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CA ORLEANS (ch. com. éco. fin.), 15 mai 2014

Nature : Décision
Titre : CA ORLEANS (ch. com. éco. fin.), 15 mai 2014
Pays : France
Juridiction : Orléans (CA), ch. fin. et com.
Demande : 13/02366
Décision : 14/210
Date : 15/05/2014
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 8/07/2013
Numéro de la décision : 210
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4795

CA ORLÉANS (ch. com. éco. fin.), 15 mai 2014 : RG n° 13/02366 ; arrêt n° 210

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu, en premier lieu, que la clause litigieuse, ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de retenir de plein droit des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à exécuter le contrat, sans prévoir le même droit, pour ce consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui y renonce, contraignant le consommateur à rechercher une réparation judiciaire et créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment de celui-ci, comme l'a énoncé la Commission des clauses abusives dans ses recommandations n° 91-02 et 04-02, en ce qu'elle sanctionne plus lourdement l'inexécution du consommateur que celle du professionnel, devait être regardée comme abusive ;

Attendu, en second lieu, que la recommandation n° 82-03 de la Commission des clauses abusives préconise que soient éliminées des contrats d'installation de cuisine notamment la clause ayant pour effet ou pour objet « d'attribuer au professionnel, en cas de résiliation du contrat du fait du consommateur, une indemnité forfaitaire supérieure au montant des travaux qu'il a effectués, des frais qu'il a exposés et du bénéfice qu'il était en droit d'espérer si le contrat avait été mené à son terme » ; que la retenue de 40 % du prix de vente, alors que l'installation de la cuisine n'a pas débuté et que la société F. ne justifie pas avoir commandé les éléments d'électro-ménager, est manifestement disproportionnée ;

Que pour ces deux motifs, la clause de dédit est abusive et doit être réputée non écrite, le jugement étant confirmé de ce chef ».

 

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

ARRÊT DU 15 MAI 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/02366. Arrêt n° 210. DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance de Blois en date du 16 mai 2013.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE : - Timbres fiscaux dématérialisés n° : […]

La Société par Actions Simplifiée PHILIPPE F.,

dont le siège social est [...], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, représentée par Maître Fabrice B. de la SELARL CONSEILS ET SYNERGIES, avocat au barreau d'ORLÉANS

D'UNE PART

 

INTIMÉ : -Timbre fiscal dématérialisé n° […]

Monsieur X.,

né le [date], demeurant [adresse], représenté par Maître Vincent D. de la SCP ARCOLE, avocat au barreau de TOURS substituée par, avocat au barreau de TOURS

D'AUTRE PART

 

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 8 juillet 2013.

ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 6 mars 2014.

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats, du délibéré : Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, faisant fonction de président de chambre, Madame Elisabeth HOURS, Conseiller, Monsieur Thierry MONGE, Conseiller.

Greffier : Madame Geneviève JAMAIN, Greffier lors des débats et du prononcé.

DÉBATS : À l'audience publique du 27 MARS 2014, à laquelle ont été entendus Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.

ARRÊT : Prononcé le 15 MAI 2014 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Monsieur X., après avoir le 10 novembre 2007 passé commande de meubles de cuisine à la société Philippe F. (la société F.) pour un montant de 26.000 euros, a demandé l'annulation de sa commande le 26 janvier 2009 et le remboursement des acomptes versés, en invoquant une procédure de divorce en cours. La société F. ayant accepté de procéder à l'annulation en retenant une somme de 10.400 euros correspondant à 40 % du prix total conformément à l'article 7 du bon de commande, Monsieur X. l'a assigné, par acte du 19 septembre 2011, en annulation de la clause litigieuse, devant être regardée comme abusive et, subsidiairement, en réduction de la clause pénale.

Par jugement du 16 mai 2013, le tribunal de grande instance de BLOIS a dit que la clause figurant à l'article 7 des conditions générales de vente était abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et devait être réputée non écrite et a condamné la société F. à rembourser à Monsieur X. la somme de 10.400 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2011.

La société F. a relevé appel.

Par ses dernières conclusions signifiées le 19 février 2014, elle fait valoir qu'elle n'impose aucun contrat type à ses clients et que c'est elle qui est dans une situation déséquilibrée puisqu'elle est irrévocablement engagée à fournir la cuisine, alors que Monsieur X. dispose de la faculté de se dédire. Elle considère que les 40 % du prix restant à la charge du client ne sont pas excessifs au regard du temps passé entre la commande et son annulation et des frais qu'elle a supportés, de sorte que la clause ne doit pas être regardée comme abusive. Subsidiairement, si la clause devait simplement être qualifiée de pénale, elle demande à la cour de ne pas la réduire en raison de la commission versée au vendeur-concepteur (3.776 euros) et de l'espérance de marge (6.000 euros) sur la vente de la cuisine. Très subsidiairement, elle sollicite reconventionnellement l'indemnisation de son préjudice résultant de l'annulation tardive, qui doit être fixée forfaitairement à 40 % du prix de vente et ne saurait être inférieure à 25 %, soit 6.500 euros.

