CJUE (3e ch.), 21 avril 2016
CERCLAB - DOCUMENT N° 6596
CJUE (3ech.), 21 avril 2016 : Affaire C‑377/14
Publication : Site Curia
Extrait : « 1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans une procédure d’insolvabilité, d’une part, ne permet pas à la juridiction saisie de cette procédure d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont des créances déclarées dans le cadre de ladite procédure tirent leur origine, alors même que cette juridiction dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et qui, d’autre part, n’autorise ladite juridiction qu’à procéder à l’examen de créances non assorties d’une sûreté, et ce uniquement pour un nombre de griefs limités tenant à leur prescription ou à leur extinction.
2) L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il impose à une juridiction nationale, saisie d’un litige relatif à des créances trouvant leur origine dans un contrat de crédit au sens de cette directive, d’examiner d’office le respect de l’obligation d’information prévue à cette disposition et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d’une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences de l’article 23 de ladite directive.
4) Les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de cette directive, du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné, indépendamment de la question de savoir si le créancier poursuit effectivement la pleine exécution de chacune d’entre elles, et que, le cas échéant, il incombe aux juridictions nationales, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, de tirer toutes les conséquences qui découlent de la constatation du caractère abusif de certaines clauses, en écartant chacune de celles ayant été reconnues comme abusives, afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celles-ci.».
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
TROISIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 21 AVRIL 2016
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Dans l’affaire C‑377/14, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague, République tchèque), par décision du 24 juin 2014, parvenue à la Cour le 7 août 2014, dans la procédure
Ernst Georg Radlinger,
Helena Radlingerová
contre
Finway a.s.,
LA COUR (troisième chambre), composée de M. M. Ilešič, président de la deuxième chambre, faisant fonction de président de la troisième chambre, Mme C. Toader (rapporteur), MM. F. Biltgen, E. Jarašiūnas et C. G. Fernlund, juges,
Avocat général : Mme E. Sharpston,
Greffier : M. M. Aleksejev, administrateur,
Vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 juillet 2015,
considérant les observations présentées :
- pour M. Radlinger et Mme Radlingerová, par M. I. Ulč,
- pour Finway a.s., par M. L. Macek,
- pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement allemand, par M. T. Henze et Mme D. Kuon, en qualité d’agents,
- pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
- pour la Commission européenne, par M. M. van Beek ainsi que par Mmes G. Goddin et K. Walkerová, en qualité d’agents,
ayant entendu l’avocat général en ses conclusions à l’audience du 19 novembre 2015,
rend le présent
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Arrêt
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation, d’une part, de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), ainsi que du point 1, sous e), de l’annexe de cette directive et, d’autre part, des articles 10, paragraphe 2, et 22, paragraphe 2, de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil (JO L 133, p. 66, et rectificatifs JO 2009, L 207, p. 14, JO 2010, L 199, p. 40, JO 2011, L 234, p. 46 et JO 2015 L 36, p. 15), ainsi que du point I de l’annexe I de cette dernière directive.
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Radlinger et Mme Radlingerová (ci-après les « époux Radlinger ») à Finway a.s. (ci-après « Finway ») au sujet de créances déclarées dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité et issues d’un contrat de crédit à la consommation.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
La directive 93/13
3. En vertu de son article 1er, paragraphe 1, la directive 93/13 a pour objet de rapprocher les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives aux clauses abusives dans les contrats conclus entre un professionnel et un consommateur.
4. Selon l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, une clause d’un contrat de consommation n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat. L’article 3, paragraphe 3, de ladite directive indique que « l’annexe [de celle-ci] contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives ». Selon le point 1, sous e), de cette annexe, figurent notamment au nombre de ces clauses celles ayant pour objet ou pour effet « d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ».
5. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 :
« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses dudit contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »
6. L’article 6, paragraphe 1, de cette directive est ainsi libellé :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
7. Aux termes de l’article 7 de ladite directive :
« 1. Les États membres veillent à ce que, dans l’intérêt des consommateurs ainsi que des concurrents professionnels, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
2. Les moyens visés au paragraphe 1 comprennent des dispositions permettant à des personnes ou à des organisations ayant, selon la législation nationale, un intérêt légitime à protéger les consommateurs de saisir, selon le droit national, les tribunaux ou les organes administratifs compétents afin qu’ils déterminent si des clauses contractuelles, rédigées en vue d’une utilisation généralisée, ont un caractère abusif et appliquent des moyens adéquats et efficaces afin de faire cesser l’utilisation de telles clauses.
[...] »
La directive 2008/48
8. Comme le précise son article 1er, la directive 2008/48 a pour objet d’harmoniser certains aspects des règles des États membres en matière de contrats de crédit aux consommateurs.
9. Selon l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette directive, cette dernière ne s’applique pas, notamment, aux « contrats garantis par une hypothèque, par une autre sûreté comparable communément utilisée dans un État membre sur un immeuble, ou par un droit lié à un bien immobilier ». Le considérant 10 de ladite directive indique que, même si celle-ci définit expressément son champ d’application, les États membres peuvent néanmoins en appliquer les dispositions à des questions qui ne relèvent pas de ce champ d’application.
10. Selon ses considérants 6, 7, 9, 19 et 31, la directive 2008/48 a pour objectifs, notamment, la mise en place d’un marché du crédit à la consommation plus transparent et performant dans le marché intérieur, la réalisation d’une harmonisation complète en matière de crédit aux consommateurs qui assure à tous les consommateurs de l’Union européenne un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts, la nécessité de veiller à ce que les contrats de crédit contiennent de façon claire et concise toutes les informations nécessaires afin que le consommateur puisse prendre sa décision en pleine connaissance de cause et qu’il soit en mesure de connaître ses droits et obligations au titre d’un contrat de crédit, et la garantie que le consommateur reçoive, préalablement à la conclusion du contrat de crédit, des informations adéquates, portant en particulier sur le taux annuel effectif global (ci-après le « TAEG ») dans toute l’Union, qui lui permettent de comparer ces taux.
11. En outre, le considérant 43 de la directive 2008/48 énonce, en particulier, que, en dépit de la formule mathématique unique pour son calcul, le TAEG n’est pas encore parfaitement comparable dans toute l’Union. Cette directive vise donc à définir clairement et complètement le coût total du crédit pour le consommateur.
