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CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 6 avril 2006

Nature : Décision
Titre : CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 6 avril 2006
Pays : France
Juridiction : Amiens (CA), 1re ch. sect. 2
Demande : 05/00092
Date : 6/04/2006
Nature de la décision : Confirmation
Date de la demande : 7/01/2005
Numéro de la décision : 214
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CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 550

CA AMIENS (1re ch. 2e sect.), 6 avril 2006 : RG n° 05/00092 ; arrêt n° 214

Publication : Juris-Data n° 301483

 

Extraits : 1/ « Attendu que n'entrent pas dans le domaine de la loi sur les clauses abusives les contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle, étant précisé que le contrat qui n'a pas pour effet par lui-même de développer l'activité professionnelle du co-contractant n'entretient pas de rapport direct avec celle-ci ; Attendu que s'il est exact que Mme Y. a conclu le contrat de prestation de télésurveillance et celui pour la location du matériel de télésurveillance pour assurer la sécurité de son salon de coiffure, la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE ne démontre nullement que ces contrats, et notamment celui de location du matériel, ont eu pour effet par eux-mêmes de développer l'activité professionnelle du salon de coiffure, autrement dit d'accroître son potentiel commercial ; Qu'en conséquence, Mme Y. doit être considérée comme un consommateur, et non comme un professionnel, bénéficiant à ce titre des dispositions législatives précitées ».

2/ « Attendu que les clauses du contrat de location du matériel de télésurveillance qui prévoient une indépendance entre ce contrat et celui relatif à la prestation de télésurveillance elle-même, notamment les clauses n° 4 et 11, autrement dit l'exigibilité de la totalité des loyers jusqu'au terme de la durée du contrat de location (48 mois) malgré la résolution, la résiliation ou la suspension du contrat de prestation de télésurveillance pour une cause légitime, sont abusives, au sens de la recommandation n° 97-01 sur les contrats concernant la télésurveillance, dès lors qu'elles créent, au détriment de Mme Y., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de location en contraignant le locataire à payer des loyers pour un matériel de télésurveillance dont il ne bénéficie plus ; Attendu que la clause n° 4 du contrat de location de matériel de télésurveillance du 10 juillet 1997 doit donc être réputée non écrite ».

 

COUR D’APPEL D’AMIENS

PREMIÈRE CHAMBRE DEUXIÈME SECTION

ARRÊT DU 6 AVRIL 2006

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION                                      (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. : 05/000092. Arrêt n° 214. APPEL D'UN JUGEMENT DU TRIBUNAL D'INSTANCE DE SAINT-QUENTIN du 05 novembre 2004.

 

PARTIES EN CAUSE :

APPELANTE

SA ADT TÉLÉSURVEILLANCE

[adresse], Représentée par la SCP MILLON-PLATEAU, avoués à la Cour et ayant pour avocat Maître Alain NIZOU-LESAFFRE du barreau de LIMOGES

 

ET :

INTIMÉE

Madame X. épouse Y.

[adresse], Représentée par la SCP SELOSSE BOUVET ET ANDRE, avoués à la Cour et plaidant par Maître DUMOULIN, substituant Maître Stéphanie THUILLIER, avocats au barreau d'AMIENS

 

DÉBATS : A l'audience publique du 10 février 2006 devant M. FLORENTIN, Conseiller, magistrat rapporteur siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu de l'article 786 du nouveau Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 06 avril 2006.

GREFFIER : Mme HAMDANE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. FLORENTIN Conseiller en a rendu compte à la Cour composée de : [minute page 2] Mme SCHOENDOERFFER, Président, Mme DELON et M. FLORENTIN, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCÉ PUBLIQUEMENT : Le 06 avril 2006 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile ; Mme SCHOENDOERFFER, Président, a signé la minute avec Mme HAMDANE, Greffier.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                                                         (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

DÉCISION :

Vu le jugement réputé contradictoire rendu le 5 novembre 2004 par le tribunal d'instance de SAINT-QUENTIN ;

Vu l'appel formé le 7 janvier 2005 par la SA ADT TÉLÉSURVEILLANCE ;

Vu les conclusions déposées le 9 mai 2005 pour la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE ;

Vu les conclusions déposées le 18 octobre 2005 pour Mme X. épouse Y. ;

