'a rien de contraire aux règles de la concurrence. En traitant et en ne négociant qu'avec un partenaire, le GALEC ne saurait être accusé de discrimination.

Le concept de discrimination, tel que le conçoit le ministre, aboutirait à des situations véritablement absurdes.

A titre d'exemple, la signature d'un seul contrat de coopération commerciale donnerait au fournisseur qui a souscrit le contrat le monopole de la publicité, sauf à contraindre les autres fournisseurs à contracter des contrats de coopération commerciale. A l'inverse, une insertion gratuite ferait obstacle à ce que les concurrents puissent bénéficier d'une publicité payante.

Absurde, le grief du ministre est en outre factuellement inexact.

S'agissant de COCA-COLA et de PEPSICO, il est faux d'affirmer que le second a payé pour l'insertion de Pepsi Max (Pepsi light). En effet, Pepsico a certes payé, mais pour Tropicana (produit non concurrent de Coca light) et non pour ce dernier produit. Par ailleurs, la différence au plan qualitatif des deux annonces se justifie par leur contenu différent, celui de Coca light étant beaucoup plus attrayant pour les consommateurs.

La situation de concurrence doit, contrairement aux allégations du ministre s'apprécier non entre les deux sociétés (Pepsico france et Coca cola), mais au regard des produits substituables.

S'agissant de la société KRONENBOURG, le ministre fait grief au GALEC de n'avoir pas facturé la triple insertion qui figure en page 11 du catalogue, estimant que, ce faisant, il aurait établi une discrimination. Il n'est cependant pas établi que les autres brasseurs auraient payé une insertion. Par ailleurs, on ne saurait soutenir qu'il peut y avoir discrimination dans l'établissement d'un traitement différent entre les brasseurs et d'autres catégories de fournisseurs, comme les charcutiers ou les fabricants d'électro-ménager.

S'agissant de la société NESTLE, le ministre expose que deux de ses produits, KIT KAT et NUTS, figurent dans le catalogue et que cette société n'a pas payé pour leur insertion. Or tel n'est pas le cas, puisque NESTLE FRANCE a bien payé. Il n'importe que le règlement soit intervenu après la clôture de l'enquête de la DGCCRF, le 30 janvier 2004. Les preuves produites à l'appui de ce paiement ne sont nullement incohérentes et ont été régulièrement communiquées dans le cadre du débat judiciaire, peu important qu'elles ne l'aient pas été lors de l'enquête.

Concernant le « qualitatif », le GALEC souligne que les insertions des produits concurrents ne sont pas de taille identique.

C'est vainement que le ministre fait encore valoir que la différence de traitement étant établie, il appartiendrait à l'auteur de la différenciation de la justifier, dès lors que la différence de traitement n'est pas établie.

De même est sans pertinence l'argument selon lequel le GALEC devrait prendre en charge le coût des insertions des fournisseurs qui ne l'ont pas payée. En effet, en premier lieu, il ne prend en considération que le coût de fabrication du catalogue. Or s'y ajoutent ceux de fabrication et de diffusion. Au surplus, rien n'interdit que le coût d'un media soit couvert par la publicité. Enfin le fait que le GALEC n'ait pas supporté une quote-part du coût de fabrication est sans objet puisque la discrimination poursuivie suppose que l'auteur traite différemment deux concurrents en créant entre eux un désavantage dans la concurrence.

Rien ne permet, par ailleurs, d'affirmer, comme le fait le ministre, que les fournisseurs qui payent l'insertion paieraient aussi celle d'autres fournisseurs, ceux qui ne l'ont pas payée.

Sur la valeur des services rendus, la logique de l'article L. 442-6, i, 2e est comparative. Il s'agit d'un prix disproportionné par rapport à la valeur du service. Le mécanisme est semblable à celui de la lésion de l'article 1674 du code civil.

Le catalogue constitue un produit spécifique (les catalogues tels que celui dans lequel les insertions litigieuses ont été effectuées constituent à l'heure actuelle les types d'écrits les plus diffusés-16 millions d'exemplaires pour le catalogue en question-leur diffusion est ciblée, ils délivrent un message juste avant l'acte d'achat, ils sont relayés, aux frais du distributeur, dans d'autres medias et leur impact est évalué a posteriori) et les insertions constituent un marché pour les annonceurs. Dans ces conditions, la valeur du service rendu ne doit pas être appréciée par rapport à son coût ni par rapport au chiffre d'affaires réalisé par l'annonceur. Dès lors, la proportion que représente le prix payé par le distributeur par rapport au coût du support ne saurait caractériser une quelconque disproportion avec le service rendu. Au surplus, la valeur d'utilité pour tel fournisseur ou pour tel autre peut être totalement différente (selon le type de produit, l'importance du marché...).

Enfin, c'est en toute hypothèse au ministre qu'il appartient de rapporter la preuve de la disproportion manifeste entre le prix payé et la valeur du service qu'il allègue.

Dans ces conditions, le GALEC demande à voir le ministre déclaré irrecevable en son action ; si cela ne devait point être, à le voir dire mal fondé, et à le voir condamné à lui payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite en outre sa condamnation aux dépens et Maître TREYNET demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

 

Le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi, représenté par le directeur départemental de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes des YVELINES a déposé, le 26 mars 2009, des conclusions au soutien de ses prétentions auxquelles il est renvoyé pour leur exposé complet.

