CA ORLÉANS (ch. civ. 2), 19 septembre 1995

CERCLAB/CRDP - DOCUMENT N° 704
CA ORLEANS (ch. civ. 2), 19 septembre 1995 : RG n° 93/000015 ; arrêt n° 1325
Extraits : 1/ « Attendu que sont exclues du bénéfice de la loi susvisée les ventes effectuées pour les besoins d'une exploitation agricole industrielle ou commerciale ou d'une activité professionnelle ; Qu'il est constant que le matériel de remise en forme vendu est à usage professionnel, Madame X. l'ayant acquis en vue de la création d'une entreprise ; Qu'il n'est cependant pas établi que Madame X. ait eu, en la matière, des compétences particulières pour avoir exercé, antérieurement, dans le domaine de la remise en forme ; qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une extension d'activité, mais de la création d'une entreprise par une personne encore profane en la matière ; Que Madame X. avait, dès lors, à l'égard de son vendeur, la qualité de simple consommateur et peut donc se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ».
2/ « Attendu qu'est soumis aux dispositions de cette loi le démarchage en vue d'une vente, au domicile d'une personne physique, à sa résidence, ou à son lieu de travail, et ce, même à sa demande ; Que, s'il est évident, eu égard à la spécificité du matériel vendu, et établi par les échanges de courrier versés aux débats, que Madame X. a contacté la société STAR LOOK DIFFUSION de sa propre initiative, il n'en demeure pas moins que le contrat, conclu à [ville] ([département]) où réside l'intimée, après une nécessaire visite des lieux par un représentant du vendeur, entre dans le domaine du démarchage à domicile, étant observé que la société STAR LOOK DIFFUSION ne prétend pas avoir un établissement dans cette ville ; Attendu que les dispositions de l'article 2 de la loi du 22 décembre 1972 devaient donc s'appliquer audit contrat et ce, quelle que soit la longueur des pourparlers antérieurs ».
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE CIVILE SECTION 2
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 1995
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
R.G. n° 93000015. Arrêt n° 1325.
PARTIES EN CAUSE :
SPRL STAR LOOK DIFFUSION
ayant son siège [adresse] (BELGIQUE), agissant en la personne de son représentant légal, APPELANTE, REPRESENTÉE PAR SCP LAVAL-LUEGER, Avoués, ASSISTÉE DE Maître PYRKOSZ (Cabinet CHAUTEMPS), Avocat au barreau de TOURS, D'UNE PART
Madame X. Madame née Y.
[adresse], [minute page 2] INTIMÉE, REPRESENTÉE PAR SCP DUTHOIT-DESPLANQUES, Avoués, ASSISTÉE DE Maître PALHETA, Avocat au barreau de TOURS, D'AUTRE PART
DÉCLARATION D'APPEL EN DATE DU 23/11/1992.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU 11/04/1995.
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors des débats, du délibéré et du prononcé de l'arrêt : Monsieur TAY, Président de Chambre, Monsieur BUREAU, Conseiller, Madame MAGDELEINE, Conseiller,
Greffier : Mademoiselle MOREAU
DÉBATS : A l'audience publique du 9 mai 1995, à laquelle ont été entendus les avocats des parties.
ARRÊT : Prononcé par Madame MAGDELEINE, Conseiller à l'audience publique le 19 septembre 1995.
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
[minute page 3] Par acte sous seing privé du 8 novembre 1990, Madame X. a passé commande à la société de droit belge STAR LOOK DIFFUSION, de six tables de massage, d'une table « side to side », d'un « vibrosaum » et d'un « balnéo scandispa » pour un montant total de 296.500 francs, payable à hauteur d'un tiers à la commande et, pour le solde, au moyen d'un crédit documentaire irrévocable et confirmé. Ce matériel de remise en forme devait être livré le 15 janvier 1990 (sic).
Par jugement du 29 octobre 1992, le Tribunal de Grande Instance de Tours a notamment :
1° déclaré nul et de nul effet le contrat conclu entre les parties le 8 novembre 1990,
2° débouté Madame X. de sa demande de dommages-intérêts,
3° condamné la société STAR LOOK DIFFUSION à payer à Madame X. une indemnité de procédure de 1.500 francs ainsi qu'aux entiers dépens.
