CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 11 septembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4868
CA PARIS (pôle 5 ch. 5), 11 septembre 2014 : RG n° 12/19041
Publication : Jurica
Extrait : « La société Mall'Events invoque l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce dans sa version en vigueur postérieurement au 6 août 2008, selon lequel : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Pour la période écoulée entre l'année 2005 et le 6 août 2006, la société Mall'Events invoque l'application de ce texte dans sa version alors en vigueur, qui prévoyait la responsabilité de tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers pour avoir, notamment, « abus[é] de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ».
Cette disposition qui vise de façon générale toutes relations entre opérateurs économiques, est applicable aux relations développées en l'espèce entre les sociétés Rodamco et Unibail et la société Mall'Events, qui ne relèvent pas des baux commerciaux, mais de la mise à disposition ponctuelle d'espaces pour l'organisation de ventes au déballage, ainsi que le précisent les lettres par lesquelles les sociétés Rodamco et Unibail ont adressé les projets de conventions à la société Mall'Events. La Cour relève sur ce point, de plus, que les conventions elles-mêmes énoncent, dans leurs exposés des motifs, qu'elles ne s'inscrivent pas dans le champ d'application des dispositions du code de commerce relatives aux baux commerciaux, du fait que les emplacements mis à disposition ne sont pas des locaux commerciaux.
Cependant, la charge des impayés de la part des sous-locataires ne saurait à elle seule être considérée comme induisant un déséquilibre significatif entre, d'un côté, les propriétaires de ces emplacements, que représentent les sociétés Rodamco et Unibail, de l'autre, les sociétés bénéficiant d'autorisations d'occupation, dès lors que ce sont ces dernières qui recherchent les sous-occupants et concluent avec eux, ce qui leur donne toute maîtrise du choix, du contrôle de solvabilité et enfin de la mise en place de garanties de paiement. Au surplus, la société Mall'Events n'apporte pas d'éléments qui permettrait d'apprécier si, compte tenu du taux de rémunération perçue par elle et de l'ensemble des charges qu'elle supporte dans le contrat, la charge des impayés introduit un déséquilibre qui soit suffisamment important pour être qualifié de significatif.
Par ailleurs, la société Mall'Events ne rapporte pas la preuve qu'elle se serait trouvée dans une situation de dépendance économique à l'égard de ses partenaires. Elle ne saurait à ce sujet invoquer le jugement ouvrant sa mise en redressement judiciaire, qui n'a, contrairement à ce qu'elle prétend, pas constaté que cette situation avait causé l'ouverture de la procédure, mais retranscrit les termes de la note produite par elle au tribunal lors de sa déclaration. L'appelante ne démontre en particulier pas qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de trouver d'autres partenaires pour exercer, dans des conditions économiques raisonnables, son activité d'organisation et de mise en place d'opérations évènementielles. Enfin, ainsi que le relèvent les intimées, il ressort des termes de cette note, reprise dans le jugement, que la société Mall'Events entretenait des relations avec d'autres sociétés lesquelles se sont progressivement désengagées.
En tout état de cause et quoiqu'il en soit, pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus et par lesquels il est retenu qu'il n'est pas établi que la charge des impayés introduit un déséquilibre significatif, cette charge ne saurait être qualifiée d'abus de la part des sociétés Rodamco et Unibail.
Il s'ensuit que les demandes indemnitaires de la société Mall'Events à ce titre doivent être rejetées. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 5 CHAMBRE 5
ARRÊT DU 11 SEPTEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 12/19041. Décision déférée à la Cour : Jugement du 3 octobre 2012 - Tribunal de Commerce de PARIS - 17e chambre - R.G. n° 2011052529.
