CEntre de Recherche sur les CLauses ABusives
Résultats de la recherche

CA PAU (2e ch. sect. 1), 13 juin 2016

Nature : Décision
Titre : CA PAU (2e ch. sect. 1), 13 juin 2016
Pays : France
Juridiction : Pau (CA), 2e ch. sect. 1
Demande : 14/03617
Décision : 16/2448
Date : 13/06/2016
Nature de la décision : Infirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 3/10/2014
Numéro de la décision : 2448
Imprimer ce document

 

CERCLAB - DOCUMENT N° 5663

CA PAU (2e ch. sect. 1), 13 juin 2016 : RG n° 14/03617 ; arrêt n° 16/2448

Publication : Jurica

 

Extraits : 1/ « Il est constant qu'en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, doivent être réputées non écrites les clauses des contrats d'affaire ayant pour effet de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Selon Mme Y., les clauses prévues aux articles 11 et 12 du contrat créent un déséquilibre significatif, en ce qu'il n'est prévu de faculté de résiliation que pour le fournisseur et non pas pour le locataire.

Cependant, l'obligation du bailleur de délivrance du matériel loué au profit du locataire est une obligation à exécution instantanée qui est accomplie dès l'origine du contrat, alors que l'obligation du locataire de payer trimestriellement des loyers durant 63 mois est une obligation à exécution successive justifiant la stipulation d'une faculté unilatérale de résiliation au seul profit du bailleur en cas de défaut d'exécution par le locataire. Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, la clause critiquée ne crée pas le déséquilibre significatif allégué. »

2/ « Il n'est pas contesté que le contrat de location a été souscrit par Mme Y. pour les besoins de sa profession professionnelle, dans le cadre de son activité d'auto-entrepreneur. Par conséquent l'appelante ne peut pas se prévaloir de l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PAU

DEUXIÈME CHAMBRE SECTION 1

ARRÊT DU 13 JUIN 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/03617. Arrêt n° 16/2448. Nature affaire : Crédit-bail ou leasing - Demande en paiement des loyers et/ou en résiliation du crédit-bail.

ARRÊT : Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 13 Juin 2016, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

* * *

APRES DÉBATS à l'audience publique tenue le 17 mars 2016, devant : Madame JANSON, magistrat chargé du rapport, assisté de Madame SAYOUS, greffier présent à l'appel des causes,

Madame JANSON, en application des articles 786 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de : Madame DIXIMIER, Conseiller faisant fonction de Président, Madame MORILLON, Conseiller, Madame JANSON, Vice-Président placé, désigné par ordonnance du 14 décembre 2015, qui en ont délibéré conformément à la loi.

dans l'affaire opposant :

 

APPELANTE :

Madame X. épouse Y.

née le [date] à [ville], de nationalité Française, Représentée par Maître Elodie B., avocat au barreau de Pau

 

INTIMÉE :

SA LIXXBAIL

Représentée par Maître Christophe D. de la SCP D.-L.-M. - D., avocat au barreau de Pau

 

sur appel de la décision, en date du 15 MAI 2014, rendue par le TRIBUNAL D'INSTANCE DE PAU

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

EXPOSÉ DU LITIGE :

Faits et procédure :

Par acte du 20 avril 2010, Mme X. épouse Y. a conclu avec la SAS CAPITAL PLUS un contrat de location longue durée portant sur un photocopieur, d'un montant de 8.627,94 euros TTC, à charge pour elle de régler 21 loyers trimestriels de 420 euros HT +TVA.

Comme le prévoyait le contrat de location, ce dernier a été immédiatement cédé à la SA LIXXBAIL qui est donc devenu titulaire de la créance de loyers.

Suite à des incidents de paiement, la SA LIXXBAIL a vainement mis en demeure Mme Y. de régulariser la situation.

Par ordonnance du 26 avril 2013, le président du tribunal d'instance de Pau a enjoint à Mme Y. de payer à la SA LIXXBAIL la somme de 7.492,94 euros en principal.

Mme Y. a formé opposition à cette injonction de payer.

