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6032 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Présentation générale

Nature : Synthèse
Titre : 6032 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Nature du contrat - Esprit du contrat - Présentation générale
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6032 (10 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - NATURE DU CONTRAT

RESPECT DE L’ESPRIT DU CONTRAT - PRÉSENTATION GÉNÉRALE

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2022)

 

 Présentation. Au-delà de la stricte définition des obligations des contractants, certains contrats ont un « esprit » particulier qui peut avoir une influence sur l’appréciation d’un éventuel déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (V. aussi pour les décisions se référant à l’économie du contrat Cerclab n° 6031). La solution est particulièrement importante car, en offrant une remarquable plasticité à la protection contre les clauses abusives, respectueuse de l’originalité de chaque situation, elle contribue à l’adoption d’un domaine le plus large possible d’une telle protection (V. notamment Cerclab n° 6036 pour les services publics).

Justifications. Cette adaptation de l’appréciation du déséquilibre à chaque situation peut être fondée sur plusieurs textes.

S’agissant de la directive n° 93/13/CEE du 5 avril 1993, elle peut s’appuyer sur l’art. 4 § 1 de ce texte qui dispose que « le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. » L’idée est également présente dans certains considérants du préambule, notamment les considérants n° 18 (« la nature des biens ou services doit avoir une influence sur l’appréciation du caractère abusif des clauses contractuelles ») et n° 16 (« l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués »).

En droit interne, la même idée peut être fondée depuis la loi du 1er février 1995 sur l’ancien art. L. 132-1 al. 5 C. consom. [L. 212-1 al. 2 nouveau] qui dispose « sans préjudice des règles d’interprétation prévues aux articles 1156 à 1161, 1163 et 1164 du code civil, le caractère abusif d’une clause s’apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. Il s’apprécie également au regard de celles contenues dans un autre contrat lorsque la conclusion ou l’exécution de ces deux contrats dépendent juridiquement l’une de l’autre ». Parmi les textes du Code civil auquel l’article renvoie, il convient de mentionner l’ancien art. 1158 selon lequel « les termes susceptibles de deux sens doivent être pris dans le sens qui convient le plus à la matière du contrat ».

La rédaction a été conservée par le nouvel art. L. 212-1 C. consom., avec modification des renvois aux textes du Code civil modifiés depuis le 1er octobre 2016, étant signalé que l’ancien art. 1158 qui a été abrogé n’a pas été repris.

Domaine. La reconnaissance d’une nature spécifique d’un type de contrat n’est pas automatique. Les professionnels ont naturellement tendance à exagérer l’originalité de leur intervention, la constatation n’étant pas spécifique à la protection contre les clauses abusives (V. par ex. en matière de qualification, la tendance classique à la multiplication des contrats sui generis, dès la moindre spécificité, afin d’échapper au régime de certains contrats nommés).

Pour une illustration : la spécificité de l’activité de garderie d’enfant ne justifie pas que le professionnel puisse apprécier discrétionnairement le motif légitime. CA Paris (pôle 4 ch. 9), 5 décembre 2013 : RG n° 12/03408 ; Cerclab n° 4615 ; Juris-Data n° 2013-027958, sur appel de TI Paris (16e arrdt), 6 décembre 2011 : RG n° 11-11-000319 ; Dnd.

Illustrations. Pour des illustrations autres que celles faisant l’objet de développements propres :

* Fourniture d’électricité. Admission de la clause stipulant que « les heures réelles de début et de fin des périodes tarifaires peuvent s’écarter de quelques minutes des horaires indiqués sur les factures », dès lors que le distributeur justifie que ce décalage de quelques minutes, en l’occurrence minime et pouvant se produire lors des basculements entre les heures creuses et les heures pleines, ne constitue qu’une incidence strictement technique de cette option tarifaire pouvant prévaloir sur les dispositions strictes du code de la consommation en raison des nécessités d’intérêt général en rapport avec les conditions d’exploitation de ce service de production et de distribution d’électricité (signal de basculement se traduisant par un appel de puissance qu’il est important de lisser pour des raisons de sécurité et d’optimisation économique). TGI Paris (ch. 1-4 soc.), 30 octobre 2018 : RG n° 13/03227 ; Cerclab n° 8256 (IV-B-1 – art. 4.1 ; jugement estimant que cette clause ne procède en définitive que d’un souci d’information plus exhaustive et transparente vis-à-vis du consommateur ; V. aussi IV-B-2 - art. 7.1 pour une autre clause similaire, avec des motifs – peu clairs – selon lesquels, dès lors que les sociétés EDF ou ENEDIS ne spécifient pas que le consommateur ne supportera pas les conséquences financières de ce décalage de périodes tarifaires, cette clause apparaît suffisamment explicite sur cette absence d’imputation financière vis-à-vis du consommateur dans ce cas de figure).

* Prêt à l’accession sociale. Cassation pour manque de base légale de l’arrêt rejetant la demande des emprunteurs tendant à voir déclarer abusive la clause d’un contrat de prêt à l’accession sociale prévoyant que le montant des échéances sera porté à leur connaissance à l'issue de la période d'anticipation, par des motifs impropres à exclure l'existence d'un déséquilibre significatif que la clause litigieuse aurait pour objet ou pour effet de créer au détriment des emprunteurs. Cass. civ. 1re, 15 juin 2022 : pourvoi n° 20-16070 ; arrêt n° 477 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 9699, cassant CA Paris (pôle 5 ch. 6), 12 février 2020 : RG n° 17/16356 ; Dnd (arrêt cassé estimant qu’aucun déséquilibre n'existe au détriment des emprunteurs puisqu'un tel appareil dans son ensemble permet de prendre en considération les éléments de la situation particulière d'emprunteurs candidats à un prêt à l'accession sociale et qu'il résulte de la volonté commune des parties, alors qu'aucune disposition légale n'interdit de procéder autrement que par détermination d'une obligation constante, que la progressivité de l'amortissement est une des caractéristiques du prêt à l'accession sociale).

* Transport. V. par exemple : CA Paris (pôle 2 ch. 2), 17 octobre 2014 : RG n° 13/09619 ; Cerclab n° 4906 (transport aérien ; n'est pas abusive la clause sanctionnant le dépassement de l’heure limite d’enregistrement par l'annulation éventuelle de la réservation, dès lors que le passager s'est vu fournir les informations nécessaires sur cette heure limite, inhérente à la spécificité du transport aérien), sur appel de TGI Bobigny (7e ch. sect. 2), 26 avril 2013 : RG n° 09/06829 ; Cerclab n° 7067, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-18970 ; arrêt n° 496 ; Cerclab n° 6849.

* Vie en collectivité. Pour une explicitation de l’argument : la location de plusieurs chambres meublées au sein d'un même appartement est incontestablement à l'origine de conditions particulières d'occupation, tenant notamment au nombre élevé d'occupants appelés à faire un usage commun de divers équipements, de nature à justifier la création d'obligations particulières. TGI Grenoble (4e ch. civ.), 3 juin 1996 : RG n° 95/04219 ; jugt n° 175 ; Cerclab n° 3152 (logement d’étudiants). § N.B. Certaines des décisions recensées évoquent implicitement l’argument, notamment pour les maisons de retraite (V. Cerclab n° 6421).