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CJUE (1re ch.), 16 janvier 2014

Nature : Décision
Titre : CJUE (1re ch.), 16 janvier 2014
Pays : UE
Juridiction : Cour de Justice de l'UE (1re ch.)
Demande : C 226/12
Date : 16/01/2014
Nature de la décision : Question préjudicielle (CJUE)
Mode de publication : Site Curia (CJUE)
Date de la demande : 14/05/2012
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CERCLAB - DOCUMENT N° 7129

CJUE (1re ch.), 16 janvier 2014 : Affaire C‑226/12

Publication : Site Curia

 

Extrait : « L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que : - l’existence d’un «déséquilibre significatif» ne requiert pas nécessairement que les coûts mis à la charge du consommateur par une clause contractuelle aient à l’égard de celui-ci une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause, mais peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle ce consommateur, en tant que partie au contrat, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux‑ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales ; - il incombe à la juridiction de renvoi, afin d’apprécier l’existence éventuelle d’un déséquilibre significatif, de tenir compte de la nature du bien ou du service qui fait l’objet du contrat, en se référant à toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion de ce contrat, de même qu’à toutes les autres clauses de celui-ci. ».

 

COUR DE JUSTICE DE L’UNION EUROPÉENNE

PREMIÈRE CHAMBRE

ARRÊT DU 16 JANVIER 2014

 

ÉLÉMENTS D’IDENTIFICATION DE LA DÉCISION       (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Dans l’affaire C‑226/12, ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Audiencia Provincial de Oviedo (Espagne), par décision du 7 mai 2012, parvenue à la Cour le 14 mai 2012, dans la procédure

Constructora Principado SA

contre

José Ignacio Menéndez Álvarez,

 

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, M. A. Borg Barthet et Mme M. Berger (rapporteur), juges,

avocat général : M. N. Wahl,

greffier : M. A. Calot Escobar,

Vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées:

- pour M. Menéndez Álvarez, par lui-même,

- pour le gouvernement espagnol, par Mme S. Centeno Huerta, en qualité d’agent,

- pour le gouvernement tchèque, par M. M. Smolek et Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,

- pour la Commission européenne, par MM. M. van Beek et J. Baquero Cruz ainsi que par Mme M. Owsiany-Hornung, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

 

EXPOSÉ DU LITIGE                                                           (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Arrêt

1. La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29, ci-après la «directive»).

2. Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Constructora Principado SA (ci-après «Constructora Principado») à M. Menéndez Álvarez au sujet du remboursement de certaines sommes acquittées par ce dernier en exécution d’un contrat de vente immobilière conclu avec cette société.

 

Le cadre juridique :

Le droit de l’Union

3. L’article 3 de la directive dispose :

« 1. Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2. Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

[...]

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

3. L’annexe contient une liste indicative et non exhaustive de clauses qui peuvent être déclarées abusives. »

4. Aux termes de l’article 4, paragraphe 1, de la directive :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

5. L’article 5 de la directive prévoit :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. [...] »

 

Le droit espagnol

6. En Espagne, la protection des consommateurs contre les clauses abusives a été, tout d’abord, assurée par la loi générale 26/1984 relative à la protection des consommateurs et des usagers (Ley General 26/1984 para la Defensa de los Consumidores y Usuarios), du 19 juillet 1984 (BOE no 176, du 24 juillet 1984, p. 21686).

7. La loi générale 26/1984 a été, ensuite, modifiée par la loi 7/1998 relative aux conditions générales des contrats (Ley 7/1998 sobre condiciones generales de la contratación), du 13 avril 1998 (BOE no 89, du 14 avril 1998, p. 12304), qui a transposé la directive dans le droit interne espagnol.

8. À la date de la conclusion du contrat qui fait l’objet du litige au principal, la loi générale 26/1984, telle que modifiée par la loi 7/1998, disposait à son article 10 bis, paragraphe 1 :

« Sont considérées comme clauses abusives toutes les dispositions n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle et toutes les pratiques non consenties expressément, qui, en dépit de l’exigence de bonne foi, créent au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. En tout état de cause, sont considérées comme clauses abusives les dispositions énoncées dans la première disposition additionnelle de la présente loi.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste du contrat.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe.

