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5807 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (6) - Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014

Nature : Synthèse
Titre : 5807 - Code de la consommation - Clauses abusives - Évolution de la protection (6) - Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 5807 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

PRÉSENTATION GÉNÉRALE - ÉVOLUTION DE LA PROTECTION

SIXIÈME ÉTAPE : LOI N° 2014-344 DU 17 MARS 2014

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (dite « loi Hamon ») a introduit un certain nombre de modifications fondamentales dans le Code de la consommation, qui concernent plus ou moins directement la protection contre les clauses abusives.

Domaine d’application : Nouvelle-Calédonie. V. pour un argument invoqué par une SCI revendiquant le bénéfice de l’ancien art. L. 137-2 [218-2] C. consom., soutenant que, si le législateur Français a restreint la portée du code en réduisant dorénavant la notion de consommateur à la seule personne physique (loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 - article 3), la Nouvelle Calédonie, seule compétente actuellement en matière civile et en droit de la consommation, n'a pas pris de telles dispositions législatives. CA Nouméa (ch. civ.), 3 septembre 2015 : RG n° 14/00322 ; Cerclab n° 5410 (arrêt ne répondant pas à l’argument, la SCI, personne morale non physique, ne pouvant pas « selon la jurisprudence » être considérée comme un consommateur au sens du texte), sur appel de TPI Nouméa, 30 juin 2014 : RG n° 14/262 ; Dnd.

Définition générale du consommateur dans un sens étroit. La loi du 17 mars 2014 a introduit au début du Code de la consommation un article préliminaire qui dispose : « au sens du présent code, est considérée comme un consommateur toute personne physique qui agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ». Pour la première fois, le législateur se dote d’une définition unique du consommateur, dans un sens étroit rejoignant les définitions européennes : 1/ le consommateur est une personne physique (Cerclab n° 5850) ; 2/ le consommateur contracte en dehors du cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale (Cerclab n° 5863).

Conséquences sur le domaine d’application du droit de la consommation. La nouvelle définition qui va concerner tous les textes visant le « consommateur » a plusieurs répercussions importances sur le domaine d’application du droit de la consommation.

1 - Les personnes morales ne peuvent plus être protégées lorsqu’une disposition ne vise qu’un consommateur. Seuls les textes protégeant aussi les « non-professionnels » peuvent leur être appliqués, ce qui est le cas notamment de l’ancien art. L. 132-1 C. consom. [rappr. L. 212-2 nouveau].

2 - Une solution similaire est applicable aux contrats conclus à des fins qui entrent dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale, qui ne peuvent concerner que la notion de non professionnel. Il faut cependant souligner que le texte n’a pas utilisé l’expression générale d’activité professionnelle, mais a visé des activités précises, plutôt marchandes, ce qui peut laisser une certaine marge de manœuvre (Cerclab n° 5856). Il faut noter aussi que le texte omet curieusement l’activité agricole, ce qui rappelle la définition de l’art. 2 de la directive n° 2011/83/UE du 25 octobre 2011. Cette lacune a été comblée par l’ordonnance du 14 mars 2016 qui semble revêtir sur ce point un caractère interprétatif. Enfin, contrairement à cette ordonnance et à son nouvel article liminaire, l’article préliminaire de la loi du 17 mars 2014 n’a pas défini le professionnel et le non-professionnel, ce qui n’a pas totalement fermé la porte à l’application de la protection aux professionnels concluant un contrat sans lien direct avec leur activité.

3 - Le texte nouveau a des répercussions immédiates sur le domaine de la protection en matière de démarchage et de contrats à distance. Les dispositions modifiées, pour se conformer à une directive européenne d’harmonisation maximale, sont réservées aux seuls consommateurs. La loi met donc fin en la matière au critère de l’exclusion des contrats ayant un rapport direct avec l’activité professionnelle, qui était commun avec les clauses abusives depuis 1995.