12. L’article 3 de la directive 2008/48, intitulé « Définitions », dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
[...]
g) ‘coût total du crédit pour le consommateur’ : tous les coûts, y compris les intérêts, les commissions, les taxes, et tous les autres types de frais que le consommateur est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur, à l’exception des frais de notaire; ces coûts comprennent également les coûts relatifs aux services accessoires liés au contrat de crédit, notamment les primes d’assurance, si, en outre, la conclusion du contrat de service est obligatoire pour l’obtention même du crédit ou en application des clauses et conditions commerciales;
h) ‘montant total dû par le consommateur’ : la somme du montant total du crédit et du coût total du crédit pour le consommateur;
i) ‘[TAEG]’: le coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 19, paragraphe 2;
[...]
l) ‘montant total du crédit’ : le plafond ou le total des sommes rendues disponibles en vertu d’un contrat de crédit;
[...] »
13. L’article 10 de la directive 2008/48, relatif aux informations à mentionner dans les contrats de crédit, exige à son paragraphe 1, premier alinéa, que les contrats de crédit soient établis sur un support papier ou sur un autre support durable. Son paragraphe 2 énumère les éléments d’information devant être mentionnés de façon claire et concise dans tout contrat de crédit. Cette liste inclut notamment :
« [...]
d) le montant total du crédit et les conditions de prélèvement;
[...]
f) le taux débiteur, les conditions applicables à ce taux et, le cas échéant, tout indice ou taux de référence qui se rapporte au taux débiteur initial, ainsi que les périodes, conditions et procédures d’adaptation du taux, et si différents taux débiteurs s’appliquent en fonction des circonstances, les informations susmentionnées portent sur tous les taux applicables;
g) le [TAEG] et le montant total dû par le consommateur, calculés au moment de la conclusion du contrat de crédit; toutes les hypothèses utilisées pour calculer ce taux sont mentionnées;
h) le montant, le nombre et la périodicité des paiements à effectuer par le consommateur et, le cas échéant, l’ordre dans lequel les paiements seront affectés aux différents soldes dus fixés à des taux débiteurs différents aux fins du remboursement;
[...] »
14. L’article 19 de la directive 2008/48, intitulé « Calcul du [TAEG] », prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :
« 1. Le [TAEG], qui équivaut, sur une base annuelle, à la valeur actualisée de l’ensemble des engagements (prélèvements, remboursements et frais), existants ou futurs, convenus par le prêteur et le consommateur, est calculé selon la formule mathématique figurant à l’annexe I, partie I.
2. Pour calculer le [TAEG], on détermine le coût total du crédit pour le consommateur, à l’exception des frais dont ce dernier est redevable en cas de non-exécution d’une quelconque de ses obligations figurant dans le contrat de crédit, et des frais, autres que le prix d’achat, lui incombant lors d’un achat de biens ou de services, que celui-ci soit effectué au comptant ou à crédit.
Les frais de tenue d’un compte sur lequel sont portés tant les opérations de paiement que les prélèvements, les frais d’utilisation d’un moyen de paiement permettant d’effectuer à la fois des opérations de paiement et des prélèvements ainsi que d’autres frais relatifs aux opérations de paiement sont inclus dans le coût total du crédit pour le consommateur, sauf si l’ouverture du compte est facultative et que les frais liés au compte ont été indiqués de manière claire et distincte dans le contrat de crédit ou tout autre contrat conclu avec le consommateur. »
15. L’article 22 de cette directive, intitulé « Harmonisation et caractère impératif de la présente directive », énonce, à son paragraphe 2 :
« Les États membres veillent à ce que le consommateur ne puisse renoncer aux droits qui lui sont conférés en vertu des dispositions du droit national qui mettent en œuvre la présente directive ou qui lui correspondent. »
16. Aux termes de l’article 23 de ladite directive, intitulé « Sanctions » :
« Les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Les sanctions doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. »
17. La partie I de l’annexe I de la directive 2008/48 contient, notamment, la précision suivante :
« [...]
L’équation de base, qui définit le [TAEG], exprime sur base annuelle l’égalité entre, d’une part, la somme des valeurs actualisées des prélèvements de crédit et, d’autre part, la somme des valeurs actualisées des montants des remboursements et paiements des frais [...] »
Le droit tchèque
La procédure d’insolvabilité
18. Il ressort du dossier soumis à la Cour que la procédure d’insolvabilité est régie par la loi n° 182/2006, sur l’insolvabilité et ses modes de règlement [zákon č. 182/2006 Sb., o úpadku a způsobech jeho řešení (insolvenční zákon)], telle que modifiée par la loi n° 185/2013 (ci-après la « loi sur l’insolvabilité »).
19. Selon cette loi, un débiteur est notamment considéré comme insolvable, au sens de cette dernière, lorsqu’il n’est pas en mesure d’honorer ses engagements financiers pendant plus de 30 jours après la date limite de paiement. Un débiteur n’ayant pas la qualité de professionnel peut demander au tribunal compétent en matière d’insolvabilité que sa situation soit traitée sous la forme d’un désendettement. L’autorisation du désendettement est subordonnée, d’une part, à la constatation du juge selon laquelle, par cette demande, le débiteur ne poursuit pas un intérêt malhonnête et, d’autre part, à la présomption raisonnable selon laquelle les créanciers chirographaires inscrits récupèrent, dans le cadre du désendettement, à tout le moins 30 % des créances constatées. Dans le contexte de cette procédure d’insolvabilité, le juge ne peut, en vertu de l’article 410 de cette loi, examiner, ni d’office ni sur demande du débiteur, la validité, le montant ou le rang des créances, y compris lorsque celles-ci soulèvent des questions au regard des directives 93/13 ou 2008/48, avant l’adoption de sa décision sur la demande de désendettement.
20. Ce n’est que lorsque le juge de l’insolvabilité a approuvé le règlement de l’insolvabilité sous la forme d’un désendettement que le débiteur peut former un recours incident afin de contester les créances déclarées, ce recours étant toutefois limité aux seules créances exécutoires qui ne sont pas assorties d’une sûreté. En outre, dans ce cas, le débiteur ne peut invoquer, pour justifier la contestation de l’existence ou du montant de cette créance, que l’extinction ou la prescription de celle-ci.
La réglementation en matière de protection des consommateurs
21. Les articles 51a et suivants de la loi n° 40/1964, établissant le code civil (Zákon č. 40/1964 Sb., občanský zákoník), dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2013 (ci-après le « code civil »), ont transposé la directive 93/13 en droit tchèque.
