CJUE (1re ch.), 3 avril 2014
CERCLAB - DOCUMENT N° 7051
CJUE (1re ch.), 3 avril 2014 : Affaire C‑342/13
Publication : Site Curia.
Extrait : « L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment :
- vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et
- tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.
Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause. ».
COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE
PREMIÈRE CHAMBRE
ORDONNANCE DU 3 AVRIL 2014
ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Dans l’affaire C‑342/13, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Szombathelyi Törvényszék (Hongrie), par décision du 16 mai 2013, parvenue à la Cour le 24 juin 2013, dans la procédure
Katalin Sebestyén
contre
Zsolt Csaba Kővári,
OTP Bank,
OTP Faktoring Követeléskezelő Zrt,
Raiffeisen Bank Zrt,
LA COUR (première chambre),
composée de M. A. Tizzano (rapporteur), président de chambre, MM. A. Borg Barthet, E. Levits, S. Rodin et F. Biltgen, juges,
avocat général : M. N. Wahl,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
EXPOSÉ DU LITIGE (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Ordonnance :
1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29).
2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Sebestyén à Zsolt Csaba Kővári, à OTP Bank, à OTP Faktoring Követeléskezelő Zrt et à Raiffeisen Bank Zrt au sujet de sa demande visant à faire constater la nullité des clauses compromissoires contenues dans un contrat conclu avec Raiffeisen Bank Zrt aux fins de l’octroi d’un prêt hypothécaire.
Le cadre juridique :
Le droit de l’Union :
3. Le douzième considérant de la directive 93/13 énonce :
« considérant [...] que, notamment, seules les clauses contractuelles n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle font l’objet de la présente directive ; [...] »
4. L’article 3 de cette directive dispose :
« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.
2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.
Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.
Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.
3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »
5. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive :
« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »
6. L’article 5 de la directive 93/13 prévoit :
« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »
7. L’article 6, paragraphe 1, de ladite directive est libellé comme suit :
« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »
8. L’annexe de la même directive énumère les clauses visées à l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci. Le point 1, sous q), de cette annexe est libellé comme suit :
« Clauses ayant pour objet ou pour effet :
[...]
q) de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant le consommateur à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales, [...] »
Le droit hongrois :
9. L’article 209 de la loi n° IV de 1959, instituant le code civil (Polgári törvénykönyvről szóló 1959. évi IV. törvény), dans sa version applicable à l’affaire au principal, est libellé comme suit :
« 1. Une condition générale contractuelle ou une clause d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle est abusive lorsqu’elle détermine, unilatéralement et sans justification, et en violation des exigences de la bonne foi et de la loyauté, les droits et obligations des parties au détriment du promettant.
2. Afin d’apprécier la nature abusive de la clause, il est tenu compte de toutes les circonstances ayant entouré la conclusion du contrat qui ont abouti à celle-ci, ainsi que de la nature des services prévus et des rapports entre la clause concernée, d’une part, et les autres stipulations du contrat ou d’autres contrats, d’autre part.
3. Des dispositions spéciales peuvent désigner les clauses considérées comme abusives dans un contrat conclu avec un consommateur ou devant être considérées comme telles jusqu’à preuve du contraire.
4. Les dispositions relatives aux clauses contractuelles abusives ne sont pas applicables aux stipulations qui définissent la prestation principale ni à celles qui déterminent la proportion entre la prestation et la contrepartie.
5. Une clause contractuelle ne peut pas être considérée comme abusive si elle est imposée par ou en vertu d’une disposition législative ou réglementaire. »
10. La loi n° LXXI de 1994, relative à l’arbitrage, prévoit, à son article 3, paragraphe 1, qu’un litige peut être résolu par un arbitrage plutôt que par voie juridictionnelle lorsque :
« a) au moins une des parties est une personne exerçant professionnellement une activité économique et le litige se rapporte à cette activité, et que
b) les parties peuvent librement transiger sur l’objet de la procédure et
c) ont prévu l’arbitrage dans une clause compromissoire. »
11. L’article 5, paragraphe 1, de ladite loi définit comme convention d’arbitrage une convention conclue entre les parties en vertu de laquelle des litiges nés ou susceptibles de naître de rapports contractuels ou extracontractuels déterminés sont soumis à un tribunal arbitral.