Par ailleurs, la loi du 17 mars 2014 innove en utilisant une nouvelle méthode de protection des petits professionnels. Plutôt que de jouer sur la notion de non professionnel, elle procède à une extension directe et explicite à certains professionnels, des règles destinées normalement aux seuls consommateurs. Ainsi, selon l’ancien art. L. 121-16-1-III C. consom., « les sous-sections 2, 3, 6 et 7, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l'objet de ces contrats n'entre pas dans le champ de l'activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq. » (V. Cerclab n° 5889). § N.B. Le texte a été modifié à l’art. L. 221-3 C. consom. par l’ordonnance du 14 mars 2016 en vue d’en réduire les effets.

N.B. 1. La directive 2011/83/UE du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, bien que d’harmonisation totale pour les consommateurs, n’a pas exclu la possibilité de certaines extensions explicites à d’autres contractants, qu’en définitive le législateur français n’a utilisé qu’avec parcimonie. Selon son considérant n° 13, « Il y a lieu que l’application des dispositions de la présente directive à des domaines qui ne relèvent pas de son champ d’application reste de la compétence des États membres, conformément au droit de l’Union. Les États membres peuvent, par conséquent, conserver ou introduire des dispositions nationales qui correspondent aux dispositions de la présente directive, ou à certaines de ses dispositions, pour des contrats qui ne relèvent pas du champ d’application de la directive. Les États membres peuvent, par exemple, décider d’étendre l’application des règles de la présente directive à des personnes morales ou physiques qui ne sont pas des « consommateurs » au sens de la présente directive, comme les organisations non gouvernementales, les jeunes entreprises ou les petites et moyennes entreprises. De même, les États membres peuvent appliquer les dispositions de la présente directive à des contrats qui ne sont pas des « contrats à distance » au sens de la présente directive, par exemple parce qu’ils ne sont pas conclus dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance. En outre, les États membres peuvent également maintenir ou introduire des dispositions nationales portant sur des points qui ne sont pas traités de manière spécifique dans la présente directive, telles que des dispositions supplémentaires concernant les contrats de vente, relatives notamment à la livraison des biens ou aux conditions de fourniture de l’information pendant la durée de vie du contrat.

N.B. 2. Le texte se contente explicitement d’étendre certaines dispositions applicables aux contrats conclus à distance ou hors-établissement. Il est sans influence sur les clauses abusives. V. cep. en sens contraire pour la CEPC, en dépit de la lettre du texte dépourvue de toute ambiguïté : la loi du 17 mars 2014 (ancien art. L. 121-16-III C. consom.) remplace dans certains cas la notion de lien direct par la notion d’activité principale du professionnel ; si les contrats de création et d’hébergement de site internet pour des jeunes diplômés désirant travailler comme podologues avaient été conclus après l’entrée en vigueur de cette loi, les règles relatives aux clauses abusives auraient pu s’appliquer car il s’agit de contrats conclus hors du champ de l’activité professionnelle des co-contractants. CEPC (avis), 17 avril 2015 : avis n° 15-03 ; Cerclab n° 6590.

Modification de l’ancien art. L. 135-1 C. consom. L’art. 31 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 modifie la rédaction de l’ancien art. L. 135-1 C. consom. relatif aux conflits de lois en matière de clauses abusives (V. Cerclab n° 5810).

Modification de l’ancien art. L. 141-4 C. consom. L’art. 81 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 institue une obligation pour le juge de relever d’office le caractère abusif d’une clause du contrat qui lui est soumis : « il écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat ». La modification rejoint l’évolution de la Cour de justice de l’Union européenne V. Cerclab n° 5716).

