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CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 15 septembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 15 septembre 2016
Pays : France
Juridiction : Paris (CA), Pôle 4 ch. 9
Demande : 14/07535
Date : 15/09/2016
Nature de la décision : Réformation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 4/04/2014
Référence bibliographique : Juris-Data n° 2016-018883
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6069

CA PARIS (pôle 4 ch. 9), 15 septembre 2016 : RG n° 14/07535

Publication : Jurica

 

Extrait : « Il est constant qu'à la suite d'un démarchage à son cabinet médical, Mr X. qui exerce la profession de médecin généraliste a souscrit en cette qualité puisqu'il a porté sur le contrat son cachet professionnel, un contrat de location portant sur un matériel médical « EASY SPIRO » qui a été livré à son cabinet selon procès-verbal de livraison et de conformité signé le 6 avril 2012.

Il s'ensuit que la location de ce matériel à vocation médicale a bien été bien faite pour les besoins de son activité professionnelle et traduit un choix de pouvoir utiliser et faire profiter à ses patients de cet appareil de mesure, peu important que par la suite il ait pu se rendre compte que ce matériel n'était finalement pas adapté à son activité de médecin généraliste.

Il a d'ailleurs attesté en signant la première page du contrat de location que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière.

C'est donc à tort que le premier juge a pu considérer qu'il convenait d'appliquer les dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage, en faisant une interprétation restrictive de la notion de rapport direct avec l'activité professionnelle par rapport à une définition relativement étroite de l'activité de médecin généraliste, alors que rien n'empêche un tel médecin de disposer de matériel généralement réservé à des médecins spécialiste, comme en l'espèce, s'agissant d'un spiromètre, plutôt à des pneumologues, afin de proposer à ses patients de nouvelles prestations médicales pouvant par exemple éviter de les envoyer systématiquement chez un spécialistes pour des contrôles et des analyses qu'il pourrait être en capacité de faire lui-même.

Il importe peu de savoir si le locataire disposait de compétences particulières dans le domaine de la spirométrie dès lors que le contrat avait pour objet de valoriser son activité et ce seul lien suffit à exclure l'application des dispositions du code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE PARIS

PÔLE 4 CHAMBRE 9

ARRÊT DU 15 SEPTEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/07535 (6 pages). Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 janvier 2014 -Tribunal d'Instance d'ETAMPES - RG n° 11-12-000508.

 

APPELANTE :

SAS LOCAM LOCATION AUTOMOBILES MATÉRIELS

N° SIRET : XX, Représentée et assistée de Maître Guillaume M. de la SELARL « ABM DROIT ET CONSEIL » AVOCATS E.B. & M., avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

 

INTIMÉ :

Monsieur X.

né le [date] à [ville], Représenté par Maître Michael A., avocat au barreau de PARIS, toque : E0448, Assisté de Maître Benjamin C., avocat au barreau de PARIS, toque : E0448

 

COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 juin 2016, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur Jean-Pierre Gimonet, président, et Madame Françoise JEANJAQUET, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Jean-Pierre GIMONET, Président de chambre, Mme Patricia GRASSO, Conseillère, Madame Françoise JEANJAQUET, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Léna ETIENNE

ARRÊT : CONTRADICTOIRE - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Madame Patricia GRASSO, conseiller par suite d'un empêchement du président, et par Monsieur Thibaut SUHR, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Mr X. a souscrit le 12 mars 2012, auprès de la Société LOCAM SAS, un contrat de location n° XX d'une durée de 60 mois pour un matériel de type spiromètre EASY SPIRO et un ordinateur emachine commercialisé par la SARL laboratoires EMS moyennant un loyer mensuel de 129 euros TTC outre le coût de l'assurance de 4,80 euros.

Le matériel a été livré le 6 avril 2012.

Par courrier du 12 avril 2012, la Société LOCAM a transmis à Mr X. la facture de loyer intermédiaire et la facture unique de loyers couvrant la totalité de la période de location mais Mr X. contestant l'existence du contrat et le fait qu'il ait donné d'autorisation de prélèvement a refusé de régler les loyers et la société LOCAM a prononcé la résiliation du contrat par lettre recommandée avec accusé de réception de mise en demeure reçue le 6 août 2012.

Par acte délivré le 30 octobre 2012, la société LOCAM - LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS a assigné Mr X. devant le tribunal d'instance d'Etampes afin d'obtenir notamment, le règlement des sommes dues au titre du contrat et la restitution du matériel objet du contrat sous astreinte.

Par jugement du 8 janvier 2014, le tribunal d'instance d'Étampes a, prononcé la nullité du contrat de location n° XX signé le 12 mars 2012 entre la société LOCAM SAS et Mr X., dit que Mr X. donc restituer à la Société LOCAM -LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS l'appareil en sa possession, débouté la société LOCAM de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à verser à Mr X. la somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par déclaration du 4 avril 2014, la Société LOCAM-LOCATION AUTOMOBILES MATERIELS a relevé appel du jugement.