22. Conformément à l’article 56, paragraphe 1, de ce code, les contrats conclus avec les consommateurs ne doivent pas comporter de clauses qui, au mépris de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties. En vertu de l’article 55, paragraphe 2, dudit code, des clauses de cette nature figurant dans les contrats conclus avec les consommateurs sont nulles. L’article 56, paragraphe 3, de ce même code contient une énumération indicative de clauses abusives qui s’inspire de l’annexe de la directive 93/13, mais qui ne comprend pas la clause, visée au point 1, sous e), de cette annexe, ayant pour objet ou pour effet d’imposer au consommateur défaillant une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé.
23. La directive 2008/48 a été transposée en droit tchèque par la loi 145/2010, relative au crédit à la consommation et modifiant certaines lois dans leur version initiale (Zákon č. 145/2010 Sb., o spotřebitelském úvěru a o změně některých zákonů, ci-après la « loi sur le crédit à la consommation »).
24. L’article 6, paragraphe 1, de cette loi, qui concerne l’obligation d’information du créancier à l’égard du consommateur, dispose :
« (l)e contrat octroyant le crédit à la consommation est établi par écrit et contient les informations énumérées à l’annexe 3 de la présente loi, présentées de façon claire, concise et visible. Le non-respect de cette obligation d’information ou de la forme écrite est sans incidence sur la validité du contrat [...] »
25. En vertu de l’article 8 de la loi sur le crédit à la consommation, si le contrat de crédit à la consommation ne comporte pas les mentions visées à l’article 6, paragraphe 1, de ladite loi et si le consommateur oppose ce fait au créancier, les intérêts produits par le crédit à la consommation sont, dès l’origine, réputés calculés sur la base du taux d’actualisation applicable à la date de conclusion dudit contrat, tel que publié par la Banque nationale tchèque, et les autres modalités de paiement concernant le crédit à la consommation ne sont pas valables.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
26. Le 29 août 2011, les époux Radlinger ont conclu un contrat de crédit à la consommation avec Smart Hypo s. r. o., en vertu duquel un prêt d’un montant de 1.170.000 couronnes tchèques (CZK) (environ 43 300 euros) leur a été accordé.
27. En contrepartie de l’octroi de ce prêt, les époux Radlinger se sont d’abord engagés à rembourser au créancier la somme de 2.958.000 CZK (environ 109.500 euros) en 120 mensualités. Cette somme se compose du capital, des intérêts au taux de 10 % par an sur le capital emprunté pour la durée du crédit, de la rémunération due au créancier, d’un montant de 585.000 CZK (environ 21.600 euros) et des frais à hauteur de 33.000 CZK (environ 1.200 euros). Le TAEG du crédit à la consommation en cause au principal s’élevait à 28,9 %.
28. Les époux Radlinger se sont également engagés à verser au créancier, en sus des intérêts de retard fixés par la loi, une pénalité contractuelle s’élevant à 0,2 % du capital initialement emprunté pour chaque jour de retard entamé, une pénalité contractuelle forfaitaire de 117.000 CZK (environ 4.300 euros), au cas où le retard excéderait un mois, et une indemnité forfaitaire de 50.000 CZK (environ 1.850 euros), correspondant aux frais de recouvrement de la somme due.
29. Enfin, le créancier se réservait le droit d’exiger, avec effet immédiat, le remboursement intégral des sommes dues, dans l’hypothèse où l’une des mensualités ne serait pas payée en totalité ou en temps utile, ou si son consentement s’avérait avoir été vicié par une réticence dolosive de la part des époux Radlinger.
30. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, aucune somme n’a été versée effectivement aux époux Radlinger. En effet, le crédit en cause au principal a été utilisé pour régler des dettes antérieures auprès d’un huissier, les frais de notaire ainsi que, en faveur du prêteur, les frais afférents audit crédit, la première mensualité de celui-ci et une partie des mensualités suivantes.
31. Le 27 septembre 2011, Finway, à laquelle Smart Hypo s. r. o. avait cédé les créances qu’elle détenait sur les époux Radlinger, a informé ceux-ci de l’exigibilité immédiate de l’ensemble de la dette, qui s’élevait alors à 2.873.751 CZK (environ 106.300 euros), au motif que des informations essentielles avaient été passées sous silence lors de la conclusion du contrat en cause au principal. En effet, selon Finway, les époux Radlinger avaient dissimulé qu’une saisie, d’un montant de 4.285 CZK (environ 160 euros), avait été ordonnée sur leurs biens.
32. Par mise en demeure du 19 novembre 2012, cette société a de nouveau invité les époux Radlinger à rembourser la dette, qu’elle chiffrait désormais à 3.794.786 CZK (environ 140.500 euros), en précisant que sa créance était devenue immédiatement exigible du fait que les intéressés n’avaient pas procédé régulièrement et en temps utile au remboursement du crédit.
33. Le 5 février 2013, les époux Radlinger ont saisi le Krajský soud v Plzni (cour régionale de Pilsen) afin qu’il les déclare insolvables et fasse droit à leur demande de désendettement sous la forme d’un paiement échelonné, puisqu’ils n’étaient pas en mesure d’honorer leurs engagements et qu’ils accusaient un retard de paiement de plus de trois mois. Cette demande a été transmise au Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague), juridiction territorialement compétente pour connaître de cette demande, et cette dernière juridiction a, par ordonnance du 26 avril 2013, constaté l’insolvabilité des époux Radlinger, désigné un administrateur judiciaire et invité les créanciers à déclarer leurs créances dans un délai de 30 jours.
34. Le 23 mai 2013, dans le cadre de la procédure d’insolvabilité, Finway a déclaré deux créances exécutoires, la première, d’un montant de 3.045.991 CZK (environ 112.700 euros), garantie par une hypothèque, et la seconde, d’un montant de 1.359.540 CZK (environ 50.300 euros), non assortie d’une sûreté et correspondant à la pénalité contractuelle prévue par le contrat en cause au principal, fixée à 0,2 % du capital initialement emprunté, par jour de retard, pour la période comprise entre le 23 septembre 2011 et le 25 avril 2013.
35. Le 3 juillet 2013, les époux Radlinger ont reconnu le caractère exécutoire de ces créances, mais en ont contesté le montant, en invoquant l’incompatibilité des clauses du contrat en cause au principal avec les bonnes mœurs.
36. Par ordonnance du 23 juillet 2013, la juridiction de renvoi a approuvé le désendettement des époux Radlinger sous la forme d’un paiement solidaire échelonné.
37. Le 24 juillet 2013, cette juridiction a été saisie par les époux Radlinger d’une demande incidente par laquelle ceux-ci, en leur qualité de débiteurs, ont demandé que soit constatée l’illégalité partielle ou totale des créances déclarées par Finway.