APPELANTE :
SAS MALL'EVENTS
ayant son siège [adresse] ; Représentée par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753 ; Représentée par Maître Anne BOLLIET, avocat au barreau de COMPIÈGNE
INTIMÉES :
SOCIÉTÉ ESPACE EXPANSION venant aux droits de la SOCIÉTÉ RODAMCO GESTION
ayant son siège social [adresse]
SOCIÉTÉ UNIBAIL MARKETING ET MULTIMÉDIA
ayant son siège social [adresse]
Représentées par Maître Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111 ; Représentées par Maître Georges BENELLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0433
PARTIE INTERVENANTE :
SCP ANGEL-HAZANE en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS MALL’EVENTS
désignée à ces fonctions par jugement du Tribunal de commerce de COMPIÈGNE rendu le 14 novembre 2012, demeurant [adresse] ; Représentée par Maître Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0753 ; Représentée par Maître Anne BOLLIET, avocat au barreau de COMPIÈGNE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 mai 2014, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère faisant fonction de Présidente, chargée du rapport et Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Madame Colette PERRIN, Présidente, Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère, Monsieur Olivier DOUVRELEUR, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile - signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Monsieur Bruno REITZER, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS ET PROCÉDURE :
La société Rodamco Gestion, aux droits de laquelle vient la société Espace Expansion, et la société Unibail Marketing et Multimédia (les sociétés Rodamco et Unibail) sont toutes les deux filiales du groupe de sociétés Rodamco-Unibail et gèrent des centres commerciaux dont ce groupe de sociétés est propriétaire.
Dans le cadre de leurs activités, les sociétés Rodamco et Unibail louent des surfaces de parties communes de centres commerciaux à des entités commerciales spécialisées dans des évènements, principalement les marchés de Noël.
Les contrats passés avec ces entités prévoient une mise à disposition d'emplacements contre rémunération pour une période de quelques semaines et ces entités, qualifiées « d'occupants », passent elles-mêmes, sous leurs propres noms, des conventions de sous-occupation contre rémunération avec des sociétés qui exercent leur activité commerciale sur les emplacements.
La société Mall'Events qui est une de ces entités commerciales a, depuis 2005, passé chaque année des conventions annuelles avec les sociétés Rodamco et Unibail.
Les rémunérations de 2005 à 2009 perçues par celle-ci se sont élevées à 15 % du total des montants qu'elle a facturés aux commerçants sous-occupants. Elle a donc pendant ces années rétrocédé 85 % des sommes facturées aux sociétés RG et U2M.
Pour l'année 2010, s'appuyant sur les termes de la convention qu'elle avait signée avec les sociétés Rodamco et Unibail, la société Mall'Events n'a rétrocédé que 15 % de la somme des facturations des commerçants sous-occupants.
Les sociétés Rodamco et Unibail ont alors soutenu que la clause du contrat, en application de laquelle la société Mall'events avait calculé sa rémunération, comportait une erreur évidente, dont leur partenaire avait abusé. Elles ont demandé à celle-ci de lui restituer les sommes qui lui étaient dues. Les parties n'arrivant pas à s'accorder, les sociétés Rodamco et Unibail ont, le 5 juillet 2011, fait assigner la société Mall'Events en paiement.
Par jugement rendu le 3 octobre 2012, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné la société Mall'Events à payer à la société Unibail la somme de 26.312 euros outre les intérêts au taux légal depuis le 20 avril 2011, en exécution de la convention de mise à disposition du 25 octobre 2010 ;
- condamné la société Mall'Events à payer à la société Rodamco la somme de 380.571,98 euros outre les intérêts au taux légal depuis le 20 avri1 2011, en exécution de la convention de mise à disposition du 1er octobre 2010 ;
- débouté les sociétés Unibail et Rodamco de leurs demandes respectives de dommages et intérêts pour préjudice moral,
- condamné la société Mall'Events à payer à chacun des demandeurs la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 14 novembre 2012 rendu par le tribunal de Compiègne, la société Mall'Events a été placée en redressement judiciaire et la société Angel-Hazane a été désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Vu l'appel interjeté par la société Mall'Events le 23 octobre 2012 contre cette décision.
