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CA VERSAILLES (14e ch.), 19 novembre 2015

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (14e ch.), 19 novembre 2015
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 14e ch.
Demande : 14/07307
Date : 19/11/2015
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5432

CA VERSAILLES (14e ch.), 19 novembre 2015 : RG n° 14/07307

Publication : Jurica

 

Extrait : « L'appelante se prévaut encore du déséquilibre significatif des contrats qui prévoient tout à la fois une absence totale de responsabilité du bailleur quelle que soit la cause du manquement constaté, alors même qu'initialement, bailleur et fournisseur ne faisaient qu'un, et l'impossibilité pour le locataire de se prévaloir de défauts relatifs aux matériels, qu'ils soient décelables ou cachés, le locataire étant tenu de manière irrévocable au paiement des loyers jusqu'au terme normal du bail ou à verser une somme égale au montant de la facture d'origine acquittée au bailleur sans déduction des loyers déjà versés.

Elle se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce qui institue une protection entre professionnels comparable à celle prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation pour les consommateurs et dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Ainsi que le souligne l'intimée, si la société locataire a renoncé à tout recours contre le bailleur financier conformément aux dispositions prévues à l'article 7 des conditions générales de location, elle conserve la possibilité d'agir contre le fournisseur au titre des dysfonctionnements allégués et de la garantie du matériel, étant rappelé que ces matériels ont été intégralement payés par la société GE Capital équipement finance et mis à disposition de la société Koodeta.

Le caractère sérieux de la contestation tirée du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties n'est pas démontré, alors même que la société Koodeta a signé les deux contrats de location dont les conditions générales figurent au verso des documents et dont elle ne soutient pas n'en avoir pas eu connaissance. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE ROUEN

QUATORZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 19 NOVEMBRE 2015

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. N° 14/07307. Code nac : 59B. Contradictoire. Décision déférée à la cour : ordonnance rendue le 11 septembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE : RG n° 2014R00940.

LE DIX NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE, La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SARL KOODETA

agissant poursuites et diligences de son gérant domicilié en cette qualité audit siège, Représentée par Maître Stéphane CHOUTEAU de l'ASSOCIATION AVOCALYS, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 620 - N° du dossier 001970, assistée de Maître Frédéric DUMAS, avocat

 

INTIMÉE :

SAS GE CAPITAL EQUIPEMENT FINANCE

agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège, N° SIRET : XXX Représentée par Maître Bertrand LISSARRAGUE de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire 625 - N° du dossier 1453804, assistée de Maître Mathieu BOLLENGIER-STRAGIER, avocat au barreau de PARIS

 

Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 5 octobre 2015 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Jean-Michel SOMMER, président, Madame Véronique CATRY, conseiller, Madame Maïté GRISON-PASCAIL, conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Agnès MARIE,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Koodeta a conclu deux contrats de location longue durée auprès de la société Anaveo :

- le 19 avril 2013 pour la fourniture d'un système de vidéo-surveillance moyennant le paiement de 60 loyers mensuels de 120,07 euros hors taxes, soit 144,08 euros TTC,

- le 24 juillet 2013 pour la fourniture d'un système d'alarme moyennant le paiement de 60 mensualités de 59,18 euros hors taxes, soit 71,02 euros TTC.

La société GE Capital équipement est venue aux droits de la société Anaveo conformément aux conditions générales des contrats.

Les loyers n'étant pas payés régulièrement, et après une mise en demeure restée infructueuse, la société GE Capital équipement a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Nanterre, lequel, par ordonnance du 11 septembre 2014, a :

- constaté la résiliation des deux contrats aux torts et griefs de la société Koodeta,

- condamné la société Koodeta à restituer les matériels dans les 8 jours de la signification de l'ordonnance, et passé ce délai, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, se réservant la liquidation éventuelle de l'astreinte fixée,

- condamné la société Koodeta à payer à la société GE Capital équipement :

* au titre du contrat n° M 08XX01, la somme totale de 7.290,61 euros avec intérêts de droit à compter de la réception de la mise en demeure, soit le 9 mai 2014,

* au titre du contrat n° M 082YY901, la somme totale de 3.827,78 euros avec intérêts de droit à compter de la réception de la mise en demeure, soit le 9 mai 2014,

- condamné la société Koodeta à payer à la société GE Capital équipement une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux dépens comprenant les frais d'exécution laissés à la charge du créancier par l'article 10 du décret du 8 mars 2001.