38. S’agissant de cette demande, ladite juridiction constate que, en vertu de la loi sur l’insolvabilité, le débiteur a seulement le droit de contester des créances non assorties d’une sûreté, et ce uniquement dans le cadre d’une demande incidente et pour les seuls motifs tenant à la prescription ou à l’extinction de la dette.
39. Étant donné que le contrat en cause au principal, dont les créances déclarées par Finway tirent leur origine, constitue à la fois un contrat de crédit aux consommateurs, au sens de la directive 2008/48, et un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, au sens de la directive 93/13, la juridiction de renvoi se demande si les obligations qui découlent des dispositions de cette dernière directive s’imposent également au juge de l’insolvabilité saisi d’une contestation de créances trouvant leur origine dans un contrat de crédit.
40. Cette juridiction nourrit également des doutes sur le caractère régulier du TAEG tel qu’il figure dans le contrat en cause au principal. Elle se demande à cet égard quelles sommes ont été incluses par le prêteur dans le montant du prélèvement de crédit, au sens du point I de l’annexe I de la directive 2008/48, aux fins du calcul du TAEG, compte tenu du fait que les frais afférents à ce crédit ainsi que les deux premières mensualités ont été immédiatement déduites du montant dudit crédit.
41. Elle s’interroge enfin sur la manière dont il convient, sous l’angle des exigences de la directive 93/13, d’examiner les clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, tel que celui en cause au principal, qui prévoit que, en cas de retard de paiement, le créancier pourra réclamer au débiteur le remboursement immédiat de l’ensemble du crédit concerné, y compris les intérêts et les rémunérations futurs du créancier, le paiement d’une pénalité contractuelle de 0,2 % sur la somme principale pour chaque jour de retard entamé et, au cas où ce débiteur accuserait un retard supérieur à un mois, le paiement d’une pénalité contractuelle forfaitaire de 117.000 CZK (environ 4.300 euros).
42. Estimant que la résolution du litige au principal dépend de l’interprétation des dispositions précitées du droit de l’Union, le Krajský soud v Praze (cour régionale de Prague) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 et l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2008/48, ou d’autres dispositions du droit de l’Union en matière de protection du consommateur, s’opposent-ils :
a) à la conception de la loi sur l’insolvabilité, qui permet au juge d’examiner l’existence, le montant ou le rang des créances, qui tirent leur origine de relations de consommation, uniquement sur le fondement d’un recours incident formé par le mandataire judiciaire, un créancier ou (dans les limites précitées) le débiteur (consommateur),
b) aux dispositions qui, dans le cadre de la réglementation nationale régissant la procédure d’insolvabilité, restreignent le droit du débiteur (consommateur), consistant à demander un contrôle juridictionnel des créances déclarées par les créanciers (fournisseurs de biens ou prestataires de services), aux seuls cas dans lesquels le traitement de la situation d’insolvabilité du consommateur a été approuvé sous la forme d’un désendettement – et ce uniquement pour ce qui est des créances non assorties d’une sûreté – et dans lesquels, en présence de créances exécutoires reconnues par une décision de l’autorité compétente, les griefs du débiteur sont en outre limités à la seule possibilité d’invoquer l’extinction ou la prescription d’une créance, comme le prévoient les règles figurant à l’article 192, paragraphe 3, et à l’article 410, paragraphes 2 et 3, de la loi sur l’insolvabilité?
2) En cas de réponse affirmative à la première question, le juge doit-il, dans la procédure relative à l’examen d’une créance découlant d’un crédit à la consommation :
a) prendre en considération d’office, même en l’absence de griefs soulevés par le consommateur, le non-respect de l’obligation d’information qui incombe à l’établissement de crédit à la consommation en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48,
b) et en déduire les conséquences, prévues par le droit national, qui se traduisent par la nullité des clauses contractuelles?
En cas de réponse affirmative à la première ou à la deuxième question :
3) Les dispositions des directives appliquées ci-dessus ont-elles un effet direct et leur application directe est-elle ou non exclue par le fait que, en se saisissant d’office d’une question incidente (ou en effectuant un examen d’une créance qui est interdit par le droit national en raison d’une contestation sans effet du débiteur‑consommateur), le juge s’est immiscé dans la relation horizontale entre le consommateur et le fournisseur de biens/prestataire de services?
4) Quelle somme représente le ‘montant total du crédit’, au sens de l’article 10, paragraphe 2, sous d), de la directive 2008/48, et quelles sommes sont prises en considération en tant que ‘montants du prélèvement de crédit’ lors du calcul du TAEG selon la formule indiquée à l’annexe I de la directive 2008/48, dès lors que le contrat de crédit promet formellement le paiement d’une somme spécifique, tout en stipulant toutefois que, dès le versement du prêt, le montant des créances de l’établissement de crédit au titre de frais d’ouverture de crédit et au titre de la première mensualité (le cas échéant, des mensualités suivantes) sera, dans une certaine mesure, déduit de la somme promise, de telle sorte que le montant ainsi retenu ne sera jamais effectivement versé au consommateur, ou sur son compte bancaire, et restera à tout moment à la disposition du créancier? L’inclusion de ce montant, qui n’est pas effectivement versé, a-t-elle une incidence sur le calcul du TAEG?
Nonobstant la réponse aux questions précédentes :
5) Pour apprécier le caractère disproportionné de l’indemnité stipulée, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de la directive 93/13, convient-il d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses pénales prévues au contrat, indépendamment de la question de savoir si le créancier insiste effectivement sur leur pleine exécution et si, au regard des règles du droit national, certaines d’entre elles peuvent être considérées comme nulles, ou faut-il tenir compte uniquement du montant total des pénalités effectivement appliquées ou susceptibles de l’être?
6) En cas de constatation de la nature abusive des pénalités contractuelles, convient-il d’écarter l’application de chacune des pénalités spécifiques – lesquelles, uniquement lorsqu’elles sont considérées ensemble, ont conduit le juge à conclure au caractère disproportionné du montant de l’indemnité, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de la directive 93/13 – ou seulement de certaines d’entre elles (et dans ce cas de figure, selon quel critère)? »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur les questions préjudicielles
Sur la première question
43. Par sa première question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à savoir si les articles 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 et 22, paragraphe 2, de la directive 2008/48 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans une procédure d’insolvabilité, ne permet pas, d’une part, à la juridiction saisie de cette procédure d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont des créances déclarées dans le cadre de ladite procédure tirent leur origine et qui, d’autre part, n’autorise cette juridiction qu’à procéder à l’examen de créances non assorties d’une sûreté, et ce uniquement pour un nombre de griefs limités tenant à leur prescription ou à leur extinction.
