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CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 21 septembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 21 septembre 2015
Pays : France
Juridiction : Colmar (CA), 3 ch. civ. sect. A
Demande : 14/05109
Décision : 15/0926
Date : 21/09/2015
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 20/10/2014
Numéro de la décision : 926
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5327

CA COLMAR (3e ch. civ. sect. A), 21 septembre 2015 : RG n° 14/05109 ; arrêt n° 15/0926

Publication : Jurica

 

Extrait : « La loi du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde, qui a institué de nouvelles règles en matière de crédit à la consommation, a prévu son application aux contrats de crédit renouvelable en cours au moment de son entrée en vigueur le 1er mai 2011, lors de leur premier renouvellement suivant cette date. En l'espèce, le contrat souscrit par Mme Y., ayant fait l'objet de l'avenant du 30 décembre 2008, se renouvelait annuellement, sauf refus de la part de l'emprunteur, par tacite reconduction à sa date anniversaire. Il s'est en conséquence trouvé soumis à la loi susvisée à compter du 30 décembre 2011. C'est donc au regard des règles posées par la nouvelle loi qu'il appartenait au premier juge d'analyser sa conformité au droit.

Cette loi ne prévoit plus de modèle-type de contrat et il importe donc peu de savoir si le contrat litigieux, qui est le contrat renouvelé et non le contrat initial, était conforme ou non au modèle qui était en vigueur le 30 décembre 2008. Il ne peut dès lors être retenu, comme l'a fait la décision entreprise, que l'existence d'une clause considérée comme abusive car créant un déséquilibre significatif entre les parties était une irrégularité de forme sanctionnée par la déchéance du droit à intérêts précisément à raison de cette non-conformité au modèle-type.

Au demeurant, la clause retenue comme abusive pour ce motif ne pouvait être considérée comme désavantageant l'emprunteur, dès lors qu'elle ne prévoyait qu'une possibilité pour le prêteur de suspendre l'utilisation du crédit - et non de résilier le contrat - et ce, de manière non automatique dans des hypothèses manifestant soit la volonté de l'emprunteur de ne plus y recourir (non-utilisation du crédit pendant plus d'un an), soit un risque d'insolvabilité ou une possible situation de surendettement, qu'il est dans son intérêt de ne pas aggraver (fourniture de renseignements inexacts, inscription au FICP, interdiction d'émettre des chèques).

Le jugement entrepris doit être infirmé pour qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit à intérêts pour vice de forme du contrat. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D'APPEL DE COLMAR

TROISIÈME CHAMBRE CIVILE SECTION A

ARRÊT DU 21 SEPTEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/05109. Arrêt n° 15/0926. Décision déférée à la cour : jugement rendu le 3 octobre 2014 par le tribunal d'instance de STRASBOURG

 

APPELANTE :

SA COFINOGA

ayant son siège social [adresse] ; Représentée par Maître Grégoire FAURE, avocat au barreau de STRASBOURG

 

INTIMÉE :

Madame Y. épouse X.

demeurant [adresse] ; Non représentée

 

COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 8 juin 2015, en audience publique, devant la cour composée de : M. POLLET, Président de chambre, Mme WOLF, Conseiller, Mme FABREGUETTES, Conseiller, qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : M. UTTARD

ARRÊT : par défaut, prononcé publiquement après prorogation du 14 septembre 2015 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, signé par M. Bernard POLLET, président et M. Christian UTTARD, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Mme Y., épouse X., a souscrit le 8 septembre 2008 auprès de la SA Laser Cofinoga une offre préalable d'ouverture de crédit renouvelable utilisable par fractions, d'un montant maximum de 6.000 euros. Un avenant en date du 30 décembre 2008 a porté ce maximum à 9.000 euros.

La première échéance impayée de ce prêt non régularisée remonte à juin 2013. La SA Cofinoga a prononcé la déchéance du terme le 12 janvier 2014, puis a assigné Mme Y. devant le tribunal d'instance de Strasbourg pour demander la condamnation de la débitrice à lui payer :

- un solde en principal de 10.331,58 euros, assorti des intérêts au taux conventionnel de 9,84 % l'an à compter de cette date,

- un montant de 531,98 euros au titre de l'indemnité conventionnelle, avec les intérêts au taux légal à compter de la même date,

- une somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Lors de l'audience, le tribunal a soulevé d'office le caractère aggravant de certaines conditions de l'offre de prêt et leur non-conformité par rapport au modèle-type, avec la déchéance du droit à intérêts qui pourrait en résulter, puis, par jugement en date du 3 octobre 2014, il a prononcé cette déchéance, réduisant la créance de la SA Laser Cofinoga au montant de 2.341,52 euros, qu'il a assorti des intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2014.

