CA BESANÇON (2e ch. com.), 26 juin 2013
CERCLAB - DOCUMENT N° 4496
CA BESANÇON (2e ch. com.), 26 juin 2013 : RG n° 12/01287
Publication : Jurica ; Juris-Data n° 2013-018064
Extrait : « Il est inexact en droit de soutenir que la réglementation protectrice en matière de démarchage serait inapplicable en l'espèce dans la mesure où le contrat en cause a été conclu par une personne morale et pour les besoins de son exploitation. En effet, si l’article L. 121-21 du code de la consommation en limite l'application au bénéfice des personnes physiques et que l'article L. 121-22 4° en exclut les ventes ou les prestations de services ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industriel, commercial ou artisanale ou de toute autre profession, les parties demeurent libres, en l'absence de dispositions contraires de la loi, d'y soumettre leur relation contractuelle par une manifestation non équivoque de leur volonté commune.
Or, il ressort de l'examen du contrat signé le 17 juin 2009 par les parties qu'elles ont entendu soumettre leur convention aux dispositions précitées ; le contrat comprend en effet un « bon de rétractation détachable annulation de commandes Code de la consommation, article L. 121-23 à L 121-26 » (en gras dans le texte) et reprend intégralement en son verso les textes précités. Le document ne comporte par ailleurs aucune réserve de nature à exclure l'application de cette réglementation aux personnes morales ou à une certaine catégorie de prestations, et il ne peut être sérieusement contesté que la SARL C. M. prise en la personne de son gérant ne présentait pas de compétence particulière dans le domaine objet de la convention.
C'est donc de manière inappropriée que les premiers juges ont écarté l'application au cas d'espèce de ces dispositions, étant observé que l'absence de reproduction de l’article L. 121-21 du code de la consommation est sans incidence de ce chef dans la mesure où elle n'est pas imposée par la réglementation contrairement à celle des articles L. 121-23 à L. 121-26 qui sont repris dans leur intégralité. »
COUR D’APPEL DE BESANÇON
- 172 501 116 00013 -
DEUXIÈME CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU 26 JUIN 2013
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/01287. Contradictoire. Audience publique du 24 mai 2013. S/appel d'une décision du TRIBUNAL DE COMMERCE DE BESANÇON en date du 21 mai 2012 [R.G. n° 2011/3409]. Code affaire : 50B. Demande en paiement du prix ou tendant à faire sanctionner le non-paiement du prix
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE :
SARL C. M.,
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, Ayant pour postulant Maître Bruno GRACIANO, avocat au barreau de BESANCON et pour plaidant Maître Guillaume MONNET, avocat au barreau de BESANCON
ET :
INTIMÉE :
SA EXPERTISE GALTIER,
ayant son siège, [adresse], prise en la personne de ses représentants légaux en exercice demeurant pour ce audit siège, Ayant pour postulant Maître Caroline LEROUX, avocat au barreau de BESANCON et pour plaidant Maître Jérôme COMBE, avocat au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, sans opposition des parties :
MAGISTRATS RAPPORTEURS : C. THEUREY-PARISOT et R.HUA, Conseillers,
GREFFIER : N. JACQUES, Greffier,
Lors du délibéré : C. THEUREY-PARISOT, R. HUA et M.DERAY, Conseillers, qui en ont délibéré sur rapport des Magistrats Rapporteurs.
L'affaire plaidée à l'audience du 24 mai 2013 a été mise en délibéré au 26 juin 2013. Les parties ont été avisées qu'à cette date l'arrêt serait rendu par mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Un incendie s'est déclaré le 10 juin 2009, ravageant les bâtiments agricoles situés à [ville L.], propriété de la SARL C. M., laquelle a effectué une déclaration de sinistre auprès de sa compagnie d'assurances GAN.
Le 17 juin 2009, M. C. et la SARL C. M. ont mandaté la SA EXPERTISES GALTIER afin d'évaluer les dommages consécutifs à ce sinistre ; les honoraires ont été fixés à 5 % HT du montant des dommages estimés, consécutifs au sinistre.