 

Selon ses conclusions du 30 septembre 2014, la société appelante demande à la Cour d'infirmer le jugement dans toutes ses dispositions, de débouter Mr X. de l'ensemble de ses demandes, de le condamner au paiement de la somme de 8.839,87 euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 20l2, ordonner l'anatocisme des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil, ordonner la restitution par Mr X. du matériel objet du contrat et ce, sous astreinte par 50 euros par jour de retard passé un délai de 8 jours ensuite de la signification du jugement, de condamner Mr X. au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700, outre sa condamnation aux entiers dépens qui seront recouvrés directement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que c'est à tort que le premier juge a appliqué les dispositions du code de la consommation relatives au démarchage à domicile alors que Mr X. exerce la profession de médecin et a conclu le contrat de location litigieux, portant sur du matériel à usage médical livré dans les locaux professionnels de celui-ci, dans le cadre de son activité libérale et qu'il doit donc être considéré pour la conclusion de ce contrat comme un professionnel et non un consommateur.

Sur la nullité pour dol, elle fait valoir que Mr X. ne rapporte pas la preuve de manœuvre dolosive, que le contrat était clair, qu'il a attesté avoir reçu les conditions générales et particulières du contrat et qu'il n'a posé aucune réserve sur le procès-verbal de livraison et de conformité, qu'il fait état de manœuvres de société EMS qui n'a pas été mise en cause.

 

Selon ses conclusions du 11 août 2014, Mr X. demande à la cour de confirmer le jugement rendu et de condamner la société LOCAM à lui payer la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Il fait valoir que c'est à bon droit que le tribunal a considéré que le matériel objet du contrat n'avait pas de rapport direct avec son activité de médecin généraliste et a appliqué les dispositions de l'article L. 122-22-4° du code de la consommation que, l'utilisation d'un spiromètre nécessite une qualification technique particulière dans l'utilisation du matériel ainsi que des connaissances spécifiques dans l'interprétation du tracé, que ce matériel est inutile à son activité de médecin généraliste et n'aurait tout au plus qu'un rapport très indirect avec son activité, ce type de matériel étant destiné avant tout aux pneumologues qui par leur formation, sont à même d'utiliser ce type de machine et d'en interpréter les résultats.

Il soutient qu'en tout état de cause le contrat est nul pour dol, la société LOCAM en partenariat avec la Société EMS LABORATOIRE ayant usé de manœuvres visant à le faire entrer dans une relation contractuelle à laquelle il n'avait pas consenti qu'il a cru procéder à un achat et non à une location, qu'il n'a reçu aucun exemplaire du contrat, qu'il n'a reçu aucun mode d'emploi ni aucune formation lui permettant d`utiliser le matériel.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE, LA COUR :

Sur la nullité du contrat de location pour non-respect des dispositions du code de la consommation :

Aux termes de l'article L. 121-22 4°du code de la consommation, ne sont pas soumises aux dispositions protectrices du code relative au démarchage, les ventes, locations-vente de biens ou de prestations de services lorsqu'elles ont un rapport direct avec les activités exercées dans le cadre d'une exploitation agricole, industrielle, commerciale ou artisanale ou de toute autre profession.

Il est constant qu'à la suite d'un démarchage à son cabinet médical, Mr X. qui exerce la profession de médecin généraliste a souscrit en cette qualité puisqu'il a porté sur le contrat son cachet professionnel, un contrat de location portant sur un matériel médical « EASY SPIRO » qui a été livré à son cabinet selon procès-verbal de livraison et de conformité signé le 6 avril 2012.

Il s'ensuit que la location de ce matériel à vocation médicale a bien été bien faite pour les besoins de son activité professionnelle et traduit un choix de pouvoir utiliser et faire profiter à ses patients de cet appareil de mesure, peu important que par la suite il ait pu se rendre compte que ce matériel n'était finalement pas adapté à son activité de médecin généraliste.

Il a d'ailleurs attesté en signant la première page du contrat de location que le contrat est en rapport direct avec son activité professionnelle et souscrit pour les besoins de cette dernière.

C'est donc à tort que le premier juge a pu considérer qu'il convenait d'appliquer les dispositions protectrices du code de la consommation en matière de démarchage, en faisant une interprétation restrictive de la notion de rapport direct avec l'activité professionnelle par rapport à une définition relativement étroite de l'activité de médecin généraliste, alors que rien n'empêche un tel médecin de disposer de matériel généralement réservé à des médecins spécialiste, comme en l'espèce, s'agissant d'un spiromètre, plutôt à des pneumologues, afin de proposer à ses patients de nouvelles prestations médicales pouvant par exemple éviter de les envoyer systématiquement chez un spécialistes pour des contrôles et des analyses qu'il pourrait être en capacité de faire lui-même.

Il importe peu de savoir si le locataire disposait de compétences particulières dans le domaine de la spirométrie dès lors que le contrat avait pour objet de valoriser son activité et ce seul lien suffit à exclure l'application des dispositions du code de la consommation.

