CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 9 avril 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4424
CA PARIS (pôle 2 ch. 5), 9 avril 2013 : RG n° 08/07508
Publication : Jurica
Extrait : « Considérant que la CCA a effectivement recommandé dans sa Recommandation n° 89-01 du 19 mai 1989, aux points II.- 4. et 5., que les contrats d'assurance des véhicules automobiles comportent des clauses ayant pour objet ou pour effet de fixer, en cas de vol, au jour de la déclaration, le point de départ du délai dans lequel l'assureur s'est obligé à verser l'indemnité et de limiter à un mois, à compter de la déclaration du vol, la période au cours de laquelle l'assuré sera contraint de reprendre son véhicule s'il est retrouvé ; Considérant qu'il ne s'agit toutefois que de simples recommandations et qu'il appartient à la société FABOGEST de démontrer que la clause qu'elle critique a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, le caractère abusif d'une clause s'appréciant notamment en fonction des circonstances entourant la conclusion du contrat et des autres clauses du contrat ;
Considérant, en l'espèce, que le point de départ du délai dans lequel l'assureur s'est obligé à verser l'indemnité a bien été fixé au jour de la déclaration du vol, puisque le contrat prévoit que règlement n'est exigible que 30 jours après cette déclaration ; Que, certes, la période au cours de laquelle l'assuré sera contraint de reprendre son véhicule s'il est retrouvé n'est pas limitée à un mois comme recommandé par la CCA mais court jusqu'au règlement de l'indemnité ;
Que l'obligation de l'assureur ne dépend toutefois pas d'une condition purement potestative puisqu'étant contractuellement tenu au règlement de l'indemnité à l'expiration d'un délai de 30 jours, l'assuré peut alors exiger de lui le paiement et provoquer une offre qui, si elle est acceptée, oblige l'assureur au versement de l'indemnité dans les 15 jours suivant l'accord des parties, ou, si elle est refusée, permet à l'assuré d'agir en justice pour faire trancher le litige, l'assureur s'exposant au paiement de dommages et intérêts en cas de retard de mauvaise foi ; Que par ailleurs, la clause offre à l'assuré, si son véhicule est retrouvé après le règlement de l'indemnité, la faculté d'en reprendre possession contre remboursement de l'indemnité, déduction faite des frais de remise en état, ce qui peut être avantageux pour lui ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la clause querellée ne créée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 9 AVRIL 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 08/07508 (5 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 mars 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006/047162.
APPELANTE :
SARL FABOGEST
agissant en la personne de ses représentants légaux, représentée par Maître Nathalie LESENECHAL avocat postulant, barreau de PARIS, toque : L 0105, assistée de Maître François PETIT de la SCP PMH avocat plaidant, barreau de PONTOISE
INTIMÉE :
SA AXA FRANCE IARD venant aux droits de la Société NATIONALE SUISSE ASSURANCES
prise en la personne de ses représentants légaux, assignée par acte d'huissier en date du 24 février 2012 à personne habilitée à recevoir l'acte
COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 4 mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Dominique REYGNER, Présidente de chambre, Monsieur Christian BYK, Conseiller, Monsieur Michel CHALACHIN, Conseiller, qui en ont délibéré
Rapport a été fait par Madame Dominique REYGNER, présidente de chambre, en application de l’article 785 du code de procédure civile
Greffier, lors des débats : Mme Carole MEUNIER
ARRÊT : - RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Dominique REYGNER, président et par Mme Carole MEUNIER, greffier présent lors du prononcé.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
La société FABOGEST a souscrit à effet du 12 novembre 2004 un contrat d'assurance multirisque automobile auprès de la société NATIONALE SUISSE ASSURANCES (NSA), aux droits de laquelle est venue la société AXA FRANCE IARD (AXA), couvrant notamment le risque vol de ses véhicules.
Le 27 décembre 2005, elle a déposé plainte pour le vol d'un de ses véhicules de marque SEAT immatriculé […], survenu le jour même à [ville S.] (Val d'Oise).
Ce véhicule a été retrouvé endommagé le 6 février 2006, restitué le 4 avril et expertisé le 11 avril suivant par le Cabinet [J.B.], qui a évalué le montant des réparations à 3.860,97 euros.
Par lettre recommandée du 11 avril 2006, la NSA a informé la société FABOGEST qu'en vertu des dispositions contractuelles, elle l'invitait à récupérer son véhicule et lui réglerait les réparations à concurrence du montant de l'expertise, sur présentation des factures acquittées et sous déduction de la franchise de 610 euros.
La société FABOGEST n'ayant pas accepté cette proposition, a par acte du 28 juin 2006 assigné la NSA devant le tribunal de commerce de Paris aux fins de la voir condamner à lui rembourser la valeur argus du véhicule.