La société Koodeta a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions du 8 janvier 2015, elle demande à la cour de réformer l'ordonnance en toutes ses dispositions, de dire que les demandes de la société GE Capital équipement se heurtent à une contestation sérieuse et de la débouter de ses prétentions, à titre subsidiaire, de réduire à néant les indemnités contractuelles prévues au titre des loyers à échoir exigibles et les pénalités contractuelles encourues, en tout état de cause, de dire n'y avoir lieu à mettre à la charge du débiteur les frais de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, de condamner l'intimée au paiement d'une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.

La société Koodeta fait valoir essentiellement qu'elle a cédé au discours commercial d'un représentant de la société Anaveo et reçu des matériels qui ne fonctionnent pas, ce qui l'a conduite à cesser des régler les loyers, qu'elle a découvert par la suite la cession du contrat de bail au bénéfice de la société GE Capital équipement et a offert de restituer les matériels sans succès.

L'appelante entend opposer aux demandes de la société GE Capital équipement des contestations sérieuses tenant notamment à l'absence de procès-verbal de réception en bonne et due forme garantissant la livraison du matériel et son bon fonctionnement, du déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, les conditions des contrats interdisant au locataire d'opposer une exception d'inexécution. Elle conclut subsidiairement à une réduction des clauses pénales en vertu de l'article 1152 du code civil.

Par conclusions du 6 mars 2015, la société GE Capital équipement finance sollicite de la cour qu'elle confirme l'ordonnance et condamne la société Koodeta à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La société intimée conteste les arguments invoqués par la société Koodeta, souligne qu'il existe une contradiction à prétendre que les matériels sont défectueux et se prévaloir d'un éventuel défaut de livraison, et elle fait valoir que le contrat de location n'est pas déséquilibré au sens des dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce puisque la locataire dispose d'un recours direct contre son fournisseur en contrepartie de la clause exonératoire de responsabilité du bailleur.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                   (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS DE LA DÉCISION :

I - Sur la résiliation des contrats :

Pour s'opposer aux demandes de la société GE Capital équipement finance, la société Koodeta soutient tout d'abord qu'il ne peut être acquis de manière non sérieusement contestable que le matériel donné en location a bien été livré et en bon état de fonctionnement.

Les deux procès-verbaux de réception et de mise en service du matériel, datés respectivement des 11 et 17 juillet 2013, s'ils sont effectivement succincts en leur libellé, visent néanmoins les installations de vidéo surveillance et d'alarme prévues au titre des contrats de location souscrits par la société Koodeta et portent le tampon de la locataire ainsi que sa signature.

Il est mentionné que la locataire a réceptionné le matériel mis en service sans aucune réserve et en bon état de marche.

Il n'est donc pas sérieux pour la société locataire de venir soutenir a posteriori qu'elle n'a pas été destinataire des matériels donnés en location ou que ceux-ci ne fonctionnent pas « depuis le premier jour », alors que les loyers ont été payés conformément aux contrats souscrits et pendant une durée de six mois, sans que la société Koodeta n'invoque un quelconque dysfonctionnement ou une défaillance de son fournisseur, ou encore une livraison de matériels ne correspondant pas aux choix réalisés.

En effet, dans le courriel du 13 mai 2014 qu'elle a adressé à son bailleur, elle indique simplement que les matériels mis à sa disposition ne correspondent pas à ses besoins sans faire état de leur prétendu caractère défectueux.

L'imprécision des deux procès-verbaux de réception ne peut constituer, à la lumière de ces éléments, une contestation suffisamment sérieuse pour faire échec à la constatation de la résiliation des contrats de location.

L'appelante se prévaut encore du déséquilibre significatif des contrats qui prévoient tout à la fois une absence totale de responsabilité du bailleur quelle que soit la cause du manquement constaté, alors même qu'initialement, bailleur et fournisseur ne faisaient qu'un, et l'impossibilité pour le locataire de se prévaloir de défauts relatifs aux matériels, qu'ils soient décelables ou cachés, le locataire étant tenu de manière irrévocable au paiement des loyers jusqu'au terme normal du bail ou à verser une somme égale au montant de la facture d'origine acquittée au bailleur sans déduction des loyers déjà versés.

