CA RENNES (2e ch.), 26 février 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 5524
CA RENNES (2e ch.), 26 février 2016 : RG n° 13/01369 ; arrêt n° 116
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Prétendant que le contrat de licence d'exploitation du site cédé à la société Locam avait été conclu à l'occasion du démarchage d'un collaborateur de la société Sitti à son domicile en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, Mme X. en demande l'annulation.
Cependant, il résulte de l'article L. 121-22 de ce code que les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de services ne sont pas soumises à la réglementation du démarchage à domicile lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité agricole, industrielle, commerciale, artisanale ou plus généralement professionnelle exercées par le client.
Or, en l'occurrence, le contrat du 7 septembre 2011 a été conclu par Mme X. en qualité d'auto-entrepreneuse, sous son enseigne commerciale « M. K. » et en vue de promouvoir son activité sur un site dénommé « www.[M.K.].fr », de sorte que les textes précités sont inapplicables à la cause. La demande d'annulation du contrat sera donc rejetée. »
2/ « Contrairement à ce qu'elle soutient, les conditions générales du contrat lui sont bien opposables, dès lors qu'elle a reconnu, en signant les conditions particulières, en avoir pris connaissance et les avoir acceptées. L'application des clauses précitées du contrat ne sauraient davantage être écartées en raison de leur caractère abusif au sens de l'article R. 132-1 du code de la consommation, ce texte n'étant pas applicable aux contrats conclus, comme en l'espèce, en rapport direct avec une activité professionnelle. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
DEUXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 27 FÉVRIER 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 13/01369. Arrêt n° 116.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président, rédacteur, Madame Isabelle LE POTIER, Conseiller, Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller,
GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS : A l'audience publique du 28 janvier 2016, devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 26 février 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
APPELANTE :
Madame X.
née le [date] à [ville], Représentée par Maître Rozenn GOASDOUE, avocat au barreau de RENNES (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2013/XX du [date] accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de RENNES)
INTIMÉE :
La SAS LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS
immatriculée au RCS de Saint-Etienne sous le n° B XX, dont le siège est situé [adresse], Représentée par Maître Frédéric BUFFET de la SELARL LARZUL - BUFFET - LE ROUX & ASSOCIÉS, Postulant, avocat au barreau de RENNES, Représentée par la SELARL LEXI Conseil& Défense, Plaidant, avocats au barreau de SAINT-ÉTIENNE
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par contrat du 7 septembre 2011, Mme X., auto-entrepreneur désirant exercer une activité de massage et de soins de beauté à domicile, a confié à la société Sitti le développement d'un site de l'Internet dont la licence d'exploitation devait lui être concédée durant 48 mois moyennant un loyer mensuel de 130 euros HT, soit 155,48 euros TTC.
Le procès-verbal de réception a été signé par les parties le 15 septembre 2011.
Se présentant comme cessionnaire des droits d'exploitation du site, et prétendant que Mme X. avait cessé d'honorer les loyers dès le 10 octobre 2011, la société Locam s'est, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 mai 2012, prévalue de la clause de résiliation de plein droit du contrat et a mis vainement la locataire en demeure de payer les loyers impayés ainsi qu'une indemnité de résiliation.
Puis, par acte du 26 juillet 2012, la société Locam a fait assigner Mme X. en paiement devant le tribunal d'instance de Saint-Nazaire.
Par jugement réputé contradictoire du 21 novembre 2012, le premier juge a :
- condamné Mme X. au paiement de la somme de 8.209,87 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2012,
- condamné Mme X. au paiement d'une indemnité de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement.
Mme X. a relevé appel de cette décision le 22 février 2013, en demandant à la cour de :
- annuler le contrat signé entre la société Sitti et Mme X. le 5 septembre 2011,
- subsidiairement, prononcer la résiliation judiciaire du contrat signé entre la société Sitti et Mme X. le 5 septembre 2011 aux torts exclusifs de la société Sitti,
- en conséquence, débouté la société Locam, venant aux droits de la société Sitti, de toutes ses demandes,
- plus subsidiairement, réduire à néant l'indemnité de clause pénale,
- accorder à Mme X. un délai de grâce de deux ans,
- en toutes hypothèses, condamner la société Locam au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi sur l'aide juridictionnelle, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel.
La société Local conclut quant à elle à la confirmation du jugement attaqué et sollicite en outre la capitalisation des intérêts de retard et la condamnation de Mme X. au paiement d'une indemnité complémentaire de 2.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel et aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu'aux dernières conclusions déposées pour Mme X. le 9 juillet 2015, et pour la société Locam le 8 septembre 2015.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
EXPOSÉ DES MOTIFS :
Prétendant que le contrat de licence d'exploitation du site cédé à la société Locam avait été conclu à l'occasion du démarchage d'un collaborateur de la société Sitti à son domicile en méconnaissance des dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, Mme X. en demande l'annulation.
Cependant, il résulte de l'article L. 121-22 de ce code que les ventes, locations et locations-ventes de biens ou de prestations de services ne sont pas soumises à la réglementation du démarchage à domicile lorsqu'elles ont un rapport direct avec une activité agricole, industrielle, commerciale, artisanale ou plus généralement professionnelle exercées par le client.
