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6050 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Inexécution

Nature : Synthèse
Titre : 6050 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Appréciation du déséquilibre - Déséquilibre injustifié - Exécution du contrat - Comportement des parties - Consommateur - Inexécution
Pays : France
Rédacteurs : Xavier HENRY
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CERCLAB - SYNTHÈSE DE JURISPRUDENCE - DOCUMENT N° 6050 (10 juillet 2020)

PROTECTION CONTRE LES CLAUSES ABUSIVES DANS LE CODE DE LA CONSOMMATION

NOTION DE CLAUSE ABUSIVE - APPRÉCIATION DU DÉSÉQUILIBRE SIGNIFICATIF

DÉSÉQUILIBRE INJUSTIFIÉ - EXÉCUTION DU CONTRAT

COMPORTEMENT DES PARTIES - CONSOMMATEUR - INEXÉCUTION DU CONSOMMATEUR

Auteur : Xavier HENRY (tous droits réservés © 2020)

 

 A. PRINCIPE

Présentation. Chaque contractant, professionnel ou consommateur, attend de l’autre partie une exécution du contrat conforme à ce qui avait été stipulé, le contrat faisant la loi des parties aux termes de l’art. 1103 C. civ. (ancien art. 1134 C. civ.) en dehors de ses clauses illicites ou abusives. Le fait pour un professionnel d’insérer dans la convention des clauses sanctionnant l’inexécution du contrat par le consommateur n’est donc pas, en tant que tel, source d’un déséquilibre dans les droits et obligations des parties.

Illustrations. Pour des décisions illustrant ce principe, V. par exemple : TGI le Mans (1re ch.), 23 novembre 1993 : RG n° 92/00832 ; Cerclab n° 369 (télévision par câble ; absence de caractère abusif de la clause mettant à la charge de l’abonné les frais de déconnexion pour non-paiement, la résiliation, dans ce cas, n’intervenant qu’aux seuls torts de l’abonné ; absence d’avantage excessif) - TA Orléans (1re ch.), 20 décembre 2002 : req. n° 99-1674 ; Cerclab n° 3066 (fourniture d’eau ; la rupture unilatérale, qui a pour origine l’attitude de l’abonné qui refuse sans raison valable de laisser opérer les réparations nécessaires au bon fonctionnement du service, et la mise à sa charge du paiement de la redevance d’abonnement jusqu’au terme normal de celui-ci ne sont pas abusives ; solution inverse pour l’absence de préavis et de mise en demeure), sur appel CAA Nantes (4e ch.), 29 décembre 2005 : req. n° 03NT00250 ; Cerclab n° 2883 (absence de déséquilibre dès lors que la redevance d’abonnement, ou prime fixe, est destinée à couvrir les charges fixes du service, notamment l’entretien du branchement, lequel subsiste dans le cas visé par ces dispositions et même si le service des eaux supprime la fourniture de l’eau) - CA Paris (8e ch. A), 3 avril 2008 : RG n° 06/07002 ; Cerclab n° 2979 ; Lamyline (compte bancaire ; la clause prévoyant le blocage d’une carte bancaire ne constitue pas une clause abusive, puisque le blocage faisait suite à un découvert non autorisé sur le compte personnel et un découvert dépassé sur le compte professionnel), sur appel de TI Paris (15e arrdt), 16 mars 2006 : RG n° 11-05-000963 ; Dnd, pourvoi rejeté sur ce point indépendamment du motif sur les clauses abusives en raison du caractère professionnel du compte. Cass. civ. 1re, 19 novembre 2009 : pourvoi n° 08-16342 ; Cerclab n° 2844 - TGI Grenoble (4e ch. civ.), 1er mars 2010 : RG n° 08/02845 ; site CCA ; Cerclab n° 4064 (auto-école ; une attitude agressive ou une incorrection de la part de l’élève à l’égard de l’inspecteur ou du personnel de l’auto-école peut justifier la résiliation du contrat à l’initiative du professionnel sans préavis compte tenu de la gravité de la faute, par exception à l’ancien art. R. 132-2-4° C. consom. [R. 212-2-4° nouveau], qui ne fait que présumer le caractère abusif d’une résiliation par le professionnel sans préavis raisonnable) - CA Paris (pôle 2 ch. 2), 17 octobre 2014 : RG n° 13/09619 ; Cerclab n° 4906 (transport aérien ; n'est pas abusive la clause sanctionnant le dépassement de l’heure limite d’enregistrement par l'annulation éventuelle de la réservation, dès lors que le passager s'est vu fournir les informations nécessaires sur cette heure limite, inhérente à la spécificité du transport aérien), sur appel de TGI Bobigny (7e ch. sect. 2), 26 avril 2013 : RG n° 09/06829 ; Cerclab n° 7067, pourvoi rejeté par Cass. civ. 1re, 26 avril 2017 : pourvoi n° 15-18970 ; arrêt n° 496 ; Cerclab n° 6849 - CA Paris (pôle 4 ch. 6), 11 mars 2016 : RG n° 15/01832 ; Cerclab n° 5562 ; Juris-Data n° 2016-005111 (contrat de construction de maison individuelle avec plan ; la clause en revanche justifiée lorsqu’elle prévoit une prolongation du délai pour le cas où le maître d'ouvrage exécute avec retard les travaux lui incombent, dès lors qu’elle implique un examen de la situation au cas par cas et qu’elle est conforme au principe d'exécution de bonne foi des contrats), sur appel de TGI Paris, 18 novembre 2014 : RG n° 13/14352 ; Dnd - CA Paris (pôle 5 ch. 6), 9 février 2018 : RG n° 16/03064 ; Cerclab n° 7433 (compte de dépôt, carte avec paiement différé ; clause n° 57 ; n’est ni illicite, ni abusive, la clause qui autorise un débit immédiat, en cas de dépassement du plafond autorité qui s'analyse comme un manquement du client à ses obligations contractuelles).