Le ministre précise que les opérations nationales de l'enseigne E. LECLERC sont conçues par le pôle commercial du GALEC qui avance, pour ses adhérents, les dépenses nécessaires.

Il indique ensuite les caractéristique de l'opération objet de son action et qui sont les suivantes :

D'après les documents remis par le GALEC, le coût total du prospectus a été de 3 869 837 € HT. Le prospectus a été imprimé en 15 698 630 exemplaires.

L'ensemble de ces frais a été seulement avancé par le GALEC qui, ultérieurement, a facturé les adhérents à concurrence du nombre de prospectus commandés, cette procédure étant celle suivie pour toutes les opérations similaires.

Ainsi qu'il le fait habituellement, le GALEC a négocié avec ses fournisseurs des participations financières qui portent sur la présence des produits dans le prospectus et les coupons de réduction « ticket E. LECLERC ».

Ces participations financières ont fait l'objet de contrats de dynamique commerciale et promotionnelle nationale (DCPN).

En ce qui concerne la présence des produits dans le prospectus, le service était défini à l'article I-Objet de chaque contrat de DCPN et l'article II, « Rémunération et facturation » mentionnait, pour le même objet, la somme qui serait facturée au fournisseur par le GALEC en contrepartie.

En ce qui concerne les coupons de réduction, le service était également défini à l'article I et l'article II mentionnait, pour le même objet, la somme qui serait facturée au fournisseur par les centrales régionales d'approvisionnement des magasins en contrepartie.

Après avoir facturé et perçu les rémunérations des fournisseurs en contrepartie de la présence de leurs produits dans le catalogue, le GALEC a reversé ces sommes aux centrales régionales, à charge pour celles-ci de les répartir aux magasins.

Ainsi, précise le ministre, chaque centrale régionale a reçu du GALEC une part de la valeur encaissée par celui-ci auprès de chaque fournisseur, au prorata du chiffre d'affaires total réalisé par les magasins de sa zone sur chaque produit concerné pendant la durée de l'opération.

Chaque centrale régionale a reçu la charge de répartir à son tour ces sommes, selon la même règle, aux magasins de sa zone.

En ce qui concerne les coupons de réduction, et bien que les contrats de coopération commerciale aient été conclus entre le GALEC et les fournisseurs, le soin de facturer ces derniers était laissé aux sociétés centrales d'achat régionales du groupement.

Après encaissement auprès des fournisseurs, chaque magasin recevait de la société centrale d'approvisionnement régionale à laquelle il était adhérent la quote-part qui lui revenait. Cette quote-part par fournisseur et par article était égale au produit du nombre d'unités vendues pendant l'opération par le montant unitaire que le fournisseur s'était engagé à payer.

Sur la recevabilité de son action, le ministre expose qu'il s'agit d'une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs.

Ainsi, son action et ses demandes visant à ce que soit ordonnée la cessation des pratiques et que soit prononcée une amende civile, fondées sur l'article L. 442-6 III du code de commerce ne violent pas l'article 6 § 1 de la CESDH. Les très longs développements de l'appelant sont, considère le ministre, sans objet dès lors que la jurisprudence de la Cour de cassation les considère comme infondés.

Au fond, le ministre fait valoir que le GALEC, en qualité de prestataire de services, a pratiqué à l'égard des différents fournisseurs des modalités de vente discriminatoires et non justifiées par des contreparties réelles au regard de l'article L. 442-6- I-1° ancien du code de commerce.

Le GALEC a différencié à l'extrême les contreparties financières à la présence des produits dans le prospectus, en ne demandant aucune participation financière à certains fournisseurs, alors que l'insertion de son produit dans une opération promotionnelle nationale de l'enseigne, et donc dans le prospectus correspondant, leur procurait des chances d'augmenter les ventes de ce produit pendant la période considérée.

En effet, l'enquête de la DGCCRF a révélé que COCA COLA ENTREPRISE, les BRASSERIES KRONENBOURG et NESTLÉ France n'ont signé aucun contrat de DCPN relatifs à la présence de leurs produits dans le catalogue et n'ont pas été facturés pour l'insertion de leurs produits, alors que les 15 autres fournisseurs contrôlés ont dû verser une rémunération pour figurer dans ce même prospectus.

Ainsi, le simple fait de proposer un même service (présence des produits du fournisseur dans le prospectus) à plusieurs partenaires économiques selon des conditions différenciées à l'extrême (de 0 à 850.000 € dans le cas de Kraft Foods France) sans que cela soit justifié par des contreparties réelles constitue un manquement à l'article L. 442-6 I 1° ancien du code de commerce.

Le GALEC prétend que la discrimination doit s'apprécier entre deux fournisseurs ayant bénéficié d'un même service pour des produits concurrents, substituables et interchangeables entre eux aux yeux des consommateurs.

Ce raisonnement ne saurait cependant être suivi car il repose sur une confusion quant à la nature de la discrimination commise.