Vu les dernières conclusions signifiées par la société Mall'Events et la société Angel-Hazane, ès-qualités, le 4 avril 2014, par lesquelles il est demandé à la cour de :
- infirmer le jugement entrepris en date du 3 octobre 2012, en toutes ses dispositions,
- donner acte à la société Angel-Hazane de son intervention volontaire en la cause, en sa qualité de mandataire judiciaire désignée à ces fonctions en vertu du jugement du tribunal de commerce de Compiègne du 14 novembre 2012,
en conséquence, et statuant de nouveau,
- constater la clarté de l'article 3 des conventions de mise à disposition, dénuée de tout caractère obscur, ce faisant,
- débouter les sociétés Rodamco aux droits de laquelle vient la SAS Espace Expansion et Unibail de leurs fins, moyens et demandes pour les motifs sus-énoncés,
- condamner la société Rodamco, aux droits de laquelle vient la société Espace Expansion, et Unibail sas à payer à la société Mall'Events et à la société Angel-Hazane, en sa qualité de mandataire judiciaire, la somme de 8.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de l'indemnisation de son préjudice moral pour les motifs sus-énoncés.
En tout état de cause
- condamner les sociétés Rodamco aux droits de laquelle vient la SAS Espace Expansion et Unibail de leur plus amples demandes ;
- condamner les sociétés Rodamco aux droits de laquelle vient la SAS Espace Expansion et Unibail à payer à la société Mall'Events et à la société Angel-Hazane en sa qualité de mandataire judiciaire, la somme de 5.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
La société Mall'Events soutient que la clause contractuelle contestée est parfaitement claire et ne procède pas d'une erreur manifeste de rédaction. Elle ajoute que les parties avaient connaissance de son contenu et de sa signification, ce que démontre le fait que les sociétés Rodamco et Unibail ont exécuté le contrat, alors que rien ne s'opposait à ce qu'elles fassent état de l'erreur de rédaction qu'elles invoquent.
Elle fait valoir qu'elle a exécuté ses obligations de bonne foi et avec loyauté et explique que l'évolution du mode de rémunération se justifie par la perte financière qu'elle avait enregistrée les années précédentes. Selon elle, les parties n'ont fait qu'appliquer, en toute connaissance de cause, une clause dénuée d'ambiguïté.
Elle sollicite la réparation du préjudice moral résultant pour elle de la procédure mise en œuvre avec légèreté par ses adversaires et de façon vexatoire au regard de l'ancienneté de la relation commerciale qui les liait.
Elle soutient encore, à titre subsidiaire, avoir été victime d'un abus de la relation de dépendance économique dans laquelle elle se trouvait à l'égard des sociétés Rodamco et Unibail, puis d'un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, au sens de 1'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, dans ses versions antérieure puis postérieure au 6 août 2008. Elle soutient que l'abus a consisté à la laisser seule supporter les impayés des sous-occupants, ce qui a eu pour conséquence sa mise en redressement judiciaire.
Vu les dernières conclusions signifiées le 9 avril 2014 par la société Espace Expansion venant aux droits de la société Rodamco Gestion, et la société Unibail Marketing et Multimédia par lesquelles il est demandé à la cour de :
- recevoir les sociétés Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco, et Unibail en leurs demandes et les y déclarer bien fondées,
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2012 en ce qu'il a :
* constaté l'existence d'une erreur matérielle affectant l'article 3 des conventions des 1er et 25 octobre 2010, interprété l'article 3 des conventions des 1er et 25 octobre 2010 en substituant la commission de « 15 % du montant des redevances facturées par l'ensemble des sous-occupants des emplacements » par « 85 % du montant des redevances facturées à l'ensemble des sous-occupants des emplacements », et le montant de « 14,4 % » par celui de « 85,6 % », par référence à la volonté réelle des parties,
* condamné la société Mall'Events au paiement de la somme de 26.312 euros à la société Unibail, outre intérêts au taux légal depuis le 20 avril 2011, en exécution de la convention de mise à disposition du 25 octobre 2010,
* condamné la société Mall'Events au paiement de la somme de 380.571,98 euros à la société Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco, outre intérêts au taux légal depuis le 20 avril 2011, en exécution de la convention de mise à disposition du 25 octobre 2010,
* rejeté la demande d'indemnisation de la société Mall'Events au titre des impayés qu'elle prétend avoir subis auprès de ses sous-locataires à hauteur de 214.449,89 euros,
* rejeté la demande de compensation formée par la société Mall'Events.