Par jugement du 15 mai 2014, le tribunal d'instance de Pau a condamné Mme Y. avec exécution provisoire à payer à la SA LIXXBAIL la somme de 8.084,51 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2011, a débouté la SA LIXXBAIL de sa demande de restitution du matériel sous astreinte, a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné Mme Y. aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe de la cour le 3 octobre 2014, Mme Y. a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance du magistrat de la mise en état du 27 janvier 2016, la clôture de l'instruction de l'affaire a été déclarée.

 

Prétentions et moyens des parties

Selon dernières conclusions du 22 janvier 2016, Mme Y. demande à la cour de :

Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation,

Vu l'article L. 442-6 du code de commerce,

Vu l'article 1152 du code civil,

- réformer la décision entreprise,

- à titre principal,

- constater la nullité du jugement déféré, en raison de l'absence de motivation de ce dernier,

- constater l'erreur quant à l'objet du contrat de location,

- dire que sont réputées non écrites des clauses créant un déséquilibre contractuel significatif,

- en conséquence,

- constater l'absence de créance au profit de la SA LIXXBAIL,

- à titre subsidiaire,

- dire que l'article 11.3 du contrat de location est une clause abusive,

- en conséquence,

- dire que cette clause est non écrite,

- constater l'absence de créance au profit de la SA LIXXBAIL,

- à titre infiniment subsidiaire,

- dire que la condamnation prononcée en première instance à hauteur de 8.084,51 euros est excessive et injustifié,

- débouter la SA LIXXBAIL de toutes demandes de condamnation au titre de l'indemnité de résiliation ou de la clause pénale, ou, si une condamnation venait à être prononcée, ramener son quantum à de plus justes proportions,

- condamner la SA LIXXBAIL au paiement d'une indemnité de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'appelante fait valoir pour l'essentiel que :

- le jugement déféré doit être annulé en ce qu'il comporte une erreur quant à l'objet du contrat de location et en ce qu'il n'est pas motivé,

- elle n'a plus été en mesure de payer les loyers car elle a déposé le bilan de son auto-entreprise le 31 mai 2012,

- les articles 11 et 12 du contrat doivent être réputés non écrits en ce qu'ils créent un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, en violation de l'article L. 442-6 du code de commerce,

- à titre subsidiaire, l'article 11.3 du contrat constitue une clause abusive au sens de l'article L. 132-1 du code de la consommation et doit par conséquent être réputé non écrit,

- à titre infiniment subsidiaire, les sommes réclamées au titre de l'indemnité de résiliation et de la clause pénale sont excessives et doivent être réduites en application de l'article 1152 du code civil.

* * *

Selon dernières conclusions du 25 février 2015, la SA LIXXBAIL demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Vu l'article 11 du contrat,

- confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,

- en conséquence,

- condamner Mme Y. à lui payer la somme de 8.084,51 euros TTC, assortie des intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2011,

- condamner Mme Y. aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP D., ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée fait valoir pour l'essentiel que :

- le jugement déféré n'encourt aucune nullité,

- le contrat de location ayant été souscrit pour des besoins professionnels, Mme Y. ne peut pas se prévaloir des dispositions du code de la consommation relatives aux clauses abusives,

- les indemnités réclamées ne sont pas excessives en ce qu'elles découlent de la stricte application du contrat et en ce qu'elles ne visent à aucun enrichissement complémentaire du bailleur par rapport au seul amortissement et à la seule rentabilité qu'il avait escomptés à l'origine.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

MOTIVATION :

Sur la nullité du jugement :

Il est exact que le jugement déféré mentionne par erreur que le contrat de location porte sur un véhicule automobile. Cependant, il s'agit manifestement d'une erreur matérielle dès lors que tous les autres éléments de fait rapportés dans la décision sont conformes à la réalité du dossier.

Par ailleurs, la décision entreprise a fait droit à la demande en paiement du bailleur après avoir détaillé les pièces justificatives versées aux débats. Cette motivation est suffisante au regard de l'article 455 du code de procédure civile, étant observé que Mme Y. n'a pas motivé son opposition à l'injonction de payer et n'a pas comparu en première instance.

Il convient par conséquent de débouter l'appelante de sa demande tendant à voir prononcer la nullité du jugement.

 

Sur le fond :

Sur l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce :

Il est constant qu'en application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce, doivent être réputées non écrites les clauses des contrats d'affaire ayant pour effet de soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.

