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6124 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Prise en charge des risques d’inexécution

Nature : Synthèse
Titre : 6124 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Prise en charge des risques d’inexécution
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6124 (24 septembre 2022)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION - PRÉSENTATION PAR CLAUSE

INEXÉCUTION DU CONTRAT - PRISE EN CHARGE DES RISQUES D’INEXÉCUTION

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

Présentation. Il peut arriver que le contrat ne puisse pas ou plus être exécuté pour des raisons qui ne soient pas imputables aux contractants : force majeure, fait du prince, etc. Si les clauses des contrats de consommation portant sur la définition de ces événements, dans un sens extensif pour le professionnel (Cerclab n° 6097) et restrictif pour le consommateur (Cerclab n° 6099) peuvent être examinées sous l’angle des clauses abusives, tel est aussi le cas des stipulations aménageant les conséquences d’un événement possédant effectivement ce caractère. L’appréciation du caractère abusif des clauses relatives à la charge des risques a été profondément modifiée par la loi du 17 mars 2014, tant pour les risques d’inexécution dans les contrats translatifs (A), que pour les risques relatifs au transport (C), seuls les risques liés aux obligations de faire restant soumis aux règles générales (B).

Absence de responsabilité contractuelle. Le contractant qui peut invoquer la force majeure n’engage pas sa responsabilité (art. 1218 C. civ.). En droit commun, la règle peut faire l’objet de clauses contraires. En droit de la consommation, les clauses imposées par le professionnel visant à maintenir la responsabilité du consommateur, alors que celui-ci pourrait invoquer un cas de force majeure, sont abusives (V. Cerclab n° 6099).

A. PRISE EN CHARGE DES RISQUES D’INEXÉCUTION DANS LES CONTRATS TRANSLATIFS.

­Droit commun. Lorsque le contrat a pour objet ou pour effet de transférer la propriété du bien, les risques pèsent sur le propriétaire (« res perit domino »). L’ordonnance du 10 février 2016 pose explicitement la règle dans le nouvel art. 1196 C. civ. : « le transfert de propriété emporte transfert des risques de la chose ».

Si le bien est encore la propriété du vendeur au moment de sa destruction, l’acheteur n’est pas tenu de payer le prix. Si le bien est au contraire déjà devenu la propriété de l’acheteur, sa disparition ne le dispense pas de son obligation de paiement du prix. Le fait que le bien ait été délivré ou non est sans influence directe : la charge des risques pèse sur le propriétaire que le bien soit détenu par le vendeur, alors que sa propriété a déjà été transmise à l’acheteur, ou qu’il soit détenu par l’acheteur, le vendeur ayant conservé la propriété jusqu’au paiement intégral du prix. La règle ne reçoit exception que lorsque le débiteur de la délivrance a été mis en demeure par le créancier (art. 1196 C. civ. in fine).

Droit de la consommation. En dehors de cette hypothèse, il convient de distinguer selon que c’est le professionnel ou le consommateur qui est le vendeur. L’appréciation du caractère abusif peut reposer sur l’idée générale selon laquelle le consommateur n’a pas à supporter les risques de perte ou de détérioration du bien qu’il a acquis dans les cas où, soit il n’était pas en mesure de prévenir ces risques (notamment parce qu’il ne détenait pas encore le bien), soit il n’a commis aucun manquement, mais ces considérations ne peuvent faire abstraction du régime de droit commun résultant du Code civil ou des règles nouvelles imposées par la loi du 17 mars 2014.

1. DROIT DE LA CONSOMMATION POSTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014

Domaine de l’art. L. 216-4 C. consom. (ancien art. L. 138-4 C. consom.) : exclusion des non-professionnels. Les solutions imposées par les art. L. 216-4 à 6 C. consom. ne concernent que les consommateurs, au sens étroit de l’article préliminaire et tel était déjà le cas dans le cadre des anciens art. L. 138-4 s. C. consom. Les non-professionnels peuvent invoquer le caractère abusif des clauses d’attribution de la charge des risques, mais ils se trouvent dans une position similaire à celle existant avant la loi du 17 mars 2014 (V. ci-dessous 2).