Or, en l'occurrence, le contrat du 7 septembre 2011 a été conclu par Mme X. en qualité d'auto-entrepreneuse, sous son enseigne commerciale « M. K. » et en vue de promouvoir son activité sur un site dénommé « www.[M.K.].fr », de sorte que les textes précités sont inapplicables à la cause.
La demande d'annulation du contrat sera donc rejetée.
Soutenant par ailleurs que le site litigieux n'aurait pas été développé de façon personnalisée comme la société Sitti s'y était engagée, Mme X. s'estime fondée à opposer à la société Locam, qui lui a concédé la licence d'exploitation d'un site non conforme aux prévisions contractuelles, l'exception d'inexécution.
Toutefois, contrairement à ce que l'appelante prétend, la société Locam n'a pas succédé à la société Sitti dans ses droits et obligations de développeur de site, mais seulement de concédant de la licence d'exploitation de celui-ci.
Il ressort à cet égard des conditions particulières du contrat que Mme X. a reconnu à la société Sitti la possibilité de soumettre au partenaire de son choix, notamment la société Locam, une demande de location financière portant sur tout ou partie du bien fourni, et les conditions générales précisent que la signature du procès-verbal de réception par le client vaudra reconnaissance par ce dernier de la conformité du site, le bailleur étant en outre dégagé de toute responsabilité en cas de défaillance de la société Sitti dans ses obligations de délivrance et de garantie de bon fonctionnement.
Contrairement à ce qu'elle soutient, les conditions générales du contrat lui sont bien opposables, dès lors qu'elle a reconnu, en signant les conditions particulières, en avoir pris connaissance et les avoir acceptées.
L'application des clauses précitées du contrat ne sauraient davantage être écartées en raison de leur caractère abusif au sens de l'article R. 132-1 du code de la consommation, ce texte n'étant pas applicable aux contrats conclus, comme en l'espèce, en rapport direct avec une activité professionnelle.
Dès lors qu'elle a, selon procès-verbal de réception du 15 septembre 2011, accepté sans restriction le site et les prestations fournies, Mme X. ne saurait donc, afin de se soustraire à son obligation de paiement des loyers, opposer à la société Locam une prétendue non-conformité du site imputable à la société Sitti.
Mme X. demande enfin à la cour de prononcer la résiliation du contrat conclu avec la société Sitti aux torts exclusifs de celle-ci et, invoquant l'interdépendance des contrats de développement du site et de concession de la licence d'exploitation de ce site, elle en déduit que la société Locam devrait être déboutée de ses demandes.
Il est en effet de principe que, nonobstant toute clause contraire, les obligations contractuelles concomitantes ou successives qui s'inscrivent dans une opération incluant une location financière sont interdépendants, et que la résolution ou la résiliation des unes doit nécessairement entraîner la caducité des autres.
Cependant, cette caducité ne saurait être prononcée que pour autant que la résiliation puisse l'être dans les rapports entre le développeur du site et son client.
Dès lors, faute pour Mme X. d'avoir appelé à la cause la société Sitti, sa demande est irrecevable.
Il résulte du contrat et du courrier de résiliation contenant décompte de créance que Mme X. restait devoir au 10 mai 2012, date de cette résiliation :
- 1.478,72 euros au titre des 8 loyers TTC échus impayées,
- 5.200 euros au titre de l'indemnité de résiliation égale au montant des 40 loyers HT à échoir,
soit, au total, 6.678,72 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2012 et capitalisation de ceux-ci par années entières à compter de la demande du 19 juillet 2013.
La société Locam réclame en outre une majoration de 10 % des sommes dues, mais cet accroissement de l'indemnité de clause pénale est manifestement excessif, le loueur étant déjà largement indemnisé du préjudice qu'il a réellement subi du fait de la résiliation du contrat avant son terme par la perception immédiate de l'ensemble des loyers à échoir.
Il sera par conséquent fait droit à la demande de suppression de cette majoration.
Il n'y a pas matière à application de l'article 1244-1 du code civil, Mme X. ayant déjà bénéficié des larges délais de la procédure.
Faisant, au regard des faits de la cause, une appréciation différente de l'équité que celle du premier juge, la cour estime qu'il n'y a pas matière à application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel.
La condamnation prononcée de ce chef par le jugement attaqué sera donc infirmée, et la demande d'indemnisation de frais irrépétibles formées par la société Locam devant la cour sera rejetée.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Infirme partiellement le jugement rendu le 21 novembre 2012 par le tribunal d'instance de Saint-Nazaire ;
Statuant à nouveau sur l'entier litige,
Rejette les demandes d'annulation et de résiliation du contrat du 5 septembre 2011 ;
Condamne Mme X. à payer à la société Locam la somme de 6.678,72 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 mai 2012 ;
Autorise la capitalisation des intérêts par années entières à compter du 19 juillet 2013 ;
Rejette la demande de délai de grâce ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en cause d'appel ;
Condamne Mme X. aux dépens de première instance et d'appel ;
Accorde le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
- 5867 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Personne concernée
- 5893 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Conclusion du contrat
- 5901 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Promotion de l’activité
- 5944 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Promotion de l’activité : site internet
- 6087 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Contenu initial du contrat - Opposabilité des conditions générales - Conditions figurant sur l’écrit signé par le consommateur - Clauses de reconnaissance et d’acceptation
- 6114 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du professionnel - Clauses limitatives et exonératoires - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 212-1-6° C. consom.)