Selon Mme Y., les clauses prévues aux articles 11 et 12 du contrat créent un déséquilibre significatif, en ce qu'il n'est prévu de faculté de résiliation que pour le fournisseur et non pas pour le locataire.

Cependant, l'obligation du bailleur de délivrance du matériel loué au profit du locataire est une obligation à exécution instantanée qui est accomplie dès l'origine du contrat, alors que l'obligation du locataire de payer trimestriellement des loyers durant 63 mois est une obligation à exécution successive justifiant la stipulation d'une faculté unilatérale de résiliation au seul profit du bailleur en cas de défaut d'exécution par le locataire.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'appelante, la clause critiquée ne crée pas le déséquilibre significatif allégué.

 

Sur l'application de l'article L. 132-1 du code de la consommation :

Il n'est pas contesté que le contrat de location a été souscrit par Mme Y. pour les besoins de sa profession professionnelle, dans le cadre de son activité d'auto-entrepreneur.

Par conséquent l'appelante ne peut pas se prévaloir de l'application de l'article L. 132 - 1 du code de la consommation relatif aux clauses abusives.

 

Sur la demande en paiement :

La SA LIXXBAIL réclame le paiement des sommes suivantes, selon décomptes des 20 octobre 2011 et 8 juillet 2013 :

- loyer impayé du 1er septembre 2011 : 502,32 euros,

- frais de recouvrement contractuel (provision insuffisante) : 119,60 euros,

- intérêts de retard contractuel : 28,25 euros,

- indemnité de résiliation : 7.936,66 euros (comprenant d'une part le montant des loyers à échoir – 7.504,80 euros - et le montant de la clause pénale - 401,86 euros),

Soit au total : 8.084,51 euros (après déduction d'un versement de 502,32 euros intervenu postérieurement à la résiliation).

La cour observe que ce décompte n'est pas conforme aux conditions contractuelles, puisque l'indemnité de résiliation a été calculée à partir du montant des loyers TTC alors que l'article 11.3 précise bien que doivent être pris en considération les loyers HT.

Dans ces conditions, la SA LIXXBAIL ne pouvait en réalité prétendre qu'au paiement d'une indemnité de résiliation de 6.636 euros, au lieu de 7.936,66 euros.

Aux termes de l'article 1152 du code civil, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre.

Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

L'article 11.3 du contrat, qui prévoit qu'en cas de résiliation le bailleur peut exiger, outre le paiement des loyers impayés, une indemnité de résiliation égale au montant total des loyers HT postérieurs à la résiliation et une pénalité égale à 10 % de l'indemnité de résiliation, constitue incontestablement une clause pénale susceptible d'être modérée, dès lors que cette indemnité a été prévue de manière forfaitaire et d'avance.

Le montant réclamé par la SA LIXXBAIL au titre de cette clause paraît excessif dès lors qu'il se déduit de l'absence de réclamation du bailleur à ce titre que le matériel loué a été restitué et qu'il est donc susceptible d'être revendu ou reloué.

Il convient par conséquent de réduire cette clause à la somme de 3.000 euros et de condamner Mme Y. à payer à la SA LIXXBAIL la somme totale de 3.147,85 euros au titre des sommes restant dues suite à la résiliation du contrat (502,32 euros +119,60 euros + 28,25 euros + 3.000 euros - 502,32 euros), outre intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2011, date de la mise en demeure.

Chaque partie succombant pour une part, il convient d'ordonner le partage des dépens d'appel par moitié entre les parties, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort,

Infirme la décision déférée, sauf en ce qu'elle a condamné Mme Y. aux dépens et dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,

Et statuant à nouveau,

Condamne Mme Y. à payer à la SA LIXXBAIL la somme totale de 3.147,85 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 20 octobre 2011,

Vu l'article 700, alinéa 1, 1° du code de procédure civile, rejette les demandes formées à ce titre par Mme Y. et la SA LIXXBAIL,

Ordonne le partage des dépens d'appel par moitié entre les parties.

Autorise les avocats de la cause qui en ont fait la demande à recouvrer directement ceux des dépens d'appel dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision.

Arrêt signé par Madame DIXIMIER Conseiller faisant fonction de Président et par Madame SAYOUS, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER                    LE PRÉSIDENT