Professionnel vendeur avant la prise de possession physique. Pour les contrats conclus après le 13 juin 2014 (art. 34 de la loi du 17 mars 2014), l’art. L. 216-4. C. consom., reprenant l’ancien art L. 138-4 C. consom., dispose que « tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ». Le texte est d’ordre public (art. L. 261-6 C. consom., reprenant l’ancien art. L. 138-6 C. consom.). Cette disposition est révolutionnaire, puisque contrairement au principe traditionnel posé depuis le Code civil et conservé par l’ordonnance du 10 février 2016 (art. 1196 C. civ. précité), elle dissocie la charge des risques et l’attribution de la propriété. Même si elle joue un rôle important quant aux risques liés au transport, sa portée ne se limite pas à cela, d’autant que le texte inclut non seulement les pertes mais aussi les détériorations du bien.

Désormais, le professionnel vendeur assume nécessairement la charge des risques survenus au bien vendu (ou mis à disposition, V. ci-dessous) tant que le bien n’a pas été transféré « physiquement » au consommateur ou à une personne désignée par lui. Le texte exclut donc clairement tout transfert de risque lorsque le bien est remis à une personne choisie par le professionnel (dépositaire, transporteur), qui ne présente pas nécessairement toutes les garanties de fiabilité (notamment pour des raisons d’économie). L’art. L. 216-4 C. consom. transcende donc les distinctions antérieures puisqu’il impose des solutions identiques aux cas du bien vendu, devenu propriété de l’acheteur consommateur, mais toujours détenu par le vendeur, qu’à celui du bien qui n’a pas été livré et dont la propriété est demeurée celle du vendeur.

Professionnel vendeur après la prise de possession physique. Lorsque le consommateur a pris physiquement possession du bien, tout risque de perte ou d'endommagement des biens lui est transféré. La solution se justifie sans doute dès lors que la détention physique du bien permet au consommateur de prendre les mesures de nature à éviter ces risques. Appliqué littéralement, la disposition nouvelle semble rompre totalement avec la propriété, que ce soit avant ou après la délivrance. Autrement dit, le consommateur se voit légalement imposer la charge des risques sur les biens qu’il détient, qu’il en soit propriétaire ou pas (ex. bien vendu avec réserve de propriété).

Consommateur vendeur. L’art. L. 216-4 C. consom. ne concerne que le cas de la remise d’un bien par un professionnel au consommateur. Lorsque le consommateur ou le non-professionnel est vendeur, les solutions antérieures demeurent applicables.

Illustrations. Aux termes de l’art. L. 216-4 C. consom., tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ; cassation du jugement rejetant la demande formée par l’acheteur contre le vendeur, aux motifs que La Poste avait proposé de l’indemniser, admettant ainsi implicitement une défaillance de ses services dont le vendeur n'est pas responsable, et que l'acheteur ne rapportait pas la preuve d'un manquement de celui-ci à ses obligations contractuelles, alors qu'il résultait de ses constatations que l'acheteur n'avait pas pris physiquement possession des biens achetés sur Internet. Cass. civ. 1re, 3 février 2021 : pourvoi n° 19-21046 ; arrêt n° 128 ; Bull. civ ; Cerclab n° 8867, cassant partiellement TI Villeurbanne, 12 juin 2019 : Dnd.

2. DROIT DE LA CONSOMMATION ANTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014

Présentation. Avant la loi du 17 mars 2014 et même après ce texte, pour les non-professionnels ou pour les consommateurs vendeurs, les solutions étaient infiniment plus complexes. Plusieurs cas de figure doivent être distingués, la nécessité d’une clause ou sa conformité au droit commun pouvant avoir une influence importante.

Vente par le professionnel : consommateur propriétaire d’un bien non délivré. Dans ce premier cas, le bien est identifié, sa propriété a été immédiatement transférée au consommateur, mais il est encore détenu par le vendeur, dans ses entrepôts ou chez un tiers en exécution d’une clause du contrat. Si un sinistre survient, le droit commun emporte pour conséquence d’attribuer au consommateur la charge des risques, ce qui l’oblige à payer le prix sans contrepartie, sauf à mettre en jeu la responsabilité du vendeur pour manquement à son obligation de conservation.

Antérieurement au décret du 18 mars 2009, il était permis de se demander si une telle situation ne pouvait pas correspondre à l’hypothèse prévue par le point 1.o) de l’annexe à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. qui faisait figurer parmi les clauses susceptibles d’être déclarées abusives celles ayant pour objet ou pour effet « d’obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’exécuterait pas les siennes », ce qui était le cas puisque le consommateur devait payer le prix sans recevoir le bien. Après la loi du 17 mars 2014, l’analyse conservait un intérêt pour les non-professionnels, qui ne pouvaient invoquer l’ancien art. L. 138-4 C. consom. mais qui pouvaient revendiquer le bénéfice de l’ancien art. R. 132-1-5° C. consom. (D. n° 2009-302 du 18 mars 2009) qui disposait qu’est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le non-professionnel ou le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service ». La situation n’a pas changé depuis l’ordonnance du 14 mars 2016, puisque les non-professionnels ne peuvent invoquer l’art. L. 216-4 C. consom., mais que la solution est inverse pour l’art. R. 212-1-5° C. consom., auquel renvoie l’art. R. 212-5 C. consom.

