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CA RENNES (2e ch.), 16 décembre 2016

Nature : Décision
Titre : CA RENNES (2e ch.), 16 décembre 2016
Pays : France
Juridiction : Rennes (CA), 2e ch.
Demande : 13/08077
Décision : 16/626
Date : 16/12/2016
Nature de la décision : Confirmation
Mode de publication : Jurica
Date de la demande : 13/11/2013
Numéro de la décision : 626
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CERCLAB - DOCUMENT N° 6669

CA RENNES (2e ch.), 16 décembre 2016 : RG n° 13/08077 ; arrêt n° 626

Publication : Jurica

 

Extrait : 1/ « Pour écarter, dans sa motivation et non pas dans son dispositif, la fin de non-recevoir tirée de la prescription soutenue par Consumer Finance, le jugement dont appel a considéré à juste titre qu'à la date où le prêt a été souscrit, la prescription était de dix ans, puis a été portée à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et que par conséquent l'action en déchéance du droit aux intérêts introduite dans ce nouveau délai n'était pas prescrite. La décision n'ayant pas statué sur ce point dans son dispositif, le rejet y sera ajouté. »

2/ « Les articles du code de la consommation cités ci-dessous sont ceux du code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 1er juillet 2010, applicable au contrat de l'espèce dont l'offre a été émise avant le 1er mai 2011.

Il ressort des dispositions des articles L. 311-3 et D. 311-1 du code précité que les prêts d'un montant supérieur à la somme de 21.500 euros ne sont pas soumis aux dispositions afférentes aux crédits à la consommation, auxquelles toutefois les parties peuvent se soumettre volontairement. En l'espèce la somme prêtée s'élève à la somme de 36.542 euros, la durée du crédit est supérieure à trois mois et l'offre accessoire à la vente d'un véhicule. […] Cette clause est, comme l'a relevé le premier juge, imprimée en caractères identiques à ceux utilisés pour d'autres clauses moins importantes et sans mise en valeur afin d'attirer l'attention des cocontractants, et contrairement à ce que soutient l'appelante, l'exclusion n'apparaît pas très clairement mais est au contraire incompréhensible pour un consommateur ; il en est de même pour la clause, certes encadrée, selon laquelle le remboursement anticipé est soumis à d'autres modalités si l'opération n'est pas régie par le Code de la Consommation (L. 311-1 et suivants). »

3/ « L'article L. 311-33 du code de la consommation prévoyait la déchéance du droit aux intérêts lorsque l'offre préalable ne satisfait pas aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du même code ; l'article L. 311-13 précité prévoyait que l'offre préalable est établie selon l'un des modèles types, ce qui n'interdisait pas à l'organisme prêteur d'ajouter des clauses, sauf à ce que celles-ci n'aggravent la situation de l'emprunteur ; tel est en l'espèce le cas de la clause de résiliation qui prévoit non seulement la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements mais également le décès de l'emprunteur ou des coemprunteurs, avec restitution immédiate du bien dont le prêteur a conservé la propriété, les conditions de la déchéance du terme étant ainsi aggravées, tant au regard du modèle-type que du droit commun.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré que cette clause abusive, et par conséquent l'irrégularité de l'offre, entraîne la déchéance du droit aux intérêts et leur restitution selon les modalités prévues par l'article L. 311-33 du code de la consommation. »

 

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

 

COUR D’APPEL DE RENNES

DEUXIÈME CHAMBRE

ARRÊT DU 16 DÉCEMBRE 2016

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

R.G. n° 13/08077. Arrêt n° 626.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Joël CHRISTIEN,

Assesseur : Madame Béatrice LEFEUVRE, Conseiller,

Assesseur : Madame Pascale DOTTE-CHARVY, Conseiller, rédacteur,

GREFFIER : Monsieur Régis ZIEGLER, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS : A l'audience publique du 23 septembre 2016, devant Madame Pascale DOTTE-CHARVY, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT : Contradictoire, prononcé publiquement le 16 décembre 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats, après prorogation du délibéré