Par jugement rendu le 12 mars 2008, cette juridiction a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
- donné acte à la NSA de ce qu'elle maintient son offre de régler à la société FABOGEST les réparations sur présentation des factures acquittées pour un montant de 3.250,97 euros,
- déclaré cette offre satisfactoire,
- condamné la NSA à payer à la société FABOGEST la somme de 1.400 euros à titre d'indemnité de mise à disposition d'un véhicule dans la période suivant le 28 janvier 2006 avec intérêts au taux légal à compter du 2 mai 2006,
- débouté les parties de leurs autres demandes,
- condamné la NSA aux dépens.
Par déclaration du 14 avril 2008, la société FABOGEST a interjeté appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions du 2 septembre 2010, elle demande à la cour de :
- la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que le sinistre avait bien été déclaré dans les délais par la société FABOGEST,
Pour le surplus,
- infirmer le jugement entrepris,
- constater le caractère abusif de la clause insérée dans le contrat d'assurance obligeant l'assuré à prendre en l'état son véhicule volé et retrouvé plus de 30 jours après la déclaration du sinistre et autorisant la compagnie d'assurance à limiter sa garantie aux frais de remise en état,
- déclarer non écrite ladite clause,
En conséquence
- condamner la société AXA, venue aux droits de la NSA, à lui régler la somme de 15.718 euros correspondant à la valeur argus du véhicule, assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 14 mars 2006 et capitalisation en application de l’article 1154 du Code civil,
- condamner la société AXA à lui verser une indemnité de 1.663,33 euros TTC en réparation de son trouble de jouissance, avec intérêts à compter de la mise en demeure du 2 mai 2006 et capitalisation comme ci-dessus,
- condamner la société AXA à lui verser la somme de 6.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,
- la condamner au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Une ordonnance constatant l'interruption de l'instance a été rendue le 6 février 2012 à la suite de la cessation d'activité de l'avoué que la société AXA avait constitué.
Assignée par acte d'huissier du 24 février 2012 délivré à une personne se déclarant habilitée à le recevoir, cette société n'a pas constitué avocat.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR CE, LA COUR :
Sur la déclaration tardive du sinistre :
Considérant que la cour n'a été saisie d'aucune demande de l'assureur tenant à une prétendue déclaration tardive du sinistre ;
Qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que la société FABOGEST avait bien déclaré son sinistre dans les délais requis ;
Sur le montant de l'indemnité d'assurance au titre du vol :
Considérant qu'au soutien de son appel, la société FABOGEST reproche au tribunal d'avoir fait une application littérale de la clause stipulée à la page 44 des conditions générales du contrat qui, en imposant à l'assuré de reprendre en l'état le véhicule découvert plus de 30 jours après la déclaration de vol, dès lors que l'indemnité n'est pas réglée, est abusive au regard de la Recommandation 89-01 de la Commission des clauses abusives (CCA) concernant les clauses relatives aux contrats d'assurance des véhicules automobiles de tourisme, comme présentant un caractère potestatif puisqu'il suffit à l'assureur, pour limiter ses propres obligations, de retarder le règlement du sinistre dans l'espoir que le véhicule sera retrouvé ;
Qu'elle en déduit que cette clause devant être réputée non-écrite en application de l’article L. 132-1 du Code de la consommation, elle est fondée à solliciter le règlement de l'indemnité prévue en cas de vol ou de disparition du véhicule durant un délai supérieur à trente jours qui, eu égard à la valeur argus du véhicule au jour du sinistre, de 16.328 euros, et après déduction de la franchise contractuelle de 610 euros, s'élève à la somme de 15.18 euros ;
Considérant que la société FABOGEST n'a pas cru devoir verser aux débats les conditions générales du contrat souscrit ;
Qu'il ressort néanmoins des termes du jugement, de ses propres écritures et de la lettre de l'assureur du 11 avril 2006 que ces conditions générales stipulent qu'en cas de vol du véhicule le règlement n'est exigible qu'après un délai de 30 jours à compter de la déclaration de vol ; que si le véhicule assuré est retrouvé dans ce délai ou avant le règlement de l'indemnité, l'assuré s'engage à le reprendre en l'état ; que l'assureur prendra alors en charge la remise en état dans les limites de sa garantie ; que s'il est retrouvé après le règlement de l'indemnité, l'assuré pourra, durant 30 jours à compter de sa découverte, en reprendre possession moyennant le remboursement de l'indemnité, déduction faite des frais de remise en état, à dire d'expert ;
Qu'il est par ailleurs prévu que dans tous les cas le paiement de l'indemnité est effectué dans les 15 jours suivant l'accord des parties ou de la décision de justice devenue exécutoire ;