44. Selon l’article 22, paragraphe 2, de la directive 2008/48, les États membres doivent veiller à ce que le consommateur ne puisse renoncer aux droits qui lui sont conférés en vertu des dispositions du droit national qui mettent en œuvre cette directive ou qui lui correspondent. Or, il ne ressort pas de la décision de renvoi que les époux Radlinger ont renoncé aux droits qui leur sont conférés en vertu des dispositions du droit tchèque mettant en œuvre ladite directive. Il s’ensuit, comme Mme l’avocat général l’a relevé au point 40 de ses conclusions, que cette disposition n’est pas pertinente pour répondre à la première question.
45. Concernant l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13, cette disposition impose aux États membres de veiller à ce que, dans l’intérêt des consommateurs, des moyens adéquats et efficaces existent afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel.
46. Au nombre de ces moyens doivent figurer des dispositions permettant de garantir aux consommateurs une protection juridictionnelle effective, en leur offrant la possibilité d’attaquer en justice le contrat litigieux, y compris dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité, et ce dans des conditions procédurales raisonnables, de sorte que l’exercice de leurs droits ne soit pas soumis à des conditions, notamment de délais ou de frais, qui rendent excessivement difficile ou en pratique impossible l’exercice des droits garantis par la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary, C-32/14, EU:C:2015:637, point 59).
47. En l’occurrence, la première question posée concerne l’organisation des procédures en matière d’insolvabilité, dans le contexte d’un litige où le débiteur-consommateur soulève une contestation du bien-fondé de créances déclarées.
48. Conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, il appartient à l’ordre juridique interne de chaque État membre, en vertu du principe de l’autonomie procédurale, de désigner les juridictions compétentes et de régler les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union. À ce titre, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de droit interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre pratiquement impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2015, Baczó et Vizsnyiczai, C‑567/13, EU:C:2015:88, points 41 et 42 ainsi que jurisprudence citée).
49. S’agissant du principe d’équivalence, et ainsi que l’a relevé Mme l’avocat général au point 32 de ses conclusions, il y a lieu de faire observer que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité avec ce principe de la réglementation en cause au principal.
50. En ce qui concerne le principe d’effectivité, chaque situation, dans laquelle se pose la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union, doit être analysée en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Néanmoins, les caractéristiques spécifiques des procédures ne sauraient constituer un élément susceptible d’affecter la protection juridique dont doivent bénéficier les consommateurs en vertu des dispositions de la directive 93/13 (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2014, Kušionová, C‑34/13, EU:C:2014:2189, points 52 et 53 ainsi que jurisprudence citée).
51. En l’occurrence, la première question, sous a), vise la compatibilité avec l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 d’un régime procédural national, tel que celui exposé aux points 19 et 20 du présent arrêt, ne permettant pas au juge saisi d’une procédure d’insolvabilité d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont des créances déclarées dans le cadre de cette procédure tirent leur origine.
52. À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, le juge national est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle relevant du champ d’application de la directive 93/13 et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary, C‑32/14, EU:C:2015:637, point 41 et jurisprudence citée).
53. En effet, la Cour a jugé que, afin d’assurer la protection voulue par cette directive, la situation d’inégalité du consommateur par rapport au professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge national saisi de tels litiges (voir, en ce sens, arrêt du 27 février 2014, Pohotovosť, C‑470/12, EU:C:2014:101, point 40 et jurisprudence citée).
54. Dès lors, l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans une procédure d’insolvabilité ne permet pas à la juridiction saisie de cette procédure d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont les créances déclarées dans le cadre de ladite procédure tirent leur origine, alors même que cette juridiction dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet.
55. En ce qui concerne la première question, sous b), il résulte des constatations de la juridiction de renvoi que la législation nationale en cause au principal permet de contester non pas l’ensemble des créances issues d’un contrat de crédit susceptible de contenir des clauses abusives, mais seulement celles d’entre elles qui ne sont pas assorties d’une sûreté, et ce uniquement pour un motif tiré de leur prescription ou de leur extinction.
56. Or, ainsi que le met en évidence la jurisprudence citée au point 46 du présent arrêt, le droit à un recours juridictionnel effectif implique que le consommateur soit autorisé à contester devant le juge national le bien-fondé de créances issues d’un contrat de crédit contenant des clauses susceptibles d’être déclarées abusives, qu’elles soient ou non assorties d’une sûreté.
57. Par ailleurs, s’il ressort de la décision de renvoi que la législation nationale en cause au principal n’autorise le débiteur, qui entend contester une créance non assortie d’une sûreté, qu’à invoquer la prescription ou l’extinction de cette créance, il importe de rappeler qu’une limitation au pouvoir du juge national d’écarter d’office des clauses abusives est de nature à porter atteinte à l’effectivité de la protection voulue par les articles 6 et 7 de la directive 93/13 (voir, par analogie, arrêt du 21 novembre 2002, Cofidis, C‑473/00, EU:C:2002:705, point 35).
58. Dès lors, en ne permettant la contestation que de certaines créances trouvant leur origine dans un contrat de consommation dont certaines des clauses sont susceptibles d’être déclarées abusives et pour un nombre de griefs limités tenant à leur prescription ou à leur extinction, une réglementation nationale, telle que celle en cause au principal, ne respecte pas les exigences découlant de l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13.
59. Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de répondre à la première question que l’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans une procédure d’insolvabilité, d’une part, ne permet pas à la juridiction saisie de cette procédure d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont des créances déclarées dans le cadre de ladite procédure tirent leur origine, alors même que cette juridiction dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et qui, d’autre part, n’autorise ladite juridiction qu’à procéder à l’examen de créances non assorties d’une sûreté, et ce uniquement pour un nombre de griefs limités tenant à leur prescription ou à leur extinction.
Sur la deuxième question
60. Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’il impose à une juridiction nationale, saisie d’un litige relatif à des créances trouvant leur origine dans un contrat de crédit au sens de cette directive, d’examiner d’office le respect de l’obligation d’information prévue à cette disposition et de tirer toutes les conséquences qui découlent, selon le droit national, d’une violation de cette obligation.