Un procès-verbal d'expertise relatif à l'évaluation de ces dommages a été signé le 4 mars 2010 par la SA EXPERTISES GALTIER, prise en la personne de M. A. et par M. B. désigné par la société GAN.
Par courrier du 10 mai 2010, la SA EXPERTISES GALTIER a adressé à la SARL C. M. un état détaillé des indemnités devant lui revenir et communiqué sa facture d'honoraires d'un montant de 31.987 euros TTC.
La SARL C. M. a refusé de régler ces honoraires considérant qu'ils étaient exorbitants et qu'elle s'était méprise sur leur méthode de calcul.
C'est dans ces conditions qu'agissant selon exploit du 20 avril 2011, la SA EXPERTISES GALTIER a saisi le Tribunal de commerce de Besançon d'une demande en paiement de sa facture.
Par jugement du 21 mai 2012, le Tribunal de commerce de Besançon a :
- débouté la défenderesse de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamné l'EURL C. à payer à la SA EXPERTISES GALTIER la somme en principal de 31.987 euros TTC au titre du contrat du 17 juin 2009,
- dit que cette somme sera à majorer des intérêts de retard au taux légal à compter de la date d'assignation et ce, jusqu'à parfait paiement,
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts au titre des dispositions de l’article 1154 du Code civil,
- condamné l'EURL C. à payer à la SA EXPERTISES GALTIER la somme de 1.200 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
SUR CE :
Vu la déclaration d'appel déposée le 5 juin 2012 par la SARL C. M.,
Vu les conclusions déposées le 11 juillet 2012 par la SARL C. M.,
Vu les conclusions déposées le 10 septembre 2012 par la SA EXPERTISES GALTIER,
auxquelles il est expressément référé pour l'exposé des moyens et des prétentions respectifs des parties, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile
Vu les pièces du dossier,
Vu l'ordonnance de clôture du 13 février 2013,
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La SARL C. M. soulève à titre principal la nullité du contrat conclu le 17 juin 2009 sur le fondement des articles L. 121-21 et L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation en faisant valoir qu'il a été signé le jour même d'un démarchage sur les lieux du sinistre par un représentant de cette société, qu'il ne comporte pas toutes les mentions imposées par la loi et que la SA EXPERTISES GALTIER a commencé à exécuter sa prestation avant même l'expiration du délai légal de réflexion de sept jours, puisqu'elle a, le jour même de la signature du contrat, effectué des relevés sur les lieux du sinistre apparaissant dans sa pièce n° 9 intitulé « tableau récapitulatif du temps passé et frais ».
Elle invoque subsidiairement la réticence dolosive de son adversaire qui lui a fait signer ladite convention une semaine seulement après le sinistre alors que M. C. était dans un état de stress extrême et sans attirer son attention sur la méthode de calcul des honoraires basés sur le montant des « dommages estimés » et non sur celui de l'indemnité à percevoir de la part de son assureur ni sur le fait que l'évaluation des dommages du bâtiment O1A risquait de ne pas être prise en charge par le GAN, compte tenu de l'existence d'une limite contractuelle d'indemnité (LCI) dans sa police d'assurance ; elle objecte également que la clause litigieuse crée à son détriment un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties de sorte qu'elle doit être considérée comme abusive au sens de l’article L. 132-1 du code de la consommation et demande, à titre infiniment subsidiaire à la Cour, de réduire le montant de ces honoraires.
La SA EXPERTISES GALTIER conteste en réplique l'applicabilité au cas d'espèce des dispositions du code de la consommation relatives au démarchage et observe que la SARL C. M. n'a, en tout état de cause, pas mis à profit le délai de sept jours pour se rétracter de ses engagements ; elle rappelle également que l'article L. 132-1 du même code ne s'applique pas aux contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle du contractant et conteste l'existence d'un quelconque déséquilibre, la clause relative au calcul de ses honoraires étant selon elle dépourvue de toute équivoque.
Il n'est pas contesté que la signature du contrat litigieux par M. C. est bien intervenue dans le cadre d'un démarchage sur les lieux du sinistre opéré par un représentant de la SA EXPERTISES GALTIER.