Toutefois, s’il n’est pas discutable que ces deux textes peuvent s’appliquer aux clauses qui privent le consommateur du bénéfice de l’exception d’inexécution, même si celle-ci n’est pas imputable au professionnel, leur extension au transfert des risques est discutable et de peu d’intérêt. En effet, la perte ou le dommage résultant de la force majeure n’est pas une inexécution de l’obligation imputable au professionnel. Ensuite, la solution découlant du droit commun, elle ne nécessite pas de clause particulière : le professionnel qui n’a rien stipulé ne peut être inquiété dès lors qu’une absence de clause ne peut être déclarée abusive (V. Cerclab n° 5835). Enfin, et surtout, même en présence d’une clause attachant les risques à la qualité de propriétaire, la reconnaissance de son caractère abusif n’est d’aucun secours, puisque son élimination (clause réputée non écrite) entraîne... un retour au droit commun et donc à l’attribution des risques au consommateur propriétaire... Ceci permet de mieux comprendre la nécessité et l’intérêt de l’art. L. 216-4 C. consom.

Vente par le professionnel : consommateur non propriétaire d’un bien non délivré. Une seconde hypothèse concerne le cas où la propriété n’a pas été transférée en raison d’une clause de réserve de propriété et où le consommateur ne détient pas le bien. Elle peut notamment se rencontrer lorsque, avant même le transport et dans l’attente du retirement, le professionnel place le bien en dépôt (N.B. le professionnel est tenu d’une obligation de conservation dont il ne peut s’exonérer à l’égard d’un consommateur). La clause transférant les risques au consommateur pourrait être jugée abusive dès lors que le consommateur n’a pas pu prévenir les risques (ex. dépositaire choisi par le professionnel) et, sans doute, à condition qu’il n’ait commis aucun manquement. Ainsi, la solution est traditionnelle dans le Code civil de transférer les risques après une mise en demeure d’avoir à retirer le bien mis à disposition (V. par exemple le nouvel art. 1196 C. civ. généralisant une solution déjà présente dans l’art. 1788 C. civ.). En droit de la consommation, il serait en revanche abusif de transférer les risques alors que le consommateur n’a pas été averti de la mise à disposition du bien, que le délai de retirement est excessivement court, que le professionnel est lui-même en tort (livraison tardive, refus légitime du consommateur de prendre livraison si le bien n’est pas mis à disposition à l’endroit convenu, etc.) ou qu’il a été mis en demeure de livrer.

Vente par le professionnel : consommateur non propriétaire d’un bien délivré. Dans une troisième hypothèse, la propriété a été conservée par le vendeur (ex. vente avec réserve de propriété), mais le bien a été livré à l’acheteur, consommateur ou non-professionnel. En droit commun, les risques pèseraient sur le vendeur, mais les contrats de consommation stipulent systématiquement un transfert des risques à la charge du consommateur détenteur. Une telle stipulation ne semble pas créer de déséquilibre significatif, dès lors que dans un tel cas, c’est normalement le consommateur ou le non-professionnel qui peut prendre toute mesure de protection du bien, afin d’éviter un éventuel sinistre, et qui doit, sans que cela soit critiquable en soi, prendre une assurance pour en couvrir les conséquences éventuelles de sa survenance. Seules pourraient peut-être être réservées, si elles existent, les situations où le professionnel conserve en fait la maîtrise de ces risques compte tenu de l’impossibilité pour le consommateur de déterminer les mesures à prendre (bien hautement technologique, bien contrôlé à distance par le professionnel). Certaines situations pourraient ainsi conduire à distinguer, quant à la charge des risques, une sorte de garde de la structure et de garde du comportement.

