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TI CARVIN, 22 septembre 2005

Nature : Décision
Titre : TI CARVIN, 22 septembre 2005
Pays : France
Juridiction : Carvin (TI)
Demande : 11-05-000055
Décision : 526/05
Date : 22/09/2005
Nature de la décision : Admission
Date de la demande : 13/01/2005
Décision antérieure : CA DOUAI (8e ch. sect. 1), 10 mai 2007
Numéro de la décision : 526
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 458

TI CARVIN, 22 septembre 2005 : RG n° 11-05-000055 ; jugement n° 526/05

(sur appel CA Douai (8e ch. sect. 1), 10 mai 2007 : RG n° 06/03094)

 

Extraits : 1/ « Il ressort de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, dont l'article L. 132-1 du Code de la consommation est la transposition, et des arrêts de la CJCE du 27 juin 2000 et du 21 novembre 2002 (Cofidis c/F.) que le juge peut, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, relever le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit. »

2/ « Cette clause, qui autorise le prêteur à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 140.000 Francs, sans soumettre l'exercice de cette faculté à aucune forme permettant dès lors une augmentation tacite du montant du découvert, ne prévoit pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité de l'acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour les emprunteurs de rétracter leur consentement. Une telle clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur. En conséquence, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, cette clause doit être déclarée abusive. »

3/ « L'article L. 311-33 du Code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts. Les clauses qui aggravent la situation de l'emprunteur au regard des dispositions de l'article L. 311-8 et suivants du Code de la consommation en ne lui permettant pas de bénéficier des garanties de formes et de délais prévues par la loi, rendent l'offre préalable non conforme aux articles précités, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts. »

 

TRIBUNAL D’INSTANCE DE CARVIN

JUGEMENT DU 22 SEPTEMBRE 2005

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

RG n° 11-05-000055. Minute n° 526/05.

A l'audience publique du Tribunal d'Instance tenue le 22 septembre 2005, Sous la Présidence de Mademoiselle Malika COTTET Juge, Assistée de Madame Frédérique CICA Greffière, Après débats à l'audience du 13 juillet 2005, le jugement suivant a été rendu :

 

ENTRE :

DEMANDEUR :

La Société Anonyme SOFICARTE [adresse], prise en la personne de son représentant légal, représentée par Maître DEVAUX, Membre de la SCP GOAOC DEVAUX, avocat au barreau de BETHUNE, d'une part,

 

ET :

DÉFENDEUR :

Madame X. épouse Y.

[adresse], représentée par Maître LEMAIRE et MORAS, avocat au barreau de VALENCIENNES, d'autre part,

 

EXPOSÉ DU LITIGE            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 2] LE TRIBUNAL :

Selon offre préalable acceptée le 25 mai 1998, la SA SOFICARTE a consenti à Madame X. épouse Y., une ouverture de crédit d'un montant en capital de 5.000 Francs (762,25 €) pouvant être porté augmenté par fraction, le taux d'intérêt et le montant des mensualités variant en fonction de l'utilisation effective du crédit.

Par lettre recommandée avec accusé de réception reçue le 10 juin 2004, la SA SOFICARTE a notifié à Madame X. épouse Y. la déchéance du terme consécutive au non respect des échéances depuis le 5 décembre 2003.

Par acte du 13 janvier 2005, la SA SOFICARTE a demandé au Tribunal de condamner Madame X. épouse Y. au paiement des sommes suivantes :

- 944,94 € au titre des échéances impayées ;

- 563,05 € au titre des intérêts et indemnités de retard sur les échéances impayées ;

- 3.466,91 € au titre du capital restant dû ;

- 277,35 € à titre d'indemnité de résiliation ;

- 300,00 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et aux dépens.

La SA SOFICARTE a, en outre, sollicité que soit ordonnée l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

En défense, Madame X. épouse Y. soutient que Monsieur Y. aurait renouvelé le contrat de crédit permanent et modifié la domiciliation bancaire du compte figurant sur l'offre de crédit en imitant sa signature, ce qu'elle n’a découvert qu'au décès de celui-ci. Elle en conclut qu’elle ne peut être tenue des dettes contractées par son époux en fraude de ses droits.

Subsidiairement, elle sollicite une expertise graphologique de l'écriture portée sur les pièces versées aux débats par la SA SOFICARTE.

Reconventionnellement, Madame X. épouse Y. sollicite la condamnation de la SA SOFICARTE à lui verser 800 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

En réponse, la SA SOFICARTE a repris ses prétentions et fait valoir que Madame X. épouse Y. ayant signé l'offre préalable, elle était tenue des sommes dues au titre de celles-ci que son mari décédé ait ou non géré ses comptes.

Elle a, par ailleurs, fait des observations sur le moyen soulevé d'office tiré du caractère abusif de certaines clauses du contrat de crédit.

 

MOTIFS (justification de la décision)    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

[minute page 3] MOTIFS :

SUR LA DEMANDE EN PAIEMENT :

Sur l'engagement contractuel de Madame X. épouse Y. envers la  SA SOFICARTE :

Il ressort de l'offre préalable versée aux débats que Madame X. épouse Y. a souscrit un contrat de crédit dit permanent auprès de la SA SOFICARTE le 25 mai 1998.

Madame X. épouse Y. ne peut dès lors alléguer que son époux aurait utilisé son ouverture de crédit à son insu pour se libérer de sa dette envers la SA SOFICARTE. Il lui appartenait de surveiller la carte et les courriers reçus au titre du contrat souscrit par elle seule.