Il est inexact en droit de soutenir que la réglementation protectrice en matière de démarchage serait inapplicable en l'espèce dans la mesure où le contrat en cause a été conclu par une personne morale et pour les besoins de son exploitation. En effet, si l’article L. 121-21 du code de la consommation en limite l'application au bénéfice des personnes physiques et que l'article L. 121-22 4° en exclut les ventes ou les prestations de services ayant un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industriel, commercial ou artisanale ou de toute autre profession, les parties demeurent libres, en l'absence de dispositions contraires de la loi, d'y soumettre leur relation contractuelle par une manifestation non équivoque de leur volonté commune.
Or, il ressort de l'examen du contrat signé le 17 juin 2009 par les parties qu'elles ont entendu soumettre leur convention aux dispositions précitées ; le contrat comprend en effet un « bon de rétractation détachable annulation de commandes Code de la consommation, article L. 121-23 à L 121-26 » (en gras dans le texte) et reprend intégralement en son verso les textes précités. Le document ne comporte par ailleurs aucune réserve de nature à exclure l'application de cette réglementation aux personnes morales ou à une certaine catégorie de prestations, et il ne peut être sérieusement contesté que la SARL C. M. prise en la personne de son gérant ne présentait pas de compétence particulière dans le domaine objet de la convention.
C'est donc de manière inappropriée que les premiers juges ont écarté l'application au cas d'espèce de ces dispositions, étant observé que l'absence de reproduction de l’article L. 121-21 du code de la consommation est sans incidence de ce chef dans la mesure où elle n'est pas imposée par la réglementation contrairement à celle des articles L. 121-23 à L. 121-26 qui sont repris dans leur intégralité.
La réformation de la décision déférée s'impose en conséquence.
Il convient par ailleurs de rappeler qu'en vertu des dispositions de l'article L. 121-26 précité nul ne peut exiger obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement, ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit avant l'expiration du délai de réflexion de sept jours prévus à l'article L. 121-25 ; la méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par la nullité du contrat en vertu de l’article 6 du Code civil qui interdit de déroger aux lois intéressant l'ordre public.
Or, il n'est pas sérieusement contestable à l'examen des pièces du dossier que la SA EXPERTISES GALTIER a procédé à des relevés sur les lieux du sinistre dès le 17 juin 2009, soit le jour de la signature du contrat, et que cette prestation a été prise en considération dans le décompte de ses honoraires ; elle a donc effectué des prestations avant expiration du délai de rétractation dont disposait la SARL C. M.
Il convient en conséquence, sans même qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens développés par la société appelante, de prononcer la nullité du contrat litigieux et de débouter la SA EXPERTISES GALTIER de toutes ses demandes.
Il serait contraire à l'équité de laisser la SARL C. M. supporter seule l'entière charge de ses frais irrépétibles.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et après en avoir délibéré conformément à la loi,
RÉFORME le jugement rendu le 21 mai 2012 par le Tribunal de commerce de Besançon,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
PRONONCE la nullité du contrat conclu le 17 juin 2009 entre la SARL C. M. et la SA EXPERTISES GALTIER,
DÉBOUTE la SA EXPERTISES GALTIER de toutes ses demandes,
CONDAMNE la SA EXPERTISES GALTIER à verser à la SARL C. M. la somme de MILLE DEUX CENTS EUROS (1.200 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SA EXPERTISES GALTIER aux entiers dépens, avec possibilité de recouvrement par Maître GRACIANO, Avocat, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
LEDIT arrêt a été signé par C. THEUREY-PARISOT, Conseiller ayant participé au délibéré, et N. JACQUES, Greffier.
LE GREFFIER, LE CONSEILLER,
- 5830 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Clauses abusives : principes
- 5831 - Code de la consommation - Domaine d’application - Application conventionnelle - Illustrations voisines : démarchage à domicile
- 5861 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de non professionnel - Personnes morales (avant la loi du 17 mars 2014) - Démarchage à domicile
- 5883 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et besoins de l’activité
- 5951 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Expertise et évaluation de biens