CA CHAMBÉRY (ch. civ.), 24 septembre 2002
CERCLAB - DOCUMENT N° 587
CA CHAMBÉRY (ch. civ.), 24 septembre 2002 : RG n° 99/02747
Publication : Juris-Data n° 199714 ; Contr. conc. consom. 2003, n° 80, note G. Raymond
Extrait : « En l'espèce, il convient de rappeler que Madame X. exerçait, au moment de la souscription de ces contrats, une petite activité de pressing en nom personnel, dont elle venait de débuter l'exploitation. Ce type d'activité ne comporte pas de matériel, ni de fournitures, ni encore d'objets déposés qui présentent une valeur importante et qui soient facilement transportables ; il n'est pas soutenu ni a fortiori démontré qu'elle ait été exercée en l'espèce en un lieu isolé. Dès lors, les besoins de cette activité ne comportent pas la nécessité d'une surveillance ou d'une protection particulière. Par ailleurs, il doit être noté que l'objet des contrats souscrits par l'appelante auprès de la SA TEP FRANCE avaient bien davantage pour but de promouvoir les produits et services proposés par cette dernière que de pourvoir aux besoins de Madame X., l'un des contrats étant dénommé « Charte de Partenariat, Contrat d'Apporteur d'Affaires », la location par Madame X. d'un matériel et de services de télésurveillance n'étant dans ce cadre qu'un élément de cet ensemble destiné en premier lieu à la démonstration des produits commercialisés et à leur présentation au public.
Il ne saurait donc sérieusement être soutenu, dans de telles conditions, que le contrat de location d'un matériel de télésurveillance conclu avec la SA FINALION, et le contrat d'abonnement de télésurveillance conclu avec la SA TEP FRANCE, aient eu un rapport direct avec l'activité artisanale de Madame X.. En conséquence, les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation ont bien vocation à s'appliquer en l'espèce. »
COUR D’APPEL DE CHAMBÉRY
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2002
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 99/02747. Arrêt n° 1885.
Le VINGT QUATRE SEPTEMBRE DEUX MILLE DEUX LA CHAMBRE CIVILE DE LA COUR D'APPEL DE CHAMBERY a rendu l'arrêt dont la teneur suit :
opposant :
APPELANTE
Madame X.,
exerçant sous l'enseigne « PRESSING DE Y. », représentée par Maître Bruno DELACHENAL, avoué à la Cour, assistée de Maître Isabel BUENADICHA-BRUNET, avocat au barreau d'ANNECY
à
INTIMEES
- La SA FINALION,
dont le siège social est [adresse], représentée par la SCP BUTTIN-RICHARD/FILLARD, avoués à la Cour , assistée de Maître Vianney FLIPO, avocat au barreau d'ANNECY
- La Société TEP FRANCE, anciennement dénommée WHICH SA
dont le siège social est [adresse], [minute page 2] agissant poursuites et diligences de son Président Directeur Général en exercice, représentée par la SCP BOLLONJEON-ARNAUD-BOLLONJEON, avoués à la Cour, assistée de la SCP PLOUTON ET DOLMAZON, avocats au barreau de LYON
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue le 18 juin 2002 avec l’assistance de Madame VIDAL, Greffier
Et lors du délibéré, par :
- Monsieur ALBERCA, Conseiller, faisant fonction de Président, à ces fins désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 26 novembre 2001
- Monsieur LECLERCQ, Conseiller
- Madame NEVE de MEVERGNIES, Conseiller
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Selon acte sous seing privé du 29 juin 1995, la SA FINALION a donné en location à Madame X. exploitant un fonds de commerce de pressing un matériel de télésurveillance d'une valeur de 21.421,45 Francs fourni par la SA TEP FRANCE, moyennant le paiement de 48 loyers mensuels de 747,78 Francs chacun du 29 juin 1995 au 30 juin 1999. Par acte du 21 juin 1995, Madame X. avait souscrit auprès de la SA TEP FRANCE une "charte de partenariat" ainsi qu'un abonnement de télésurveillance. Invoquant notamment un dysfonctionnement de l'installation, Madame X. envoyait un courrier à la SA TEP FRANCE le 5 juillet 1995 en se prévalant de la résiliation du contrat et en demandant à cette dernière de reprendre le matériel.
Par jugement du 6 septembre 1999, le Tribunal d'Instance d'Annecy a, notamment, condamné Madame X. à payer à la SA FINALION [minute page 3] la somme de 26.157,36 Francs correspondant aux loyers impayés et à l'indemnité contractuelle de résiliation.
