CA PARIS (pôle 2, ch. 2), 7 novembre 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 4963
CA PARIS (pôle 2 ch. 2), 7 novembre 2014 : RG n° 13/13531
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Considérant que la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la cour d'appel de Versailles en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant cet arrêt, de sorte que la cour de renvoi est saisie de l'entier litige et qu'il ne peut être tiré argument par la société American Express du fait que la Cour de cassation n'a pas statué sur les autres moyens du pourvoi dont elle était saisie portant sur les motifs et les conditions de la résiliation unilatérale des contrats de carte de paiement et ne s'est pas prononcée sur la question du caractère abusif des clauses allégué par M. X. qui ne lui avait pas été soumise ».
2/ « Considérant que M. X. conteste l'opposabilité de cet article 4, soutenant que les conditions générales du programme « Membership rewards » n'ont jamais été portées à sa connaissance et qu'il ne les a jamais acceptées ; Qu'il n'est pas contesté que seules les conditions générales d'utilisation des cartes ont fait l'objet de la mention par M. X., lors de la souscription des cartes « Platinum » et « Centurion », de leur connaissance et de leur acceptation ; Que la société American Express n'établit pas que M. X. aurait eu connaissance des conditions générales de fonctionnement du programme de fidélité « Membership rewards » lors de la conclusion des contrats de cartes de paiement ; […] Que l'article 4 du programme « Membership rewards » doit donc être déclaré inopposable à M. X. ce qui prive de tout intérêt la question du caractère abusif des clauses qu'il contient ».
3/ « Mais que M. X. fait justement observer qu'il appartenait à la société American Express, si elle entendait mettre en œuvre son droit de résiliation unilatérale pour manquement de son cocontractant à ses obligations, de mettre préalablement son débiteur en demeure de se conformer à ses obligations et de régulariser la situation, ce qui n'a pas été fait ; qu'il convient en conséquence de considérer que la rupture unilatérale des relations contractuelles a été opérée de mauvaise foi et que la société American Express ne peut se prévaloir de cette résiliation pour justifier l'annulation des points de fidélité de M. X. ; […] ; Que la société American Express ne peut soutenir sérieusement que M. X. n'aurait pas de préjudice indemnisable au motif qu'il ne lui a pas demandé la livraison des « primes » liées à ses points, alors que c'est la suppression des points qui a privé celui-ci de la possibilité de les utiliser en en sollicitant la conversion ; qu'il doit au contraire être retenu que M. X. a subi un préjudice tenant à l'impossibilité pour lui de bénéficier des avantages attachés aux points qu'il avait accumulés depuis des années et dont il aurait pu profiter si la société American Express ne les avait pas abusivement annulés ».
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
PÔLE 2 CHAMBRE 2
ARRÊT DU 7 NOVEMBRE 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/13531. Sur renvoi après un arrêt de la Cour de cassation en date du 24 avril 2013, [pourvoi n° 12-14929] portant n° 123 F-D, emportant cassation d'un arrêt de la Cour d'appel de VERSAILLES en date du 12 janvier 2012, portant R.G. n° 10/08342, sur appel d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en date du 25 juin 2010, portant R.G. n° 10/00319.
DEMANDEUR :
Société AMERICAN EXPRESS - CARTE FRANCE
agissant en la personne de son représentant légal, Représentée par Maître Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, Assistée de Monsieur le Bâtonnier Yves REPIQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : T04
DÉFENDEUR :
Monsieur X.
Représenté par Maître Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055, Assisté de Maître Romain GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C2399
COMPOSITION DE LA COUR : Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, ayant été préalablement entendue en son rapport dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 2 octobre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de : Madame Anne VIDAL, présidente de chambre, Madame Marie-Sophie RICHARD, conseillère, Madame Isabelle CHESNOT, conseillère, qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Monsieur Guillaume LE FORESTIER
ARRÊT : contradictoire, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Anne VIDAL, présidente de chambre et par Monsieur Guillaume LE FORESTIER, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Se plaignant du refus de restitution des points fidélité qu'il avait acquis sur ses contrats de cartes de paiement « Platinum » et « Centurion » à la suite de l'annulation de ces deux cartes par suite de rejets de paiements survenus en février 2007, M. X. a fait assigner la société AMERICAN EXPRESS CARTE France (la société AMERICAN EXPRESS) devant le tribunal de grande instance de Nanterre pour obtenir l'indemnisation du préjudice résultant de la perte de ses points, soutenant que les conditions générales du contrat invoquées par cette société lui sont inopposables et subsidiairement que la clause prévoyant la perte des points en cas d'annulation de la carte constitue une clause abusive.
