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CASS. CIV. 1re, 2 juillet 2014

Nature : Décision
Titre : CASS. CIV. 1re, 2 juillet 2014
Pays : France
Juridiction : Cour de cassation Ch. civile 1
Demande : 13-18708
Date : 2/07/2014
Numéro ECLI : ECLI:FR:CCASS:2014:C100848
Nature de la décision : Rejet
Mode de publication : Legifrance
Décision antérieure : CA NÎMES (1re ch. civ. A), 7 mars 2013
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CERCLAB - DOCUMENT N° 4821

CASS. CIV. 1re, 2 juillet 2014 : pourvoi n° 13-18708 

Publication : Legifrance

 

Extrait : « Mais attendu qu’ayant relevé, sans encourir le grief de la première branche, que la clause litigieuse ne précisait pas l’assiette du calcul des frais et ne permettait dès lors pas à M. X. de mesurer les conséquences financières d’un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé, la cour d’appel, procédant, ainsi qu’elle le devait, à l’interprétation de la clause dans le sens le plus favorable à l’intéressé, en a déduit le caractère abusif de celle-ci ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR DE CASSATION

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 2 JUILLET 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

N° de pourvoi : 13-18708.

DEMANDEUR à la cassation : Société Les Espaces Roméo-Guérin

DÉFENDEUR à la cassation : Monsieur X.

M. Gridel (conseiller doyen faisant fonction de président), président. SCP Bénabent et Jéhannin, SCP Richard, avocat(s).

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :  

 

Sur le moyen unique :

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE                                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu, selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 7 mars 2013), que le 29 décembre 1993, M. X. a passé commande de différents meubles auprès de la société Diffusion des ébénistes contemporains Roméo ; que le bon de commande précisait qu’« au cas où l’acheteur n’accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société Les Espaces Roméo-Guérin avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu’à ses risques et périls » ; que cette dernière société a été dépositaire du mobilier à compter du 1er février 1996 ; qu’elle a, le 27 novembre 2006, assigné M. X. en paiement des frais de gardiennage ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Attendu que la société Les Espaces Roméo-Guérin fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de la clause précitée et de rejeter en conséquence l’ensemble de ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître le sens des dispositions dépourvues d’obscurité ou d’ambiguïté ; qu’en l’espèce, la clause de frais de garde-meubles stipulée aux bons de commandes prévoyait qu’« au cas où l’acheteur n’accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu’à ses risques et périls » ; qu’en retenant, au prétexte qu’« il n’est cependant aucunement précisé sur quel montant doit s’appliquer ce pourcentage », qu’« une telle clause ne peut être qu’annulée car telle qu’elle a été rédigée elle a placé le consommateur dans l’impossibilité de pouvoir mesurer les conséquences financières précises d’un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé », cependant que l’assiette de calcul des frais prévus par la clause ne pouvait être que le montant de la commande, la cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 1134 du code civil ;

2°/ que le juge qui estime qu’une clause est ambiguë doit en rechercher le sens et procéder à son interprétation, au besoin dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu’en l’espèce, la clause de frais de garde-meubles stipulée aux bons de commandes prévoyait qu’« au cas où l’acheteur n’accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu’à ses risques et périls » ; qu’en retenant que ladite clause était « nulle » au prétexte de son imprécision quant au « montant sur lequel doit s’appliquer ce pourcentage », cependant que cette imprécision, même à l’admettre, commandait de procéder à l’interprétation de la clause dans le sens le plus favorable au consommateur et non à son annulation, la cour d’appel a violé, par refus d’application, les articles 1156 du code civil et L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

3°/ que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le doute sur le sens d’une clause n’est pas en soi de nature à lui conférer un caractère abusif ; que ce n’est que lorsque la clause, une fois interprétée dans le sens favorable au consommateur, est abusive, qu’elle est alors sans effet ; qu’à supposer qu’elle ait entendu déclarer la clause litigieuse abusive au prétexte de son imprécision, la cour d’appel, qui n’a pas constaté que la clause serait abusive dans son contenu, même après avoir été interprétée en faveur du consommateur, a violé les articles L. 132-1 et L. 133-2, alinéa 2, du code de la consommation ;

 

RÉPONSE DE LA COUR DE CASSATION AU MOYEN                                    (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mais attendu qu’ayant relevé, sans encourir le grief de la première branche, que la clause litigieuse ne précisait pas l’assiette du calcul des frais et ne permettait dès lors pas à M. X. de mesurer les conséquences financières d’un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé, la cour d’appel, procédant, ainsi qu’elle le devait, à l’interprétation de la clause dans le sens le plus favorable à l’intéressé, en a déduit le caractère abusif de celle-ci ;

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Les Espaces Roméo-Guérin aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Les Espaces Roméo-Guérin à payer la somme de 2 500 euros à M. X. ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juillet deux mille quatorze. 

