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CA VERSAILLES (13e ch.), 17 novembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA VERSAILLES (13e ch.), 17 novembre 2016
Pays : France
Juridiction : Versailles (CA), 13e ch.
Demande : 14/08697
Date : 17/11/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6531

CA VERSAILLES (13e ch.), 17 novembre 2016 : RG n° 14/08697

Publication : Jurica

 

Extrait : « Considérant que la société Fraikin assets demande à la cour de déclarer la société Trust halal irrecevable en l'ensemble de ses demandes ; que la société Trust halal demande l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce sans toutefois en tirer la conséquence juridique appropriée en demandant le débouté de la société Fraikin assets et non sa condamnation en paiement de dommages-intérêts ; Mais considérant qu'en toute hypothèse et en vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce la cour de céans n'est pas compétente pour connaître de l'application de l'article L. 442-6-I-2° de sorte que la demande de la société Trust halal fondée sur ces dispositions n'est pas recevable ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 132-1 (devenu L. 212-1) du code de la consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; que le contrat de location d'un véhicule frigorifique destiné au transport alimentaire a été conclu par la société Trust halal dans le cadre de son activité professionnelle ; que la location d'un véhicule frigorifique est en rapport direct avec l'activité de vente de produits alimentaires en gros ou demi-gros et de boucherie, charcuterie, traiteur, exercée par la société Trust halal ; que la société Trust est donc mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code la consommation ».

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE VERSAILLES

TREIZIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 17 NOVEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 14/08697. Code nac : 53H. CONTRADICTOIRE. Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Septembre 2014 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE (4e ch.) : R.G. n° 2014F00941.

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

 

APPELANTE :

SAS TRUST HALAL

SAS à associé unique Vente de produits alimentaires, N° SIRET : XXX, Représentée par Maître Emilie P. de l'AARPI P. avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 430 et par Maître Aurore B., avocat plaidant au barreau de PARIS

 

INTIMÉE :

SAS FRAIKIN ASSETS

Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, N° SIRET : YYY, Représentée par Maître Christophe D., avocat Postulant, au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 627 - N° du dossier 15008 et par Maître Pierre O., avocat plaidant au barreau de PARIS

 

Composition de la Cour : En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 27 septembre 2016 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame DUBOIS-STEVANT, conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Madame Aude RACHOU, Présidente, Madame Hélène GUILLOU, Conseiller, Madame Florence DUBOIS-STEVANT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Madame Séverine ALEGRE,

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS ET PROCÉDURE :

Par contrat du 21 août 2013, la société Trust halal (aujourd'hui dénommée Marketfood), qui exerce une activité de vente de produits alimentaires en gros ou demi-gros et de boucherie, charcuterie, traiteur, a loué à la société Fraikin assets une camionnette frigorifique pour une période du 21 août au 30 novembre 2013 moyennant un loyer de 1.070 euros par mois et un dépôt de garantie de 1.997,32 euros.

Le 27 août 2013 la camionnette a été accidentée, le haut de la caisse frigorifique heurtant le tablier d'un pont. Le véhicule a été rapatrié dans les locaux du loueur, la prestation ayant été facturée pour un montant de 1.268,98 euros TTC, et un expert l'a examiné et a fixé les réparations à la somme de 11.010,02 euros HT et le dépannage à celle de 1.056 euros HT. Le 28 août 2013, la société Fraikin assets a informé la société Trust halal qu'elle mettrait à sa charge la facture de réparation en application d'une clause contractuelle excluant des garanties les dommages causés au véhicule consécutivement à un choc aux parties hautes du véhicule.

La société Fraikin assets a vainement mis en demeure la société Trust halal de lui régler la somme de 11.170,66 euros TTC par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 novembre 2013 puis l'a assignée devant le tribunal de commerce de Nanterre lequel, par jugement du 19 septembre 2014, a condamné la société Trust halal à payer à la société Fraikin assets la somme de 10.779,18 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2014 et celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La société Trust halal a fait appel et, par dernières conclusions déposées et signifiées par voie électronique le 4 mars 2015, elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de débouter la société Fraikin assets de l'ensemble de ses demandes, de condamner la société Fraikin assets à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elle soutient, rappelant les termes du 2° du I de l'article L. 442-6 du code de commerce, que la clause limitant l'étendue des garanties est abusive en ce qu'elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au détriment du consommateur dans la mesure où elle est inscrite en lettres minuscules au milieu de plusieurs autres mentions dont le contenu ne traite que des modalités d'utilisation et de restitution du véhicule. Elle estime que la forme de la clause litigieuse en dissimule l'existence de surcroît lorsque le contractant n'est pas un professionnel en la matière. Elle en conclut que la clause doit être réputée non écrite et qu'en tout état de cause elle lui est inopposable.

La société Trust halal prétend que l'article L. 132-1 du code de la consommation (aujourd'hui article L. 212-1) est applicable car elle est novice en matière de louage de véhicules et d'assurances et doit dès lors être considérée comme un consommateur non professionnel ayant conclu un contrat hors son domaine de spécialité et/ou de compétence.

Elle soutient qu'aucune assurance facultative ne lui a été proposée cette carence empêchant le contractant de prendre conscience de l'exclusion de garantie, que le devoir d'information et de conseil qui incombe au professionnel n'a pas été rempli par la société Fraikin assets et que la clause doit être réputée non écrite.

