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CA LIMOGES (ch. civ.), 17 février 2016

Nature : Décision
Titre : CA LIMOGES (ch. civ.), 17 février 2016
Pays : France
Juridiction : Limoges (CA), ch. civ.
Demande : 14/01364
Date : 17/02/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Décision antérieure : CASS. CIV. 1re, 1er octobre 2014
Décision antérieure :
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CERCLAB - DOCUMENT N° 5509

CA LIMOGES (ch. civ.), 17 février 2016 : RG n° 14/01364

Publication : Jurica

 

Extrait : « Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la prise en charge du risque chômage par l'assurance groupe et le mécanisme du report de paiement des échéances est clairement explicité dans l'acte notarié dont M. X. a paraphé les pages et qu'il a signé après la lecture qui lui en a été faite ; qu'il s'ensuit que M. X. ne peut soutenir n'avoir pas été clairement informé de l'étendue de la garantie attachée au risque chômage.

Et attendu que la prime d'assurance pour les trois risques garantis (décès, incapacité et chômage) s'élève à 3,84 % du montant de l'échéance, dont 0,40 % au titre du seul chômage, ainsi que cela résulte du tableau figurant en p. 15 du contrat de groupe ; que si la garantie chômage ne s'étend pas à la prise en charge des échéances du prêt pendant la période du chômage, le report de leur paiement constitue un avantage indéniable pour le débiteur assuré qui se trouve momentanément en difficulté financière du fait de la survenance du risque couvert, l'assureur supportant de son côté les intérêts du report ; que le montant de la prime perçue par l'assureur (0,40 % du montant de l'échéance) n'apparaît pas excessif au regard de la garantie consentie par celui-ci ; que la prise en charge du règlement des échéances de remboursement du prêt par l'assureur, telle que réclamée par M. X., aurait nécessairement eu pour contrepartie une prime d'assurance sensiblement plus élevée ; que la clause litigieuse n'a pas pour effet de conférer au professionnel un avantage excessif et qu'il n'y a pas lieu de la déclarer abusive et non écrite ; que la garantie attachée à l'assurance chômage n'ayant pas disparue, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de M. X. en paiement de dommages-intérêts. »

 

COUR D’APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE CIVLE

ARRÊT DU 17 FÉVRIER 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/01364. Demande en remboursement du prêt. RENVOI DE CASSATION.

Le DIX SEPT FÉVRIER DEUX MILLE SEIZE la CHAMBRE CIVILE a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à la disposition du public au greffe :

 

ENTRE :

SA GROUPAMA GAN VIE

Représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège. dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, APPELANTE d'un jugement rendu le 1er août 2011 par le Tribunal de grande instance de CUSSET

 

ET :

Monsieur X.

de nationalité Française, né le [date] à [ville], demeurant [adresse], représenté par Maître Marie Christine COUDAMY de la SELARL DAURIAC & ASSOCIES, avocat au barreau de LIMOGES

SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits des sociétés CETELEM et UCB

dont le siège social est [adresse], représentée par Maître Jean VALIERE-VIALEIX, avocat au barreau de LIMOGES

INTIMÉS

 

Sur renvoi de cassation : jugement du Tribunal de grande instance de Cusset en date du 1er août 2011 - arrêt de la Cour d'appel de Riom en date du 29 août 2012 - arrêt de la Cour de cassation en date du 1er octobre 2014.

L'affaire a été fixée à l'audience du 16 décembre 2015, par application de l'article 905 du code de procédure civile, la Cour étant composée de Madame ANTOINE, Première Présidente, de Monsieur PUGNET et de Monsieur SOURY, Conseillers, assistés de Madame AZEVEDO, Greffier. A cette audience, Monsieur SOURY a été entendu en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

Puis Madame ANTOINE, Première Présidente, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 17 février 2016 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

LA COUR

FAITS et PROCÉDURE :

Par acte notarié du 18 février 1989, la société UCB, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas personal finance (la banque) a consenti un prêt immobilier de 420.000 francs à M. X. qui, à cette occasion, a adhéré à l'assurance de groupe souscrite par le prêteur auprès de la société Groupama Gan vie (l'assureur) couvrant les risques décès, incapacité de travail et perte d'emploi. La garantie relative à ce dernier risque prévoyait le « report en fin de prêt des mensualités venant à échéance pendant la période de chômage ».