61. À titre liminaire, il convient de souligner que l’obligation d’information, énoncée à l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, contribue, à l’instar de celles prescrites aux articles 5 et 8 de cette directive, à la réalisation de l’objectif poursuivi par cette dernière, qui consiste, ainsi qu’il ressort de ses considérants 7 et 9, à prévoir, en matière de crédit aux consommateurs, une harmonisation complète et impérative dans un certain nombre de domaines clés, laquelle est considérée comme nécessaire pour assurer à tous les consommateurs de l’Union un niveau élevé et équivalent de protection de leurs intérêts et pour faciliter l’émergence d’un marché intérieur performant du crédit à la consommation (voir, par analogie, arrêt du 18 décembre 2014, CA Consumer Finance, C‑449/13, EU:C:2014:2464, point 21 et jurisprudence citée).
62. En ce qui concerne la deuxième question, sous a), il convient de relever que la Cour a rappelé à de nombreuses reprises l’obligation qui incombe au juge national de procéder d’office à un examen de la violation de certaines dispositions du droit de l’Union en matière de consommation [voir, en ce sens, s’agissant de la directive 93/13, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32; s’agissant de la directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31), arrêt du 17 décembre 2009, Martín Martín, C‑227/08, EU:C:2009:792, point 29, et, s’agissant de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation (JO L 171, p. 12), arrêt du 3 octobre 2013, Duarte Hueros, C‑32/12, EU:C:2013:637, point 39].
63. Comme l’a relevé Mme l’avocat général aux points 51 et suivants de ses conclusions, une telle exigence est justifiée par la considération que le système de protection repose, selon une jurisprudence constante de la Cour, sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêt du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary, C‑32/14, EU:C:2015:637, point 39 et jurisprudence citée).
64. À cet égard, les informations préalables et concomitantes à la conclusion d’un contrat, relatives aux conditions contractuelles et aux conséquences de ladite conclusion, sont pour un consommateur d’une importance fondamentale. C’est notamment sur la base de ces informations que ce dernier décide s’il souhaite se lier par les conditions préalablement rédigées par le professionnel (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C‑226/12, EU:C:2014:10, point 25 et jurisprudence citée).
65. Par ailleurs, il existe un risque non négligeable que, notamment par ignorance, le consommateur n’invoque pas la règle de droit destinée à le protéger (arrêt du 4 juin 2015, Faber, C‑497/13, EU:C:2015:357, point 42 et jurisprudence citée).
66. Il s’ensuit que la protection effective du consommateur ne pourrait être atteinte si le juge national n’était pas tenu d’apprécier d’office le respect des exigences découlant des normes de l’Union en matière de droit de la consommation (voir, par analogie, arrêt du 4 octobre 2007, Rampion et Godard, C‑429/05, EU:C:2007:575, points 61 et 65).
67. En effet, comme il a été rappelé au point 53 du présent arrêt, afin d’assurer la protection voulue par cette directive, la situation d’inégalité du consommateur par rapport au professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux parties au contrat, du juge national saisi de tels litiges.
68. L’examen d’office par le juge national du respect des exigences découlant de la directive 2008/48 constitue par ailleurs un moyen propre à atteindre le résultat fixé à l’article 10, paragraphe 2, de cette directive et à contribuer à la réalisation des objectifs visés à ses considérants 31 et 43 (voir, par analogie, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 41 et jurisprudence citée).
69. En particulier, selon l’article 23 de la directive 2008/48, les sanctions prévues en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive doivent présenter un caractère dissuasif. Or, indubitablement, l’examen d’office par les juridictions nationales du respect des exigences découlant de la même directive revêt un tel caractère.
70. Le juge national étant donc appelé à assurer l’effet utile de la protection des consommateurs, voulue par les dispositions de la directive 2008/48, le rôle qui lui est ainsi attribué par le droit de l’Union, dans le domaine considéré, ne se limite pas à la simple faculté de se prononcer sur le respect desdites exigences, mais comporte également l’obligation d’examiner d’office cette question, dès qu’il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet (voir, par analogie, arrêt du 4 juin 2009, Pannon GSM, C‑243/08, EU:C:2009:350, point 32).
71. En outre, lorsque le juge national a constaté d’office une violation de l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, il est tenu, sans attendre que le consommateur présente une demande à cet effet, de tirer toutes les conséquences qui découlent selon le droit national d’une telle violation, sous réserve du respect du principe du contradictoire (voir, par analogie, arrêts du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, EU:C:2013:88, point 36, et du 1er octobre 2015, ERSTE Bank Hungary, C‑32/14, EU:C:2015:637, point 42).
72. Dans ce contexte, il convient également de rappeler qu’il découle de l’article 23 de la directive 2008/48 que les États membres définissent le régime de sanctions applicables en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à cette directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’elles soient appliquées. Outre leur caractère dissuasif, ces sanctions doivent être effectives et proportionnées.
73. À cet égard, dès lors qu’une juridiction nationale a constaté la violation de l’obligation d’information, celle-ci doit en tirer toutes les conséquences prévues par le droit national, sous réserve que les sanctions instituées par celui-ci respectent les exigences de l’article 23 de la directive 2008/48, telles qu’interprétées par la Cour, notamment dans l’arrêt LCL Le Crédit Lyonnais (C‑565/12, EU:C:2014:190).
74. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 doit être interprété en ce sens qu’il impose à une juridiction nationale, saisie d’un litige relatif à des créances trouvant leur origine dans un contrat de crédit au sens de cette directive, d’examiner d’office le respect de l’obligation d’information prévue à cette disposition et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d’une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences de l’article 23 de ladite directive.
Sur la troisième question
75. Par sa troisième question, la juridiction de renvoi, après avoir relevé que le litige au principal concerne deux particuliers, demande, en substance, si les dispositions pertinentes des directives 93/13 et 2008/48 ont un effet direct.
76. À cet égard, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 288, troisième alinéa, TFUE, la directive, en liant tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, laisse aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Ainsi, une directive ne peut pas par elle-même créer d’obligations dans le chef d’un particulier et ne peut donc être invoquée en tant que telle à l’encontre de celui-ci (arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 37 et jurisprudence citée). Il n’en demeure pas moins que l’obligation pour un État membre de prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre le résultat prescrit par une directive est une obligation contraignante imposée par l’article 288, troisième alinéa, TFUE et par la directive elle-même. Cette obligation de prendre toutes mesures générales ou particulières s’impose à toutes les autorités des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (arrêt du 24 juin 2008, Commune de Mesquer, C‑188/07, EU:C:2008:359, point 83 et jurisprudence citée).