 

 

ANNEXE : MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Moyen produit par la SCP Bénabent et Jéhannin, avocat aux Conseils, pour la société Les Espaces Roméo-Guérin

 

RAPPEL DU DISPOSITIF DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Il est fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’avoir prononcé la nullité de la clause relative aux frais de garde-meubles et débouté en conséquence la société ERG Les Espaces Romeo Guérin de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

 

RAPPEL DES MOTIFS DE LA DÉCISION ATTAQUÉE PAR LE MOYEN       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

AUX MOTIFS QUE « (…) Sur la validité de la clause : il appartient à la partie appelante d’établir le caractère excessif de la clause de dépôt insérée dans les bons de commande ; que le tribunal de grande instance dans la décision déférée a retenu que la clause en question qui prévoit les modalités de conservation des meubles et de prise en charge des frais dus en contrepartie du dépôt ne revêtait pas un caractère abusif au sens de l’article L. 132-1, alinéa 1, du Code de la consommation ; que cette disposition précise que des clauses peuvent être interdites, limitées, ou réglementées lorsqu’elles apparaissent apposées lire : imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de puissance économique de l’autre partie et confèrent à cette dernière un avantage excessif ; que le fait de stipuler dans un bon de commande qu’en cas de refus de l’acheteur de prendre livraison de la marchandise commandée il serait appliqué des frais de dépôt ne saurait être regardé comme une clause conférant en son principe un avantage excessif à une partie des lors que cette dernière se trouve contrainte de devoir conserver des meubles et donc exposer des frais dont l’acheteur se refuse à prendre livraison ; qu’il convient dès lors sur ce point de confirmer la position prise par les premiers juges et donc de retenir que sur le principe la clause en question ne revêt pas un caractère abusif et est donc opposable à Monsieur X. ; que cela étant, il est utile de rappeler les dispositions de l’article 1226 du Code civil qui définit la clause pénale comme « celle par laquelle une personne, pour assurer l’exécution d’une convention, s’engage à quelque chose en cas d’inexécution » ; qu’il est constant que le fait de fixer une indemnité à la charge de Monsieur X. dans l’hypothèse où il ne prendrait pas livraison des meubles commandés à la date prévue a été convenu pour assurer l’exécution de la convention et en cela il s’agit bien d’une clause pénale ; que la clause de frais de garde-meubles précise en l’espèce qu’il sera mis à la charge de l’acheteur en cas de refus de livraison des frais de « 1,5 % par mois soit 18 % par an », sans aucune indication complémentaire ; que comme le soutient l’appelant, dans ses conclusions, si cette clause prévoit bien des frais de 1,5 % par mois il n’est cependant aucunement précisé sur quel montant doit s’appliquer ce pourcentage ; qu’il n’y a pas eu de la part de la société ERG Romeo Guérin d’information précise et complète sur le décompte des frais qui seraient alors appliqués en cas de refus de prendre livraison des meubles commandés ; qu’une telle clause ne peut être qu’annulée car telle qu’elle a été rédigée elle a placé le consommateur dans l’impossibilité de pouvoir mesurer les conséquences financières précises d’un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé ; qu’une telle clause n’aurait pas encouru la nullité si elle avait indiqué très précisément sur quel montant seraient appliqués les frais de 1,5 % par mois ; qu’or, il est manifeste et non contestable qu’au moment de la signature des divers bons de commande, Monsieur X. ignorait donc totalement de quelle manière seraient calculés les frais de garde-meubles puisque à aucun moment la société ERG ne l’a informé que le pourcentage des frais serait appliqué sur le montant de la commande ; qu’il convient dans ces conditions d’infirmer la décision déférée et de retenir que la clause de garde-meubles est nulle et donc inopposable à Monsieur X. » ;

 

MOYEN (critiques juridiques formulées par le demandeur)                                (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

1°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent méconnaître le sens des dispositions dépourvues d’obscurité ou d’ambiguïté ; qu’en l’espèce, la clause de frais de garde-meubles stipulée aux bons de commandes prévoyait qu’« au cas où l’acheteur n’accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu’à ses risques et périls » ; qu’en retenant, au prétexte qu’« il n’est cependant aucunement précisé sur quel montant doit s’appliquer ce pourcentage », qu’« une telle clause ne peut être qu’annulée car telle qu’elle a été rédigée elle a placé le consommateur dans l’impossibilité de pouvoir mesurer les conséquences financières précises d’un refus de sa part de prendre livraison du mobilier commandé », cependant que l’assiette de calcul des frais prévus par la clause ne pouvait être que le montant de la commande, la Cour d’appel a violé, par refus d’application, l’article 1134 du Code civil ;

2°/ ALORS QUE, en toute hypothèse, le juge qui estime qu’une clause est ambiguë doit en rechercher le sens et procéder à son interprétation, au besoin dans le sens le plus favorable au consommateur ou au non-professionnel ; qu’en l’espèce, la clause de frais de garde-meubles stipulée aux bons de commandes prévoyait qu’« au cas où l’acheteur n’accepterait pas sa livraison dans les délais prévus à la commande, et passé ce délai de un mois écoulé, la marchandise sera remise en garde-meubles à la société ERG avec frais de 1,5 % par mois, soit 18 % par an, entièrement à la charge du client ainsi qu’à ses risques et périls » ; qu’en retenant que ladite clause était « nulle » au prétexte de son imprécision quant au « montant sur lequel doit s’appliquer ce pourcentage », cependant que cette imprécision, même à l’admettre, commandait de procéder à l’interprétation de la clause dans le sens le plus favorable au consommateur et non à son annulation, la Cour d’appel a violé, par refus d’application, les articles 1156 du Code civil et L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation ;

3°/ ALORS QUE dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; que le doute sur le sens d’une clause n’est pas en soi de nature à lui conférer un caractère abusif ; que ce n’est que lorsque la clause, une fois interprétée dans le sens favorable au consommateur, est abusive, qu’elle est alors sans effet ; qu’à supposer qu’elle ait entendu déclarer la clause litigieuse abusive au prétexte de son imprécision, la Cour d’appel, qui n’a pas constaté que la clause serait abusive dans son contenu, même après avoir été interprétée en faveur du consommateur, a violé les articles L. 132-1 et L. 133-2, alinéa 2, du Code de la consommation.