En effet, la discrimination démontrée ici par le ministre ne porte pas sur les conditions d'achat ou de vente des produits concernés, auquel cas il conviendrait en effet de comparer les modalités d'achat / vente entre produits substituables seulement, mais sur les conditions de vente par le GALEC, d'une prestation de service, portant sur l'insertion d'un produit dans un prospectus. C'est bien la même prestation qui est proposée à l'ensemble des fournisseurs, quels que soient les produits ou catégories de produit concernés, à savoir la présence du ou des produits.

Il n'y a donc pas lieu de limiter la comparaison aux situations faites aux seuls produits substituables.

Le GALEC avance encore qu'il ne pourrait y avoir discrimination qu'entre deux contractants concernant un même service, mais cela est contraire au texte même de l'article L442-6 du code de commerce.

En aucun cas le législateur n'exige en effet que ce partenaire économique soit un contractant. La notion de « partenaire économique » étant assurément beaucoup plus large que celle utilisée de façon ambigüe par le GALEC. Tous les fournisseurs du GALEC peuvent être considérés comme des partenaires économiques de celui-ci, soit en tant que fournisseur, soit en tant que client (avéré ou potentiel) de la prestation de service proposée par le GALEC.

Par conséquent, la discrimination doit naturellement s'apprécier entre deux fournisseurs, quelle que soit la catégorie de produits commercialisés auprès du distributeur, qu'ils aient ou non pu choisir de contracter avec le GALEC au titre de la prestation de service consistant à faire figurer certains de leurs produits dans un prospectus publicitaire.

Le ministre examine ensuite le cas de trois fournisseurs.

En ce qui concerne COCA COLA, deux de ses produits sont présents dans le prospectus, le COCA LIGHT, dont l'insertion représente 2/9e de la page et le FANTA, dont l'insertion représente 1/9e de la page. Le premier produit bénéficie d'un emplacement d'une surface double de celle des autres produits de marque et s'en distingue notamment par des caractères plus gros et un fond coloré. Cette insertion est manifestement destinée à mettre le produit LIGHT sans sucre de COCA COLA en avant par rapport au même produit sans sucre du concurrent PEPSICO France apparaissant à côté, sur la même page, sur 1/9e de page. Or, PEPSICO France s'est vu facturer 53.571,00 euros pour le passage de son produit. De plus, le COCA LIGHT figure en page 5 du catalogue sur deux « pages bonnes affaires », « nos vedettes … ». Le produit COCA LIGHT bénéficie donc d'une double mise en avant sans frais, tandis que PEPSICO France a obtenu une qualité de service moindre pour une somme de 53.571,00 €.

Le GALEC avance que les sommes payées par PEPSICO France correspondent à la présence sur le prospectus du produit TROPICANA et non du PEPSI LIGHT, et en déduit qu'il ne peut y avoir discrimination dès lors que ni COCA COLA ni PEPSICO France n'ont payé pour l'insertion de leurs produits light. Cet argument ne saurait cependant être retenu car il repose sur une confusion quant à la nature de la discrimination opérée.

En l'espèce, le GALEC n'avance aucun argument permettant de justifier la discrimination consistant dans la présence gratuite en catalogue des produits light de COCA COLA et PEPSICO France là où pour une prestation identique, des fournisseurs d'autres catégories de produit ont été facturés.

En outre, même en limitant la comparaison aux concurrents directs que sont PEPSICO France et COCA COLA, ces fournisseurs ont bien subi une différenciation de la facturation de la prestation de service que le GALEC leur a rendue. Là où COCA COLA n'a payé pour l'insertion d'aucun de ses produits, PEPSICO France a bien dû payer 53 571 € pour les siens.

A titre subsidiaire, bien que le GALEC estime que l'aspect qualitatif de la parution du COCA LIGHT est justifiée par une offre attrayante, il est à souligner que l'offre de PEPSICO est également attrayante, il s'agit d'une « offre spéciale », le prix au litre des deux boissons étant identique et égal à 0,66 € le litre. La différenciation de présentation des deux produits n'a alors plus de justification.

En ce qui concerne KRONENBOURG, trois de ses produits figurent au catalogue, le pack de 12 bouteilles « 1664 » de 25 cl, qui occupe les 2/3 de la page, le pack de 6 bouteilles de 33 cl en bas de page et enfin, le pack de 30 bouteilles de 25 cl KANTERBRAU. Cette triple insertion qui occupe les 8/9e de la page et dont le caractère avantageux pour le pack de 12 bouteilles est manifeste, n'a pas été facturée à la société KRONENBOURG.

Le GALEC entend déduire l'absence de discrimination du fait que les autres brasseurs n'auraient pas non plus été facturés pour l'insertion de leurs produits.

Mais là encore, la nature de la discrimination, qui porte non sur les modalités d'achat/vente des produits, mais sur une prestation de service qui est la même pour tous les fournisseurs, quels que soient les produits concernés par l'insertion publicitaire, invalide ce raisonnement.

En outre, aucune raison n'est avancée à ce traitement de faveur à l'égard d'une catégorie de fournisseurs, les brasseurs, alors que les autres ont dû rémunérer le même service rendu.

Il convient ici de comparer les conditions faites à l'ensemble des fournisseurs pour un même service. Or, il apparaît bien que le brasseur KRONENBOURG a fait l'objet d'une insertion particulièrement attrayante qui ne lui a pas été facturée ; il a ainsi bénéficié d'un traitement discriminatoire.