12. En vertu de l’article 8, paragraphe 1, de la loi n° LXXI de 1994, la juridiction qui est saisie d’un recours dans une affaire entrant dans le champ d’application de la convention d’arbitrage doit, sauf pour ce qui est des recours visés à l’article 54 de cette loi, rejeter la requête comme irrecevable sans convoquer les parties, ou doit, si une partie le demande, clore l’affaire sauf si elle constate que la convention d’arbitrage est inexistante, nulle, sans effet ou impossible à mettre en œuvre.
13. Selon l’article 54 de la loi n° LXXI de 1994, il ne peut pas être fait appel d’une sentence arbitrale. Une juridiction ne peut être saisie que d’une demande d’annulation d’une sentence pour les motifs déterminés à l’article 55 de cette loi.
14. Le décret gouvernemental n° 18/1999, relatif aux clauses des contrats conclus avec les consommateurs considérées comme abusives [A fogyasztóval kötött szerződésben tisztességtelennek minősülő feltételekről szóló 18/1999. (II. 5.) Kormányrendelet], prévoit, à son article 1er, paragraphe 1, qu’est considérée comme abusive toute clause d’un contrat de prêt conclu avec un consommateur qui :
« [...]
i) exclut ou limite les possibilités pour le consommateur de recourir aux voies de droit prévues par la loi ou convenues par les parties, sauf si elle remplace simultanément celles-ci par d’autres modes de règlement des litiges déterminés par la loi ;
[...] »
Le litige au principal et les questions préjudicielles :
15. Le 15 octobre 2008, Mme Sebestyén a conclu avec Raiffeisen Bank Zrt un contrat de prêt hypothécaire ainsi qu’une convention d’hypothèque. Dans ces actes, les parties sont convenues que, en cas de survenance entre elles d’un litige portant sur ledit contrat ou ladite convention, seul serait compétent, sous réserve de quelques exceptions spécifiquement prévues, un collège de trois arbitres du Pénz- és Tőkepiaci Állandó Választottbíróság (tribunal arbitral permanent des marchés financiers et des capitaux).
16. Les parties ont également prévu dans lesdits actes la compétence exclusive du Pesti Központi kerületi bíróság (tribunal d’arrondissement de Pest-Centre) ou de la Fővárosi Bíróság (Cour de Budapest), selon le montant du litige, pour les procédures d’injonction de payer et l’éventuelle procédure ordinaire se déroulant en cas d’opposition du débiteur.
17. Ainsi qu’il ressort de la décision de renvoi, avant la signature du contrat de prêt hypothécaire et de la convention d’hypothèque, la banque a fourni à Mme Sebestyén des informations concernant les différences entre les règles de procédure applicables, respectivement, aux tribunaux arbitraux et aux tribunaux ordinaires. En outre, lors de la signature de ce contrat et de cette convention, la banque a notamment attiré l’attention de Mme Sebestyén sur le fait que la procédure arbitrale ne comporte qu’une seule instance et que des appels ne peuvent pas être formés et lui a signalé que les dépens liés à l’introduction et à la poursuite d’une procédure arbitrale dépassent, en général, ceux de la procédure ordinaire.
18. Toutefois, estimant que les clauses compromissoires contenues dans ledit contrat et ladite convention, d’une part, avaient mis Raiffeisen Bank Zrt dans une situation avantageuse et, d’autre part, avaient limité, de façon injustifiée, son droit constitutionnel d’ester en justice, Mme Sebestyén a demandé au Szombathelyi Törvényszék de constater la nullité desdites clauses.