Par jugement en date du 25 juin 2010, le tribunal de grande instance de Nanterre a considéré que les conditions générales concernant la carte « Platinum » n'évoquaient pas le programme de points de fidélité et que celles concernant le programme « Membership rewards » de la carte « Centurion » n'étaient pas entrées dans le champ contractuel, de sorte que la clause appliquée par la société AMERICAN EXPRESS n'était pas opposable au demandeur. Il a donc condamné cette société à payer à M. X. une somme de 150.000 euros en réparation du préjudice résultant pour lui de l'annulation de ses points de fidélité et dont l'évaluation n'était pas discutée devant lui, outre une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par décision en date du 12 janvier 2012, la cour d'appel de Versailles a infirmé le jugement et débouté M. X. de toutes ses demandes, retenant que M. X. avait eu nécessairement connaissance, lors de la souscription de la carte « Centurion », des conditions générales figurant au verso de l'imprimé qu'il avait signé et que, si le programme « Membership rewards » n'y figurait pas, les modalités de calcul des points de fidélité étaient mentionnées sur les relevés de compte et la demande de conversion par M. X. de ses points pour obtenir une prime sous forme de miles Air France/KLM démontrait qu'il avait eu accès au guide « Membership rewards ». La cour a également considéré que l'article 4 du programme prévoyant l'annulation des points de fidélité en cas d'annulation de la carte ne constituait pas une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation dès lors que l'annulation de la carte était elle-même fondée, en raison des impayés et des rejets des prélèvements.
La Cour de cassation, suivant décision en date du 24 avril 2013, a cassé et annulé cet arrêt en toutes ses dispositions, au visa de l'article 1134 du code civil, faisant grief à la cour d'avoir retenu que les clauses étaient opposables à M. X. en se fondant sur des dispositions postérieures à l'adhésion au programme de fidélité alors que seules sont opposables à l'adhérent les conditions générales entrées dans le champ contractuel et dont l'intéressé a eu connaissance au moment de son adhésion, à moins qu'il n'ait expressément accepté des modifications postérieures. La cause et les parties ont été renvoyées, dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt, devant la cour d'appel de Paris.
La société AMERICAN EXPRESS a saisi la cour de céans par déclaration en date du 4 juillet 2013.
La société AMERICAN EXPRESS, suivant ses dernières conclusions signifiées le 1er septembre 2014, demande à la cour de :
Constater que la cour de renvoi n'est saisie, ni de la prétendue rupture abusive des relations contractuelles à raison de l'annulation des deux cartes AMERICAN EXPRESS dont M. X. était titulaire, ni de la prétendue irrégularité de certaines stipulations des conditions générales des cartes et du « Membership rewards », la Cour de cassation ne s'étant pas prononcée sur ces questions,
Constater que M. X. a bien pris connaissance de la clause relative à la perte des points de fidélité en cas de non-paiement du solde débiteur d'une carte AMERICAN EXPRESS et que les « Membership rewards » sont un accessoire de la carte AMERICAN EXPRESS,
En conséquence, dire que cette clause était bien opposable à M. X. et que la société AMERICAN EXPRESS était bien fondée à annuler les points « Membership rewards » accumulés par celui-ci,
Constater que les « Membership rewards » ne peuvent faire l'objet d'une quelconque monétisation et dire que M. X. ne rapporte pas la preuve d'un préjudice certain, né et actuel susceptible d'être indemnisé,
À titre subsidiaire, dire que les erreurs de calcul commises par M. X. sont de nature à décrédibiliser le chiffrage de son préjudice qui ne peut, le cas échéant, excéder la somme de 12.000 euros,
À titre infiniment subsidiaire, prendre acte de ce que la société AMERICAN EXPRESS offre, dans le strict cadre du présent litige, d'exécuter son obligation de délivrance des « primes » qui seraient commandées par M. X. en contrepartie de la conversion des points « Membership rewards » pour une durée limitée de six mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, indépendamment de l'annulation définitive des points acquis sur ses deux cartes,