Vu l'ordonnance de clôture du 14 décembre 2005 ;

* * *

Suivant acte sous seing privé en date du 10 juillet 1997, Mme X. épouse Y., exploitant un salon de coiffure sous l'enseigne «HAIR DIFFUSION à SAINT-QUENTIN conclu avec la société CIPE FRANCE un contrat d'abonnement de télésurveillance avec option de prestation sécuritaire d'une durée de 48 mois, moyennant le versement de mensualités de 687,42 francs chacune (104,80 €), ayant pour objet « l'installation, la mise en service, la démonstration la maintenance du matériel de télésurveillance et du matériel de sécurisation éventuellement choisi, ainsi que la télésurveillance ».

Par acte sous seing privé du même jour, Mme Y. a souscrit un contrat de location du matériel de télésurveillance (une centrale-transmetteur téléphonique, un détecteur infra rouge radar-[minute page 3] microphone et deux microphones) « d'une durée fixe, indivisible et irrévocable de 48 mois » moyennant le versement de mensualités de 687,42 € chacune (104,80 €) avec « celle des sociétés suivantes BANQUE MONÉTAIRE ET FINANCIÈRE, COFILION, CRÉDIT DE L'EST, FIMACOM, FINEQ, LIONBAIL, LOCAM, PREFI, SAPAR LOCATION, SOCREA LOCATION, dénommée « le fournisseur qui acceptera ce contrat », étant précisé qu'en l'espèce le contrat a été conclu avec la société COFILION, absorbée ultérieurement par la société PREFI.

Mme Y. ayant cessé son activité commerciale le 30 septembre 1997 a indiqué par lettre du 1er décembre 1997 à la société FIRENT, chargée d'assurer la gestion des prélèvements mensuels pour le compte de la société COFILION, qu'elle résiliait son contrat.

Suivant lettre recommandée du 10 avril 2001 avec avis de réception, la société FIRENT a mis en demeure Mme Y. de payer la somme de 5.154,89 €, correspondant à 43 loyers mensuels restés impayés au titre du contrat de location du matériel de télésurveillance (du mois de novembre 1997 inclus au mois de juin 2001 inclus) et au montant d'une clause pénale contractuelle de 10 %.

Par assignation du 6 août 2004, la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE, venant aux droits de la PREFI elle-même venant aux droits de la société COFILION, a saisi le tribunal d'instance de SAINT-QUENTIN d'une demande à l'encontre de Mme Y. en paiement de la somme de 5.135,59 €, correspondant aux 43 mensualités impayées, à la clause pénale contractuelle de 10 % et aux frais de recouvrement, outre celle de 1.300 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par le jugement susvisé le tribunal a débouté la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE de ses demandes au motif qu'en application de l'article L. 132-1 du code de la consommation, l'article 4 du contrat de location du matériel obligeant le consommateur à continuer à payer les loyers pendant 48 mois alors même que le contrat de prestation de télésurveillance était suspendu, résolu ou résilié, constituait une clause abusive et que faute par la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE de produire le contrat de télésurveillance, celle-ci ne rapportait pas la preuve de l'obligation alléguée.

La société ADT TÉLÉSURVEILLANCE conclut à l'infirmation du jugement entrepris et demande à la cour de condamner Mme Y. à lui payer la somme de 5.135,58 €, avec intérêts au taux légal à compter du 10 avril 2001, date de la mise en demeure ; elle demande, en outre, la capitalisation des intérêts échus et sollicite la somme de 1.300 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle fait valoir que, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle n'a pas à produire le contrat de prestation de télésurveillance dès lors qu'elle ne demande que le paiement des loyers impayés pour la location du matériel qui est un contrat indépendant du premier ; qu'en outre, c'est à tort que le tribunal a indiqué que Mme Y. pouvait invoquer les dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation puisque celle-ci a conclu le contrat de location du [minute page 4] matériel de télésurveillance dans l'exercice de son activité professionnelle et que « la télésurveillance de son commerce lui a permis de délivrer une prestation complémentaire à celle de la coiffure à ses clients », de sorte que sa créance à l'encontre de Mme Y. est fondée.