Vente par le consommateur. Il est souvent oublié que le consommateur n’est pas forcément un acheteur et que, dans certains cas, il peut aussi être vendeur d’un bien (brocante, arbres sur pied, objets en métaux précieux, voiture d’occasion accessoirement à l’achat d’un véhicule neuf, etc.). Il est a priori impossible de déterminer de façon générale le caractère abusif des clauses concernant la charge des risques, compte tenu l’incertitude sur le contenu exact des stipulations quant à la date de paiement du prix ou du transfert de propriété, qui peuvent sans doute être extrêmement variables selon les cas (sur les clauses relatives au transport, V. ci-dessous C). Il ne semblerait pas abusif de laisser au consommateur ou au non-professionnel la charge des risques concernant un bien non livré et sur lequel il exercerait encore un pouvoir de surveillance. En revanche, serait certainement abusive la clause laissant la charge des risques sur le consommateur ou le non-professionnel, alors que celui-ci a dûment mis en demeure le professionnel de procéder au retirement.

B. PRISE EN CHARGE DES RISQUES D’INEXÉCUTION DANS LES CONTRATS NON TRANSLATIFS.

­Droit commun. Lorsque le contrat concerne des obligations de faire, le débiteur qui ne peut plus exécuter son obligation ne peut réciproquement plus exiger le paiement du prix (les risques pèsent sur le débiteur, « res perit debitori »).

Consommateur ne pouvant plus bénéficier de la prestation. Le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure ; cassation, pour violation de l’art. 1218 C. civ., du jugement autorisant un curiste à solliciter la résolution de son contrat, en raison d’une hospitalisation soudaine l’ayant obligé à quitter l’établissement, alors qu'il résultait de ses constatations que les résidents avaient exécuté leur obligation en s'acquittant du prix du séjour, et qu'ils avaient seulement été empêchés de profiter de la prestation dont ils étaient créanciers. Cass. civ. 1re, 25 novembre 2020 : pourvoi n° 19-21060 ; arrêt n° 714 ; Bull. civ. ; Cerclab n° 8776, cassant TI Manosque, 27 mai 2019 : Dnd.

1. DROIT DE LA CONSOMMATION POSTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014

Mise à disposition d’un bien. Pour les contrats conclus par des consommateurs après le 13 juin 2014 (art. 34 de la loi du 17 mars 2014), l’art. L. 138-4 C. consom. disposait que « tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ». Le texte a été déplacé par l’ordonnance du 14 mars 2016 à l’art. L. 216-4 C. consom. : « Tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ».

Ces textes ne sont pas limités aux biens livrés au consommateur dans le cadre d’un contrat visant à en transférer la propriété. Il peuvent donc s’appliquer aux contrats impliquant à titre principal ou accessoire la mise à disposition d’un bien dont le professionnel reste en tout état de cause propriétaire : location, prêt, etc. (ex. location d’un téléviseur, mise à disposition d’un modem pour une fourniture d’accès internet). Cependant, compte tenu de la nature non translative du contrat, cette solution est surtout importante pour les risques liés au transport (V. ci-dessous C). La perte d’un bien devant être mis à disposition avant sa remise physique au consommateur appelle d’autres solutions. Pour les biens indifférenciés (chose de genre), la perte reste sans influence sur le contrat, que le professionnel peut toujours exécuter en se procurant un autre bien similaire. Pour la mise à disposition d’un bien clairement identifié (corps certain), le perte du bien empêche l’exécution du contrat et interdit au professionnel de demander le paiement du prix. Par ailleurs, la clause qui imposerait au consommateur l’indemnisation du prix du bien alors que sa perte résulte d’un cas de force majeure est abusive (Cerclab n° 6099).

Professionnel ne pouvant plus assurer sa prestation. * Principe. Le professionnel qui peut invoquer valablement un cas de force majeure pour s’exonérer de ses obligations n’encourt aucune responsabilité pour inexécution. Mais, il ne peut obliger le consommateur à continuer à exécuter ses obligations, qui seraient dès lors dépourvues de toute contrepartie. Cette solution peut désormais être directement fondée sur les termes de l’art. R. 212-1-5° C. consom. (reprenant l’ancien art. R. 132-1-5° C. consom., dans sa rédaction résultant du décret n° 2009-302 du 18 mars 2009, sous réserve de l’extension aux non-professionnels qui figure désormais à l’art. R. 212-5 C. consom.), qui dispose qu’est de manière irréfragable présumée abusive et dès lors interdite, la clause ayant pour objet ou pour effet de « contraindre le consommateur à exécuter ses obligations alors que, réciproquement, le professionnel n’exécuterait pas ses obligations de délivrance ou de garantie d’un bien ou son obligation de fourniture d’un service ».

* Conséquences. Les conséquences sont nombreuses : impossibilité d’exiger le montant du prix, impossibilité d’imposer le paiement d’une indemnité de résiliation, obligation de rembourser les sommes versées d’avance correspondant à un service qui ne sera jamais rendu, etc.

