6055 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Exception d’inexécution en faveur du consommateur
- 6054 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Garanties d’exécution en faveur du professionnel
- 6125 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du professionnel
- 6126 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Suspension du contrat - Exception d’inexécution du consommateur
- 5835 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Existence d’une clause
- 6020 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations principales
- 6021 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des contreparties : obligations secondaires
- 6023 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Réciprocité - Réciprocité des prérogatives - Asymétrie
CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6055 (18 février 2024)
PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION
NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF
DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - EXÉCUTION DU CONTRAT
EXCEPTION D’INEXÉCUTION EN FAVEUR DU CONSOMMATEUR
Présentation. Si le problème posé par les garanties d’exécution du contrat est abondamment abordé pour celles exigées par le professionnel (Cerclab n° 6054), le cas des sûretés ou garanties au profit du consommateur est plus rarement évoqué, pour une raison simple : le consommateur n’est pas en mesure d’exiger de telles garanties. Or, l’absence de clause ne peut être sanctionnée sous l’angle des clauses abusives (V. Cerclab n° 5835), sauf à utiliser l’argument de l’absence de réciprocité, dont le seul effet serait de supprimer la garantie obtenue par le professionnel (compte tenu du caractère dévastateur de l’argument dans ce cas de figure, les décisions n’y recourent pas).
Néanmoins, il existe une garantie qui est accordée au consommateur, par application du droit commun des contrats synallagmatiques, et qui n’a pas besoin d’être stipulée séparément : l’exception d’inexécution. Cette institution permet au débiteur, dans un contrat synallagmatique comportant des obligations à la charge des deux parties, de refuser d’exécuter ses obligations, tant que son cocontractant n’exécute pas les siennes, dès lors qu’il appartenait à ce dernier de s’exécuter en premier. Or, il est fréquent que, dans les contrats synallagmatiques, figure une clause interdisant au consommateur de suspendre l’exécution de ses obligations si le professionnel n’exécute pas les siennes.
Le législateur est ici intervenu pour condamner ces stipulations, solution opportune dès lors que la suspension du paiement du prix est la seule arme dont dispose le consommateur pour faire pression sur le professionnel. Ce caractère abusif peut s’appuyer sur plusieurs arguments : la perte d’une garantie d’exécution, alors que les clauses similaires sont, en tout cas dans leur principe, admises pour le professionnel ; l’absence de réciprocité des contreparties, puisque le consommateur est tenu de continuer à exécuter ses obligations alors qu’il ne reçoit aucune contrepartie (Cerclab n° 6020) ; l’absence de réciprocité des prérogatives, puisque le professionnel peut suspendre l’exécution de ses obligations, par exemple dans le cas où le consommateur ne paierait pas le prix (Cerclab n° 6021).
Exception d’inexécution refusée au consommateur : clause abusive. La question a été explicitement tranchée par l’ancien art. R. 132-1-5° C. consom. (D. n° 2009-302 du 18 mars 2009), devenu l’art. R. 212-1-5° C. consom., qui fait de ces stipulations une clause « noire », interdite : est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service ». § N.B. L’exception d’inexécution présuppose que le professionnel doive s’exécuter en premier, mais le droit des clauses abusives (« pour objet ou pour effet ») présente l’intérêt de pouvoir écarter aussi les clauses qui imposeraient un ordre artificiel d’exécution, ayant pour résultat de priver le consommateur de ce moyen de défense.
Sur les clauses de suppression du bénéfice de l’exception d’inexécution, V. plus généralement Cerclab n° 6125.
Pour une décision n’examinant pas la question : CA Paris (pôle 4 ch. 6), 30 juin 2023 : RG n° 20/17111 ; Cerclab n° 10572 (clause prévoyant que la constatation de l’achèvement entraînait, qu’elle soit assortie de réserves ou pas, la remise des clés et l’exigibilité du solde du prix de 5 % ; selon l’arrêt, les acheteurs ne pouvaient, compte tenu de cette clause, invoquer l’exception d’inexécution ; N.B. la recherche d’un déséquilibre aurait plutôt conduit à rechercher si le déséquilibre ne provenait pas, justement, de la perte de l’exception d’inexécution, notamment si des travaux de reprises étaient nécessaires), sur appel de TJ Bobigny, 28 septembre 2020 : RG n° 16/04159 ; Dnd - CA Paris (pôle 4 ch. 6), 30 juin 2023 : RG n° 20/17723 ; Dnd (idem, dans le cadre d’un litige concernant le même programme immobilier), sur appel de TJ Paris, 13 novembre 2020 : RG n° 16/05443 ; Dnd.
Exception d’inexécution accordée au consommateur : clause non abusive. V. par exemple : absence de caractère abusif d’une clause autorisant l’opérateur à suspendre le contrat dans des cas correspondant à des manquements de l’abonné à ses obligations, une telle mesure n’étant pas du domaine de l’arbitraire et pouvant être arrêtée dès lors que l’abonné régularise sa situation. TGI Nanterre (1re ch. A), 17 mars 1999 : RG n° 12004/98 ; Site CCA ; Cerclab n° 4013 ; D. Affaires 1999. 860, obs. V.A.-R. ; RJDA 1999/6, n° 729.