19. Dans ces conditions, le Szombathelyi Törvényszék a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Faut-il considérer comme abusive au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la [directive 93/13], une clause contractuelle en vertu de laquelle la compétence pour connaître de tout litige né dans le cadre d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et une banque est exclusivement accordée à un collège de trois arbitres du Pénz- és Tőkepiaci Állandó Választottbíróság ?
2) Faut-il considérer une clause contractuelle en vertu de laquelle la compétence pour connaître de tout litige né dans le cadre d’un contrat de prêt conclu entre un consommateur et une banque est exclusivement accordée à un collège de trois arbitres du Pénz- és Tőkepiaci Állandó Választottbíróság, sous les réserves prévues par ledit contrat, comme abusive au regard de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, en dépit du fait que ledit contrat comporte des informations générales sur les différences existant entre la procédure régie par la loi n° LXXI de 1994 [...] et la procédure juridictionnelle ordinaire? »
MOTIFS (justification de la décision) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Sur les questions préjudicielles :
20. En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée à titre préjudiciel ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut, après avoir entendu l’avocat général, à tout moment, statuer par voie d’ordonnance motivée.
21. Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.
22. Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit être considérée comme abusive, au sens de cette disposition, et cela alors même que, avant la signature dudit contrat, le consommateur a reçu des informations générales sur les différences existant entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire.
23. À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13, seules entrent dans le champ d’application de celle-ci les clauses figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle (arrêt Constructora Principado, C‑226/12, EU:C:2014:10, point 18).
24. À cet égard, l’article 3, paragraphe 2, de ladite directive prévoit qu’une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion (ordonnance Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 57).
25. Il importe également de préciser que, selon une jurisprudence constante, la compétence de la Cour en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive », visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de ladite directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en découle que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (arrêt Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée).
26. Cela étant, il y a lieu de relever que, en se référant aux notions de bonne foi et de déséquilibre significatif au détriment du consommateur entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat, l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne définit que de manière abstraite les éléments qui confèrent un caractère abusif à une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle (voir arrêts Freiburger Kommunalbauten, C‑237/02, EU:C:2004:209, point 19, et Pannon GSM, C‑243/08, EU:C:2009:350, point 37).
27. À cet égard, la Cour a jugé que, aux fins de déterminer si une clause crée, au détriment du consommateur, un « déséquilibre significatif » entre les droits et les obligations des parties découlant d’un contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables en droit national en l’absence d’un accord des parties en ce sens. C’est au moyen d’une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur. De même, il apparaît pertinent, à ces fins, de procéder à un examen de la situation juridique dans laquelle se trouve ledit consommateur au vu des moyens dont il dispose, selon la réglementation nationale, pour faire cesser l’utilisation de clauses abusives (voir arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 68).
28. S’agissant du point de savoir dans quelles circonstances un tel déséquilibre est créé « en dépit de l’exigence de bonne foi », il importe de constater que, eu égard au seizième considérant de la directive 93/13, le juge national doit vérifier à ces fins si le professionnel, en traitant de façon loyale et équitable avec le consommateur, pouvait raisonnablement s’attendre à ce que ce dernier accepte une telle clause à la suite d’une négociation individuelle (voir arrêt Aziz, EU:C:2013:164, point 69).
29. En outre, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion (arrêts Pannon GSM, EU:C:2009:350, point 39, et VB Pénzügyi Lízing, C‑137/08, EU:C:2010:659, point 42). Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable au contrat, ce qui implique un examen du système juridique national (voir arrêt Freiburger Kommunalbauten, EU:C:2004:209, point 21, et ordonnance Pohotovosť, EU:C:2010:685, point 59).
30. C’est à la lumière de ces critères qu’il appartient au Szombathelyi Törvényszék d’apprécier le caractère abusif de la clause compromissoire en cause au principal.