2. DROIT DE LA CONSOMMATION ANTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014

Professionnel ne pouvant plus assurer sa prestation. * Principe. Antérieurement au décret du 18 mars 2009, la qualification de clause abusive pouvait déjà s’appuyer sur l’annexe 1.o) à l’ancien art. L. 132-1 C. consom. qui faisait figurer parmi les clauses susceptibles d’être déclarées abusives celles ayant pour objet ou pour effet « d’obliger le consommateur à exécuter ses obligations lors même que le professionnel n’exécuterait pas les siennes ».

* Conséquences. Les conséquences sont nombreuses (pour la présentation, V. Cerclab n° 6126) : impossibilité d’imposer l’exécution du contrat et donc le montant du prix, impossibilité d’imposer le paiement d’une indemnité d’annulation ou de résiliation, obligation de rembourser les sommes versées d’avance correspondant à un service qui ne sera jamais rendu, etc.

Maintien à la charge du consommateur des risques liés à des tiers. Absence de caractère abusif de l’art. 55 A alinéa 1er du tarif général des voyageurs par lequel la SNCF s’exonère en cas de vol des bagages à mains.CA Paris (8e ch. A), 23 novembre 1993 : RG n° 92/21697 ; Cerclab n° 1298 (clause n’imposant pas au voyageur l’obligation juridique de surveiller ses bagages, mais se contentant de lui faire supporter, entre autres risques, celui du vol de ses bagages à main commis par un tiers, risque par ailleurs assurable ; si la disposition de la voiture facilite les vols commis par des tiers au contrat, elle ne rend pas impossible la surveillance des valises en offrant la possibilité de déambuler dans la voiture arrêtée ; arrêt affirmant cependant, même si c’est sans lien avec l’affaire, que la clause serait écartée en cas de vol imputable à la SNCF tel que le vol d’un bagage commis par l’un de ses préposés), infirmant TI Paris (9e arrdt), 23 avril 1992 : RG n° 1754/91 ; jugt n° 1134/92 ; Cerclab n° 435 (caractère abusif admis : la SNCF ne peut valablement se décharger de sa responsabilité que si elle permet au voyageur d’exercer normalement l’obligation de surveillance mise à sa charge, ce qui n’est pas le cas lorsque, compte tenu de la configuration même de la voiture, les sièges se trouvent dos au porte-bagages en bout de voiture ; clause jugée en revanche efficace en ce qu’elle informe de manière non équivoque le voyageur de ne pas déposer d’objets de valeur dans les cases à bagages à l’entrée de chaque salle, cette stipulation s’apparentant à une limitation de la responsabilité au contenu habituel d’un bagage pouvant s’assimiler au dommage prévisible de l’art. 1150 C. civ.).

Est abusive la clause permettant au prêteur de se prévaloir de la déchéance du terme du prêt de destruction totale ou partielle de l'immeuble financé même dans l'hypothèse où le bien financé n'a pas été hypothéqué et où l'emprunteur, malgré la destruction de celui-ci, continue à honorer les échéances de remboursement ; une telle clause, prévoyant la déchéance du terme du contrat pour une cause autre que la défaillance de l'emprunteur dans ses obligations contractuelles essentielles et ne résultant pas nécessairement de la faute de celui-ci, ni même de son fait, crée un déséquilibre significatif, dès lors que, par une décision unilatérale intervenant en dehors des mécanismes de la condition résolutoire, le prêteur expose soudainement l'emprunteur à une aggravation majeure des conditions de remboursement bouleversant l'économie du contrat qui est de nature à l'empêcher de reconstruire ou de réparer un immeuble, même non hypothéqué, en le contraignant à affecter l'indemnité d'assurance au remboursement immédiat du prêt. CA Rennes (2e ch.), 27 janvier 2017 : RG n° 13/09204 ; arrêt n° 49 ; Cerclab n° 6713 (prêt immobilier), sur appel TGI Rennes, 5 novembre 2013 : Dnd.

C. RISQUES LIÉS AU TRANSPORT

Présentation. L’exécution du contrat conclu entre le professionnel et le consommateur peut nécessiter la livraison d’un bien matériel supposant le déplacement physique de celui-ci. L’hypothèse peut se rencontrer aussi bien lors de l’exécution initiale d’une obligation de délivrance incombant au professionnel ou au consommateur, en cours de contrat (par exemple pour le renvoi d’un bien défectueux) ou en fin de contrat en exécution d’une obligation de restitution. La solution traditionnelle a été profondément modifiée par la loi du 17 mars 2014.