En ce qui concerne enfin NESTLÉ, deux de ses produits, KIT-KAT et NUTS de NESTLÉ figurent en page 105 du catalogue, dans la même case (1/9e de page). Le concurrent de NESTLÉ dans le domaine de la confiserie de poche, MASTERFOODS, a dû rétribuer le GALEC de 200.000,00 € en contrepartie de l'insertion dans la même page des barres MARS et des cacahuètes M & M's, sur une surface identique de 1/9e de page pour chaque produit.

Lors de l'enquête menée par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, le GALEC n'a remis aux enquêteurs ni contrat, ni facture de coopération commerciale relative à cette opération concernant NESTLÉ, ce dont il a été déduit que NESTLÉ avait bénéficié gratuitement de l'insertion de ses produits.

Le ministre en avait déduit que le GALEC avait mis en œuvre des pratiques discriminatoires.

En annexe à ses deuxièmes conclusions de première instance, le GALEC a cependant fourni un contrat de coopération commerciale « dynamique commerciale et promotionnelle nationale 2003 » pour NESTLÉ, à première vue semblable à ceux des autres fournisseurs, ainsi qu'une facture s'y rapportant.

Cependant, souligne le ministre, ce contrat est daté du 24 janvier 2003, et malgré son importance dans la présente procédure, il n'a été versé aux débats que lors des secondes conclusions de première instance, soit le 8 novembre 2006. Par ailleurs, il concerne « la présence du ou des produits Nuts ou Kitkat 10 + 2 barres [gratuites] du fournisseur sur le prospectus identifié sous le n° 03G99 OPN 0 pour une opération nationale qui se déroulera du 15/01/2003 au 31/12/2003 », soit quasiment toute l'année 2003.

Au surplus, au regard du prospectus précité, il comprend deux mentions erronées d'une part, les produits figurant sur ce prospectus « INUTILE DE CHERCHER DES PRIX PLUS BAS » sont des Nuts ou Kitkat 8 barres + 2 gratuites et non des 10 + 2 gratuites, comme mentionné sur le contrat et d'autre part, la période inscrite sur le contrat ne coïncide pas avec la période réelle de l'opération.

La facture, quant à elle, reprend ces mentions inexactes quant aux produits concernés par l'opération et la période de réalisation de celle-ci. En outre, elle est datée du 31 décembre 2003, soit 11 mois après la réalisation de l'opération.

En outre, la production des pièces est régie tant par le code de procédure civile que par le code de commerce dans le cadre des enquêtes diligentées par la DGCCRF, ne lui est donc pas loisible de choisir le moment de production des pièces.

En effet, la DGCCRF est un corps d'enquête disposant de pouvoirs énumérés à l'article L. 450-3 du code de commerce, notamment en matière de communication de « livres, factures et tous autres documents professionnels » et le refus de communication de ces pièces est constitutif d'une opposition à fonction, punie de six mois d'emprisonnement et d'une amende de 7.500 euros par l'article L. 450-8 du code de commerce.

En raison de ces différents éléments d'incohérence (caractère tardif de la production des pièces, mentions erronées du contrat au regard de l'opération réalisée, date de la facture largement postérieure à la réalisation de l'opération), le ministre demande à la cour de confirmer la décision déférée, qui a considéré que le GALEC avait mis en œuvre des pratiques discriminatoires à l'égard de ses fournisseurs.

La différenciation pratiquée, qui n'est pas justifiée par des contreparties réelles, est constitutive d'une discrimination abusive au sens de l'article L. 442-6 I 1° ancien du code de commerce.

Le ministre fait valoir que si la preuve de l'existence de pratiques discriminatoires incombe à celui qui s'en prétend victime, il appartient à son auteur présumé d'en justifier la licéité. En l'espèce, le ministre a démontré que certains fournisseurs avaient dû payer certaines sommes au GALEC pour l'insertion de leurs produits dans un prospectus alors que d'autres opérateurs ont bénéficié du même service gratuitement. La différence de traitement étant établie, il appartient à l'auteur de cette différenciation, en l'espèce, le GALEC, de la justifier. Or, le GALEC ne parvient pas à mener à bien cette démonstration.

En avançant que certains fournisseurs considèrent la promotion sur le prospectus comme inutile, le GALEC reconnaît que le prospectus est avant tout un service qu'il a réalisé dans son propre intérêt. Dès lors, il aurait convenu que les frais correspondant à l'insertion des produits de ces fournisseurs dans le prospectus soient intégralement supportés par lui. Or la quasi intégralité du coût de fabrication du prospectus a été supportée par seulement une quinzaine de fournisseurs. Ainsi, le GALEC a fait bénéficier certains fournisseurs d'un avantage gratuit, mais n'a pas pour autant pris le coût de cet avantage à sa charge, le répercutant sur les autres fournisseurs et pratiquant ainsi une discrimination à l'encontre de ces derniers.

En outre, en procédant comme il prétend l'avoir fait, le GALEC met les fournisseurs dans une situation d'inégalité : le fournisseur qui ignore que le GALEC est, en tout état de cause, prêt à insérer ses produits dans le prospectus, va payer, tandis que celui qui estime pouvoir se passer d'une opération promotionnelle de cette ampleur, en raison notamment de sa puissance économique et de la notoriété de ses produits, y figurera finalement gratuitement.