31. À cet égard, il y a lieu de souligner que l’annexe de la directive 93/13, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de celle-ci, contient une liste indicative et non exhaustive des clauses qui peuvent être déclarées abusives (voir arrêt Invitel, C‑472/10, EU:C:2012:242, point 25 et jurisprudence citée), parmi lesquelles figurent, au point 1, sous q), de cette annexe, précisément les clauses ayant pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, notamment en obligeant celui-ci à saisir exclusivement une juridiction d’arbitrage non couverte par des dispositions légales.
32. Si le contenu de l’annexe de la directive 93/13 n’est pas de nature à établir automatiquement et à lui seul le caractère abusif d’une clause litigieuse, il constitue, cependant, ainsi que la Cour l’a déjà jugé, un élément essentiel sur lequel le juge compétent peut fonder son appréciation du caractère abusif de cette clause (arrêt Invitel, EU:C:2012:242, point 26).
33. En outre, s’agissant de la question de savoir si une clause telle que celle en cause au principal peut être considérée comme abusive en dépit du fait que le consommateur a reçu avant la conclusion du contrat des informations générales sur les différences existant entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire, il convient de souligner que la Cour a déjà jugé, dans le contexte de l’article 5 de la directive 93/13, que l’information, avant la conclusion d’un contrat, relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier par les conditions préalablement rédigées par le professionnel (arrêt Constructora Principado, EU:C:2014:10, point 25 et jurisprudence citée).
34. Toutefois, et en admettant même que des informations générales reçues par le consommateur avant la conclusion d’un contrat satisfassent aux exigences de clarté et de transparence découlant de l’article 5 de ladite directive, cette circonstance ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif d’une clause telle que celle en cause au principal.
35. Si la juridiction nationale concernée aboutit à la conclusion que la clause en cause au principal doit être considérée comme abusive au sens de la directive 93/13, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive, il incombe alors à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que le consommateur n’est pas lié par ladite clause (voir, en ce sens, arrêt Asturcom Telecomunicaciones, C‑40/08, EU:C:2009:615, point 59).
36. Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux questions posées que l’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13 ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment :
- vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et
- tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.
Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.
Sur les dépens :
37. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
DISPOSITIF (décision proprement dite) (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)
Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :
L’article 3, paragraphes 1 et 3, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, ainsi que le point 1, sous q), de l’annexe de cette directive doivent être interprétés en ce sens qu’il appartient à la juridiction nationale concernée de déterminer si une clause contenue dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre une banque et un consommateur, attribuant la compétence exclusive à un tribunal arbitral permanent, dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours de droit interne, pour connaître de tout litige né dans le cadre de ce contrat doit, au regard de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion dudit contrat, être considérée comme abusive au sens de ces dispositions. Dans le cadre de cette appréciation, la juridiction nationale concernée doit notamment :
- vérifier si la clause en question a pour objet ou pour effet de supprimer ou d’entraver l’exercice d’actions en justice ou des voies de recours par le consommateur, et
- tenir compte du fait que la communication au consommateur, avant la conclusion du contrat en cause, d’informations générales sur les différences existantes entre la procédure arbitrale et la procédure juridictionnelle ordinaire ne saurait, à elle seule, permettre d’exclure le caractère abusif de cette clause.
Dans l’affirmative, il incombe à ladite juridiction de tirer toutes les conséquences qui en découlent selon le droit national afin de s’assurer que ce consommateur n’est pas lié par ladite clause.
Signatures
- 5837 - Code de la consommation - Domaine d’application - Contrat - Nature du contrat : contrat d’adhésion
- 5980 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Contrôle judiciaire - CJUE
- 5988 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Clause conformes : principes
- 5989 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Lois et règlements - Clause conformes : conséquences
- 5995 - Code de la consommation - Notion de clauses abusives - Cadre général - Normes de référence - Annexe à la Directive 93/13/CEE du 5 avril 1993 et à l’ancien art. L. 132-1 C. consom.
- 6146 - Code de la consommation - Notion de clause abusive - Présentation par clause - Clauses sur l’accès au juge - Clause compromissoire (arbitrage)