1. DROIT ANTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014

Présentation. Traditionnellement, en droit commun, dans l’hypothèse la plus courante de l’obligation de délivrance du professionnel, le principe était d’attribuer les risques de perte au propriétaire du bien, sauf clause contraire. La règle figurait expressément à l’art. 100 de l’ancien Code de commerce, transféré quasiment à l’identique dans la nouvelle codification à l’art. L. 132-7 C. com. qui dispose : « la marchandise sortie du magasin du vendeur ou de l'expéditeur voyage, s'il n'y a convention contraire, aux risques et périls de celui à qui elle appartient, sauf son recours contre le commissionnaire et le voiturier chargés du transport ». Il en résultait que les risques du transport pesaient sur le consommateur si la propriété du bien lui était transférée lors de la remise au transporteur, solution quasi systématique dès lors qu’une telle remise individualisait la chose vendue. En tout état de cause, même si le professionnel insérait au contrat une clause de réserve de propriété en cas de non-paiement ou si le bien livré n’était que mis à disposition du consommateur sans transfert de propriété (location, prêt, etc.), il lui était loisible de transférer les risques au consommateur. Le texte obligeait donc à distinguer plusieurs situations, qui présentent toujours un intérêt pour les non-professionnels.

Risques découlant de l’application pure et simple de l’ancien art. 100 C. com. (L. 132-7 C. com.). Si le bien transporté était la propriété du consommateur, l’attribution des risques à sa charge des risques résultait d’un texte supplétif et, dès lors, imposer une solution contraire supposait d’aller à l’encontre de l’art. 100 C. consom., voire de sous-entendre que celui-ci imposait une solution déséquilibrée.

Il entrait dans les attributions de la Commission des clauses abusives de signaler l’inadaptation de ce texte ancien aux contrats de consommation et de proposer une modification législative.,

En revanche, il semblait difficile de trouver un fondement juridique solide à une recommandation qui ne validerait qu’une clause dérogatoire au texte en faveur du consommateur (sauf à éventuellement à contester en amont la date du transfert de propriété, solution également délicate puisqu’elle pouvait découler, en l’absence de clause, de la seule individualisation du bien en application des règles traditionnelles du Code civil). Certaines recommandations ont pourtant adopté cette position : la Commission des clauses abusives recommande que les contrats d’achat d’objets d’ameublement comportent une clause indiquant que le vendeur supporte les risques du transport sauf lorsque l’acheteur emporte la marchandise ou traite lui-même avec le transporteur. Recomm. n° 80-05/B-2° : Cerclab n° 2148 (vente d’objet d’ameublement ; considérants n° 9 et 10 ; selon la commission, dans cette catégorie de contrat, la charge des risques du transport doit peser sur celui qui choisit le transporteur, solution qui diffère de l’ancien art. 100 C. com., mais le caractère supplétif du texte permet une convention contraire que la commission préconise). § Comp. : la Commission rappelle que sont interdites par le décret du 24 mars 1978 ou ont déjà été visées par de précédentes recommandations en vue de leur élimination les clauses ayant pour objet ou pour effet de mettre systématiquement les risques du transport à la charge du client. Recomm. n° 82-03 : Cerclab n° 2152 (installation de cuisine ; considérant n° 10).

V. pour les juges du fond, l’adoption de la position classique : n’est pas abusive la clause qui prévoit que le transfert des risques, ainsi que la garde juridique des marchandises, s'opèrent par la délivrance dans le magasin du vendeur entre les mains de l'acheteur ou encore du transporteur, dès lors qu’elle concerne le contrat de fourniture de meubles de cuisine avec engagement de conception qui est un contrat de vente distinct du contrat de pose, la clause litigieuse n’étant pas contraire aux dispositions de l'art. 1138 C. civ. CA Grenoble (1re ch. civ.), 29 mars 2010 : RG n° 08/02044 ; arrêt n° 263 ; site CCA ; Cerclab n° 4159, infirmant TGI Grenoble (4e ch. civ.), 7 avril 2008 : RG n° 06/02405 ; jugt n° 125 ; site CCA ; Cerclab n° 4160 (jugement estimant que le contrat présente un caractère mixte vente/entreprise, ce qui impliquerait que le transfert ne pourrait s’accomplir qu’après la pose ; N.B. le cuisiniste soutenait qu’il conservait effectivement cette charge, mais seulement quand il effectuait la pose).