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 3 octobre 2012 en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation du préjudice moral subi par les sociétés Unibail et Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco.
Et par conséquent :
- fixer au passif de la procédure de la société Mall'Events le montant de la créance de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi par la société Unibail à hauteur de 30.000 euros,
- fixer au passif de la procédure de la société Mall'Events le montant de la créance de dommages-intérêts au titre du préjudice moral subi par la société Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco, à hauteur de 50.000 euros.
À titre subsidiaire,
- fixer au passif du redressement judiciaire de la société Mall'Events le montant de sa condamnation au paiement de la somme de 26.312 euros, outre les intérêts au taux légal depuis le 20 avril 2011, en exécution de la convention de mise à disposition du 25 octobre 2010 à la société Unibail, au titre du préjudice matériel subi du fait des manquements aux obligations de loyauté et de bonne foi,
- fixer au passif du redressement judiciaire de la société Mall'Events le montant de sa condamnation au paiement de la somme de 380.571,98 euros, outre les intérêts au taux légal depuis le 20 avril 2011, en exécution des conventions de mise à disposition du 1er octobre 2010 à la société Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco, subi du fait des manquements aux obligations de loyauté et de bonne foi.
Et, en tout état de cause,
- rejeter la demande de paiement formée par la société Mall'Events et la SCP Angel-Hazane à l'encontre des sociétés Espace Expansion et Unibail, venant aux droits de la société Rodamco, de la somme de 214.449,89 euros au titre de loyers impayés pour la période 2005 à 2010 sur le fondement de l'article L. 442-6-I du code de commerce,
- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusions de la société Mall'Events et de la SCP Angel-Hazane,
- fixer au passif du redressement judiciaire de la société Mall'Events le montant de la créance des sociétés Unibail et Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco, la somme de 5.000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Les sociétés Espace Expansion et Unibail exposent que les conventions de mise à disposition de 2010 sont entachées d'une erreur matérielle et qu'elles doivent être interprétées conformément à la volonté des parties c'est-à-dire comme prévoyant que la rémunération de la société Mall'Events doit être de 15 % des sommes facturées et non de 85 %.
Elles demandent réparation du préjudice moral et financier qu'elles ont subi du fait du comportement déloyal de la société Mall'Events qui s'est abstenue d'attirer leur attention sur l'erreur incluse dans les conventions, avant de tenter d'en tirer profit lors du versement des commissions.
Elles contestent aussi être redevables envers la société Mall'Events des sommes impayées par ses propres sous-occupants sur la période 2005-2010 sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du Code de commerce en l'absence de tout « déséquilibre significatif » dans les relations entre les parties, de tout « abus de dépendance économique ».
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions des parties, à la décision déférée, ainsi qu'aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
La société Mall'Events et la SCP Angel-Hazane n'ont présenté en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué lequel repose sur des motifs pertinents résultant d'une exacte analyse des éléments du dossier et d'une juste application des règles de droit applicables à l'espèce.