En conséquence le contrat litigieux ne peut encourir la nullité pour non-respect des dispositions du code de la consommation et le jugement sera infirmé en ce qu'il prononcé la nullité du contrat litigieux de ce chef.

 

Sur la nullité du contrat pour dol :

Il résulte des dispositions de l'article 116 du code civil, que si le dol est une cause de nullité de la convention, il appartient à celui qui s'en prétend victime de rapporter la preuve des manœuvres dolosives de son cocontractant sans lesquelles il est évident qu'il n'aurait pas contracté.

Il est versé par la société LOCAM le bon de commande du matériels EASY SPIRO du 12 mars 2012 portant le cachet et la signature de Mr X. ainsi que le contrat de location de la société LOCAM du même jour portant également le cachet de Mr X. et sa signature, juste après la mention par laquelle il reconnaît avoir pris connaissance et reçu les conditions générales et particulières de celui-ci.

Ce contrat désigne expressément le matériel, le nombre et du montant des loyers et ces mentions sont suffisamment claires pour que Mr X. ne puisse sérieusement prétendre qu'il a été induit en erreur sur la nature de l'engagement qu'il a souscrit.

Il a également porté sa signature sur le bordereau concernant l'autorisation de prélèvements et reconnaît avoir fourni son RIB et il a par la suite signé le bon de livraison du matériel.

Il ne rapporte pas par ailleurs, la preuve de manœuvres dolosives qui auraient été utilisées par la société LOCAM par l'intermédiaire du commercial de l’entreprise EMS qui a démarché Mr X. en utilisant, selon la description qui en est faite par Mr X. et sa collaboratrice, une méthode de vente relativement courante qui, si elle peut apparaître agressive n'est pas pour autant malhonnête, étant observé que Mr X. est médecin et était à même d'apprécier ses besoins professionnels même sous la pression du commercial chargé de la vente.

En conséquence, la demande de nullité du contrat litigieux sur le fondement du dol sera rejetée.

 

Sur les sommes réclamées par la société LOCAM :

Mr X. n'ayant pas respecté ses engagements de paiement des loyers, la société LOCAM était bien fondée à provoquer la résiliation du contrat en vertu de la clause de résiliation de plein droit figurant à l'article 12 des conditions générales du contrat.

Cette résiliation entraîne, outre la restitution du matériel aux frais du locataire et le versement par celui d'une somme égale au montant des loyers impayés au jour de la résiliation majorée d'une clause pénale de 10% ainsi qu'une somme égale à la totalité des loyers restant à courir jusqu'à la fin du contrat telle que prévue à l'origine majorée d'une clause pénale de 10 %.

La créance de la société LOCAM s'établit ainsi que suit au vu du décompte produit :

- 4 loyers impayés de 133,80 euros soit 535,20 euros,

- 56 loyers à échoir hors assurance - le contrat étant résilié - de 129 euros soit 7.224 euros.

Les indemnités de résiliation prévues au contrat qui s'analysent en des clauses pénales au sens de l'article 1152 du code civil peuvent, même d'office, être modérées si elles sont manifestement excessive.

En l'espèce, leur montant à hauteur de 10 % des sommes dues au titre des mensualités impayées et des loyers à échoir apparaît manifestement excessif, la société LOCAM ne subissant aucun préjudice financier en raison de la résiliation anticipée du contrat, elles seront en conséquence ramenées à 1 % des sommes dues soit 5,35 euros et 72,24 euros soit un total de 77,59 euros.

En conséquence, Mr X. sera condamné à payer à la société LOCAM la somme de 7.836,79 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation en justice ainsi que le demande la société LOCAM.

La capitalisation des intérêts sollicitée en application de l'article 1154 du code civil sera ordonnée dans les conditions qui seront précisées au dispositif.

Il convient de confirmer la restitution du matériel par Mr X. ordonnée par le premier juge mais en l'assortissant d'une astreinte selon les modalités qui seront précisées au dispositif afin d'en assurer l'effectivité.

Mr X., partie succombante, supportera les dépens de première instance et d'appel.

Eu égard à la situation économique respective des parties, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société LOCAM.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement dans toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que Mr X. devra restituer à la société LOCAM le matériel EASY SPIRO en sa possession ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés,

Rejette la demande de nullité du contrat souscrit par Mr X. avec la société LOCAM le 12 mars 2012 ;

Condamne Mr X. à payer à la société LOCAM - LOCATlON AUTOMOBILES MATERIELS la somme de 7836,79euros avec intérêts au taux légal à compter du 30 octobre 2012 ;

Dit que les intérêts échus depuis plus d'une année à compter du 30 octobre 2013 seront capitalisés pour produire à leur tour des intérêts ;

Déboute la société LOCAM du surplus de ses demandes ;

Y ajoutant,

Dit que Mr X. devra restituer à la société LOCAM le matériel EASY SPIRO en sa possession dans le délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt puis sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant 40 jours ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Mr X. aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement par la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

LE GREFFIER                    LE CONSEILLER POUR LE PRESIDENT EMPECHE