En toute hypothèse, réformer le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre qui l'a condamnée à verser à M. X. une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et rejeter l'ensemble des prétentions de M. X.,
Condamner M. X. à lui verser une somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir l'argumentation suivante :
La cour de renvoi n'est saisie que des conséquences du moyen retenu par la Cour de cassation et ne peut statuer sur la validité de l'annulation des deux cartes AMERICAN EXPRESS et sur le caractère abusif des clauses des articles 7 des conditions générales et 4 du programme « Membership rewards » ; en toute hypothèse, cette annulation était parfaitement fondée au regard de l'article 7 dont M. X. reconnaît avoir eu connaissance et des manquements de ce client à ses obligations contractuelles ‘absence de provisionnement suffisant de ses comptes et défaut de signalement de son changement d'adresse ou de coordonnées bancaires ;
si les conditions générales du programme « Membership rewards » étaient jugées inopposables à M. X., ce dernier devrait être privé ab initio de tout le programme, l'opposabilité ne pouvant se diviser entre les clauses, de sorte qu'il ne bénéficierait d'aucun point ; mais en tout état de cause, la clause relative à la perte des points figurait de manière expresse sur les relevés mensuels reçus par M. X. que celui-ci n'a jamais contestés, de sorte qu'il est réputé avoir connaissance de cette clause et l'avoir acceptée ; de même, le relevé d'opération faisant suite à la conversion de points en Miles Air France n'a été suivi d'aucune protestation ; enfin, le programme « Membership rewards » n'est qu'un accessoire du contrat d'utilisation de la carte de paiement de sorte que la perte de la qualité de membre d'American Express entraîne la perte du bénéfice du contrat de récompense et des avantages qui y sont attachés ;
il a été contractuellement prévu (articles 4 et 5) que dans l'hypothèse d'un incident de paiement ou d'une résiliation de la carte American Express, tous les points seront annulés et cette disposition fait la loi des parties ;
subsidiairement, la somme réclamée à titre indemnitaire par M. X. est sans fondement : la seule obligation de la société American Express est de livrer les « primes » commandées en contrepartie des points « Membership rewards » et faute pour M. X. d'avoir demandé cette exécution, il ne peut invoquer un préjudice ; par ailleurs, ces points ne peuvent être monétisés et ne constituent ni des bons d'achat ni des chèques-cadeaux susceptibles d'être remboursés, s'agissant de points qui restent la propriété de la société ; enfin, la conversion opérée par M. X. à partir des miles Air France/KLM est maximaliste et son calcul est erroné, seule pouvant être éventuellement indemnisable une économie générée par cette conversion à hauteur d'une somme de 12.000 euros, compte tenu du prix des billets obtenus déduction faite des frais d'émission et des taxes d'aéroport ;
à titre infiniment subsidiaire, la société American Express est disposée à exécuter son obligation de délivrance des 'primes', la demande de dommages et intérêts de M. X. devenant dès lors sans pertinence, le préjudice moral réclamé ne découlant pas de la perte des points mais de celle des cartes, sujet dont la cour n'est pas saisie.
M. X., en l'état de ses dernières écritures signifiées le 2 septembre 2014, conclut au rejet de l'appel interjeté par la société American Express et à la confirmation du jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions.
Subsidiairement, il réclame, si la cour estimait devoir retenir l'offre faite par l'appelante d'exécuter son obligation de délivrance des « primes » commandées, de lui ordonner de délivrer au concluant deux nouvelles cartes Platinum et Centurion sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par carte, à compter de la date de signification de l'arrêt à intervenir et qu'il pourra réaliser la conversion de ses points « Membership rewards » sans limite de temps, outre la condamnation de la société American Express à lui verser une somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts.