77. En l’occurrence, d’une part, l’obligation de procéder à l’examen d’office du caractère abusif de certaines clauses et de la présence de mentions obligatoires d’information dans un contrat de crédit constitue une norme procédurale pesant non pas sur un particulier, mais sur les autorités juridictionnelles (voir, par analogie, arrêts du 10 septembre 2014, Kušionová, C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 67, ainsi que du 18 février 2016, Finanmadrid EFC, C‑49/14, EU:C:2016:98, point 35 et jurisprudence citée).
78. D’autre part, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 23 de la directive 2008/48, les autorités des États membres doivent veiller, lors de la transposition de ladite directive ainsi que de sa mise en œuvre, à ce que des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives soient appliquées.
79. En outre, il importe de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, en appliquant le droit interne, les juridictions nationales sont tenues de l’interpréter dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive 2008/48 pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, se conformer à l’article 288, troisième alinéa, TFUE. Cette obligation d’interprétation conforme du droit national est en effet inhérente au système du traité FUE en ce qu’elle permet aux juridictions nationales d’assurer, dans le cadre de leurs compétences, la pleine efficacité du droit de l’Union lorsqu’elles tranchent les litiges dont elles sont saisies (voir, par analogie, arrêt du 24 janvier 2012, Dominguez, C‑282/10, EU:C:2012:33, point 24 et jurisprudence citée).
80. Dès lors, il n’y pas lieu de répondre à la troisième question.
Sur la quatrième question
81. Par sa quatrième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, de quelle manière les notions de « montant total du crédit » et de « montant du prélèvement de crédit », figurant, pour la première, aux articles 3, sous l), ainsi que 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, et, pour la seconde, au point I de l’annexe I de celle-ci, doivent être interprétées.
82. Cette juridiction fait en effet observer que le contrat en cause au principal, par lequel le prêteur s’engageait à accorder aux époux Radlinger un crédit, stipulait que, dès l’ouverture de ce crédit, les frais d’ouverture de celui-ci ainsi que la première mensualité et, le cas échéant, les mensualités suivantes seraient déduits du montant total dudit crédit. Aussi la question se pose-t-elle de savoir, en particulier, si la partie de ce même crédit qui n’a pas été mise à la disposition des intéressés pouvait être incluse dans le montant du prélèvement de crédit, au sens du point I de l’annexe I de la directive 2008/48, aux fins du calcul du TAEG.
83. À cet égard, il convient de rappeler que le montant total du crédit, au sens de la directive 2008/48, est défini à l’article 3, sous l), de celle-ci comme étant le plafond ou le total des sommes rendues disponibles en vertu d’un contrat de crédit.
84. Par ailleurs, selon l’article 3, sous g), de cette directive, le coût total du crédit pour le consommateur désigne tous les coûts que celui-ci est tenu de payer pour le contrat de crédit et qui sont connus par le prêteur. Enfin, en vertu de l’article 3, sous i), de ladite directive, le TAEG correspond au coût total du crédit pour le consommateur, exprimé en pourcentage annuel du montant total du crédit, en tenant compte, le cas échéant, des frais visés à l’article 19, paragraphe 2, de cette même directive.
85. Dès lors que la notion de « montant total dû par le consommateur » est définie à l’article 3, sous h), de la directive 2008/48 comme étant « la somme du montant total du crédit et du coût total du crédit pour le consommateur », il en résulte que les notions de « montant total du crédit » et de « coût total du crédit pour le consommateur » sont exclusives l’une de l’autre et que, partant, le montant total du crédit ne saurait inclure aucune des sommes entrant dans le coût total du crédit pour le consommateur.
86. Ainsi, ne saurait être incluse dans le montant total du crédit, au sens des articles 3, sous l), et 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48, aucune des sommes destinées à honorer les engagements convenus au titre du crédit concerné, tels que les frais administratifs, les intérêts, les commissions et tout autre type de frais dont le consommateur est tenu de s’acquitter.
87. Il convient de souligner que l’inclusion irrégulière, dans le montant total du crédit, de sommes relevant du coût total du crédit pour le consommateur aura nécessairement pour effet de sous-évaluer le TAEG, le calcul de celui-ci dépendant du montant total du crédit.
88. En effet, l’article 19, paragraphe 1, de la directive 2008/48 précise que le TAEG, qui équivaut, sur une base annuelle, à la valeur actualisée de l’ensemble des engagements convenues par le prêteur et le consommateur, est calculé selon la formule mathématique figurant à la partie I de l’annexe I de cette directive. Or, cette directive énonce que l’équation de base, qui définit le TAEG, exprime sur une base annuelle l’égalité entre, d’une part, la somme des valeurs actualisées des prélèvements de crédit et, d’autre part, la somme des valeurs actualisées des montants des remboursements et des paiements de frais. Ainsi, le montant du prélèvement de crédit, au sens de la partie I de l’annexe I de directive 2008/48, correspond au montant total du crédit, au sens de l’article 3, sous l), de cette directive.
89. En l’occurrence, il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si une ou plusieurs des sommes mentionnées aux points 27 et 28 du présent arrêt ont été irrégulièrement incluses dans le montant total du crédit, au sens de l’article 3, sous l), de la directive 2008/48, cette circonstance étant susceptible d’avoir une incidence sur le calcul du TAEG et d’affecter, par conséquent, l’exactitude des informations que le prêteur devait mentionner, en vertu de l’article 10, paragraphe 2, de cette directive, dans le contrat de crédit en cause au principal.
90. Or, comme l’indiquent en substance les considérants 31 et 43 de la directive 2008/48, l’information du consommateur sur le coût global du crédit, sous la forme d’un taux calculé selon une formule mathématique unique, revêt une importance essentielle. En effet, d’une part, cette information contribue à la transparence du marché en ce qu’elle permet au consommateur de comparer les offres de crédit. D’autre part, elle permet au consommateur d’apprécier la portée de son engagement (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2004, Cofinoga, C‑264/02, EU:C:2004:127, point 26, et ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 70).
91. Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la quatrième question que les articles 3, sous l), et 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 ainsi que le point I de l’annexe I de cette directive doivent être interprétés en ce sens que le montant total du crédit et le montant du prélèvement de crédit désignent l’ensemble des sommes mises à la disposition du consommateur, ce qui exclut celles affectées par le prêteur au paiement des coûts liés au crédit concerné et qui ne sont pas effectivement versées à ce consommateur.