* * * * *
Par déclaration au greffe en date du 16 novembre 1999, Madame X. a interjeté appel de cette décision. Par conclusions du 16 mars 2000 vues par la Cour conformément à l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, elle demande l'infirmation du jugement déféré, et au principal le prononcé de la nullité des contrats signés les 21 et 22 juin 1995 avec la SA TEP FRANCE, et le 29 juin 1995 avec la SA FINALION. Elle se prévaut, à l'appui de cette demande, des dispositions du code de la consommation et particulièrement de l'article L. 132-1 de ce code, en soutenant que notamment les dispositions applicables en cas de résiliation du contrat créeraient bien un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ; subsidiairement, elle invoque le dol par lequel son consentement aurait été vicié. Elle demande, à titre encore plus subsidiaire, condamnation de la SA TEP FRANCE à la relever et garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées contre elle au profit de la SA FINALION, en raison du dysfonctionnement affectant le matériel loué ; en outre, l'indemnité de résiliation serait manifestement excessive et aurait à bon droit été réduite par le premier juge.
Elle demande encore condamnation de la SA TEP FRANCE ou qui mieux le devra à lui payer la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour les désagréments occasionnés par la procédure, ainsi que celle de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
La SA FINALION, par conclusions du 28 août 2000 vues par la Cour conformément à l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, demande la confirmation pure et simple du jugement déféré, en faisant valoir que les dispositions du code de la consommation ne seraient pas applicables à l'espèce dès lors que le contrat en cause avait un rapport direct avec l'activité professionnelle de Madame X. Elle ajoute que le dol invoqué ne serait pas démontré, pas plus que le dysfonctionnement du matériel. Elle indique néanmoins s'en rapporter à justice sur la demande de garantie dirigée par Madame X. contre la SA TEP FRANCE.
Elle demande enfin condamnation de Madame X. à lui payer la somme de 10.000 Francs soit 1.524,49 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
[minute page 4] La SA TEP FRANCE, par conclusions du 18 juillet 2000 vues par la Cour conformément à l'article 455 du Nouveau Code de Procédure Civile, demande la confirmation du jugement déféré et le rejet de la demande de garantie formée par Madame X. à son encontre.
Elle sollicite enfin condamnation de l'appelante à lui payer la somme de 10.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, et celle de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
SUR QUOI
Sur l'application des dispositions du code de la consommation
Madame X. affirme dans ses conclusions, et il n'a été contesté par aucune des autres parties, que les contrats conclus en l'espèce tant avec la SA TEP FRANCE qu'avec la SA FINALION l'ont été à la suite d'un démarchage soit à son domicile soit à son lieu de travail. Ils ont donc vocation à être régi par les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation, sauf à ce que s'applique l'un des cas d'exclusion prévus par l'article L. 121-22 du même code.
Sur ce point, le 4° de ce texte prévoit que sont exclues de ces dispositions protectrices les « ventes, locations ou locations-ventes de biens ou prestations de service lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dan le cadre d'une exploitation (...) commerciale ou artisanale ou de toute profession ».
En l'espèce, il convient de rappeler que Madame X. exerçait, au moment de la souscription de ces contrats, une petite activité de pressing en nom personnel, dont elle venait de débuter l'exploitation. Ce type d'activité ne comporte pas de matériel, ni de fournitures, ni encore d'objets déposés qui présentent une valeur importante et qui soient facilement transportables ; il n'est pas soutenu ni a fortiori démontré qu'elle ait été exercée en l'espèce en un lieu isolé. Dès lors, les besoins de cette activité ne comportent pas la nécessité d'une surveillance ou d'une protection particulière. Par ailleurs, il doit être noté que l'objet des contrats souscrits par l'appelante auprès de la SA TEP FRANCE avaient bien davantage pour but de promouvoir les produits et services proposés par cette dernière que de pourvoir aux besoins de Madame X., l'un des contrats étant dénommé « Charte de Partenariat, Contrat d'Apporteur d'Affaires », la location par Madame X. d'un matériel et de services de télésurveillance n'étant dans ce cadre qu'un [minute page 5] élément de cet ensemble destiné en premier lieu à la démonstration des produits commercialisés et à leur présentation au public.
Il ne saurait donc sérieusement être soutenu, dans de telles conditions, que le contrat de location d'un matériel de télésurveillance conclu avec la SA FINALION, et le contrat d'abonnement de télésurveillance conclu avec la SA TEP FRANCE, aient eu un rapport direct avec l'activité artisanale de Madame X.. En conséquence, les articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation ont bien vocation à s'appliquer en l'espèce.
Sur les conséquences
# quant au contrat de location conclu avec la SA FINALION
Aux termes de l'article L. 121-23 du code déjà cité, l'opération précédée d'un démarchage à domicile doit faire l'objet d'un contrat écrit qui doit comporter, à peine de nullité, diverses mentions dont (4°) la « désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ». Force est de constater que tel n'a pas été le cas en l'espèce, puisque ni l'exemplaire du contrat produit par Madame X., ni même celui versé aux débats par la SA FINALION ne contiennent la désignation et la description du matériel loué.