 

APPELANTE :

La SA CA CONSUMER FINANCE anciennement dénommée SOFINCO et venant aux droits de FINALION

dont le siège social est [adresse], Représentée par Maître Erwan L. de la SCP P.- LE D. & L., avocat au barreau de RENNES

 

INTIMÉS :

Monsieur X.

né le [date] à [ville]

Madame X. née Y.

née le [date] à [ville]

Représentés par Maître Bruno S. de la SELARL S. AVOCATS, avocat au barreau de RENNES

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

FAITS et PROCÉDURE :

Suivant offre préalable acceptée le 11 juillet 2002, la société Finalion a consenti à M. X. et Mme Y. son épouse (les époux X.) un prêt accessoire à une vente d'un montant de 36.542 euros au taux nominal de 8 % et taux effectif global de 8,62 % l'an, remboursable en 144 mensualités.

Les emprunteurs ont procédé au remboursement anticipé du prêt le 17 juin 2003.

Par acte en date du 5 mai 2012, les époux X. ont fait assigner la SA CA Consumer Finance (Consumer Finance), anciennement dénommée Sofinco et venant aux droits de la société Finalion, aux fins de la voir principalement condamner à leur restituer les sommes perçues au titre des intérêts du prêt, outre les intérêts sur ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement et à leur remettre un décompte détaillé sous astreinte, et restituer d'autres sommes, exposant que le contrat de prêt est soumis au code de la consommation, qu'il contient une clause illicite et que l'organisme prêteur doit être déchu de son droit aux intérêts.

Par jugement en date du 14 octobre 2013, le tribunal d'instance de Rennes a :

- dit que les parties ont entendu se soumettre aux dispositions du code de la consommation,

- dit que Consumer Finance est déchue de son droit aux intérêts, et en conséquence :

- condamné Consumer Finance à rembourser aux époux X. la somme de 700,30 euros au titre des frais perçus et la somme de 1.656,55 euros avec intérêts au taux légal à compter du 6 juillet 2003,

- ordonné à Consumer Finance de remettre aux époux X. un décompte détaillé des sommes perçues au titre des intérêts, chacune augmentée à compter de son versement des intérêts au taux légal, dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard,

- rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires,

- condamné Consumer Finance à payer aux époux X. la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration déposée au greffe le 13 novembre 2013 Consumer Finance a relevé appel de cette décision, et au terme de ses conclusions, elle demande à la cour de réformer entièrement le jugement, débouter les époux X. de toutes leurs demandes, fins et conclusions, et de les condamner au paiement d'une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Au terme de leurs conclusions n° 3, les époux X. demandent à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, débouter l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, la condamner à leur verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, conformément aux dispositions de l'article L. 141-6 du code de la consommation.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 juin 2016.

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

SUR CE :

Sur la prescription :

Pour écarter, dans sa motivation et non pas dans son dispositif, la fin de non-recevoir tirée de la prescription soutenue par Consumer Finance, le jugement dont appel a considéré à juste titre qu'à la date où le prêt a été souscrit, la prescription était de dix ans, puis a été portée à cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, et que par conséquent l'action en déchéance du droit aux intérêts introduite dans ce nouveau délai n'était pas prescrite.

La décision n'ayant pas statué sur ce point dans son dispositif, le rejet y sera ajouté.

 

Sur l'application des dispositions du code de la consommation :

Les articles du code de la consommation cités ci-dessous sont ceux du code dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi du 1er juillet 2010, applicable au contrat de l'espèce dont l'offre a été émise avant le 1er mai 2011.

Il ressort des dispositions des articles L. 311-3 et D. 311-1 du code précité que les prêts d'un montant supérieur à la somme de 21.500 euros ne sont pas soumis aux dispositions afférentes aux crédits à la consommation, auxquelles toutefois les parties peuvent se soumettre volontairement.