Aux motifs pertinents du jugement que la Cour adopte, il convient seulement d'ajouter ce qui suit :
Sur l'existence d'une erreur dans les conventions des parties :
Les conventions en cause sont datées du 1er octobre 2010 pour les trois conclues entre la société Rodamco Gestion et la société Mall'Events qui concernent les marchés de Noël dans les centres commerciaux de Lyon-La Part-Dieu, Villeneuve 2 et Parly 2. Une seule a été conclue entre les société Mall'Events et Unibail, elle concerne le marché de Noël du centre commercial Labège 2 et a été conclue le 25 octobre 2010. Trois d'entre elles précisent à l'article 3 que « En contrepartie de la mise à disposition de l'emplacement ci-dessus défini, l'Occupant versera au Propriétaire, à titre d'indemnité d'occupation, une indemnité forfaitaire égale à 15 % du montant des redevances facturées par l'ensemble des sous-occupants des emplacements », la convention relative au centre commercial de Lyon-La Part-Dieu prévoit une rémunération de 14,4 %.
Ainsi que l'indique la société Mall'Events, cette disposition inverse le système de rémunération pratiqué entre elle et les sociétés Rodamco et Unibail, depuis 2005. Cette inversion qui n'est pas contestée et qui introduit une modification particulièrement importante dans le système de rémunération jusqu'alors adopté, introduit une confusion dans le libellé de cette clause qui nécessite que la juridiction saisie vérifie, en application de l'article 1156 du code civil, si la rédaction de l'article 3 résulte de la commune intention des parties, comme le soutient la société Mall'Events, ou si elle procède d'une erreur matérielle, ainsi que l'affirment les sociétés Unibail et Espace Expansion venant aux droits de la société Rodamco.
La société Mall'Events justifie l'évolution de la rémunération par la perte financière qu'elle avait enregistrée depuis 2005 du fait de la charge des impayés qui reposait seulement sur elle et qui, selon elle, s'élevait pour les années 2005 à 2009 au total de 193.094 euros.
Cependant, elle ne rapporte aucune preuve de cette affirmation. En effet, si elle produit des courriers électroniques par lesquels elle s'est plainte auprès de la société Unibail de la charge des impayés durant l'année 2009, aucun de ces messages ne permet de constater que, même de façon indirecte, un accord serait intervenu pour qu'en 2010, la société Mall'Events perçoive 85 % des montants facturés aux sous-occupants. Au contraire, Mme X. de la société Rodamco a indiqué à M. Y., dirigeant de la société Mall'Events, dans un courrier électronique du 15 avril 2009, que sa société était en charge des trois plus gros marchés de Noël, alors que d'autres prestataires étaient demandeurs de ces emplacements, que sa rémunération était calculée sur la totalité de la commercialisation et qu'il lui appartenait de s'organiser pour éviter les impayés. Par ailleurs, si la société Rodamco acceptait de « (…) regarder comment on anticipe la probabilité d'impayés sur les marchés de noël pour 2009 », aucun élément ne permet de constater qu'un accord serait intervenu à ce sujet et qu'il se serait traduit par une inversion des rémunérations en 2010. Bien au contraire, les offres de la société Mall'Events adressées aux sociétés Rodamco et Unibail pour les marchés de Lyon-La Part-Dieu, Parly 2, Villeneuve 2 et Labège 2, mentionnent toutes des « honoraires » à 15 %, ainsi que cela avait été le cas pour les années antérieures. Plus encore, il résulte des pièces produites par la société Mall'Events que le total des impayés pour des centres commerciaux de Villeneuve 2, Lyon La Part-Dieu, et Parly 2 s'est élevé à 52.113,76 euros en 2008 et 1.121,97 euros en 2009 soit une somme de 53.235,73 euros, tandis qu'il n'est pas contesté que la rémunération à 85 % pour 2010, lui a rapporté 630.832,59 euros, sans commune mesure avec le montant total des impayés que cette rémunération à 85 % était censée compenser, et ceci, quand bien même retiendrait-on la somme de 193.094 euros d'impayés de 2005 à 2009 que la société Mall'Events indique dans ses conclusions.