Il sollicite également l'allocation d'une somme de 8.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il présente les moyens et observations suivantes :
Il n'a jamais été destinataire des conditions générales du programme « Membership rewards » et les demandes d'adhésion aux cartes Platinum et Centurion n'y font aucune référence ; ces conditions générales ne lui sont pas opposables dès lors qu'elles n'ont pas été portées à sa connaissance et qu'il ne les a pas acceptées, au plus tard au moment de la formation du contrat, et c'est à celui qui invoque l'application des clauses de rapporter cette preuve, ce que ne fait pas la société American Express en l'espèce ; à supposer qu'il ait eu connaissance de ces conditions générales, il n'est pas établi qu'il les aurait acceptées ; l'absence de contestation des relevés mensuels ne peut valoir acceptation expresse des mentions qui y figurent, lesquelles au demeurant ne font pas état de la perte totale des points en cas d'annulation de la carte mais seulement de la perte des points nouvellement acquis à défaut de paiement du relevé mensuel ;
la rupture des relations contractuelles par la société American Express est abusive car il n'a pas commis de manquement à ses obligations contractuelles au mois d'octobre 2007 susceptible de justifier la résiliation des contrats de carte de crédit ; il est en effet avéré que son compte était redevenu créditeur en juillet 2007 et la cour d'appel de Versailles ne pouvait pas fonder la résiliation, comme elle l'a fait, sur des éléments postérieurs à celle-ci (solde débiteur en novembre et décembre 2007 et en janvier 2008) ; en outre, la clause résolutoire a été mise en jeu de mauvaise foi contre lui par la société American Express qui ne l'a jamais mis en demeure de régulariser sa situation et a procédé à l'annulation des cartes sans avertissement préalable au motif d'incidents de paiement dus à un changement de domiciliation bancaire enregistré avec retard ;
les clauses de l'article 4 des conditions générales du programme « Membership rewards » et l'article 7 des conditions de la carte Centurion sont abusives au sens des articles L. 132-1 et R. 132-1 et R. 132-2 du code de la consommation dès lors qu'elles prévoient la perte des points de fidélité du fait de la possibilité d'annulation donnée de manière discrétionnaire à la société American Express, à tout moment et sans motivation ;
contrairement à ce que soutient la société American Express, les deux questions relatives à la rupture abusive de la résiliation et au caractère abusif des clauses sont soumises à la cour de renvoi dès lors que la Cour de cassation a cassé l'arrêt de Versailles dans toutes ses dispositions, de sorte qu'il est recevable à invoquer des moyens nouveaux pour justifier ses prétentions ;
il a subi un triple préjudice : un préjudice moral consécutif à la rupture abusive des relations contractuelles, un préjudice matériel dommages et intérêts à l'annulation de ses cartes bancaires et un préjudice lié à la perte des points de fidélité qui peut être évalué par référence à la conversion de ces points en billets aller-retour vers l'Amérique du nord.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 25 septembre 2014.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Considérant que la Cour de cassation a cassé et annulé la décision de la cour d'appel de Versailles en toutes ses dispositions et renvoyé les parties devant la cour d'appel de Paris dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant cet arrêt, de sorte que la cour de renvoi est saisie de l'entier litige et qu'il ne peut être tiré argument par la société American Express du fait que la Cour de cassation n'a pas statué sur les autres moyens du pourvoi dont elle était saisie portant sur les motifs et les conditions de la résiliation unilatérale des contrats de carte de paiement et ne s'est pas prononcée sur la question du caractère abusif des clauses allégué par M. X. qui ne lui avait pas été soumise ;
Que la cour se prononcera donc sur les demandes présentées par M. X. en examinant les différents moyens utiles à leur soutien et portant sur l'opposabilité au demandeur des clauses du programme de fidélité « Membership rewards », sur la résiliation des cartes de paiement à l'origine de la suppression des points de fidélité pour laquelle le demandeur présente une demande d'indemnisation et, le cas échéant, sur le caractère abusif des clauses contenues à l'article 4 des conditions du programme « Membership rewards » et à l'article 7 des conditions générales des cartes de paiement s'il devait en être fait application ;
Considérant que M. X. est client de la société American Express depuis 1986 et a souscrit une carte « Platinum » le 27 avril 1999 et une carte « Centurion » le 5 mai 2005 ; que lors de la souscription de ces deux cartes, il a déclaré avoir pris connaissance des conditions générales d'utilisation de celles-ci figurant au verso du formulaire ;