Certaines mensualités ayant été reportées en fin de prêt suite au chômage de l'emprunteur, auquel la banque a demandé, au terme convenu du prêt, de payer ces mensualités reportées, M. X. a assigné la banque et l'assureur devant le tribunal de grande instance de Cusset pour voir déclarer abusive la clause de report.

Par jugement du 1er août 2011, le tribunal de grande instance a accueilli la demande de M. X.

Sur appel de l'assureur, la cour d'appel de Riom a infirmé ce jugement et rejeté la demande de M. X. après avoir retenu que la clause litigieuse n'était pas abusive en l'absence de déséquilibre significatif avéré entre les droits et obligations des parties, compte tenu des dispositions de l'article L. 132-1 du code de la consommation.

L'assureur et la banque ont formé un pourvoi et, par arrêt du 1er octobre 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé, dans toutes ses dispositions, l'arrêt de la cour d'appel sur le moyen relevé d'office tiré de la violation de l'article 2 du code civil et de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978.

Les parties ont été renvoyées devant la cour d'appel de Limoges.

 

MOYENS et PRÉTENTION :

L'assureur conclut à l'infirmation du jugement du tribunal de grande instance en faisant valoir que la clause litigieuse, dont les termes sont clairs et non équivoque, ne lui confère pas un avantage excessif et qu'elle est parfaitement adaptée à la situation de l'emprunteur.

M. X. conclut à la confirmation du jugement en soutenant le caractère abusif de la clause litigieuse. Subsidiairement, pour le cas où la garantie disparaîtrait par suite du caractère abusif de la clause, il demande la somme de 15.708,70 euros en réparation de son préjudice.

La banque s'en remet à droit.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIFS :

Attendu qu'il résulte de l'article 35 de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 que, dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels, peuvent être considérées comme abusives les clauses qui remplissent les deux conditions cumulatives suivantes :

- ces clauses apparaissent imposées aux non-professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique de l'autre partie,

- ces clauses confèrent à cette dernière partie un avantage excessif.

Attendu qu'il est constant que l'adhésion de M. X. à l'assurance groupe souscrite par la banque est intervenue à l'occasion d'un contrat de prêt conclu entre un professionnel (la banque) et un non professionnel (M. X.).

Attendu que M. X. ne démontre pas - ni même ne prétend - que son adhésion à l'assurance groupe lui a été imposée par un abus de puissance économique de la banque, étant ici rappelé que le prêt qui contient cette adhésion a été conclu devant notaire le 18 février 1989 ; que M. X. se prévaut de la fiche faisant mention des caractéristiques du prêt, qui lui a été remise par la banque le 24 janvier 1989 et qui prévoit son adhésion à une assurance groupe garantissant les risques décès, incapacité de travail et chômage pour un capital assuré correspondant au montant du prêt, pour soutenir qu'il pouvait légitimement considérer que l'assureur devait prendre en charge l'intégralité des échéances durant sa période de chômage dans la limite des 18 mois prévus au contrat.