Le caractère abusif d’une clause est apprécié compte tenu de la nature des biens ou des services faisant l’objet du contrat et compte tenu de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat, ainsi que de toutes les autres clauses de ce contrat ou d’un autre dont ce dernier dépendrait. »

 

Le litige au principal et la question préjudicielle :

9. Le 26 juin 2005, M. Menéndez Álvarez a conclu avec Constructora Principado un contrat portant sur la vente d’un logement (ci-après le « contrat »). La clause 13 de ce contrat était libellée comme suit :

« L’acheteur est redevable de l’impôt municipal sur l’augmentation de la valeur des biens de nature urbaine, cela ayant été pris en compte pour l’établissement du prix des immeubles faisant l’objet du contrat.

L’acheteur est également redevable des frais d’abonnements individuels pour les diverses consommations telles que l’eau, le gaz, l’électricité, les égouts, etc., même lorsqu’ils ont été avancés par le vendeur. »

10. Dans un premier temps, M. Menéndez Álvarez a acquitté une somme totale de 1.223,87 euros, dont 1.000 euros au titre de l’impôt municipal sur l’augmentation de la valeur des biens de nature urbaine (ci‑après l’« impôt sur la plus-value ») et 223,87 euros au titre du rattachement du logement au réseau d’eau et d’égouts.

11. Dans un second temps, M. Menéndez Álvarez a introduit devant le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Oviedo un recours à l’encontre de Constructora Principado en vue d’obtenir le remboursement desdits montants. Cette demande était fondée sur le fait que la clause 13 du contrat, en exécution de laquelle l’acquéreur avait dû payer ceux-ci, devait être considérée comme abusive en vertu de l’article 10 bis de la loi générale 26/1984, telle que modifiée par la loi 7/1998, dans la mesure où elle n’avait pas fait l’objet d’une négociation et où elle entraînait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.

12. En défense, Constructora Principado a fait valoir que ladite clause avait été négociée avec l’acheteur et qu’il n’existait pas de déséquilibre significatif si le montant des sommes réclamées était rapporté au prix total payé par ce dernier pour l’acquisition de son logement.

13. Par jugement du 28 septembre 2011, le Juzgado de Primera Instancia no 2 de Oviedo a accueilli le recours, en estimant que la clause en question est abusive, dès lors qu’elle porte atteinte aux intérêts du consommateur en lui imposant des charges qui ne lui incombaient pas, et que, par ailleurs, il n’est pas établi qu’elle ait fait l’objet d’une négociation spécifique avec ce dernier.

14. Constructora Principado a interjeté appel dudit jugement en soutenant que la clause litigieuse avait fait l’objet d’une négociation individuelle, cette clause précisant elle-même que la prise en charge de l’impôt sur la plus-value par le consommateur avait été prise en compte pour la détermination du prix de l’immeuble vendu. Cette société a également réaffirmé qu’il n’existait pas de déséquilibre significatif entre les parties dès lors que l’appréciation d’un tel déséquilibre ne saurait se limiter à la prise en compte d’une clause déterminée, mais devrait impliquer la prise en considération du contrat dans sa totalité et une pondération de l’ensemble des clauses.

15. M. Menéndez Álvarez a demandé la confirmation du jugement de première instance. Selon lui, le montant de l’impôt sur la plus-value qu’il a acquitté et la proportion que représente ce montant par rapport au prix du logement sont dénués de pertinence. Le déséquilibre caractéristique du caractère abusif de la clause 13 du contrat serait constitué par le seul fait que cette clause met à la charge du consommateur le paiement d’un impôt auquel il n’est pas légalement assujetti.

16. C’est dans ces conditions que l’Audiencia Provincial de Oviedo a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« Dans le cas d’une clause contractuelle qui comporte la répercussion sur le consommateur d’une obligation de paiement qui incombe légalement au professionnel, le déséquilibre visé à l’article 3, paragraphe 1, de la directive [...] doit-il être interprété en ce sens qu’il se produit du seul fait qu’une obligation de paiement qui incombe légalement au professionnel est répercutée sur le consommateur, ou bien le fait que la directive exige que le déséquilibre soit significatif implique-t-il, en outre, que la répercussion économique sur le consommateur soit significative par rapport au montant total de l’opération ? »

 

MOTIFS (justification de la décision)                                  (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Sur la question préjudicielle :

17. Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la notion de « déséquilibre significatif », qui figure parmi les critères généraux énoncés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive pour définir une clause abusive, doit être interprétée comme impliquant que les coûts mis à la charge du consommateur par une telle clause aient, à l’égard de celui-ci, une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause ou que seuls les effets d’une telle clause sur les droits et obligations du consommateur doivent être pris en considération.