Que, suite à des incidents de paiement survenus entre février et mai 2007, la société American Express a procédé, en octobre 2007, à l'annulation des deux cartes et à l'annulation des points de fidélité attachés à celles-ci (1.388.340 points sur la carte « Platinum » et 748.622 points sur la carte « Centurion ») ; qu'elle a envoyé à M. X. des relevés de son compte « Centurion » en décembre 2007 et février 2008 mentionnant un solde débiteur, suivis, le 13 mai 2008, d'une mise en demeure en vue de recouvrer le paiement d'une somme de 2.490,24 euros lui restant due ;
Que dès le 12 octobre 2007, M. X. a écrit à la société American Express, indiquant ignorer la raison de l'annulation de ses deux cartes de paiement, contestant l'annulation des points « Membership rewards » et réclamant leur rétablissement ; qu'il lui a alors été répondu que ses cartes avaient fait l'objet de quatre rejets successifs et qu'en application de l'article 4 des conditions générales « Membership rewards », « si une carte American Express au moins est annulée du fait d'American Express, le compte Membership Rewards du titulaire sera annulé et les Points Memberships Rewards perdus, même s'il reste au moins une carte American Express non annulée sur le compte Membership Rewards. » ;
Considérant que M. X. conteste l'opposabilité de cet article 4, soutenant que les conditions générales du programme « Membership rewards » n'ont jamais été portées à sa connaissance et qu'il ne les a jamais acceptées ;
Qu'il n'est pas contesté que seules les conditions générales d'utilisation des cartes ont fait l'objet de la mention par M. X., lors de la souscription des cartes « Platinum » et « Centurion », de leur connaissance et de leur acceptation ;
Que la société American Express n'établit pas que M. X. aurait eu connaissance des conditions générales de fonctionnement du programme de fidélité « Membership rewards » lors de la conclusion des contrats de cartes de paiement ;
Que c'est en vain qu'elle prétend que la clause litigieuse ressortant de l'article 4 et relative à la perte des points « Membership rewards » avait été portée à la connaissance de M. X. au travers des relevés mensuels de points reçus et non contestés par l'intéressé ; qu'en effet, la cour observe que ces relevés mentionnent : « les nouveaux points Membership rewards inscrits sur votre compte ont été calculés en prenant en compte les dépenses que vous avez effectuées avec la carte American Express pendant la période indiquée ci-dessus, sur la base de 1 euro = 1,5 points. Ils vous sont acquis sous réserve du paiement de votre relevé mensuel et conformément aux conditions générales. », ce qui ne correspond aucunement au contenu de l'article 4 puisqu'il s'agit ici uniquement d'avertir le client du risque de perte des nouveaux points acquis au cours du mois en cas de non-paiement des achats effectués pendant cette période et non du risque de perdre tous les points accumulés sur toutes ses cartes ; qu'au demeurant, n'entrent dans le champ contractuel que les conditions générales qui ont été connues et acceptées au moment de la conclusion du contrat ou de l'adhésion et que la société American Express ne peut tirer d'informations données à M. X. sur le fonctionnement du programme de fidélité postérieurement à son adhésion la preuve de leur opposabilité, à défaut pour elle d'établir qu'il les aurait, postérieurement à cette adhésion, expressément acceptées ;
Que l'article 4 du programme « Membership rewards » doit donc être déclaré inopposable à M. X. ce qui prive de tout intérêt la question du caractère abusif des clauses qu'il contient ;
Considérant que la société American Express ne peut pas sérieusement soutenir que l'inopposabilité des clauses du programme « Membership rewards » devrait priver totalement M. X. du bénéfice de ce programme, dès lors qu'elle a attribué des points à son client et qu'elle ne peut l'en priver sans porter atteinte aux droits qu'elle lui a consentis ;
Considérant que la société American Express soutient qu'à supposer l'article 4 du programme « Membership rewards » inopposable à M. X., l'annulation des deux cartes de paiement conduirait nécessairement à l'annulation des points de fidélité, au motif qu'ils sont attachés aux cartes et ne sont que l'accessoire des contrats de carte ;
Que cet argument renvoie à examiner les conditions dans lesquelles les contrats des cartes « Platinum » et « Centurion » ont été annulés par la société American Express, conditions qui avaient déjà été discutées par M. X. devant le tribunal ;