 

Sur le moyen soulevé d'office tiré du caractère abusif de certaines clauses de l'offre préalable :

Vu la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives ;

Vu les articles L. 132-1 et suivants et L. 311-8 et suivants du Code de la consommation ;

Vu les avis n° 02-04 et 03-04 de la Commission des clauses abusives en date du 27 mai 2004;

Vu les arrêts de la Cour de Justice des Communautés européennes en date du 27 juin 2000 (Océano Grupo) et du 21 novembre 2002 (Cofidis c/F.)

Vu l'arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation en date du 1er décembre 1993 (CGL c/ Daguerre) ;

 

- Sur l'office du juge :

Il ressort de la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 relative aux clauses abusives, dont l'article L. 132-1 du Code de la consommation est la transposition, et des arrêts de la CJCE du 27 juin 2000 et du 21 novembre 2002 (Cofidis c/F.) que le juge peut, d'office ou à la suite d'une exception soulevée par le consommateur, relever le caractère abusif d'une clause insérée dans un contrat de crédit.

 

- Sur le caractère abusif de la clause de variation du montant du crédit :

L'article L. 311-9 du Code de la consommation dispose : « lorsqu'il s'agit d'une ouverture de crédit qui, assortie ou non de l'usage d'une carte de crédit, offre à son bénéficiaire la possibilité de disposer de façon fractionnée, aux dates de son choix, du montant du crédit consenti, l'offre préalable n'est obligatoire que pour le contrat initial. »

[minute page 4] Cependant, cette dispense de réitération ne vaut qu'en cas de renouvellement à l'identique de l'offre initiale et non si les conditions en sont modifiées ou en cas de nouvelles ouvertures de crédit.

Dès lors, toute augmentation du découvert autorisé ou modification du montant ou du taux du crédit précédemment accordé, en ce qu'elle touche à un des éléments constitutifs du contrat, doit faire l'objet d'une offre préalable comportant les mentions prescrites par l'article L. 311-10 du Code de la consommation.

En l'espèce, le contrat de crédit prévoit dans son article relatif aux modalités de fonctionnement de l'ouverture de crédit que le montant du découvert maximum autorisé à l'ouverture du compte est révisable par la SA SOFICARTE qui se réserve le droit de le modifier en hausse ou en baisse.

Cette clause, qui autorise le prêteur à augmenter le montant initial de l'ouverture de crédit dans la limite de 140.000 Francs, sans soumettre l'exercice de cette faculté à aucune forme permettant dès lors une augmentation tacite du montant du découvert, ne prévoit pas l'obligation de délivrance d'une nouvelle offre préalable et par conséquent la nécessité de l'acceptation formelle de celle-ci et la faculté, pour les emprunteurs de rétracter leur consentement.

Une telle clause qui laisse penser que le prêteur ne doit pas, pour chaque nouveau crédit que constitue l'augmentation du montant du crédit initial, délivrer à l'emprunteur une offre préalable que ce dernier doit formellement accepter, et que l'emprunteur ne dispose pas à cette occasion de la faculté d'ordre public de rétracter son acceptation, crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, au détriment du consommateur.

En conséquence, en application de l'article L. 132-1 du Code de la consommation, cette clause doit être déclarée abusive.

 

- Sur les conséquences de la présence de clauses abusives dans le contrat de crédit :

L'article L. 311-33 du Code de la consommation dispose que le prêteur qui accorde un crédit sans saisir l'emprunteur d'une offre préalable satisfaisant aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 est déchu du droit aux intérêts.

Les clauses qui aggravent la situation de l'emprunteur au regard des dispositions de l'article L. 311-8 et suivants du Code de la consommation en ne lui permettant pas de bénéficier des garanties de formes et de délais prévues par la loi, rendent l'offre préalable non conforme aux articles précités, ce qui justifie la déchéance du droit aux intérêts.

[minute page 5] En conséquence, la créance de la SA SOFICARTE sur Madame X. épouse Y. sera fixée comme suit :

- montant total emprunté : 17.919,55 €,

- montant des remboursements effectués : 13.497,82 €,

- Somme restant due : 4.421,73 €.

La déchéance du droit aux intérêts du prêteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de l'indemnité prévue par l'article L. 311-30 et D. 311-11 du Code de la consommation.

 

SUR L'EXÉCUTION PROVISOIRE :

L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire et apparaît en outre justifiée au regard de l'ancienneté du litige.

Il convient, en conséquence, de l'ordonner.

 

SUR LA DEMANDE PRÉSENTÉE SUR LE FONDEMENT DE L'ARTICLE 700 DU  NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE :

Madame X. épouse Y. succombant à l'instance, il y a lieu de la condamner au paiement de la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

 

SUR LES DÉPENS :

Madame X. épouse Y., partie succombante, supportera les dépens de la présente instance.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort,

CONDAMNE Madame X. épouse Y. à verser à la SA SOFICARTE la somme de 4.421,73 € avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 2004 ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ;

[minute page 6] CONDAMNE Madame X. épouse Y. à payer à la SA SOFICARTE la somme de 500,00 € au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

REJETTE tous autres chefs de demande ;

CONDAMNE Madame X. épouse Y. aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé, aux lieu, jour, mois et an ci-dessus.

LE GREFFIER                        LE JUGE

Frédérique CICA                    Malika COTTET