Elle se prévaut des dispositions de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce qui institue une protection entre professionnels comparable à celle prévue aux articles L. 132-1 et suivants du code de la consommation pour les consommateurs et dispose : « Engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers : (...) 2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».

Ainsi que le souligne l'intimée, si la société locataire a renoncé à tout recours contre le bailleur financier conformément aux dispositions prévues à l'article 7 des conditions générales de location, elle conserve la possibilité d'agir contre le fournisseur au titre des dysfonctionnements allégués et de la garantie du matériel, étant rappelé que ces matériels ont été intégralement payés par la société GE Capital équipement finance et mis à disposition de la société Koodeta.

Le caractère sérieux de la contestation tirée du déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties n'est pas démontré, alors même que la société Koodeta a signé les deux contrats de location dont les conditions générales figurent au verso des documents et dont elle ne soutient pas n'en avoir pas eu connaissance.

En conséquence, il peut être fait droit à la demande de constatation de la résiliation de plein droit des deux contrats pour défaut de paiement des loyers, conforme aux dispositions contractuelles (article 12), qui n'est d'ailleurs pas discutée par la locataire dans son subsidiaire.

L'ordonnance déférée sera donc confirmée de ce chef ainsi qu'au titre de la condamnation à restituer les matériels, objets des deux contrats qui ont été souscrits, conformément au dispositif ci-après.

 

II - Sur les provisions :

La société Koodeta critique le montant des provisions allouées à la société GE Capital équipement finance, considérant d'une part, que l'indemnité de résiliation égale au montant des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat révèle un déséquilibre significatif entre les parties, les contrats étant résiliés à moins d'un an sur une durée de location de cinq ans, et subsidiairement, revêt le caractère d'une clause pénale excessive qui doit être réduite à zéro, d'autre part, que la majoration de 10 % prévue à titre de clause pénale, à raison de son caractère excessif, doit également être réduite à zéro.

Le paiement d'une indemnité due au titre de la clause pénale n'est que l'exécution d'une clause librement acceptée qui vise à sanctionner le manquement d'une partie à ses obligations contractuelles.

Si le juge des référés ne peut modérer la clause pénale, il peut accorder une provision à valoir sur le montant non contestable de cette clause, qui n'a d'autre limite que le montant prévu au contrat.

En l'espèce, nonobstant les contestations émises par la société Koodeta, c'est à juste titre que le premier juge a alloué les sommes réclamées à titre provisionnel qui ne sont pas discutées en leur quantum et ne sont pas sérieusement contestables, correspondant très exactement aux dispositions contractuelles liant les parties.

L'ordonnance sera donc confirmée du chef des provisions allouées à la société GE Capital équipement finance.

 

III - Sur les autres demandes :

S'agissant de la contestation opposée par la société Koodeta sur l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par décret du 8 mars 2001 relatif au droit de recouvrement ou d'encaissement des huissiers de justice d'émoluments mis à la charge du créancier, la cour constate, d'une part, que le premier juge a décidé d'en imputer la charge au débiteur, alors même qu'aucune demande de la société créancière n'a été formulée à ce titre, d'autre part, que celle-ci ne motive pas en appel sa demande de confirmation de l'ordonnance de ce chef.

Il sera donc fait droit à la demande de l'appelante sur ce point.

L'équité commande enfin d'allouer à la société intimée la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Koodeta sera déboutée de sa prétention de ce chef et supportera les dépens d'appel.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME l'ordonnance rendue le 11 septembre 2014 sauf à modifier les modalités de l'astreinte assortissant la restitution des matériels et en ce qu'elle a mis à la charge de la société Koodeta les frais de l'article 10 du décret du 8 mars 2001,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DIT que la société Koodeta devra restituer les matériels, objets des contrats de location souscrits les 19 avril et 24 juillet 2013, dans un délai d'un mois suivant la signification du présent arrêt, et passé ce délai, sous astreinte de 20 euros (vingt euros) par jour de retard, l'astreinte ayant vocation à courir sur une période de quatre mois,

DIT n'y avoir lieu à mettre à la charge de la société Koodeta les sommes dues en vertu de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996 modifié par décret du 8 mars 2001,

CONDAMNE la société Koodeta à payer à la société GE Capital équipement finance la somme de 1.500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens seront supportés par la société Koodeta et pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Arrêt prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile signé par Monsieur Jean-Michel SOMMER, président et par Madame Agnès MARIE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                Le président,