Par dernières conclusions déposées et signifiées par voie électronique le 30 avril 2015, la société Fraikin assets demande à la cour de déclarer la société Trust halal irrecevable en son appel ainsi qu'en l'ensemble de ses demandes et en tout cas mal fondée, de débouter la société Trust halal de toutes ses demandes, de confirmer le jugement et, y ajoutant, de condamner la société Trust halal au paiement de la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec droit de recouvrement direct.

Elle soutient que le déséquilibre qui proviendrait de la clause litigieuse ne peut se déduire de la seule taille de ses caractères dès lors que cette taille est sans incidence sur le contenu du contrat et que c'est exclusivement de la comparaison entre les droits et les obligations de chacune des parties que peut se déduire un éventuel déséquilibre. Elle estime que la clause n'est pas imprimée en tout petits caractères, qu'elle est visible car située au-dessus du cadre réservé aux signatures et rappelée par une étiquette rouge sur le pare-brise du véhicule. La société Fraikin assets prétend ensuite que la clause est dépourvue de toute ambiguïté et que le fait d'exclure de la garantie les dégâts occasionnés aux parties hautes du véhicule n'est pas de nature à créer un déséquilibre, le loueur n'en tirant aucun avantage. Elle soutient enfin que l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce ne sanctionne pas par la nullité la clause qui aurait pour effet de créer un déséquilibre significatif mais prévoit que la partie responsable doit réparer le préjudice subi.

La société Fraikin assets prétend que le droit de la consommation est inapplicable car la société Trust halal a contracté pour les besoins de son activité professionnelle de sorte qu'elle ne pèse sur elle aucun devoir de conseil et d'information et qu'en tout état de cause aucun manquement ne peut lui être reproché l'exclusion de garantie étant clairement indiquée.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie aux dernières conclusions signifiées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE,

Considérant que la société Fraikin assets soulève l'irrecevabilité de l'appel sans soutenir le moindre moyen ; qu'aucun moyen d'irrecevabilité de l'appel n'étant susceptible d'être relevé d'office, il convient de recevoir la société Trust halal en son appel ;

Considérant que la société Fraikin assets demande à la cour de déclarer la société Trust halal irrecevable en l'ensemble de ses demandes ; que la société Trust halal demande l'application de l'article L. 442-6-I-2° du code de commerce sans toutefois en tirer la conséquence juridique appropriée en demandant le débouté de la société Fraikin assets et non sa condamnation en paiement de dommages-intérêts ;

Mais considérant qu'en toute hypothèse et en vertu de l'article D. 442-3 du code de commerce la cour de céans n'est pas compétente pour connaître de l'application de l'article L. 442-6-I-2° de sorte que la demande de la société Trust halal fondée sur ces dispositions n'est pas recevable ;

Considérant que les dispositions de l'article L. 132-1 (devenu L. 212-1) du code de la consommation ne s'appliquent pas aux contrats de fourniture de biens ou de services qui ont un rapport direct avec l'activité professionnelle exercée par le cocontractant ; que le contrat de location d'un véhicule frigorifique destiné au transport alimentaire a été conclu par la société Trust halal dans le cadre de son activité professionnelle ; que la location d'un véhicule frigorifique est en rapport direct avec l'activité de vente de produits alimentaires en gros ou demi-gros et de boucherie, charcuterie, traiteur, exercée par la société Trust halal ; que la société Trust est donc mal fondée à se prévaloir des dispositions de l'article L. 132-1 du code la consommation ;

Considérant que le contrat conclu par la société Trust halal porte sur sa première page au-dessus du cadre réservé aux signatures des cocontractants plusieurs mentions dont la suivante : « les dégâts occasionnés suite à chocs des parties hautes du véhicule sont exclus de la garantie assurance et demeurent à la charge du locataire » ; que ces mentions sont insérées dans une taille de police lisible ; que, lisible et placée au-dessus du cadre réservé aux signatures des cocontractants, l'exclusion de garantie est clairement portée à la connaissance de la société Trust halal ; que celle-ci se borne à soutenir que le défaut de proposition d'une assurance complémentaire a rendu impossible sa prise de conscience d'une exclusion de garantie sans pour autant affirmer qu'elle aurait nécessairement choisi de s'assurer si elle avait été informée de la possibilité de souscrire une assurance complémentaire ; que dès lors aucun manquement à son devoir d'information et de conseil ne peut être reproché à la société Fraikin assets ;

Considérant que la société Fraikin assets justifie de sa créance en produisant le contrat de location du 21 août 2013, le constat d'accident du 27 août 2013, le rapport d'expertise du 9 septembre 2013 chiffrant à la somme de 9.954,02 euros HT le coût des réparations, la facture de dépannage du 28 août 2013 d'un montant de 1.056 euros HT, la facture du 30 septembre 2013 adressée à la société Trust halal pour un montant de 11.010,02 euros HT et la lettre de mise en demeure du 8 novembre 2013 ; que la société Fraikin assets demande la confirmation du jugement qui a condamné la société Trust halal à lui payer la somme de 10.779,18 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2014 ; qu'il sera fait droit à sa demande et le jugement confirmé en toutes ses dispositions ;

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Reçoit la société Trust halal en son appel ;

Déclare irrecevable la demande de la société Marketfood (anciennement dénomée Trust halal) fondée sur l'article L. 442-6 du code de commerce ;

Confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Nanterre le19 septembre 2014 ;

Y ajoutant,

Condamne la société Marketfood (anciennement dénomée Trust halal) à payer à la société Fraikin assets la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Marketfood (anciennement dénomée Trust halal) aux dépens de l'appel et accorde aux avocats de la cause qui peuvent y prétendre le droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame Aude RACHOU, Présidente et par Monsieur Antoine DELPON, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier,                La présidente,