Que, dans ses écritures devant la cour, la société American Express justifie l'annulation par elle des deux cartes en rappelant que les prélèvements opérés pour les achats effectués par M. X. ont été rejetés pour des montants de 24.121,95 euros et 2.200,71 euros aux mois de février et mai 2007 pour la carte « Platinum » et pour des montants de 37.191,85 euros, 14,48 euros et 614,51 euros aux mois de mars, avril et mai 2007 pour la carte « Centurion » ; qu'elle indique que la situation n'aurait pas été régularisée immédiatement et que les relevés de décembre 2007 et février 2008 mentionnent d'ailleurs des soldes débiteurs ;
Mais que M. X. fait justement observer qu'il appartenait à la société American Express, si elle entendait mettre en œuvre son droit de résiliation unilatérale pour manquement de son cocontractant à ses obligations, de mettre préalablement son débiteur en demeure de se conformer à ses obligations et de régulariser la situation, ce qui n'a pas été fait ; qu'il convient en conséquence de considérer que la rupture unilatérale des relations contractuelles a été opérée de mauvaise foi et que la société American Express ne peut se prévaloir de cette résiliation pour justifier l'annulation des points de fidélité de M. X. ;
Considérant que M. X. était titulaire de 1.388.340 points sur la carte « Platinum » et 748.622 points sur la carte « Centurion » ; qu'il n'est pas discuté que ces points ne sont pas monétisables et qu'ils ne peuvent donner lieu, comme des chèques cadeaux, à des remboursements ; mais qu'il est constant qu'ils ont pour vocation d'offrir à leur titulaire la possibilité de bénéficier, sous forme de « primes » sollicitées par le client au travers de la conversion des points de fidélité, de divers avantages, objets ou prestations qui, eux, ont une valeur économique ;
Que la société American Express ne peut soutenir sérieusement que M. X. n'aurait pas de préjudice indemnisable au motif qu'il ne lui a pas demandé la livraison des « primes » liées à ses points, alors que c'est la suppression des points qui a privé celui-ci de la possibilité de les utiliser en en sollicitant la conversion ; qu'il doit au contraire être retenu que M. X. a subi un préjudice tenant à l'impossibilité pour lui de bénéficier des avantages attachés aux points qu'il avait accumulés depuis des années et dont il aurait pu profiter si la société American Express ne les avait pas abusivement annulés ;
Que le demandeur opère une évaluation de son préjudice en procédant à une conversion de ses points sur la base des miles Air France/KLM et au calcul de la valorisation de ces miles sur la base du prix d'un billet d'avion aller- retour vers l'Amérique du Nord ; mais que cette évaluation ne peut être retenue, la société American Express faisant justement observer que les prestations offertes dans le cadre de la conversion des points ne sont pas toutes d'égale valeur dans le commerce ; que par ailleurs, M. X. ne justifie pas des modalités de conversion des points qu'il utilise et fait reposer ses calculs sur des bases très imprécises, le prix d'un aller-retour Air France variant très sensiblement en fonction des dates de commande et de voyage ;
Qu'eu égard à l'importance des avantages susceptibles d'être procurés en contrepartie des points accumulés sur ses deux cartes et compte tenu du préjudice résultant de l'annulation abusive et sans préavis des contrats des cartes « Platinum » et « Centurion », il convient d'évaluer l'entier préjudice subi par M. X. à 40.000 euros et de condamner la société American Express à lui verser cette somme à titre de dommages et intérêts ;
Vu les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Vu l'article 696 du code de procédure civile,
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
Statuant publiquement, contradictoirement,
Sur renvoi de la Cour de cassation,
Confirme le jugement du tribunal de grande instance de Nanterre en toutes ses dispositions, sauf à fixer à la somme de 40.000 euros le montant de l'indemnisation due par la société American Express à M. X. en réparation du préjudice résultant de la perte de ses points de fidélité du programme « Membership rewards » et de l'annulation de ses cartes « Platinum » et « Centurion » ;
Y ajoutant,
Condamne la société American Express à payer à M. X. une somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
La condamne aux dépens d'appel lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 5732 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Voies de recours - Cassation
- 5985 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Ordre logique des sanctions - Présentation générale
- 6085 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Présentation générale
- 6086 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Clauses inconnues du consommateur
- 6089 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions ne figurant pas sur l’écrit signé par le consommateur
- 6615 - Code de la consommation - Présentation par contrat - Banque - Instruments et services de paiement - Carte bancaire