18. À titre liminaire, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de l’article 3, paragraphe 1, de la directive, seules entrent dans le champ d’application de celle‑ci les clauses figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

19. Or, il ressort de la décision de renvoi que, dans le litige au principal, les parties s’opposent sur le point de savoir si la clause 13 du contrat a fait, ou non, l’objet d’une négociation individuelle. Il appartient donc à la juridiction de renvoi de se prononcer sur cette question, en prenant en considération les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve prévues à cet égard à l’article 3, paragraphe 2, premier et troisième alinéas, de la directive, lesquelles prévoient, notamment, que, si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve incombe à ce dernier.

20. Outre cette observation liminaire, il importe également de préciser que, selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de cette dernière en la matière porte sur l’interprétation de la notion de «clause abusive», visée à l’article 3, paragraphe 1, de la directive et à l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer lors de l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive, étant entendu qu’il appartient audit juge de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle particulière en fonction des circonstances propres au cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (voir arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, point 66 et jurisprudence citée).

21. À cet égard, la Cour a jugé que, afin de savoir si une clause crée, au détriment du consommateur, un « déséquilibre significatif » entre les droits et obligations des parties découlant d’un contrat, il convient notamment de tenir compte des règles applicables en droit national en l’absence d’un accord des parties en ce sens. C’est au moyen d’une telle analyse comparative que le juge national pourra évaluer si et, le cas échéant, dans quelle mesure le contrat place le consommateur dans une situation juridique moins favorable par rapport à celle prévue par le droit national en vigueur (voir arrêt Aziz, précité, point 68).

22. Il apparaît ainsi que la question de savoir si un tel déséquilibre significatif existe ne saurait se limiter à une appréciation économique de nature quantitative, reposant sur une comparaison entre le montant total de l’opération ayant fait l’objet du contrat, d’une part, et les coûts mis à la charge du consommateur par cette clause, d’autre part.

23. Au contraire, un déséquilibre significatif peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux‑ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales.

24. À cet égard, la Cour a rappelé que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, de la directive, le caractère abusif d’une clause contractuelle doit être apprécié en tenant compte de la nature des biens ou des services qui font l’objet du contrat en cause et en se référant à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses de ce contrat (voir arrêt du 21 février 2013, Banif Plus Bank, C‑472/11, point 40). Il en découle que, dans cette perspective, doivent également être appréciées les conséquences que ladite clause peut avoir dans le cadre du droit applicable à un tel contrat, ce qui implique un examen du système juridique national (voir arrêt Aziz, précité, point 71).

25. La Cour a également souligné, dans le contexte de l’article 5 de la directive, que l’information, avant la conclusion d’un contrat, relative aux conditions contractuelles et aux conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier par les conditions préalablement rédigées par le professionnel (arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C‑92/11, point 44).

26. S’agissant, en particulier, de la première obligation mise à la charge du consommateur par la clause 13 du contrat, à savoir le paiement de l’impôt sur la plus-value, il ressort du dossier soumis à la Cour qu’elle a pour effet de transférer au consommateur, en sa qualité d’acquéreur, une dette fiscale qui, selon la législation nationale applicable, incombe au professionnel, en sa qualité de vendeur et en tant que bénéficiaire de l’avantage économique soumis à taxation, à savoir la plus-value réalisée du fait de l’augmentation de la valeur de l’immeuble vendu. Il semble ainsi que, tandis que le professionnel tire profit d’une telle augmentation de la valeur du bien qu’il vend, le consommateur doive verser non seulement un prix de vente incorporant la plus-value acquise par ce bien, mais encore une taxe assise sur cette plus-value. En outre, selon les observations écrites soumises à la Cour par M. Menéndez Álvarez, le montant de cette taxe n’est pas connu à la date de la conclusion du contrat, mais n’est établi qu’a posteriori par l’autorité compétente, ce qui, si tel est le cas, impliquerait une incertitude du consommateur quant à l’étendue de l’engagement contracté.