Sur les cinquième et sixième questions
92. Par ses cinquième et sixième questions qu’il convient de traiter ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de cette directive, du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné, indépendamment du point de savoir si le créancier poursuit effectivement la pleine exécution de chacune d’entre elles, et que, pour celles dont le caractère abusif a été reconnu, les juridictions nationales doivent écarter l’application de toutes ces clauses ou seulement de certaines d’entre elles.
93. Pour répondre à ces questions, il convient de rappeler, en premier lieu, que l’annexe à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13 contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives, au nombre desquelles figurent, ainsi qu’il ressort du point 1, sous e), de cette annexe, celles ayant pour objet ou pour effet « d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ».
94. Dans l’appréciation du caractère éventuellement abusif d’une clause contractuelle, l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 indique que la réponse doit être apportée en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 59, et arrêt du 9 juillet 2015, Bucura, C‑348/14, EU:C:2015:447, point 48).
95. Ainsi, et comme l’a relevé Mme l’avocat général au point 74 de ses conclusions, il est nécessaire d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur. Une telle appréciation est justifiée, celles-ci étant applicables dans leur ensemble, et ce indépendamment du point de savoir si le créancier poursuit effectivement leur pleine exécution (voir, par analogie, arrêt du 10 septembre 2014, Kušionová, C‑34/13, EU:C:2014:2189, point 42).
96. En second lieu, il importe de souligner que, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, premier membre de phrase, de la directive 93/13, les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux. Toutefois, l’article 6, paragraphe 1, second membre de phrase, de cette directive précise qu’un tel contrat « restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives ».
97. La Cour a rappelé que les juges nationaux sont tenus uniquement d’écarter l’application d’une clause contractuelle abusive afin qu’elle ne produise pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sans qu’ils soient habilités à réviser le contenu de celle-ci. Le contrat doit pouvoir subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (arrêt du 21 janvier 2015, Unicaja Banco et Caixabank, C‑482/13, C‑484/13, C‑485/13 et C‑487/13, EU:C:2015:21, point 28 ainsi que jurisprudence citée).
98. Cette interprétation est, en outre, corroborée par la finalité et l’économie générale de la directive 93/13. À cet égard, étant donné la nature et l’importance de l’intérêt public sur lequel repose la protection assurée aux consommateurs, cette directive impose aux États membres, comme il ressort de son article 7, paragraphe 1, de prévoir des moyens adéquats et efficaces « afin de faire cesser l’utilisation des clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs par un professionnel ». Or, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans de tels contrats, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de ladite directive, dès lors qu’elle affaiblirait l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives (arrêt du 30 mai 2013, Asbeek Brusse et de Man Garabito, C‑488/11, EU:C:2013:341, point 58 et jurisprudence citée).
99. Ainsi, dans une situation où la juridiction nationale aboutit à la conclusion qu’une clause est abusive au sens de la directive 93/13, il incombe alors à cette juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par cette clause (voir, en ce sens, ordonnance du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 62 et jurisprudence citée).
100. Il s’ensuit que, comme l’a relevé en substance Mme l’avocat général au point 75 de ses conclusions, une juridiction nationale ayant constaté que plusieurs des clauses d’un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur sont abusives, au sens de la directive 93/13, est tenue d’exclure l’ensemble des clauses abusives et pas seulement certaines d’entre elles.
101. Compte tenu de ce qui précède, il convient de répondre aux cinquième et sixième questions que les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de cette directive, du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné, indépendamment de la question de savoir si le créancier poursuit effectivement la pleine exécution de chacune d’entre elles, et que, le cas échéant, il incombe aux juridictions nationales, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, de tirer toutes les conséquences qui découlent de la constatation du caractère abusif de certaines clauses, en écartant chacune de celles ayant été reconnues comme abusives, afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celles-ci.
Sur les dépens
102. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) dit pour droit :
1) L’article 7, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation procédurale nationale, telle que celle en cause au principal, qui, dans une procédure d’insolvabilité, d’une part, ne permet pas à la juridiction saisie de cette procédure d’examiner d’office le caractère éventuellement abusif de clauses contractuelles dont des créances déclarées dans le cadre de ladite procédure tirent leur origine, alors même que cette juridiction dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet, et qui, d’autre part, n’autorise ladite juridiction qu’à procéder à l’examen de créances non assorties d’une sûreté, et ce uniquement pour un nombre de griefs limités tenant à leur prescription ou à leur extinction.
2) L’article 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 avril 2008, concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE du Conseil, doit être interprété en ce sens qu’il impose à une juridiction nationale, saisie d’un litige relatif à des créances trouvant leur origine dans un contrat de crédit au sens de cette directive, d’examiner d’office le respect de l’obligation d’information prévue à cette disposition et de tirer les conséquences qui découlent en droit national d’une violation de cette obligation, à condition que les sanctions satisfassent aux exigences de l’article 23 de ladite directive.
3) Les articles 3, sous l), et 10, paragraphe 2, de la directive 2008/48 ainsi que le point I de l’annexe I de cette directive doivent être interprétés en ce sens que le montant total du crédit et le montant du prélèvement de crédit désignent l’ensemble des sommes mises à la disposition du consommateur, ce qui exclut celles affectées par le prêteur au paiement des coûts liés au crédit concerné et qui ne sont pas effectivement versées à ce consommateur.
4) Les dispositions de la directive 93/13 doivent être interprétées en ce sens que, pour apprécier le caractère disproportionnellement élevé, au sens du point 1, sous e), de l’annexe de cette directive, du montant de l’indemnité imposée au consommateur qui n’exécute pas ses obligations, il convient d’évaluer l’effet cumulatif de toutes les clauses y relatives figurant dans le contrat concerné, indépendamment de la question de savoir si le créancier poursuit effectivement la pleine exécution de chacune d’entre elles, et que, le cas échéant, il incombe aux juridictions nationales, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, de ladite directive, de tirer toutes les conséquences qui découlent de la constatation du caractère abusif de certaines clauses, en écartant chacune de celles ayant été reconnues comme abusives, afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par celles-ci.
Signatures
- 5708 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Recevabilité - Intérêt pour agir
- 5716 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Loi du 3 janvier 2008
- 5717 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Faculté - Jurisprudence antérieure - Clauses abusives
- 5720 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Procédure - Office du juge - Relevé d’office - Principe - Obligation - Droit de l’Union européenne
- 5734 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause réputée non écrite
- 5982 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - Juge du fond - Illustrations diverses
- 6121 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Inexécution du contrat - Responsabilité du consommateur - Clauses pénales ou d’indemnité forfaitaire - Droit postérieur au décret du 18 mars 2009 (R. 132-2-3° C. consom.)