Au regard de ces éléments, l'inversion des pourcentages de rémunération entre la société Mall'Events et les sociétés Rodamco et Unibail ne peut s'expliquer que par une erreur matérielle commise au moment de la rédaction des conventions, erreur qui a d'ailleurs été signalée par deux autres prestataires M. A. et Mme B. en novembre 2010. La valeur probante du témoignage de M. A., présenté de façon non manuscrite, est confortée par le courrier électronique qu'il a adressé le 12 novembre 2010 à Mme Z. de la société Rodamco, quant à celui de Mme B., s'il est évident que celle-ci est un prestataire des sociétés Rodamco et Unibail, sans quoi elle n'aurait pas eu à signaler d'erreur dans le projet de convention, il est conforté par celui de M. A. et son courrier électronique précités. Il n'y a donc pas lieu d'écarter ces attestations.
Dans ces circonstances et compte tenu de la confiance qu'ils pouvaient accorder à un partenaire avec lequel ils travaillaient depuis plusieurs années, il est sans portée que les représentants des sociétés Rodamco et Unibail aient paraphé chaque page des conventions et que, bien qu'elle ait su qu'une erreur avait été commise dans les projets adressés à M.A. et Mme B., Mme Z. n'ait pas vérifié qu'une erreur identique ne se soit pas répétée dans les conventions adressées à la société Mall'Events. Pour les mêmes motifs, si les sociétés Rodamco et Unibail, après avoir adressé leurs factures calculées selon les pourcentages antérieurs à la société Mall'Events, ont, sur sa réclamation fondée sur l'application de l'article 3, rectifié leurs factures et adressé des avoirs à celle-ci, ce fait ne permet pas de considérer comme établi l'accord d'une inversion des pourcentages au bénéfice de la société Mall'Events.
Le jugement doit donc être confirmé sur les condamnations prononcées à l'encontre de la société Mall'Events.
Sur les préjudices moraux des sociétés Mall'Events, Unibail et Rodamco, aux droits de laquelle vient la société Espace Expansion :
De l'ensemble des éléments de fait relevés précédemment, il ressort que la société Mall'Events n'a pas été de bonne foi en ne signalant pas aux sociétés Rodamco et Unibail les erreurs contenues dans les conventions, alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'aucun accord n'avait été conclu pour inverser les pourcentages de rémunération, qu'elle-même avait proposé une rémunération conforme à celle des années antérieures et enfin que le montant des impayés qu'elle avait consenti de supporter n'était pas à la mesure de la rémunération qui pouvait résulter de cette inversion. Cependant, les sociétés Unibail et Espace Expansion venant aux droits de la société Rodamco, ne sauraient toutefois prétendre à réparation d'un préjudice moral, dès lors qu'elles ont, par leur négligence lors de la rédaction, de la signature et de l'exécution des conventions, tout autant contribué à la réalisation du préjudice qu'elles invoquent. C'est donc à juste titre que le tribunal a rejeté les demandes de dommages-intérêts présentées par les parties et le jugement doit être confirmé sur ce point.
Sur l'abus de dépendance économique et le déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties :
La société Mall'Events invoque l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce dans sa version en vigueur postérieurement au 6 août 2008, selon lequel : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers (') de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ». Pour la période écoulée entre l'année 2005 et le 6 août 2006, la société Mall'Events invoque l'application de ce texte dans sa version alors en vigueur, qui prévoyait la responsabilité de tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers pour avoir, notamment, « abus[é] de la relation de dépendance dans laquelle il tient un partenaire ou de sa puissance d'achat ou de vente en le soumettant à des conditions commerciales ou obligations injustifiées ».
Cette disposition qui vise de façon générale toutes relations entre opérateurs économiques, est applicable aux relations développées en l'espèce entre les sociétés Rodamco et Unibail et la société Mall'Events, qui ne relèvent pas des baux commerciaux, mais de la mise à disposition ponctuelle d'espaces pour l'organisation de ventes au déballage, ainsi que le précisent les lettres par lesquelles les sociétés Rodamco et Unibail ont adressé les projets de conventions à la société Mall'Events. La Cour relève sur ce point, de plus, que les conventions elles-mêmes énoncent, dans leurs exposés des motifs, qu'elles ne s'inscrivent pas dans le champ d'application des dispositions du code de commerce relatives aux baux commerciaux, du fait que les emplacements mis à disposition ne sont pas des locaux commerciaux.