27. Il incombe à la juridiction de renvoi, tout d’abord, de vérifier si, au regard du droit interne espagnol, les faits du litige au principal correspondent à la situation telle que décrite au point précédent. Il lui appartient, ensuite, d’apprécier si la clause 13 du contrat, en ce qu’elle met à la charge du consommateur une obligation supplémentaire non prévue par les règles du droit national, constitue une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle le consommateur, en tant que partie au contrat en cause, est placé en vertu des dispositions nationales applicables. Le cas échéant, il lui incombe, enfin, de vérifier si l’information reçue par le consommateur avant la conclusion du contrat satisfait aux exigences qui découlent de l’article 5 de la directive.

28. En ce qui concerne la seconde obligation mise à la charge du consommateur par la clause 13 du contrat, à savoir le paiement de sommes correspondant aux frais d’abonnements individuels pour les diverses consommations telles que l’eau, le gaz, l’électricité et les égouts, il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier si celles‑ci incluent les frais de rattachement à des installations générales indispensables pour assurer le caractère habitable d’un logement, frais dont la charge incomberait, selon les règles nationales applicables, au vendeur au titre de son obligation contractuelle de livrer un logement conforme à sa destination, à savoir en état d’habitation. Si tel est le cas, il lui appartient d’apprécier si ladite clause contractuelle, en ce qu’elle restreint les droits que, selon les règles du droit national, le consommateur tire du contrat et met à sa charge une obligation supplémentaire non prévue par ces règles, constitue une atteinte suffisamment grave à la situation juridique que le droit national confère audit consommateur en tant que partie au contrat.

29. Il convient d’ajouter que la mention, dans la clause 13 du contrat, selon laquelle la prise en charge par le consommateur de l’impôt sur la plus-value a été prise en compte dans la détermination du prix de vente, ne saurait, à elle seule, constituer la preuve d’une contrepartie dont aurait bénéficié le consommateur. En effet, afin de garantir l’effectivité du contrôle des clauses abusives, la preuve d’une diminution du prix en contrepartie de l’acceptation, par le consommateur, d’obligations supplémentaires ne saurait être apportée par l’inclusion, par le professionnel, d’une simple affirmation à cet effet dans une clause contractuelle n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

30. Au vu des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la question posée que l’article 3, paragraphe 1, de la directive doit être interprété en ce sens que :

- l’existence d’un «déséquilibre significatif» ne requiert pas nécessairement que les coûts mis à la charge du consommateur par une clause contractuelle aient à l’égard de celui-ci une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause, mais peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle ce consommateur, en tant que partie au contrat, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux-ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales;

- il incombe à la juridiction de renvoi, afin d’apprécier l’existence éventuelle d’un déséquilibre significatif, de tenir compte de la nature du bien ou du service qui fait l’objet du contrat, en se référant à toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion de ce contrat, de même qu’à toutes les autres clauses de celui-ci.

 

Sur les dépens :

31. La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

 

DISPOSITIF (décision proprement dite)                             (N.B. : mention ne figurant pas sur l’original)

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

L’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doit être interprété en ce sens que :

- l’existence d’un « déséquilibre significatif » ne requiert pas nécessairement que les coûts mis à la charge du consommateur par une clause contractuelle aient à l’égard de celui-ci une incidence économique significative au regard du montant de l’opération en cause, mais peut résulter du seul fait d’une atteinte suffisamment grave à la situation juridique dans laquelle ce consommateur, en tant que partie au contrat, est placé en vertu des dispositions nationales applicables, que ce soit sous la forme d’une restriction au contenu des droits que, selon ces dispositions, il tire de ce contrat ou d’une entrave à l’exercice de ceux‑ci ou encore de la mise à sa charge d’une obligation supplémentaire, non prévue par les règles nationales;

- il incombe à la juridiction de renvoi, afin d’apprécier l’existence éventuelle d’un déséquilibre significatif, de tenir compte de la nature du bien ou du service qui fait l’objet du contrat, en se référant à toutes les circonstances qui ont entouré la conclusion de ce contrat, de même qu’à toutes les autres clauses de celui-ci.