Bien plus, et en violation de l'article L. 121-23, 6° du code de la consommation renvoyant à la réglementation sur les ventes à crédit, dont fait partie notamment l'article L. 311-10 de ce code, le contrat ne précise pas l'identité de l'une des parties et non des moindres puisqu'il s'agit du prêteur, vidant ainsi de toute efficacité la faculté de renonciation de l'emprunteur qui n'est pas mis à même de connaître l'identité de son cocontractant à qui il doit adresser l'avis correspondant à l'exercice par lui de cette faculté.
Il en résulte une nullité de plein droit du contrat, et les parties doivent être remises dans l'état où elles seraient si elles n'avaient jamais contracté.
[minute page 6] Dès lors, la S. A. FINALION doit être déboutée de toutes ses demandes de paiement, étant constaté par ailleurs qu'il résulte des pièces versées aux débats qu'elle a procédé à la reprise du matériel loué.
# quant aux contrats conclus avec la SA TEP FRANCE
La charte de partenariat ne présente pas les caractéristiques d'un contrat de crédit ni de vente, ni enfin de location-vente ou de location avec option d'achat ou encore d'un contrat de fourniture de services. Dans ces conditions, il n'est pas soumis aux dispositions protectrices du code de la consommation relatives aux opérations de crédit ou au démarchage à domicile qui ne concernent que ce type de contrat. Par ailleurs, Madame X. ne démontre pas les manœuvres dont elle aurait été victime, et qui seraient à l'origine du dol dont elle se plaint. Sa demande de nullité de ce contrat ne peut donc être accueillie.
En revanche, le contrat d'abonnement de télésurveillance est un contrat de fourniture de services souscrit après démarchage à domicile, et il ne remplit pas les conditions obligatoires sous peine de nullité prescrites par l'article L. 121-23 du code de la consommation puisque le seul exemplaire versé aux débats, qui ne comporte que deux pages, notamment ne reprend pas le texte des articles L. 121-23 à L. 121-26 du code de la consommation. Ce contrat doit donc, lui aussi, être annulé.
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de Madame X. tout ou partie des frais exposés dans le cadre de la présente et non compris dans les dépens ; il y a donc lieu de lui allouer la somme de 1.219 euros sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
En revanche, Madame X. ne démontrant l'existence d'aucun préjudice distinct, sa demande de dommages-intérêts ne peut donc qu'être rejetée.
Dans ces conditions, l’appel exercé par elle ne présente aucun caractère [minute page 7] abusif et la demande de dommages-intérêts ainsi formée par la SA TEP FRANCE sera elle aussi rejetée.
Aucune considération d'équité ne conduit à faire application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en faveur de l'une ou l'autre des autres parties ; la SA FINALION, qui succombe en ses prétentions, devra en outre supporter les dépens en application de l'article 696 du Nouveau Code de Procédure Civile.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire après en avoir délibéré conformément à la loi,
Reçoit Madame X. en son appel, régulier en la forme.
Au fond :
INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré.
Statuant à nouveau,
PRONONCE la nullité du contrat conclu par Madame X. avec la SA FINALION en date du 29 juin 2002, et de celui d'abonnement de télésurveillance conclu avec la SA TEP FRANCE.
Rejette la demande de nullité du contrat s'agissant de la convention intitulée "Charge de Partenariat".
[minute page 8] DÉBOUTE la SA FINALION de l'ensemble de ses demandes dirigées contre Madame HUREAU.
CONSTATE que le matériel loué a été restitué.
Condamne la SA TEP FRANCE à payer à Madame X. la somme de 1.219 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Rejette toutes les autres demandes.
Condamne la SA FINALION aux dépens de première instance et d'appel, avec application, au profit de Maître DELACHENAL et de la SCP BOLLONJEON, ARNAUD, BOLLONJEON, avoués, des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
Ainsi prononcé en audience publique le 24 septembre 2002 par Monsieur ALBERCA, faisant fonction de Président, qui a signé le présent arrêt avec Madame VIDAL, Greffier.
- 5870 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Notion d’activité professionnelle - Activité globale ou spécifique
- 5890 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Critères - Crédit
- 5905 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Indices - Finalité du contrat - Protection et sécurisation de l’activité
- 5953 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation générale
- 5954 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par activité
- 5955 - Code de la consommation - Domaine d’application - Bénéficiaire de la protection - Notion de professionnel - Illustrations - Contrats conclus pendant l’activité - Protection de l’entreprise - Alarmes et surveillance : présentation par cour d’appel