Cependant, la charge des impayés de la part des sous-locataires ne saurait à elle seule être considérée comme induisant un déséquilibre significatif entre, d'un côté, les propriétaires de ces emplacements, que représentent les sociétés Rodamco et Unibail, de l'autre, les sociétés bénéficiant d'autorisations d'occupation, dès lors que ce sont ces dernières qui recherchent les sous-occupants et concluent avec eux, ce qui leur donne toute maîtrise du choix, du contrôle de solvabilité et enfin de la mise en place de garanties de paiement. Au surplus, la société Mall'Events n'apporte pas d'éléments qui permettrait d'apprécier si, compte tenu du taux de rémunération perçue par elle et de l'ensemble des charges qu'elle supporte dans le contrat, la charge des impayés introduit un déséquilibre qui soit suffisamment important pour être qualifié de significatif.
Par ailleurs, la société Mall'Events ne rapporte pas la preuve qu'elle se serait trouvée dans une situation de dépendance économique à l'égard de ses partenaires. Elle ne saurait à ce sujet invoquer le jugement ouvrant sa mise en redressement judiciaire, qui n'a, contrairement à ce qu'elle prétend, pas constaté que cette situation avait causé l'ouverture de la procédure, mais retranscrit les termes de la note produite par elle au tribunal lors de sa déclaration. L'appelante ne démontre en particulier pas qu'elle se serait trouvée dans l'impossibilité de trouver d'autres partenaires pour exercer, dans des conditions économiques raisonnables, son activité d'organisation et de mise en place d'opérations évènementielles. Enfin, ainsi que le relèvent les intimées, il ressort des termes de cette note, reprise dans le jugement, que la société Mall'Events entretenait des relations avec d'autres sociétés lesquelles se sont progressivement désengagées.
En tout état de cause et quoiqu'il en soit, pour les mêmes motifs que ceux développés ci-dessus et par lesquels il est retenu qu'il n'est pas établi que la charge des impayés introduit un déséquilibre significatif, cette charge ne saurait être qualifiée d'abus de la part des sociétés Rodamco et Unibail.
Il s'ensuit que les demandes indemnitaires de la société Mall'Events à ce titre doivent être rejetées.
Sur les frais irrépétibles :
Il est, compte tenu de l'ensemble des éléments qui précèdent, justifié de ne pas laisser à la charge des sociétés Unibail et Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco, la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elles ont été contraintes d'engager pour leur défense dans le cadre du présent appel. La créance des intimées au titre de l'article 700 du code de procédure civile, sera fixée au passif du redressement judiciaire de la société Mall'Events pour la somme de 3.000 euros chacune.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Statuant au surplus,
REJETTE les demandes de dommages-intérêts de la société Mall'Events formées sur le fondement de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ;
FIXE à 3.000 euros pour chacune des sociétés Unibail Marketing et Multimédia et Espace Expansion, venant aux droits de la société Rodamco Gestion, leur créance au passif du redressement judiciaire de la société Mall'Events, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties
FIXE au passif du redressement judiciaire de la société Mall'Events, le montant de la créance de dépens qui seront recouvrés dans les conditions prévues par l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
B. REITZER C. PERRIN
- 6160 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Présentation - Évolution des textes
- 6171 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Domaine de la protection - Suppression de la condition de dépendance économique
- 6175 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Cadre général - Charge de la preuve
- 6180 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Indices - Principes généraux
- 6209 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par contrat - Location d’immeubles
- 6232 - Code de commerce (L. 442-1-I-2° C. com. - L. 442-6-I-2° ancien) - Notion de déséquilibre - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Accroissement de la responsabilité du partenaire