La société STAR LOOK DIFFUSION a interjeté appel de cette décision, soulevant l'incompétence ratione loci du Tribunal de Grande Instance de Tours au profit de la juridiction de Liège ; elle se prévaut d'une clause contractuelle attributive de compétence, acceptée en toute connaissance de cause, et qui exclut, en l'espèce, l'article 5 de la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et ce, en application de l'article 17 de cette même convention estimant, que les textes communautaires doivent prédominer sur le droit interne, et, notamment sur l'article 48 du nouveau code de procédure civile ; elle conteste , en outre, à l'intimée, le droit de se prévaloir de sa qualité de consommateur dès lors qu'elle n'a contracté qu'à des fins professionnelles.
[minute page 4] Subsidiairement sur le fond, elle soutient que la version des faits présentée par l'intimée n'est pas établie alors qu'elle même rapporte la preuve de la réalité des événements lesquels font apparaître qu'il n'y a eu aucun démarchage à domicile et que le contrat, confirmé par le versement d'un chèque de 80.000 francs, n'a été soumis à aucune condition suspensive et est donc parfaitement valable et parfait dès sa conclusion. Elle ajoute que les dispositions de la loi du 22 décembre 1972 sont inapplicables en l'espèce.
Elle s'estime fondée à solliciter la résolution du contrat de vente aux torts et griefs de l'intimée, évaluant son préjudice à la somme de 80.000 francs.
Elle demande donc à la cour de :
1° Dire incompétent pour connaître du présent litige le Tribunal de Grande Instance de Tours et renvoyer Madame X. à mieux se pourvoir,
2° Subsidiairement,
* débouter Madame X. de toutes ses demandes fins et conclusions
* déclarer résolue aux torts de Madame X. la convention du 8 novembre 1990
* condamner Madame X. à lui payer la somme de 80.000 francs à titre de dommages-intérêts
3° En tout état de cause, condamner Madame X. au paiement d'une indemnité de procédure de 10.000 francs ainsi qu'aux entiers dépens.
Madame X. maintient avoir fait l'objet d'un démarchage à domicile pour signer un acte d'achat dont elle a rapidement pris conscience qu'il était hors de proportion avec ses disponibilités financières, et dont elle n'a pu obtenir l'annulation malgré ses demandes.
[minute page 5] Elle conclut à l'absence de validité de la clause attributive de compétence figurant au contrat comme une simple clause de style, ne pouvant en aucun cas attirer son attention, de sorte qu'elle a valablement pu attraire la société STAR LOOK DIFFUSION devant la juridiction civile de Tours.
Elle poursuit, au fond, la confirmation de la décision entreprise, le contrat étant non conforme aux dispositions de la loi du 22 décembre 1972 et étant intervenu dans des conditions violant de façon flagrante l’article 4 de cette loi.
