CA LYON (6e ch.), 22 mai 2017
CERCLAB - DOCUMENT N° 6888
CA LYON (6e ch.), 22 mai 2017 : RG n° 15/07243
Publication : Jurica
Extraits : 1/ « Qu'en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse ; que les clauses abusives sont réputées non écrites. »
2/ « Attendu que la clause de limitation de responsabilité de l'article 7-1 précitée présente indiscutablement un caractère abusif à l'égard du locataire, dès lors qu'elle n'explicite pas clairement, par une disposition explicite et littérale, que la limitation de garantie en cas de dommage affectant le haut de caisse ou le bas de caisse s'applique en cas de mauvaise appréciation du gabarit du véhicule ; qu'à ce titre le locataire n'est pas clairement informé de cette limitation de garantie à l'occasion de la souscription de la garantie optionnelle de rachat de franchise ; qu'il en résulte un déséquilibre dans les engagements respectifs des contractants au détriment du locataire, lequel en souscrivant cette assurance complémentaire, peut légitimement penser être garanti pour tous les dommages ; qu'en tant que clause abusive, elle doit être réputée non écrite, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les moyens fondés sur la recommandation n° 35.
Attendu qu'en définitive, la confirmation du jugement déféré s'impose en ce qu'il a déclaré nulle comme étant abusive la clause limitative de responsabilité de l'article « 7-2 » (en réalité 7-1) des conditions générales de vente et débouté corrélativement la société Europ Hall de ses demandes en paiement, y compris celle fondée sur la résistance abusive, présentées à l'encontre de monsieur X. »
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
SIXIÈME CHAMBRE
ARRÊT DU 22 MAI 2017
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 15/07243. Décision du Tribunal d'Instance de BOURG-EN-BRESSE, Au fond, du 7 août 2015 : RG n° 11-14-212.
APPELANTE :
SAS EUROP HALL
Représentée par la SCP R. L., avocats au barreau de l'AIN, Assistée de Maître Sophie C.-E., avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉ :
M. X.
né le [date] à [ville], Représenté par la SCP R. ET ASSOCIES, avocats au barreau de l'AIN
Date de clôture de l'instruction : 10 mai 2016
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 4 avril 2017
Date de mise à disposition : 22 mai 2017
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Dominique BOISSELET, président - Michel GAGET, conseiller - Catherine CLERC, conseiller, assistés pendant les débats de Martine SAUVAGE, greffier. A l'audience, Catherine CLERC a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Dominique BOISSELET, président, et par Martine SAUVAGE, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :
Suivant contrat de location numéro 1971652841, monsieur X. a loué pour la période du 13 août 2012 au 16 août 2012, un véhicule utilitaire type camionnette IVECO 12 m² immatriculé XX, auprès de la société SAS Europ Hall (société Europ Hall), dépositaire de la franchise Europcar à Bourg-en-Bresse.
Le 15 août 2012, il est passé avec le véhicule sous une barre d'entrée de parking à [ville C.], occasionnant ainsi des dégâts sur le haut de caisse à l'avant et sur le côté droit de celui-ci, lesquels ont été consignés au retour sur la fiche d'état du véhicule.
Le véhicule ayant été déclaré techniquement réparable par l'expertise automobile à laquelle monsieur X. s'était fait représenté, la société Europ Hall a fait procéder aux réparations moyennant un coût de 6.678,70 euros TTC.
Elle a ensuite adressé à monsieur X. une facture d'un montant de 7.083,67 euros correspondant au montant des réparations, aux frais de dossier prévus par l'article 6 des conditions générales de location et aux frais d'immobilisation pour les 8 jours de travaux conformément à l'article 6 précité.
Par courrier recommandé avec demande d'avis de réception du 22 janvier 2013 la société Europ Hall a mis en demeure monsieur X. de payer cette facture en lui rappelant que la mauvaise appréciation du gabarit du véhicule excluait l'application de la garantie dommages souscrite à la location.
Par acte d'huissier du 18 juillet 2014 la société Europ Hall a assigné monsieur X. devant le tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse en paiement de sa facture, outre dommages et intérêts et frais irrépétibles.
Par jugement contradictoire du 7 août 2015 le tribunal d'instance précité a, tout à la fois :
- dit que la clause limitative de responsabilité de l'article « 7-2 » des conditions générales du contrat de location conclu le 13 août entre les parties est abusive
- dit que ladite clause est réputée non écrite
- débouté la société Europ Hall de l'intégralité de ses demandes
- condamné la société Europ Hall à payer à monsieur X. la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens.