En l'espèce la somme prêtée s'élève à la somme de 36.542 euros, la durée du crédit est supérieure à trois mois et l'offre accessoire à la vente d'un véhicule.

L'offre est établie sur un imprimé unique qui comporte une « première » offre préalable de crédit accessoire à une vente, acceptée par les époux X., et une « seconde » offre utilisable par fractions et assortie de divers moyens de paiement, et c'est à juste titre que le premier juge a relevé que l'offre reprend le contenu du modèle-type prévu par l'article R. 311-6 du code de la consommation.

L'article 6 « contentieux » du Rappel des conditions légales et réglementaires de la « première offre » prévoit expressément que :

Le Tribunal d'Instance connaît des litiges nés de l'application du chapitre I du titre I du livre III du Code de la consommation. Les actions en paiement engagées devant lui, à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur, doivent être formées dans les 2 ans de l'événement qui leur a donné naissance, à peine de forclusion. Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu (...), ce paragraphe étant de fait la reproduction des dispositions de l'article L. 311-37 du code de la consommation, auxquelles les parties ont par conséquent volontairement choisi de se soumettre.

En préambule des conditions il est mentionné comme l'observe Consumer Finance que :

Le chapitre I du Titre I du Livre III du Code de la Consommation et les dispositions réglementaires ci-dessous ne sont ni légalement ni conventionnellement applicables, à l'exception de l'article I-5 de la première offre si l'opération est supérieure au montant fixé par l'article D 311-1 du même code, ou est destinée à l'exercice d'une activité professionnelle ou est d'une durée inférieure ou égale à 3 mois.

Cette clause est, comme l'a relevé le premier juge, imprimée en caractères identiques à ceux utilisés pour d'autres clauses moins importantes et sans mise en valeur afin d'attirer l'attention des cocontractants, et contrairement à ce que soutient l'appelante, l'exclusion n'apparaît pas très clairement mais est au contraire incompréhensible pour un consommateur ; il en est de même pour la clause, certes encadrée, selon laquelle le remboursement anticipé est soumis à d'autres modalités si l'opération n'est pas régie par le Code de la Consommation (L. 311-1 et suivants).

Par conséquent l'offre de crédit est soumise aux dispositions du code de la consommation et la décision entreprise sera confirmée sur ce chef.

 

Sur l'irrégularité de l'offre et ses conséquences :

L'article L. 311-33 du code de la consommation prévoyait la déchéance du droit aux intérêts lorsque l'offre préalable ne satisfait pas aux conditions fixées par les articles L. 311-8 à L. 311-13 du même code ; l'article L. 311-13 précité prévoyait que l'offre préalable est établie selon l'un des modèles types, ce qui n'interdisait pas à l'organisme prêteur d'ajouter des clauses, sauf à ce que celles-ci n'aggravent la situation de l'emprunteur ; tel est en l'espèce le cas de la clause de résiliation qui prévoit non seulement la défaillance de l'emprunteur dans ses remboursements mais également le décès de l'emprunteur ou des coemprunteurs, avec restitution immédiate du bien dont le prêteur a conservé la propriété, les conditions de la déchéance du terme étant ainsi aggravées, tant au regard du modèle-type que du droit commun.

C'est ainsi à juste titre que le premier juge a considéré que cette clause abusive, et par conséquent l'irrégularité de l'offre, entraîne la déchéance du droit aux intérêts et leur restitution selon les modalités prévues par l'article L. 311-33 du code de la consommation.

Dans le corps de ses écritures, Consumer Finance indique avoir fourni aux intimés le décompte détaillé des sommes perçues par eux (par l'organisme de prêt) au titre des intérêts, outre les intérêts de ceux-ci au taux légal à compter du jour de leur versement, et ce en exécution de la décision de première instance qui a assorti cette condamnation d'une astreinte, et que les époux X. étant demandeurs initiaux, c'est à eux de justifier du montant des sommes qu'ils réclament au titre des intérêts et frais ; Consumer Finance en déduit que la demande de communication de ce décompte sous astreinte doit être réformée.