Il a débouté la SA Laser Cofinoga de sa demande au titre de l'indemnité conventionnelle et a condamné Mme Y. aux dépens et à payer 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a retenu l'existence d'un déséquilibre significatif entre les partie résultant de ce que le contrat prévoyait des hypothèses de suspension du prêt pour des motifs autres - l'inscription au FICP, l'interdiction d'émettre des chèques - que la seule défaillance de l'emprunteur prévue au modèle-type.

 

La SA Laser Cofinoga a interjeté appel le 20 octobre 2014 et, par conclusions déposées le 24 octobre 2014, elle demande l'infirmation de ce jugement et reprend sa demande initiale, en portant le montant réclamé au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 1.700 euros.

Elle fait principalement valoir que le contrat a été renouvelé pour la dernière fois en décembre 2013 et qu'il est donc soumis à la loi Lagarde, qui n'exige plus sa conformité à un modèle-type, qu'en tout état de cause, il ne contrevenait pas à ce modèle en prévoyant des causes de suspension édictées dans l'intérêt du débiteur, pour lui éviter un endettement excessif, enfin que la notion de déséquilibre significatif ne s'applique qu'aux clauses abusives réputées non écrites et n'entraîne pas de déchéance du droit à intérêts.

Mme Y., épouse X., régulièrement assignée par dépôt de l'acte à étude d'huissier, n'a pas constitué avocat.

Compte tenu du mode de citation, il sera statué par défaut à son égard.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

La loi du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde, qui a institué de nouvelles règles en matière de crédit à la consommation, a prévu son application aux contrats de crédit renouvelable en cours au moment de son entrée en vigueur le 1er mai 2011, lors de leur premier renouvellement suivant cette date.

En l'espèce, le contrat souscrit par Mme Y., ayant fait l'objet de l'avenant du 30 décembre 2008, se renouvelait annuellement, sauf refus de la part de l'emprunteur, par tacite reconduction à sa date anniversaire. Il s'est en conséquence trouvé soumis à la loi susvisée à compter du 30 décembre 2011.

C'est donc au regard des règles posées par la nouvelle loi qu'il appartenait au premier juge d'analyser sa conformité au droit.

Cette loi ne prévoit plus de modèle-type de contrat et il importe donc peu de savoir si le contrat litigieux, qui est le contrat renouvelé et non le contrat initial, était conforme ou non au modèle qui était en vigueur le 30 décembre 2008.

Il ne peut dès lors être retenu, comme l'a fait la décision entreprise, que l'existence d'une clause considérée comme abusive car créant un déséquilibre significatif entre les parties était une irrégularité de forme sanctionnée par la déchéance du droit à intérêts précisément à raison de cette non-conformité au modèle-type.

Au demeurant, la clause retenue comme abusive pour ce motif ne pouvait être considérée comme désavantageant l'emprunteur, dès lors qu'elle ne prévoyait qu'une possibilité pour le prêteur de suspendre l'utilisation du crédit - et non de résilier le contrat - et ce, de manière non automatique dans des hypothèses manifestant soit la volonté de l'emprunteur de ne plus y recourir (non-utilisation du crédit pendant plus d'un an), soit un risque d'insolvabilité ou une possible situation de surendettement, qu'il est dans son intérêt de ne pas aggraver (fourniture de renseignements inexacts, inscription au FICP, interdiction d'émettre des chèques).

Le jugement entrepris doit être infirmé pour qu'il soit dit qu'il n'y a pas lieu à déchéance du droit à intérêts pour vice de forme du contrat.

S'agissant alors de la créance de la SA Laser Cofinoga, elle doit être fixée, au regard de l'historique du prêt et du décompte arrêté au 12 mars 2014, au montant de : 898,45 (capital échu non réglé) + 661,42 (intérêts échus non réglés) + 8 077,27 (capital à échoir) + 505,06 (frais d'assurances) = 10.142,20 euros, assorti des intérêts au taux conventionnel de 9,84 % l'an à compter du 13 mars 2014.

Il n'y a pas lieu à application d'indemnités de retard, ni d'intérêts de retard pour une période non précisée, et la cour estime justifié de réduire l'indemnité conventionnelle de 8 % du capital restant dû au montant de 200 euros, s'agissant d'une clause pénale manifestement excessive au regard de l'important taux d'intérêts appliqué au prêt, qui pénalise déjà l'emprunteur.

Cette indemnité sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Mme Y., qui succombe, supportera les dépens de première instance et d'appel.

L'équité n'impose pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par défaut, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement entrepris et, statuant à nouveau ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à déchéance du droit à intérêts pour vice de forme du contrat ;

CONDAMNE Mme Y., épouse X., à payer à la SA Laser Cofinoga les sommes de :

- 10.142,20 euros (dix mille cent quarante-deux euros vingt centimes), avec les intérêts au taux conventionnel de 9,84 % l'an à compter du 13 mars 2014,

- 200 euros (deux cents euros) à titre d'indemnité conventionnelle, avec les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

CONDAMNE Mme Y., épouse X., aux dépens de première instance et d'appel ;

DIT N'Y AVOIR LIEU à application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier                 Le président de chambre