A titre infiniment subsidiaire, elle déclare que l'engagement était soumis à la condition suspensive, non réalisée, de l'obtention de concours bancaires et est donc caduc ;
Elle sollicite enfin la condamnation de la société STAR LOOK DIFFUSION à lui verser la somme de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, ainsi qu'une indemnité de procédure de 10.000 francs ;
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur Ce, la Cour,
Attendu sur la compétence que les conditions générales de vente, figurant au verso du bon de commande comportent une clause attributive en faveur des tribunaux de Liège (BELGIQUE) ; que cette page n'est cependant pas signée par Madame X., la simple mention dactylographiée selon laquelle l'acquéreur en aurait pris connaissance étant insuffisante à rapporter la preuve de l'acceptation, par l'intimée, d'une telle clause dérogatoire au droit commun ;
Que si l'article 17 de la Convention de Lugano du 16 septembre 1948, comme l'article 48 du nouveau code de procédure civile, autorisent les prorogations de compétence, il n'en demeure pas moins que tant le droit communautaire, que le droit interne français, qui ne présentent sur ce point aucune antinomie, exigent que soit rapportée la preuve de ce que l'acquéreur a effectivement consenti à cette clause ;
[minute page 6] Attendu que l'appelante, qui a la charge de la preuve, ne l'ayant pas établie, il n'en résulte que le Tribunal de Grande Instance de Tours était compétent pour connaître de la demande, le contrat devant être exécuté dans son ressort et ce, en application des dispositions concordantes de l'article 5 premièrement de la convention de Lugano, et de l'article 46 du nouveau code de procédure civile ;
Attendu au fond, que la société STAR LOOK DIFFUSION soutient que la loi du 22 décembre 1972 est inapplicable en l'espèce, en raison du fait, d'une part que le matériel acquis l'a été pour les besoins professionnels de Madame X. et d'autre part, qu'il ne s'agit pas, en l'espèce, d'une vente à domicile ;
Attendu que sont exclues du bénéfice de la loi susvisée les ventes effectuées pour les besoins d'une exploitation agricole industrielle ou commerciale ou d'une activité professionnelle ;
Qu'il est constant que le matériel de remise en forme vendu est à usage professionnel, Madame X. l'ayant acquis en vue de la création d'une entreprise ;
Qu'il n'est cependant pas établi que Madame X. ait eu, en la matière, des compétences particulières pour avoir exercé, antérieurement, dans le domaine de la remise en forme ; qu'il ne s'agit pas en l'espèce d'une extension d'activité, mais de la création d'une entreprise par une personne encore profane en la matière ;
Que Madame X. avait, dès lors, à l'égard de son vendeur, la qualité de simple consommateur et peut donc se prévaloir des dispositions de la loi du 22 décembre 1972 ;
Attendu qu'est soumis aux dispositions de cette loi le démarchage en vue d'une vente, au domicile d'une personne physique, à sa résidence, ou à son lieu de travail, et ce, même à sa demande ;
[minute page 7] Que, s'il est évident, eu égard à la spécificité du matériel vendu, et établi par les échanges de courrier versés aux débats, que Madame X. a contacté la société STAR LOOK DIFFUSION de sa propre initiative, il n'en demeure pas moins que le contrat, conclu à [ville] ([département]) où réside l'intimée, après une nécessaire visite des lieux par un représentant du vendeur, entre dans le domaine du démarchage à domicile, étant observé que la société STAR LOOK DIFFUSION ne prétend pas avoir un établissement dans cette ville ;
Attendu que les dispositions de l'article 2 de la loi du 22 décembre 1972 devaient donc s'appliquer audit contrat et ce, quelle que soit la longueur des pourparlers antérieurs ;
Que force est de constater que le contrat conclu le 8 novembre 1990 ne reproduit pas les dispositions des articles 2 et 3 de la loi susvisée, ne fait aucune mention de la faculté de renonciation de l'acquéreur, et comporte une clause attributive de compétence ;
Que ces infractions aux dispositions de l'article 2 de la loi sont, pour les deux premières sanctionnées par la nullité du contrat, laquelle est acquise du seul fait de ces omissions, sans qu'il y ait lieu de chercher si le vendeur a eu, ou non, un comportement dolosif ;
Attendu que la décision déférée sera donc confirmée, sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens subsidiaires développés par les parties;
Attendu que Madame X. ne démontre pas en quoi la société STAR LOOK DIFFUSION aurait abusivement usé du droit légitime d'appel ;
Attendu qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Madame X. les frais irrépétibles par elle exposés ;
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort,
REÇOIT la société STAR LOOK DIFFUSION en son appel, l'y déclare mal fondée,
[minute page 8] DIT que le Tribunal de Grande instance de Tours était compétent pour connaître de la demande de Madame X.,
Au fond, confirme en toutes ses dispositions la décision déférée,
DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la société STAR LOOK DIFFUSION aux dépens,
ACCORDE à la SCP DUTHOIT-DESPLANQUE, avoués, le droit prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile,
ET le présent arrêt a été signé par le Président et le Greffier.
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