Si dans leurs écritures les époux X. conviennent que Consumer Finance a déjà remis le décompte (dernière ligne page 6) et demandent à la cour de confirmer le Jugement en ce qu'il a condamné la société Consumer Finance à restituer les intérêts prélevés avec intérêts au taux légal à compter de leur date de perception (page 6), Consumer Finance ne verse ni ne justifie avoir remis ce décompte, ni par ailleurs les intimés, le jugement entrepris ne condamne pas Consumer Finance à restituer ces intérêts assortis des intérêts au taux légal, et dans le dispositif de leurs écritures, les époux X. ne sollicitent que la confirmation du jugement en toutes ses dispositions.

En application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, la cour confirmera la décision en ce qu'elle a dit Consumer Finance déchue de son droits aux intérêts et a ordonné à Consumer Finance de remettre le décompte précité sous astreinte.

L'article L. 311-33 précité précisait également qu'en cas de déchéance du droit aux intérêts, l'emprunteur n'était tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu.

Par conséquent c'est à juste titre également que la décision entreprise a condamné la Consumer Finance à rembourser les frais réglés par les époux X. à hauteur de 700,30 euros.

C'est aussi conformément aux dispositions de l'article L. 311-29 mais également de l'article L. 311-33 du code de la consommation qu'a été ordonné le remboursement de la somme de 1.656,55 euros, les époux X. indiquant qu'il s'agit de l'indemnité de résiliation anticipée de 4 % du capital remboursé qu'ils ont versée à Finalion ; la Consumer Finance fait observer que 1.656,55 euros ne correspond pas à 4 % de 35.497,44 euros ce qui est exact.

Il ressort des pièces versées aux débats par les époux X. qu'ils ont adressé à Finalion à compter du 17 juin 2003 un chèque de 37.153,99 euros au titre du remboursement anticipé, avant l'échéance du 6-07, que le 3 juillet 2003 Finalion attestait avoir soldé le dossier donc encaissé le chèque, et qu'au 6 juillet 2003 le capital restant dû s'élevait, selon le tableau d'amortissement, à la somme de 35.497,44 euros ; par conséquent les époux X. ont versé en surplus une somme de 1.656,55 euros, qui est effectivement supérieure à 4 % du capital remboursé (1.419,90 euros) ; en l'absence de tout justificatif sur les raisons de cette somme, son remboursement sera également confirmé.

 

Sur les dépens et frais :

La décision entreprise ayant été intégralement confirmée sur l'appel de Consumer Finance, les dépens et frais irrépétibles de première instance seront également confirmés, l'appelante tenue aux dépens d'appel, sa demande de frais irrépétibles rejetée, et elle sera condamnée à verser aux époux X. une somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu des circonstances de l'espèce, il paraît équitable de mettre à la charge de Consumer Finance, professionnel condamné, l'intégralité des droits prévus par l'ancien article L. 141-6 du code de la consommation, devenu R. 631-4.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                              (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

PAR CES MOTIFS :

La Cour,

Confirme le jugement du tribunal d'instance de Rennes en date du 14 octobre 2013 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant ;

Rejette la fin de non- recevoir tirée de la prescription soulevée par la SA CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco et venant aux droits de la société Finalion ;

Condamne la SA CA Consumer Finance, anciennement dénommée Sofinco et venant aux droits de la société Finalion, aux dépens d'appel, qui comprendront le cas échéant l'intégralité des droits proportionnels ou d'encaissement prévus par l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne la même à verser la somme de 2.000 euros aux époux X. ;

Déboute les parties de toutes autres demandes.

LE GREFFIER,                   LE PRÉSIDENT,