Contrairement à ce que soutient le GALEC, l'avantage le désavantage dans la concurrence n'a pas à être prouvé en lui-même dès lors qu'une différence de traitement non justifiée par une contrepartie réelle est établie, ce qui est le cas en l'espèce.

Le GALEC a obtenu de la part de certains fournisseurs des avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur des services rendus selon l'article L. 442-6- I 2° a) ancien du code de commerce, devenu L. 442-6 I 1° du même code, les rémunérations perçues par lui pour le compte de ses adhérents en tant qu'elles constituant un avantage disproportionné au regard de la valeur des services qui ont été rendus aux fournisseurs.

Le code de commerce pose en effet comme condition à la licéité des contrats de coopération commerciale, non seulement l'existence d'un réel service commercial, mais encore l'équilibre du contrat. Ce principe, illustré par l'intérêt commun du fournisseur et du distributeur à la réalisation de l'opération promotionnelle, a pour corollaire la proportionnalité de la rémunération à l'avantage que chaque partenaire retire de l'opération.

Dès lors, en faisant supporter aux fournisseurs une participation financière très élevée comparée aux chiffres d'affaires qu'ils ont réalisés, le GALEC a obtenu de leur part des avantages manifestement disproportionnés au regard de la valeur des services rendus.

Or, dans le cas présent, l'opération promotionnelle a généré pour certains fournisseurs des chiffres d'affaires bien inférieurs à la moitié de leurs participations. Ainsi on remarquera, parmi les faits les plus marquants, que la société LEVER FABERGE a vendu aux magasins pour 125.500,68 € de marchandises et a versé 332.676,80 € de participation, soit plus de deux fois et demi le chiffre d'affaires.

De même, parmi les dix-huit fournisseurs concernés par les écritures du ministre, neuf ont versé une somme qui représente plus de 50 % du chiffre d'affaires généré par l'opération. Dans certains cas, le montant de la coopération versée au GALEC est même supérieur au chiffre d'affaires réalisé (cas de HENKEL).

Ces neuf fournisseurs sont : PROCTER & GAMBLE, COLGATE PALMOLIVE, HENKEL, LEVER FABERGE, UNILEVER BESTFOODS, DANONE, GEORGIA PACIFIC, SARA LEE et KRAFT FOODS.

Il est donc manifeste que le GALEC a demandé à ces fournisseurs des participations financières disproportionnées au regard de la valeur du service rendu au sens de l'article L. 442-6 2° a) du code de commerce.

Le ministre souligne encore que les quinze fournisseurs qui ont payé la présence de leurs produits dans le catalogue ont versé au GALEC une somme totale de 3.774.033,00 €, contribuant ainsi à hauteur de 97,52 % du coût du catalogue, c'est-à-dire assurant au GALEC la quasi gratuité de celui-ci.

Sur la base de la démonstration faite précédemment de l'avantage partagé entre distributeurs et fournisseurs dans l'opération et, étant donné que le nombre total de fournisseurs dont les produits sont présents dans le catalogue dépasse largement les quinze en question, la charge qui pèse sur ces derniers était manifestement disproportionnée au regard de la valeur du service rendu.

Le GALEC conteste l'analyse du ministre sur le caractère disproportionné des avantages perçus par lui prétendant que le ministre « réduit artificiellement le coût du catalogue litigieux au seul prix de revient de l'impression et de l'acheminement interne », conteste ensuite la prise en compte par le ministre du chiffre d'affaires réalisé par les fournisseurs durant l'opération, dans la mesure où aucune obligation de résultat ne pèse sur le distributeur.

Or, souligne le ministre, il ne prétend pas établir une correspondance mathématique entre la valeur du service rendu et le coût de fabrication du catalogue ou le chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur. Mais le coût de fabrication du catalogue comme le chiffre d'affaires réalisé par le fournisseur sont des données objectives qui constituent des éléments d'appréciation de cette disproportion.

Le GALEC affirme ensuite que « la valeur à prendre en considération à l'article L. 442-6 I 2 a) est la valeur d'utilité ou d'échange, combinée avec la valeur résultant de l'offre et de la demande, ou valeur d'échange », mais cette méthode d'analyse se heurte à une difficulté d'application concrète : la détermination de la valeur d'échange. En effet, comment établir cette valeur lorsqu'en l'espèce, le service proposé par le GALEC a une valeur nulle pour certains fournisseurs, qui refusent de payer pour figurer dans le catalogue, alors que d'autres ont dû payer plusieurs dizaines de milliers d'euros pour l'insertion de leurs produits ?

Pour le ministre, le caractère fautif des pratiques du GALEC, au sens de l'article L. 442-6 I 2 a) ancien du code de commerce est ainsi établi.