Risques découlant d’une clause du contrat. Lorsque le bien transporté restait la propriété du professionnel, l’attribution des risques au consommateur implique une clause spécifique, que la Commission et le juge peuvent très traditionnellement condamner, en estimant que les conditions d’exécution du contrat sont source de déséquilibre (absence de contrôle de la situation par le consommateur, qui ne choisit pas notamment le transporteur, livraison par le vendeur lui-même sans recours à un transporteur). § V. par exemple : Recomm. n° 07-01/13° : Cerclab n° 2202 (accès internet « triple play » ; clause mettant à la charge du consommateur le risque de perte fortuite lors de l’envoi du modem ou décodeur ; considérant 13° ; s’agissant d’un contrat non translatif de propriété, la clause a pour effet d’inverser la règle du droit commun de la charge des risques en faisant notamment supporter au consommateur, en l’occurrence créancier de l’obligation inexécutée, les conséquences de la perte fortuite de la chose).

Pour une contestation d’une clause relative à la preuve de l’origine de la perte : est abusive la clause ayant pour effet de faire éventuellement supporter par l’abonné les dommages résultant d’un vice de la chose ou du transport, en mettant à sa charge la preuve qu’il n’est pas responsable des dommages affectant le matériel loué. TGI Paris (1re ch. sect. soc.), 21 février 2006 : RG n° 04/02910 et 04/08997 ; jugt n° 2 ; site CCA ; Cerclab n° 4024, infirmé par CA Paris (25e ch. B), 13 février 2009 : RG n° 06/06059 ; Cerclab n° 3145 (arrêt estimant que la clause avait été modifiée ou supprimée avant le jugement).

Contrat conclu par voie électronique. Même avant la réforme de la loi du 17 mars 2014, l’ancien art. L. 121-20-3 C. consom., devenu l’art. L. 121-19-4 C. consom., puis L. 221-15 C. consom., permettait de revenir indirectement sur la solution de droit commun, en s’appuyant sur la responsabilité de plein droit posée par le texte.

V. pour les juges du fond : est abusive, en cas de vente à distance, la clause prévoyant que les marchandises voyagent aux risques et périls de l’acheteur et que la charge des risques de perte, de vol et de détérioration du produit lui est transférée dès l’expédition, en ce qu’elle met à la charge de l’acquéreur tous les risques de perte ou de détérioration de la chose alors même que celles-ci pouvaient résulter de circonstances sur lesquelles il ne dispose d’aucun moyen d’action ni de contrôle. TGI Nanterre (6e ch.), 9 février 2006 : RG n° 04/02838 ; Cerclab n° 3994. § Le fournisseur qui accepte de vendre ou de louer le matériel nécessaire à l’utilisation d’Internet et qui se charge de l’expédition ne peut se dégager des risques qu’elle prend à ce titre, la clause contraire étant abusive. TGI Nanterre (6e ch.), 3 mars 2006 : RG n° 04/03016 ; site CCA ; Cerclab n° 3181 ; Juris-Data n° 2006-308052.

Comp. indirectement, sous l’angle de l’assurance : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination, dans les contrats de commerce électronique, des clauses ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur la souscription d’une assurance couvrant les dommages causés lors du transport. Recomm. n° 07-02/15 : Cerclab n° 2204 (contrats de vente mobilière conclus sur Internet et de commerce électronique ; clause contraire à l’ancien art. L. 121-20-3 C. consom. selon lequel le vendeur est responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution de ses obligations).

2. DROIT POSTÉRIEUR À LA LOI DU 17 MARS 2014

Présentation. La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 (précédée en cela du projet de règlement européen de droit de la vente) a fini par procéder à la modification législative proposée trente-quatre ans auparavant par la Commission, remettant ainsi en cause le principe liant depuis plus d’un siècle la charge des risques à la propriété.

Pour les contrats conclus par un consommateur après le 13 juin 2014 (art. 34 de la loi), l’art. L. 216-4 C. consom., initialement l’art. L. 138-4 C. consom., dispose que « tout risque de perte ou d'endommagement des biens est transféré au consommateur au moment où ce dernier ou un tiers désigné par lui, et autre que le transporteur proposé par le professionnel, prend physiquement possession de ces biens ». De plus, selon l’art. L. 216-5 C. consom., repris de l’art. L. 138-5 C. consom., « lorsque le consommateur confie la livraison du bien à un transporteur autre que celui proposé par le professionnel, le risque de perte ou d'endommagement du bien est transféré au consommateur à la remise du bien au transporteur ».