Considérant que la CCA a effectivement recommandé dans sa Recommandation n° 89-01 du 19 mai 1989, aux points II.- 4. et 5., que les contrats d'assurance des véhicules automobiles comportent des clauses ayant pour objet ou pour effet de fixer, en cas de vol, au jour de la déclaration, le point de départ du délai dans lequel l'assureur s'est obligé à verser l'indemnité et de limiter à un mois, à compter de la déclaration du vol, la période au cours de laquelle l'assuré sera contraint de reprendre son véhicule s'il est retrouvé ;
Considérant qu'il ne s'agit toutefois que de simples recommandations et qu'il appartient à la société FABOGEST de démontrer que la clause qu'elle critique a pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, le caractère abusif d'une clause s'appréciant notamment en fonction des circonstances entourant la conclusion du contrat et des autres clauses du contrat ;
Considérant, en l'espèce, que le point de départ du délai dans lequel l'assureur s'est obligé à verser l'indemnité a bien été fixé au jour de la déclaration du vol, puisque le contrat prévoit que règlement n'est exigible que 30 jours après cette déclaration ;
Que, certes, la période au cours de laquelle l'assuré sera contraint de reprendre son véhicule s'il est retrouvé n'est pas limitée à un mois comme recommandé par la CCA mais court jusqu'au règlement de l'indemnité ;
Que l'obligation de l'assureur ne dépend toutefois pas d'une condition purement potestative puisqu'étant contractuellement tenu au règlement de l'indemnité à l'expiration d'un délai de 30 jours, l'assuré peut alors exiger de lui le paiement et provoquer une offre qui, si elle est acceptée, oblige l'assureur au versement de l'indemnité dans les 15 jours suivant l'accord des parties, ou, si elle est refusée, permet à l'assuré d'agir en justice pour faire trancher le litige, l'assureur s'exposant au paiement de dommages et intérêts en cas de retard de mauvaise foi ;
Que par ailleurs, la clause offre à l'assuré, si son véhicule est retrouvé après le règlement de l'indemnité, la faculté d'en reprendre possession contre remboursement de l'indemnité, déduction faite des frais de remise en état, ce qui peut être avantageux pour lui ;
Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la clause querellée ne créée pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
Considérant, en outre, que la société FABOGEST n'établit pas davantage que l'assureur a fait un usage abusif de cette clause puisque le règlement de l'indemnité n'était exigible qu'à compter du 27 janvier 2006 et que le véhicule a été retrouvé quelques jours plus tard, le 6 février 2006, avant toute mise en demeure de payer, de sorte qu'il ne peut lui être reproché d'avoir délibérément retardé ce règlement dans l'espoir d'échapper à ses obligations ;
Considérant, en conséquence, que la société FABOGEST avait l'obligation contractuelle de reprendre son véhicule en l'état et ne peut prétendre à une indemnité excédant les frais de remise en état tels qu'évalués par l'expert, déduction faite de la franchise contractuelle, soit la somme offerte par l'assureur de 3.250,97 euros ;
Que le jugement sera donc confirmé de ce chef ;
Sur les dommages-intérêts :
Considérant qu'il est constant qu'en vertu des dispositions contractuelles, la société FABOGEST a bénéficié d'un véhicule de remplacement pendant trente jours ;
Considérant que la société FABOGEST soutient que n'ayant pas été indemnisée au 27 janvier 2006, elle a subi un préjudice supplémentaire du fait qu'elle a été contrainte de recourir à une solution de remplacement jusqu'au 15 mars 2006, date de livraison de son nouveau véhicule, dont elle réclame l'indemnisation sur la base du prix de location de 35,39 euros TTC par jour, soit une somme de 1.663,33 euros TTC pour l'ensemble de la période considérée ;
Considérant que le véhicule, retrouvé le 6 février 2006, n'a été expertisé à la diligence de l'assureur que le 11 avril 2006, ce qui apparaît excessif ; que le préjudice en découlant pour la société FABOGEST a été justement apprécié dans son étendue et son montant par le tribunal de commerce, dont le jugement doit donc être également confirmé sur ce point ;
Considérant que la société FABOGEST ayant refusé le paiement de l'indemnité qui lui revenait, offerte dès le 11 avril 2006, n'est en revanche pas fondée à reprocher une quelconque résistance abusive à l'assureur ;
Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens :
Considérant que la solution du litige conduit à condamner l'appelante aux dépens et à la débouter de sa demande au titre de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris,
Déboute la société FABOGEST de toutes autres demandes,
La condamne aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE
- 5859 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Clauses abusives - Protection explicite
- 5950 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Assurances
- 5996 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Absence de caractère normatif
- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6013 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Absence de déséquilibre - Clauses favorables
- 6081 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Consentement - Permanence du Consentement - Professionnel - Contrat ou obligation sous condition
- 6375 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Assurance - Assurances multirisques - Véhicule automobile - Obligations de l’assureur - Vol