Mme Y. conclut à la confirmation du jugement et sollicite la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                                                 (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

I - Attendu qu'aux termes de l'article L. 132-1 du code de la consommation « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat » ;

Attendu que n'entrent pas dans le domaine de la loi sur les clauses abusives les contrats ayant un rapport direct avec l'activité professionnelle, étant précisé que le contrat qui n'a pas pour effet par lui-même de développer l'activité professionnelle du co-contractant n'entretient pas de rapport direct avec celle-ci ;

Attendu que s'il est exact que Mme Y. a conclu le contrat de prestation de télésurveillance et celui pour la location du matériel de télésurveillance pour assurer la sécurité de son salon de coiffure, la société ADT TÉLÉSURVEILLANCE ne démontre nullement que ces contrats, et notamment celui de location du matériel, ont eu pour effet par eux-mêmes de développer l'activité professionnelle du salon de coiffure, autrement dit d'accroître son potentiel commercial ;

Qu'en conséquence, Mme Y. doit être considérée comme un consommateur, et non comme un professionnel, bénéficiant à ce titre des dispositions législatives précitées ;

Attendu que les clauses du contrat de location du matériel de télésurveillance qui prévoient une indépendance entre ce contrat et celui relatif à la prestation de télésurveillance elle-même, notamment les clauses n° 4 et 11, autrement dit l'exigibilité de la totalité des loyers jusqu'au terme de la durée du contrat de location (48 mois) malgré la résolution, la résiliation ou la suspension du contrat de prestation de télésurveillance pour une cause légitime, sont abusives, au sens de la recommandation n° 97-01 sur les contrats concernant la télésurveillance, dès lors qu'elles créent, au détriment de Mme Y., un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat de location en contraignant le locataire à payer des loyers pour un matériel de télésurveillance dont il ne bénéficie plus ;

Attendu que la clause n° 4 du contrat de location de matériel de télésurveillance du 10 juillet 1997 doit donc être réputée non écrite ;

[minute page 5] II - Attendu, nonobstant la clause précitée qui est réputée non écrite, qu'il convient de rechercher si les clauses du contrat de location de matériel de télésurveillance autorisaient Mme Y. à le résilier par une lettre simple, à tout moment, au seul motif de la cessation de son activité commerciale, et qu'en outre, elle se trouvait ainsi définitivement déchargée de toute redevance, loyer ou indemnité, compte tenu des termes de l'article 13 intitulé « résiliation du contrat », selon lesquels il apparaît que seul le bailleur peut prendre l'initiative de résilier le contrat avant son terme, dans les cas d'inobservation par le locataire de l'une des conditions générales ou particulières du contrat, de non paiement d'un loyer ou d'une prime d'assurance à son échéance, ou d'inexactitude des déclarations du locataire ou encore de défaut de déclaration de sinistre survenu au matériel, et qu'en tout état de cause, en cas de résiliation anticipée, le locataire reste tenu de verser au bailleur une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée des indemnités et intérêts de retard définis à l'article 15 du dit contrat, ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine, majorée d'une clause pénale de 10 %, sans préjudice de tous dommages intérêts qu'il pourrait devoir ;

Attendu, en conséquence, qu'il convient d'ordonner la réouverture des débats et d'inviter les parties à fournir toutes explications sur la faculté et les conditions de résiliation anticipée du contrat de location de matériel de télésurveillance par le preneur, notamment en cas de cessation d'activité de celui-ci, et sur les conséquences, pour le preneur, d'une telle résiliation anticipée relativement aux engagements initialement pris par celui-ci à l'égard du bailleur ;

Attendu qu'il y a lieu de réserver les autres demandes et les dépens ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                                                            (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en ses dispositions qui ont déclaré non écrite, comme étant abusive, la clause n° 4 du contrat de location de matériel de télésurveillance en date du 10 juillet 1997 ;

Avant dire droit sur les autres demandes,

Ordonne la réouverture des débats et invite les parties à fournir toutes explications sur la faculté et les conditions de résiliation anticipée du contrat de location de matériel de télésurveillance par le preneur, notamment en cas de cessation d'activité de celui-ci, et sur les conséquences, pour le preneur, d'une telle résiliation anticipée relativement aux engagements initialement pris par celui-ci à l'égard du bailleur ;

[minute page 6] Renvoie l'affaire à l'audience de la première chambre 2ème section du vendredi 12 mai 2006 à 9h30 ;

Réserve les autres demandes et les dépens.

Le GREFFIER.           LE PRÉSIDENT.