Le tribunal a retenu que la clause de limitation de responsabilité de l'article « 7-2 » des conditions générales de location, bien que circonscrite aux seuls dommages « haut de caisse » ou « sous caisse » avait pour effet de mettre à la charge du non-professionnel, même couvert par une garantie supplémentaire optionnelle, une obligation illimitée de réparation en ce qui concerne ces parties endommagées et créait, ce faisant, un déséquilibre substantiel au profit du loueur.
Par déclaration du 22 septembre 2015 enregistrée au greffe de la cour le même jour, la société Europ Hall a relevé appel général de ce jugement.
Dans ses dernières conclusions déposées électroniquement le 21 décembre 2015 au visa des articles 1147 et 1728 et suivants du code civil, dans leur version alors applicable, la société Europ Hall demande à la cour de statuer comme suit :
- dire et juger que les dispositions relatives à la déchéance de garantie en cas de dommages « haut de caisse » ou « sous caisse » contenues dans les conditions générales de location ne sont pas abusives
- en conséquence, infirmer le jugement du tribunal d'instance de Bourg-en-Bresse et statuant à nouveau :
- dire et juger que monsieur X. n'a pas respecté ses obligations contractuelles,
- dire et juger que la mauvaise appréciation du véhicule faite par monsieur X. exclut l'application de la garantie dommages,
- le condamner à régler à la société Europ Hall,
* la somme de 7.083,67 euros correspondant aux frais de réparation, de dossier et d'immobilisation du véhicule, outre intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure au 22 janvier 2013,
* la somme de 1.000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
* la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- le condamner aux entiers dépens de l'instance.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées électroniquement le 18 février 2016, au visa des articles 1147 et 1153 du code civil, dans leur version alors applicable, des articles L. 111-1 et L. 132-1 du code de commerce et de la recommandation n° 96-02 relative aux locations de véhicules automobiles, monsieur X. sollicite la confirmation du jugement déféré et entend voir la société Europ Hall condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à supporter les entiers dépens.
Il est expressément renvoyé aux dernières conclusions déposées par les parties pour l'exposé exhaustif de leurs moyens et prétentions.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2016 et l'affaire plaidée le 4 avril 2017, a été mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
MOTIFS :
Attendu qu'il résulte des dispositions d'ordre public de l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version issue de la loi 2010-737 du 1er juillet 2010, que dans les contrats conclus entre professionnels et non professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat ;
qu'en cas de litige concernant un contrat comportant une telle clause, le professionnel doit apporter la preuve du caractère non abusif de la clause litigieuse ; que les clauses abusives sont réputées non écrites.
Attendu que selon la recommandation n° 96-02 de la commission des clauses abusives relative aux locations de véhicules automobiles, doivent être éliminées des contrats de location automobile les clauses ayant pour objet ou pour effet de :
- recommandation n° 34 : laisser à la charge du locataire, même s'il a souscrit un rachat de franchise, le coût des dommages relevés sur « la partie supérieure » du véhicule sans préciser cette limitation dans la clause particulière du rachat de franchise, ni préciser que la limitation n'interviendra qu'en cas de mauvaise appréciation du gabarit par le locataire
- recommandation n° 35 : prévoir que la responsabilité du locataire sera engagée même s'il a payé une indemnité de suppression de franchise, sans que cela soit rappelé dans la clause particulière de rachat de franchise et soit limité au caractère intentionnel de la faute du locataire.
Attendu que selon la notice « garanties contractuelles » définissant les garanties pouvant être souscrites par le locataire, la garantie « Pack Sérénité » souscrite par monsieur X. permettait le rachat total des franchises relatives au vol, aux dommages occasionnés au véhicule loué, y compris le bris de glace et la crevaison des pneumatiques, dans des conditions normales d'utilisation.
Attendu qu'il ne peut être opposé à monsieur X. qu'il a été parfaitement informé des conditions de mise en en œuvre de cette garantie pour avoir signé le contrat de location sur lequel figurait une mention selon laquelle il reconnaissait avoir pris connaissance des conditions générales de location qui lui avaient été remises et avoir été informé des conséquences en cas de non souscription des garanties dommages ou vol ;
qu'outre le fait que cette mention était portée en bas du contrat de location, presque à titre confidentiel, il ne peut être objectivement établi que la communication de ces conditions générales est intervenue, aucun paraphe du locataire n'y étant apposé.