Domaine du texte. L’art. L. 216-4 C. consom. (ancien art. L. 138-4 C. consom.) concerne aussi bien les contrats translatifs que les contrats non translatifs, notamment les contrats de location ou de mise à disposition d’un bien livré au consommateur par un transporteur.

En revanche, ce texte ne concerne que les consommateurs au sens étroit de l’article préliminaire. Les non-professionnels ne peuvent l’invoquer et se trouvent donc dans la même situation que les consommateurs avant la loi du 17 mars 2014 (V. ci-dessus).

Livraison d’un bien par le professionnel. Le texte vise implicitement le cas où le bien est livré par le professionnel : désormais, aux termes d’une règle d’ordre public (art. L. 216-6 C. consom., anciennement art. L. 138-6 C. consom.), la charge des risques ne peut peser sur le consommateur que lorsque celui-ci « prend physiquement possession », soit personnellement, soit par une personne à qui il a confié cette réception, soit au transporteur qu’il a choisi. Le texte est d’une portée inégale.

Lorsque le bien n’est pas la propriété du consommateur (vente avec réserve de propriété, bien mis à disposition sans transfert de propriété), qu’il soit transporté par un tiers ou par le professionnel cocontractant lui-même, les textes interdisent toute clause transférant les risques au consommateur, lesquelles sont donc illicites et, maintenues dans le contrat, abusives en ce qu’elles trompent le consommateur sur ses droits.

Si la propriété du bien a déjà été transférée au consommateur, le texte impose, avec les mêmes conséquences (clauses contraires illicites et abusives), une charge des risques contraire à celle applicable en droit commun (art. 1196 C. civ. et art. L. 132-7 C. com.).

Livraison d’un bien par le consommateur. Les art. L. 216-4 et 5 C. consom. n’envisagent pas l’hypothèse inverse où c’est le consommateur qui envoie au professionnel un bien, ce qui peut pourtant se présenter dans au moins trois cas : le consommateur vend un bien au professionnel (ex. contrat d’achat d’or, art. L. 121-99 C. consom., transféré à l’art. L. 224-96 C. consom., qui restent muets sur ce point) qu’il lui livre en s’adressant à un transporteur, le consommateur renvoie un bien défectueux ou le consommateur restitue le bien à l’issue du contrat.

Dans ces situations, l’attitude à adopter est délicate, car si l’on peut considérer que le droit commun peut retrouver à s’appliquer, on peut aussi admettre que la réforme du 17 mars 2014 a mis en place une autre logique, dont l’extension par analogie ne peut être exclue. Même si les clauses ne peuvent pas être directement déclarées illicites, la logique nouvelle du texte pourrait être utilisée pour apprécier l’équilibre des clauses et donc leur caractère abusif. Plusieurs hypothèses peuvent notamment être signalées.

1/ Lorsque le consommateur vend un bien au professionnel, il est probable que le transfert de propriété sera fixé à la réception du bien par le professionnel à l’issue du transport et non à la prise en charge, quel que soit le transporteur choisi. En s’inspirant des textes nouveaux, le caractère abusif d’une telle stipulation pourrait dépendre du point de savoir si le consommateur a pu choisir son transporteur ou si celui-ci lui a été imposé par le professionnel (en cas de retirement par le vendeur lui-même, il serait également abusif que les risques du déplacement pèsent sur le consommateur).

2/ Lorsque le consommateur restitue un bien, la raison de cette restitution pourrait également être prise en compte. Ainsi, devrait être considérée comme abusive la clause imposant la charge des risques au consommateur lorsque le retour du bien est la conséquence du vice qui l’affecte.

3/ Enfin, si le consommateur restitue à l’issue du contrat un bien appartenant au professionnel, la charge des risques pourrait là encore être fixée en fonction de la personne ayant choisi le transporteur. Une solution similaire pourrait s’imposer en cas de restitution à la suite de l’exercice d’un droit de rétractation. Les articles L. 221-23 et L. 221-24 C. consom., anciennement L. 121-21-4 et L. 121-21-4 C. consom., ne règlent pas directement la question, même si l’alinéa 2 de l’art. L. 221-24 dispose que « pour les contrats de vente de biens, à moins qu'il ne propose de récupérer lui-même les biens, le professionnel peut différer le remboursement jusqu'à récupération des biens ou jusqu'à ce que le consommateur ait fourni une preuve de l'expédition de ces biens, la date retenue étant celle du premier de ces faits ». L’idée est similaire, même si elle concerne littéralement la seule obligation de remboursement du professionnel.