Mais attendu que la « fiche caractéristique » dont se prévaut M. X. constitue un document pré-contractuel qui se borne à faire mention des caractéristiques essentielles de l'opération de crédit (identité des parties à cette opération, montant du prêt, son objet, les modalités principales de son remboursement, le coût total du crédit, l'adhésion de l'emprunteur à une assurance groupe garantissant les risques décès, incapacité de travail et chômage) ; que cette fiche prévoit expressément la régularisation du prêt devant notaire ; que si cette fiche ne détaille pas l'étendue des garanties souscrites dans le cadre de l'adhésion à l'assurance groupe, cette précision figure expressément aux pages 11 à 15 de l'acte notarié du 18 février 1989 que M. X. a paraphé et signé ; que cet acte notarié précise notamment que l'assurance fonctionnera au profit de M. X. à concurrence de 420.000 francs pour chacun des trois risques garantis et que les prestations des assureurs sont définies de la manière suivante :

a) décès : versement des sommes restant dues en capital et intérêts, celles dues en raison d'un retard de règlement n'étant pas garanties,

b) incapacité de travail : paiement chaque mois des sommes dues en capital et charges financières, à compter de la quatrième échéance mensuelle suivant le premier jour d'arrêt de travail, lorsque le seuil d'incapacité convenu est atteint,

c) chômage : report en fin de prêt des mensualités venant à échéances pendant la période de chômage, à compter de la quatrième échéance mensuelle suivant la date de départ du service des prestations Assedic, mais dans la limite de 18 mois par période de chômage pour un assuré, licencié, percevant des allocations Assedic ou assimilées, ou qui, par extension, a droit aux allocations de formation au titre du chômage, le salarié démissionnaire, en chômage partiel ou dont le contrat de travail à durée déterminée est venu à expiration n'étant pas couvert.

Que l'acte précise encore que le report sera acquitté mensuellement par l'emprunteur :

- en fin de crédit, sur la base de la dernière échéance contractuelle,

- lors du remboursement total du crédit par anticipation, volontaire ou forcé ; que cet acte notarié précise aussi les limites aux périodes successives de chômage ouvrant droit au bénéfice de la garantie.

Attendu qu'il résulte de ce qui précède que la prise en charge du risque chômage par l'assurance groupe et le mécanisme du report de paiement des échéances est clairement explicité dans l'acte notarié dont M. X. a paraphé les pages et qu'il a signé après la lecture qui lui en a été faite ; qu'il s'ensuit que M. X. ne peut soutenir n'avoir pas été clairement informé de l'étendue de la garantie attachée au risque chômage.

Et attendu que la prime d'assurance pour les trois risques garantis (décès, incapacité et chômage) s'élève à 3,84 % du montant de l'échéance, dont 0,40 % au titre du seul chômage, ainsi que cela résulte du tableau figurant en p. 15 du contrat de groupe ; que si la garantie chômage ne s'étend pas à la prise en charge des échéances du prêt pendant la période du chômage, le report de leur paiement constitue un avantage indéniable pour le débiteur assuré qui se trouve momentanément en difficulté financière du fait de la survenance du risque couvert, l'assureur supportant de son côté les intérêts du report ; que le montant de la prime perçue par l'assureur (0,40 % du montant de l'échéance) n'apparaît pas excessif au regard de la garantie consentie par celui-ci ; que la prise en charge du règlement des échéances de remboursement du prêt par l'assureur, telle que réclamée par M. X., aurait nécessairement eu pour contrepartie une prime d'assurance sensiblement plus élevée ; que la clause litigieuse n'a pas pour effet de conférer au professionnel un avantage excessif et qu'il n'y a pas lieu de la déclarer abusive et non écrite ; que la garantie attachée à l'assurance chômage n'ayant pas disparue, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande subsidiaire de M. X. en paiement de dommages-intérêts.

Attendu que l'équité ne justifie pas l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

LA COUR

Statuant par décision contradictoire rendue par mise à disposition au greffe, sur renvoi de cassation, en dernier ressort et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l'arrêt rendu le 1er octobre 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation ;

INFIRME le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Cusset le 1er août 2011 ;

Statuant à nouveau,

DÉBOUTE M. X. de son action ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. X. aux dépens et DIT qu'il sera fait application de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,                   LA PREMIÈRE PRÉSIDENTE,

E. AZEVEDO.                      A. ANTOINE.