Attendu que l'article 7-1 des conditions générales de location, relatif aux garanties contractuelles optionnelles, comprend une clause ainsi libellée :
« Attention : ces garanties, même lorsqu'elles offrent un rachat total de franchise, ne couvrent pas les dommages « haut de caisse » ou « sous caisse », ni les déchéances de garanties ci-après mentionnées à l'article 7-2 qui demeurent applicables »
Que la clause de rachat de franchise souscrite par monsieur X. ne précise pas expressément que la limitation de garantie en cas de dommages relevés sur le haut de caisse ou sous caisse n'interviendra qu'en cas de mauvaise appréciation du gabarit par le locataire ;
qu'ainsi, cette référence au défaut d'appréciation de gabarit est absente dans l'article 7-1 précité que dans la notice « garanties contractuelles », mais également dans le formulaire du contrat de location signé le 13 août 2012 ;
que le respect de cette information ne saurait être validé en l'état de la formule figurant sous l'article 7 « nos garanties contractuelles optionnelles » des conditions générales de location, à savoir :
« Attention : l'ensemble de ces protections ne s'exerce que sur le territoire (voir liste des pays en 1 - définitions) pendant la durée du contrat de location et sous réserve du respect des stipulations des articles 2, 3-2, 4-2 des présentes conditions »
qu'en effet, la circonstance que l'article 3-2 « usage du véhicule » comporte in fine la mention suivante :
« Attention : en cas de mauvaise appréciation du gabarit du véhicule, les chocs hauts de caisse et sous caisse ne sont pas couverts par la garantie dommages sauf à prouver le cas de force majeure »
n'est pas de nature à satisfaire à la recommandation précitée, en ce que cette mention ne figure pas expressément dans l'article relatif aux garanties optionnelles, mais est noyée dans les dispositions concernant l'usage du véhicule ;
que cette mention est par ailleurs incomplète, en ce qu'elle ne vise que la garantie dommages, sans faire référence aux incidences sur la garantie optionnelle de rachat de franchise.
Qu'enfin, quand bien même ces avertissements débutant par « Attention » sont imprimés en caractères gras, ils ne permettent pas au locataire d'accéder clairement à une information directe et utile quant à l'existence d'une limitation de garantie applicable nonobstant la souscription de la garantie optionnelle de rachat total des franchises, spécialement au cas de dommages occasionnés au hauts de caisse et sous caisse résultant de la mauvaise appréciation du gabarit par le locataire.
Attendu que la clause de limitation de responsabilité de l'article 7-1 précitée présente indiscutablement un caractère abusif à l'égard du locataire, dès lors qu'elle n'explicite pas clairement, par une disposition explicite et littérale, que la limitation de garantie en cas de dommage affectant le haut de caisse ou le bas de caisse s'applique en cas de mauvaise appréciation du gabarit du véhicule ;
qu'à ce titre le locataire n'est pas clairement informé de cette limitation de garantie à l'occasion de la souscription de la garantie optionnelle de rachat de franchise ; qu'il en résulte un déséquilibre dans les engagements respectifs des contractants au détriment du locataire, lequel en souscrivant cette assurance complémentaire, peut légitimement penser être garanti pour tous les dommages ;
qu'en tant que clause abusive, elle doit être réputée non écrite, sans qu'il y ait lieu d'examiner plus avant les moyens fondés sur la recommandation n° 35.
Attendu qu'en définitive, la confirmation du jugement déféré s'impose en ce qu'il a déclaré nulle comme étant abusive la clause limitative de responsabilité de l'article « 7-2 » (en réalité 7-1) des conditions générales de vente et débouté corrélativement la société Europ Hall de ses demandes en paiement, y compris celle fondée sur la résistance abusive, présentées à l'encontre de monsieur X.
Attendu que la société Europ Hall, qui succombe, doit supporter les dépens de la procédure d'appel ; que les dépens de première instance seront confirmés à sa charge.
Attendu que la société Europ Hall sera condamnée à verser à monsieur X. une indemnité de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel, la somme allouée par le premier juge au titre de l'article 700 du code de procédure civile devant être par ailleurs confirmée ;
que l'application de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée comme ne se justifiant pas plus en appel qu'en première instance au profit de la société Europ Hall.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Confirme la décision déférée en toutes ses dispositions, sauf à dire que la clause limitative de responsabilité abusive est la clause de l'article 7-1 des conditions générales du contrat de location du 13 août 2012 souscrit entre les parties,
Y ajoutant,
Condamne la SAS Europ Hall à payer à monsieur X. la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la SAS Europ Hall en cause d'appel,
Condamne la SAS Europ Hall aux dépens d'appel.
Le greffier Le président
- 5735 - Code de la consommation - Régime de la protection - Consommateur - Effets - Suppression de la clause - Nature - Clause nulle
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- 5998 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Recommandations de la Commission des clauses abusives - Influence effective
- 6003 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Rédaction et interprétation - Rédaction claire et compréhensible (L. 212-1, al. 1, C. consom.) - Clause confuses
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