Aussi le ministre demande-t-il à la cour de considérer que le GALEC, dans le cadre du mandat à lui conféré par les adhérents du groupement, a conclu des contrats de coopération commerciale en lieu et place de ceux-ci et pour leur bénéfice, a facturé une partie de ces avantages (présence des produits dans le prospectus) et a laissé les sociétés centrales d'approvisionnement régionales faire de même pour l'autre partie (coupons de réduction) étant, de ce fait, responsable de l'obtention de ces avantages. Il demande par ailleurs de considérer que l'opération promotionnelle nationale dont il est question aux présentes, lancée par le GALEC au nom de ses adhérents, s'inscrit dans la définition de la coopération commerciale et qu'en la réalisant, le GALEC a rendu à la fois des services aux fournisseurs et à l'enseigne elle-même, que dans ces conditions, la rémunération du service qui est mise à la charge des fournisseurs au moyen de contrats de services devait tenir équitablement compte du partage des avantages retirés par les uns et par les autres et que, de plus, le GALEC devait s'abstenir de toute discrimination non justifiée par des contreparties réelles, que cependant, au contraire, il a vendu des services aux fournisseurs en différenciant la rémunération demandée sans que ces différences puissent être justifiées par des différences correspondantes quant aux services rendus aux fournisseurs et demandé à certains fournisseurs des contreparties financières qui ont pu atteindre plusieurs fois le chiffre d'affaires réalisé par ces fournisseurs à l'occasion de l'opération promotionnelle, opérant ainsi une discrimination fautive entre fournisseurs.

En conséquence, le ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi demande à la cour d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Nanterre quant au quantum de l'amende civile et de fixer celle-ci à hauteur de 2.000.000 €.

Le ministère public, auquel la cause a été communiquée, conclut à la recevabilité de l'action du ministre, celle-ci étant une action autonome de protection du marché et de la concurrence qui n'est pas soumise au consentement ou à la présence des fournisseurs.

Au fond, il estime qu'il est avéré que trois fournisseurs ont bénéficié, sans justification, d'insertions gratuites en faveur de leurs produits, bénéficiant ainsi d'une pratique discriminatoire et que la prestation dont ont bénéficié certains fournisseurs était sans rapport avec le montant versé pour celle-ci et donc disproportionné par rapport au service rendu.

Il demande en conséquence à la cour de confirmer la décision déférée en ce qu'elle a fait droit, en son principe, à la demande du ministre, mais d'augmenter le quantum de l'amende civile et de le porter à 2.000.000 €.

A l'audience, la parole a été donnée en dernier au GALEC.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE LA COUR :

Sur la recevabilité de l'action du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi :

Attendu que selon l'article L. 442-6 du code de commerce en sa rédaction applicable à l'espèce, l'action fondée sur une violation des dispositions de l'article L. 442-6 I du code de commerce « est introduite devant la juridiction civile ou commerciale par toute personne justifiant d'un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l'économie ou par le président du Conseil de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l'occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée au présent article » ; que le même texte précise que « lors de cette action, le ministre chargé de l'économie et le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie la cessation des pratiques mentionnées au présent article. Ils peuvent aussi, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou des contrats illicites, demander la répétition de l'indu et le prononcé d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 2 millions d'euros (...) » ;

Attendu que l'action du ministre de l'économie que prévoit ce texte est une action autonome de protection du fonctionnement du marché et de la concurrence, indépendante de celle des victimes personnelles des pratiques que prohibe l'article L. 442-6 du code de commerce, au consentement, à la présence desquelles elle n'est pas soumise ; que lorsque, comme en l'espèce, l'action du ministre tend seulement à la constatation du caractère fautif des pratiques contraires au bon fonctionnement du marché et de la concurrence, à la cessation de celles-ci et au prononcé d'une amende civile, elle n'est pas non plus subordonnée à l'information de ces victimes ;

Attendu que tel étant le cas en l'espèce, l'action du ministre ne saurait être déclarée irrecevable en considération des droits des victimes personnelles des pratiques dénoncées, et notamment de leur droit à un procès équitable ;

Attendu que les simples arguments par lesquels le GALEC croit pouvoir critiquer la pertinence et la cohérence des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce sont par ailleurs inopérants ;

 

AU FOND :

Attendu au fond que selon l'article L. 442-6 I 1° du code de commerce en sa rédaction applicable à l'espèce, « engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

1° De pratiquer, à l'égard d'un partenaire économique, ou d'obtenir de lui des prix, des délais de paiement, des conditions de vente ou des modalités de vente ou d'achat discriminatoires et non justifiés par des contreparties réelles en créant, de ce fait, pour ce partenaire, un désavantage ou un avantage dans la concurrence,

2° a) D'obtenir ou de tenter d'obtenir d'un partenaire commercial un avantage quelconque ne correspondant à aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur du service rendu. Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d'une opération d'animation commerciale, d'une acquisition ou d'un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins ou encore du rapprochement d'enseignes ou de centrales de référencement ou d'achat » ;

Attendu que l'opération à l'occasion de laquelle le catalogue à l'origine de l'action a été édité était une opération promotionnelle intitulée « inutile de chercher des prix plus bas », organisée du 15 au 25 janvier 2003 ;