N’est pas abusive la clause prévoyant que si le client refuse ou empêche à deux reprises une livraison programmée par le fournisseur, il sera considéré contractuellement comme ayant renoncé à ce régime particulier et ayant opté de ce seul fait pour le régime général de livraison à la commande », dès lors que le comportement du consommateur, qui n’est sanctionné qu’au deuxième refus, revient à ne pas exécuter le contrat conformément à son option, et qu’en tout état de cause il peut revenir à tout moment à son premier régime de livraison, si sa situation passagère est modifiée. CA Versailles (3e ch.), 20 mai 2005 : RG n° 03/07266 ; arrêt n° 265 ; site CCA ; Cerclab n° 3945 (pour les situations particulières visées par absence de longue durée, cuves restées pleines hospitalisation du client, la formule de retour automatique à la commande ne fait pas grief), confirmant TGI Nanterre (6e ch.), 2 septembre 2003 : RG n° 01/14479 ; Cerclab n° 3946 (clause non abusive : le double refus montre que l’option choisie d’une livraison programmée n’est plus adaptée et la modification qui en résulte n’est pas la conséquence d’un pouvoir unilatéral de modification du contrat par le fournisseur).

B. LIMITES

Présentation. Si le professionnel peut insérer des clauses sanctionnant les inexécutions du consommateur, celles-ci ne sont toutefois pas à l’abri d’un éventuel caractère abusif, pour plusieurs raisons.

Connaissance de l’obligation inexécutée. Le consommateur ne peut être sanctionné pour inexécution que s’il avait connaissance de l’obligation inexécutée. Cette condition n’est pas respectée, tout d’abord, lorsque l’obligation figurait dans un document qui n’avait pas été communiqué au consommateur (ex. : conditions générales inopposables, réglements intérieurs non communiqués, codes de bonne conduite inconnus ; V. Cerclab n° 6086).

Par ailleurs, les stipulations contractuelles doivent avoir été rédigées de façon claire et compréhensible (ancien art. L. 133-2 al. 1 C. consom., devenu l’art. L. 211-1 C. consom.), afin que le consommateur sache précisément quelles sont ses obligations, ce qui n’est pas le cas pour des clauses incompréhensibles (Cerclab n° 6003), vagues ou imprécises Cerclab n° 6004) ou trop générales Cerclab n° 6005).

Réalité de l’inexécution. S’il peut être légitime de sanctionner une inexécution, il est au contraire abusif de sanctionner le consommateur qui ne fait qu’exercer un droit qui lui est offert par la loi, la clause étant d’ailleurs dans ce cas le plus souvent également illicite. V. par exemple : la Commission des clauses abusives recommande l’élimination des clauses ayant pour objet ou pour effet d’octroyer à l’assureur un droit à indemnité qui ne serait pas fondé sur une faute de l’assuré, mais, par exemple, sur l’exercice d’une prérogative légale ou contractuelle, comme le droit de résiliation. Recomm. n° 85-04/I-10° : Cerclab n° 3524 (assurance multirisques-habitation ; considérant n° 16).