Modification de l’ancien art. L. 132-2 C. consom. L’art. 114 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 modifie totalement le contenu de l’ancien art. L. 132-2 pour y introduire une sanction nouvelle des clauses relevant de l’ancien art. L. 132-1 al. 3 C. consom., c'est-à-dire des clauses relevant de la liste de clauses « noires » instituée par l’ancien art. R. 132-1 C. consom. (sauf celles visées par l’ancien art. R. 132-2-1). Selon le texte, « dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, la présence d'une ou de plusieurs clauses abusives relevant du décret pris en application du troisième alinéa de l'article L. 132-1 est passible d'une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale. L'amende est prononcée dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2. »

L'injonction faite à un professionnel, en application du VII de l'ancien article L. 141-1, tendant à ce qu'il supprime de ses contrats ou offres de contrat une ou plusieurs clauses mentionnées au premier alinéa du présent article peut faire l'objet d'une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Création d’une action de groupe. La loi n° 2014-34 du 17 mars 2014 a introduit dans le Code de la consommation aux anciens articles L. 423-1 s. C. consom. une action de groupe, sous deux formes (normale ou simplifiée). S’agissant de l’appréciation de la responsabilité du professionnel lors de l’inexécution d’un contrat, la décision peut être l’occasion d’écarter des clauses abusives ayant pour objet ou pour effet d’influer sur le principe ou le montant de l’indemnisation due par le professionnel (V. Cerclab n° 5754). Aux termes de l’ancien art. L. 423-25 C. consom., « est réputée non écrite toute clause ayant pour objet ou effet d’interdire à un consommateur de participer à une action de groupe. »

Renforcement des effets de l’action des associations de consommateurs. Brisant une jurisprudence très critiquée de la Cour de cassation, l’art. 81-III de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 modifie l’ancien art. L. 421-6 C. consom. en le complétant par un nouvel alinéa qui dispose : « les associations et les organismes mentionnés au premier alinéa peuvent également demander au juge de déclarer que cette clause est réputée non écrite dans tous les contrats identiques conclus par le même professionnel avec des consommateurs, y compris les contrats qui ne sont plus proposés, et de lui ordonner d’en informer à ses frais les consommateurs concernés par tous moyens appropriés. »

Renforcement des pouvoirs de l’administration. L’art. 76 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 renforce les pouvoirs de l’administration en lui offrant la possibilité d’adresser des injonctions en vue de supprimer des clauses illicites ou faisant partie de la liste des clauses « noires ». Selon l’ancien art. L. 141-1-VII C. consom., « les agents habilités à constater les infractions ou les manquements aux dispositions mentionnées aux I à III peuvent, après une procédure contradictoire, enjoindre à tout professionnel, en lui impartissant un délai raisonnable, de se conformer à ces dispositions, de cesser tout agissement illicite ou de supprimer toute clause illicite.

Lorsque le professionnel concerné n'a pas déféré à cette injonction dans le délai imparti, l'autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer à son encontre, dans les conditions prévues à l'article L. 141-1-2, une amende administrative dont le montant ne peut excéder : 1° 1.500 € pour une personne physique et 7.500 € pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une amende au plus égale à celle prévue pour une contravention de la cinquième classe ou par une amende administrative dont le montant est au plus égal à 3.000 € pour une personne physique et 15 .000 € pour une personne morale ; 2° 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale lorsque l'infraction ou le manquement ayant justifié la mesure d'injonction est sanctionné par une peine délictuelle ou une amende administrative dont le montant excède 3.000 € pour une personne physique et 15.000 € pour une personne morale.

Les agents habilités peuvent mettre en œuvre les mesures du présent article sur l'ensemble du territoire national. »

Selon l’ancien art. L. 132-2 al. 2, « l’injonction faite à un professionnel, en application du VII de l’article L. 141-1, tendant à ce qu’il supprime de ses contrats ou offres de contrat une ou plusieurs clauses mentionnées au premier alinéa du présent article peut faire l’objet d’une mesure de publicité, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »

Transfert des risques. L’art. 23 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 institue pour la première fois un régime spécifique de transfert des risques dans les contrats de consommation. Selon l’ancien art. L. 138-4 C. consom., « tout risque de perte ou d’endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens. » La solution est différente si le consommateur choisit son propre transporteur. En effet, selon l’ancien art. L. 138-5 C. consom., « lorsque le consommateur confie la livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le risque de perte ou d’endommagement du bien est transféré au consommateur à la remise du bien au transporteur ». Les textes ont été transférés aux art. L. 216-4 et 5 C. consom. par l’ordonnance du 14 mars 2016.