CA AGEN (1re ch.), 26 juin 1995
CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 542
CA AGEN (1re ch.), 26 juin 1995 : RG n° 94/000706 ; arrêt n° 642
Publication : Juris-Data n° 045155
Extrait : « M. X., cafetier, n'était pas un professionnel des appareils vidéo. Sa profession, si elle lui donne à l'évidence une compétence dans le domaine de la distribution de boisson, ne lui fournissait aucune compétence au regard de l'acquisition de matériel vidéo, alors qu'un tel matériel ne constitue pas un élément indispensable ou nécessaire à l'exploitation d'un fond de commerce de café, et qu'il n'est ni démontré, ni prétendu, qu'il ait été destiné à étendre le champ des activités professionnelles de M. X. Dès lors celui ci se trouvait, en ce qui concerne cette opération dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur. »
COUR D’APPEL D’AGEN
PREMIÈRE CHAMBRE
ARRÊT DU 26 JUIN 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 94000706. Arrêt n° 642.
Prononcé à l'audience publique du vingt six juin mil neuf cent quatre vingt quinze par Mme COLENO Conseiller rapporteur.
LA COUR D'APPEL D'AGEN, Première Chambre dans l'affaire :
ENTRE :
Madame X.
AYANT : Maître BURG Jean Michel Avoué, Maître LARROQUE Avocat
APPELANT d'un Jugement du TRIBUNAL DE COMMERCE de CAHORS en date du 05 octobre 1993, d'une part
ET :
SNC LOCAFINANCE Société en Nom Collectif
prise en la personne de son représentant légal demeurant [adresse], AYANT : la SCP NARRAN Avoués, la SCP FAUGERE-MESSERSCHMITT Avocats
INTIMÉE, d'autre part,
[minute page 2] a rendu l'arrêt contradictoire suivant après que la cause ait été débattue et plaidée en audience publique sans opposition des parties le 29 mai 1995 devant Mme COLENO Conseiller tenant seul l'audience, par application des articles 945-1 et 786 du nouveau code de procédure civile, à charge d'en rendre compte dans le délibéré à la Cour composée outre elle-même de M. FOURCHERAUD Président, Mme GIROT Conseiller, assistés de M. ZAMBONI AA faisant fonctions de Greffier lors des débats et de B. REGERT-CHAUVET Greffier, lors du délibéré, et après qu'il en ait été délibéré par les magistrats du siège ci-dessus nommés les parties ayant été avisées de la date à laquelle l'arrêt serait rendu.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par jugement réputé contradictoire du 5 octobre 1993, le Tribunal de commerce de Cahors a condamné M. X. à payer à la SNC Locafinance pour solde d'un contrat de location de matériel vidéo souscrit le 24 décembre 1990 les sommes suivantes :
* 43.588,50 francs avec intérêts au taux majoré à compter du 20 décembre 1990,
* 103.476,91 francs TTC représentant l'indemnité de résiliation avec intérêts au taux contractuel majoré à compter du 6 février 1992,
* les dépens.
Madame X. a relevé appel de la décision en sa qualité d'héritière de Monsieur X. son époux décédé.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme X. conclut à titre principal à l'infirmation de la décision, et demande à la Cour d'annuler le contrat et de condamner la société Locafinance à lui payer 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Elle soutient que le contrat est nul par application des dispositions de la loi du 22 décembre 1972, faute d'avoir comporté un délai de rétractation.
Elle conteste au surplus le décompte établi par la société Locafinance, et soutient que la clause contractuelle prévoyant l'indemnité de résiliation à hauteur de l'intégralité des loyers restant dus, est abusive et injustifiée, puisqu'elle ne tient pas compte du produit de la vente du matériel repris.
[minute page 3] La société Locafinance conclut à titre principal à l'irrecevabilité de l'appel de Mme X., au motif que celle-ci n'aurait pas la qualité d'héritière de son mari.
Au fond, elle soutient que le contrat litigieux, souscrit pour les besoins de la profession de M. X., échappe aux dispositions de la loi de 1972.
Elle conclut à la condamnation de Mme X. es qualité à lui payer pour solde du contrat 92.030,14 francs outre intérêts au taux contractuel majoré à compter du 6 février 1992, date de la mise en demeure, et 5.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS DE LA DÉCISION
1° Sur la qualité à agir de Mme X.
Par application de l'article 724 du code civil, le conjoint survivant est saisi de plein droit des biens droits et actions du défunt sous l'obligation d'acquitter toutes les charges de la succession.
Dès lors, Mme X., a qualité pour poursuivre l'instance introduite par son époux décédé, et pour dans ce cadre relever appel.
Son appel sera donc déclaré recevable.
2° Sur la validité du contrat
Le contrat souscrit le 14 décembre 1990 porte sur la location pour une durée de 48 mois d'un appareil Juke-Box + vidéo et deux moniteurs, destinés au Commerce « Café […] », exploité par M. X.
La loi du 22 décembre 1972, modifié par la loi du 31 décembre 1989 est inapplicable aux opérations de vente ou de location qui ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle commerciale ou artisanale.
M. X., cafetier, n'était pas un professionnel des appareils vidéo. Sa profession, si elle lui donne à l'évidence une compétence dans le domaine de la distribution de boisson, ne lui fournissait aucune compétence au regard de l'acquisition de matériel vidéo, alors qu'un tel matériel ne constitue pas un élément indispensable ou nécessaire à l'exploitation d'un fond de commerce de café, et qu'il n'est ni démontré, ni prétendu, qu'il ait été destiné à étendre le champ des activités professionnelles de M. X.
Dès lors celui ci se trouvait, en ce qui concerne cette opération dans le même état d'ignorance que n'importe quel autre consommateur.
[minute page 4] Les dispositions de la loi de 1972 restaient donc applicables à l'opération litigieuse.
La nullité édictée par l'article 2 de la loi de 1972 pour l'omission de la faculté de rétractation est donc encourue, et sera prononcée.
La décision déférée sera donc infirmée.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
La Cour
Reçoit l'appel de Mme X.
Infirme la décision déférée,
Statuant à nouveau,
Annule le contrat de location souscrit le 14 décembre 1990 et portant sur 1a location d'un appareil Juke-Box Vidéo et moniteurs,
Déboute la société Locafrance [lire sans doute Locafinance] de ses demandes en paiement,
Rejette la demande de Mme X. fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
Condamne la société Locafrance [lire sans doute Locafinance] aux dépens de première instance et d'appel, avec application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile au bénéfice de Maître Burg, Avoué.
- 5885 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Clauses abusives - Critères combinés : rapport direct et compétence
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- 5918 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus en vue d’une activité - Adjonction d’une activité supplémentaire : autres matériels à destination de la clientèle