Imputabilité de l’inexécution au consommateur. La sanction du consommateur en cas d’inexécution suppose que celle-ci lui soit imputable. Est abusive la clause laissant au consommateur la charge des conséquences d’une inexécution pour laquelle celui-ci pouvait invoquer une clause exonératoire (V. par exemple pour la force majeure, Cerclab n° 6099, pour les clauses pénales, Cerclab n° 6122, pour la charge des risques, Cerclab n° 6124). L’argument est souvent examiné sous l’angle d’une rédaction trop générale de la clause (Cerclab n° 6005).

Pour une illustration : la Commission des clauses abusives recommande que soient éliminées des contrats proposés par les fournisseurs de service de réseautage social les clauses ayant pour objet ou pour effet de faire peser sur le consommateur ou sur le non-professionnel, la réparation de tous dommages qui ne lui seraient pas imputables. Recomm. n° 2014-02/38° : Cerclab n° 5002 (réseau social ; considérant n° 38 ; clauses visées prévoyant que l’utilisateur prendra en charge tous dommages et intérêts auxquels pourrait être condamné le fournisseur de services de réseaux sociaux à l’égard de tiers en raison de l’utilisation du service, ainsi que les frais engagés pour sa défense ; clauses abusives en raison de leur généralité et de leur absence de limitation à une faute de l’utilisateur).

Pour des illustrations de clauses sanctionnant le consommateur pour des événements qui ne lui sont pas imputables, V. aussi : CA Rennes (2e ch.), 27 janvier 2017 : RG n° 13/09204 ; arrêt n° 49 ; Cerclab n° 6713 (prêt immobilier ; caractère abusif des clauses de plusieurs clauses de déchéances pouvant jouer indépendamment de toute faute du prêteur : 1/ décès de la caution ; 2/ non-constitution de sûreté lorsqu’elle n’est pas imputable à l’emprunteur ; 3/ destruction de l’immeuble), sur appel TGI Rennes, 5 novembre 2013 : Dnd.

Date de l’inexécution. Pour le caractère abusif des clauses anticipant l’inexécution, V. par exemple : TGI Nanterre (1re ch. sect. A), 2 juin 2004 : RG n° 02/03156 ; site CCA ; Cerclab n° 3993 (fourniture d’accès internet ; clause illicite qui, contrairement à l’art. 1184 C. civ, autorise le fournisseur à résilier le contrat sans inexécution avérée, mais au seul motif d’un risque d’inexécution). § V. aussi en matière de crédit, pour les clauses de résiliation ou de déchéance en cas de risque d’inexécution, Cerclab n° 6623). § Inversement, en cas d’inexécution avérée, les clauses visant à éviter la poursuite de cette inexécution ou l’aggravation de ses conséquences ne sont pas abusives, si elles sont proportionnées (suspension d’une ouverture de crédit, d’une carte de crédit, d’un accès à un local, etc.).

Preuve du manquement. L’art. R. 212-1-4° C. consom., reprenant l’ancien art. R. 132-1-4° C. consom. interdit les clauses par lesquelles le professionnel se réserve le droit d’interpréter le contrat et d’apprécier la conformité de l’exécution du consommateur aux obligations souscrites.

Sanction proportionnée. La clause sanctionnant le consommateur doit au surplus être proportionnée au manquement commis. Pour prendre un exemple, l’exigence d’une assurance pour un bien loué est une protection légitime des intérêts du bailleur et il n’est pas abusif de résoudre le contrat si le locataire n’est pas assuré. En revanche, imposer une résiliation alors que le locataire est assuré mais n’en a pas informé le bailleur est abusif (en tout à titre automatique : un refus de réponse après plusieurs relances pourrait justifier cette résiliation, mais dans ce cas, c’est plutôt le manquement à l’obligation de bonne foi qui est visé).

Sont dans cet esprit par exemple contestables, les clauses qui laissent le professionnel apprécier discrétionnairement les conséquences de l’inexécution ou qui appliquent une sanction excessive par rapport au manquement (ex. résiliation pour des manquements insuffisamment graves, Cerclab n° 6129 ; clause pénale disproprortionnée, Cerclab n° 6121 et n° 6122).

Mise en œuvre de la sanction. Enfin, sans que la liste soit limitative, si le principe de la sanction est légitime, les conditions de sa mise en œuvre peuvent être source de déséquilibre : absence de mise en demeure, absence de préavis, utilisation discrétionnaire de la sanction, etc.