Par ses dernières écritures du 4 mars 2014, Monsieur X. rappelle les dispositions des articles L. 132-1 et R. 132-1 du code de la consommation relatives aux clauses abusives et considère que l'article 7 des conditions générales de vente entre dans les critères de ces textes. Il prétend, en effet, qu'il existe un déséquilibre entre les parties puisque le contrat ne prévoit pas de pénalités en cas de renonciation du cuisiniste, et qu'en outre, le versement de presque la moitié du coût total de la prestation est manifestement disproportionné. Subsidiairement, il demande à la cour de faire application de l'article 1152 du code civil et de réduire le montant de la clause pénale, dans la mesure où le chantier n'avait pas commencé et où la société F. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice et ne justifie d'aucuns frais qu'elle aurait exposés. Il estime que la demande d'une indemnité de 6.500 euros est irrecevable pour être invoquée pour la première fois en cause d'appel et conclut à la confirmation du jugement.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR QUOI :

Attendu que, selon l'article 7 des conditions générales de vente de la société F., pour le cas où le vendeur accepterait une demande d'annulation, une fois la commande devenue ferme et définitive, l'acheteur s'engage à régler immédiatement 40 % du prix convenu, l'acompte reçu venant alors en diminution de la somme due et le solde devant être immédiatement versé ;

Que, selon l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;

Attendu, en premier lieu, que la clause litigieuse, ayant pour objet ou pour effet de permettre au professionnel de retenir de plein droit des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à exécuter le contrat, sans prévoir le même droit, pour ce consommateur, de percevoir une indemnité d'un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c'est celui-ci qui y renonce, contraignant le consommateur à rechercher une réparation judiciaire et créant ainsi un déséquilibre entre les droits et obligations des parties au détriment de celui-ci, comme l'a énoncé la Commission des clauses abusives dans ses recommandations n° 91-02 et 04-02, en ce qu'elle sanctionne plus lourdement l'inexécution du consommateur que celle du professionnel, devait être regardée comme abusive ;

Attendu, en second lieu, que la recommandation n° 82-03 de la Commission des clauses abusives préconise que soient éliminées des contrats d'installation de cuisine notamment la clause ayant pour effet ou pour objet « d'attribuer au professionnel, en cas de résiliation du contrat du fait du consommateur, une indemnité forfaitaire supérieure au montant des travaux qu'il a effectués, des frais qu'il a exposés et du bénéfice qu'il était en droit d'espérer si le contrat avait été mené à son terme » ; que la retenue de 40 % du prix de vente, alors que l'installation de la cuisine n'a pas débuté et que la société F. ne justifie pas avoir commandé les éléments d'électro-ménager, est manifestement disproportionnée ;

Que pour ces deux motifs, la clause de dédit est abusive et doit être réputée non écrite, le jugement étant confirmé de ce chef ;

Attendu, en revanche, qu'en vertu de l'article 567 du code de procédure civile, les demandes reconventionnelles sont recevables en appel ; qu'en raison du caractère très tardif de la demande d'annulation, quatorze mois après la commande, la société F. est fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice que lui cause cette annulation correspondant aux frais exposés et au bénéfice escompté ; que la cour dispose des éléments suffisants pour condamner Monsieur X. à payer à la société F. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts, de sorte qu'après compensation, cette dernière doit restituer la somme de 5.400 euros à Monsieur X. avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2011 ;

Attendu que chaque partie succombant partiellement en ses prétentions supportera ses propres frais et dépens d'appel, sans indemnité de procédure ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort ;

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré que la clause de dédit à la charge de l'acheteur était abusive et donc réputée non écrite ;

L'INFIRMANT pour le surplus ;

Et statuant à nouveau ;

CONDAMNE Monsieur X. à payer à la société Philippe F. la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour annulation tardive du contrat de vente ;

ORDONNE la compensation des créances réciproques ;

CONDAMNE, en conséquence, la société Philippe F. à restituer à Monsieur X. la somme de 5.400 euros avec intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 2011 ;

REJETTE les demandes des parties tendant à l'allocation de sommes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens d'appel ;

Arrêt signé par Monsieur Alain GARNIER, Conseiller, faisant fonction de président de chambre et Madame Geneviève JAMAIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                     LE PRÉSIDENT