Attendu que le fonctionnement de l'opération reposait sur l'économie selon laquelle, le GALEC, après avoir recherché, parmi ses fournisseurs référencés, ceux susceptibles d'y figurer, éditait un catalogue-prospectus comprenant plusieurs centaines d'articles de différents de ces fournisseurs, chaque produit présenté dans le prospectus (à l'exception de quelques produits frais et de l'édition) étant le support d'un coupon de réduction dit « ticket E. LECLERC » d'une valeur déterminée, différente selon les produits ; qu'ensuite, lors de l'achat de produits supports de tickets par les consommateurs, ceux-ci recevaient des bons de réduction (« tickets E. LECLERC ») de la valeur annoncée dans le catalogue, lesquels pouvaient ensuite venir en déduction des achats de n'importe quel article (sauf livres et carburant) effectués dans le même magasin du 27 janvier au 8 février, c'est-à-dire pendant la quinzaine qui suivait l'opération ; qu'en outre les consommateurs détenteurs d'une « carte E. LECLERC » pouvaient conserver leurs droits à réduction résultant de l'achat des produits supports des « tickets E. LECLERC » jusqu'à la fin de l'année et bénéficiaient d'un avantage supplémentaire de 25 % de la valeur faciale des tickets ;

Attendu que les frais de l'opération étaient pour partie (conception de celle-ci, édition et diffusion du catalogue) avancés par le GALEC qui, ultérieurement, a facturé les adhérents à concurrence du nombre de catalogues demandés ; qu'il n'est pas donné de précisions par les parties sur les frais afférents à la campagne de communication par différents médias qui était effectuée en parallèle, le ministre se bornant dans ses conclusions à indiquer que « les frais engagés au titre de la campagne de communication n'étant pas concernés par les contrats de coopération commerciale passés avec les fournisseurs, ils ne seront pas examinés dans la présente instance » ;

Attendu, en ce qui concerne les contrats de « dynamique commerciale et promotionnelle nationale », que le membre du directoire du GALEC, responsable du pôle commercial, s'est exprimé ainsi lors de l'enquête de la DGCCRF : « le choix du thème et de la période de chaque catalogue est fait par le pôle commercial (GT marketing opérationnel) du GALEC. Chaque GT choisit les produits et les fournisseurs par rapport à un « chemin de fer » décidé préalablement par le pôle commercial. Ensuite, chaque GT offre à tous les fournisseurs concernés la possibilité d'insérer un ou plusieurs produits dans les catalogues sur la base d'une sélection de types de produits effectuée par nous. S'instaure une négociation avec le fournisseur sur le produit à insérer et sur le montant de rémunération de la prestation. Le montant de la rémunération peut aussi porter sur le positionnement du produit dans le catalogue, la taille du passage et la mise en situation. Le coût du catalogue est d'abord pris en charge par le GALEC et ensuite facturé aux magasins en fonction du nombre qui leur est expédié. Pour la conception des catalogues, une société de création élabore la maquette (photographies, mise en page, etc.) et se charge de le faire imprimer. Le GALEC a auparavant passé les marchés de papier. Chaque région nous donne les prévisions de diffusion afin d'effectuer les repiquages et de prévoir les quantités à diffuser. Il n'y a aucune compensation comptable entre le coût réel des catalogues et les montants mis à la charge des adhérents. Ceux-ci sont ristournés, proportionnellement à leurs achats, des participations versées par les fournisseurs. » ;

Attendu que chaque contrat passé avec un fournisseur prévoyait à la fois « la présence du ou des produits » précisé « du fournisseur sur le prospectus identifié sous le n° 03G99 OPN 0 pour une opération nationale qui se déroulera du 15/01/2003 au 25/01/2003 » et « la définition et la réalisation au niveau national d'une opération promotionnelle assortie de bons d'achats identifiée sous le n° 03G99 OPN 0, qui se déroulera du 15/01/003 au 25/01/2003, portant sur le ou les produits » précisé « du fournisseur. Cette action spécifique sera complétée par la remontée consolidée par centrale des ventes réalisées au cours de la période de l'opération pour le ou les produits (...) mentionnés. Chaque centrale adressera le récapitulatif des ventes réalisées pour les produits (en question) pendant la période de l'opération, accompagné de la facture de prestation de service » ;

Attendu que nonobstant la lacune importante du dossier résultant de l'absence d'informations sur le coût et les modalités de prise en charge de la campagne de communication parallèle (à l'exception du fait que ledit coût n'était pas supporté par les fournisseurs), il apparaît que les contrats passés avec chacun d'entre eux ne sauraient être qualifiés de vente d'espace publicitaire ; que les insertions publicitaires s'inséraient en effet dans un dispositif global, dont étaient indissociables les réductions consenties et auquel était adjointe une opération de communication qui était destinée à en renforcer l'impact ; qu'il s'agissait ainsi de contrats complexes de coopération commerciale par lesquels le GALEC apportait à des fournisseurs un certain nombre de services indissociables destinés à accroître, dans une proportion que le GALEC s'engageait à faire connaître, par les récapitulatifs de ventes réalisées pendant la période de l'opération, le chiffre d'affaire des ventes, sur certains produits desdits fournisseurs, effectuées par les magasins à enseigne E. LECLERC ; que parallèlement, ces magasins tiraient eux-mêmes bénéfice de l'opération en augmentant leurs ventes sur ces produits et en attirant les consommateurs qui, parallèlement, achetaient en outre d'autres produits ;

Attendu que l'économie de l'opération pouvait justifier le fait que certains produits emblématiques, que leurs fournisseurs acceptent ou non de payer pour participer à l'opération, figurassent dans le catalogue, eu égard au fait que les magasins à enseigne E. LECLERC, pour que l'opération soit crédible pour les consommateurs, se devaient de les y faire figurer ; que dans ces conditions il ne saurait être fait reproche au GALEC d'avoir fait figurer des produits des marques COCA-COLA, KRONENBOURG et NESTLÉ, toutes marques de notoriété nationale sans que les fournisseurs concernés aient payé quelque somme que ce soit pour bénéficier de l'opération ; qu'en effet, cet avantage qui était ainsi consenti aux fournisseurs concernés avait pour contrepartie le fait que la présence de ces produits bénéficiait aux magasins à l'enseigne E. LECLERC - et par voie de conséquence au GALEC -en assurant à l'opération la crédibilité nécessaire au succès de l'opération ;

Attendu dans ces conditions que la cour écartera la demande du ministre tendant à ce que les faits dont il a saisi la cour soient déclarés fautifs au regard des dispositions de l'article L. 442-6 I, 1° du code de commerce, en sa rédaction applicable à l'espèce ;

Attendu que le ministre fait encore valoir que le GALEC se serait rendu coupable d'une violation des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce, en sa rédaction applicable à l'espèce, en faisant supporter aux fournisseurs une participation financière très élevée par rapport au chiffre d'affaires qu'ils ont réalisé, en faisant supporter la quasi-totalité du coût du catalogue à quinze fournisseurs alors que plusieurs centaines sont concernés et en obtenant un avantage pécuniaire disproportionné par rapport au service rendu ;

Attendu, sur le premier grief, que la participation individuelle de chaque fournisseur à la mise en œuvre d'une opération de coopération commerciale peut légitimement être négociée en amont de celle-ci ; qu'en une telle hypothèse, elle ne saurait se mesurer au chiffre d'affaires, par définition inconnu, qui sera réalisé par le fournisseur concerné à l'occasion de l'opération ; qu'en l'espèce, le fait que certains fournisseurs aient pu faire, sur les produits concernés par l'opération, des chiffres d'affaires proportionnellement très inférieurs à ceux réalisés par d'autres fournisseurs, voire des chiffres d'affaires inférieurs au montant des sommes versées par eux dans le cadre de l'opération est donc une circonstance qui ne saurait être constitutive d'une violation du texte invoqué ;

Attendu, sur le deuxième grief, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce en sa rédaction applicable à l'espèce que lorsque, comme en l'espèce, un distributeur organise une opération commerciale d'intérêt commun, il ne doit pas exister une disproportion manifeste entre la participation financière à l'opération du fournisseur et celle du distributeur rapportées à l'intérêt que doivent respectivement en tirer le fournisseur et le distributeur ;

Attendu qu'en l'espèce, le ministre rapporte la preuve de ce que les fournisseurs ont contribué, pour quinze d'entre eux, à hauteur de 97,52 % du coût du catalogue, assurant aux magasins à l'enseigne E. LECLERC la quasi gratuité de celui-ci ; que si cet élément constitue une présomption forte de violation des dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° précité, la preuve n'en est cependant pas rapportée ; qu'en effet d'une part, comme précédemment relevé, aucun élément n'est produit sur le coût total de l'opération, frais de communication inclus, et sur la ou les personnes sur qui ont pesé ces frais - qui, aux dires mêmes du ministre n'ont pas pesé sur les fournisseurs - ; que d'autre part, aucun élément n'est apporté sur la proportion entre la marge bénéficiaire moyenne des fournisseurs, d'une part et celle du distributeur, d'autre part, proportion qui aurait seule permis d'évaluer l'intérêt que les premiers et le second pouvaient tirer de l'opération et, partant, d'avoir les termes de comparaison permettant de déterminer si les dispositions de l'article L. 442-6 I, 2° du code de commerce avaient été respectées ;

Attendu dans ces conditions qu'il y a lieu d'infirmer le jugement déféré et de débouter le ministre de l'économie de ses demandes ;

Attendu que l'équité s'oppose à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Attendu que le ministre, partie succombante, sera condamné aux dépens de première instance et d'appel ;

Attendu, sur la demande de Maître TREYNET, avoué, tendant à se voir accorder le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile que cette disposition exceptionnelle, qui permet à un auxiliaire de justice, tiers à un litige, d'obtenir à l'occasion de celui-ci un titre, est la contrepartie du fait que dans les matières où leur ministère est obligatoire les avocats et avoués ne peuvent mettre fin au mandat qui est le leur que lorsqu'un autre auxiliaire de justice se constitue en leurs lieu et place ;

Attendu qu'en l'espèce, si l'article R. 442-6 du code de commerce édicte que lorsque le ministre chargé de l'économie exerce l'action prévue à l'article L. 442-6 du même code, il est dispensé de représentation par un avocat ou un avoué, ce même texte ne prévoit pas la même dispense au profit de la partie défenderesse à cette action ; qu'il en résulte que cet auxiliaire de justice peut demander à bénéficier des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit recevable l'action du ministre,

L'infirme pour le surplus et déboute le ministre de l'économie de ses demandes,

Dit n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi aux dépens,

Admet Maître TREYNET, avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Albert MARON, Président et par Madame GENISSEL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.